Intervention de étienne Thobois

Réunion du 7 octobre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

étienne Thobois, directeur général de l'association « Ambition olympique et paralympique Paris 2024 » :

Avant de commencer, je me permets d'excuser Bernard Lapasset, retenu à Londres dans le cadre de la Coupe du monde de rugby – il doit gérer quelques événements importants, notamment après la défaite de nos amis anglais. En fait, il travaille très concrètement à la candidature, en accueillant en ce moment même un peu plus de 25 membres du Comité international olympique (CIO), ce qui lui permet d'avoir des entretiens bilatéraux qui s'avéreront très utiles pour la constitution de notre dossier de candidature.

Pour parler des Jeux olympiques, rien de mieux que quelques images. (Les députés sont invités à regarder un film en anglais, de quelques minutes, sur les Jeux olympiques.)

En gérant au plus haut niveau le sport mondial, le Comité international olympique fait vivre le sport mondial. Ce petit film vous a montré que, loin des idées reçues et parfois des amalgames faits avec d'autres organisations, le CIO se comporte comme le grand argentier du sport mondial en redistribuant la quasi-totalité du produit marketing qu'il génère grâce aux JO – droits de télévision, TOP programme, sponsoring –, au travers de quatre axes de financement.

Le premier est le financement de l'organisation des Jeux olympiques. Dans le cadre de notre projet, le CIO s'est déjà engagé à reverser a minima 1,7 milliard de dollars à l'organisateur des Jeux olympiques de 2024. Cela a été le cas pour les Jeux de Londres, ce sera le cas pour Tokyo, et pour les Jeux d'été comme d'hiver, Jeux de la Jeunesse compris.

Deuxième axe de financement : la solidarité olympique, c'est-à-dire le financement de programmes sur toute la planète pour permettre l'accès au sport du plus grand nombre. Cela va des programmes de sport pour tous jusqu'aux programmes de soutien à des athlètes de pays en voie de développement pour leur offrir la chance de participer aux Jeux. C'est ce type de fonds que le CIO utilise pour réagir à l'actualité : il a, par exemple, débloqué 2 millions de dollars en faveur des migrants, afin de leur permettre de bénéficier dans les camps d'activités physiques et sportives et ainsi d'améliorer leur vie au quotidien.

Troisième axe : le financement des comités nationaux olympiques. Au nombre de 205 à travers le monde, chacun d'eux reçoit des subsides du CIO de manière annuelle. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) reçoit, chaque année, un montant relativement significatif afin de promouvoir le sport pour tous.

Quatrième axe : le financement des fédérations internationales. Les revenus de certaines fédérations internationales, celles qui gèrent les sports les moins médiatisés, proviennent jusqu'à hauteur de 85 % de la manne olympique. Certains sports au programme des Jeux n'existeraient quasiment plus s'ils ne pouvaient compter sur les subsides du mouvement olympique générés à l'occasion des Jeux.

Globalement, la structure financière du CIO s'apparente à celle de certaines ONG : environ 10 % des revenus générés sont utilisés pour la vie même de la structure – Musée olympique, siège de Lausanne, opérations directes menées par le CIO –, le reste étant reversé à l'ensemble des organisations sportives mondiales. C'est dire l'importance des Jeux olympiques qui sont, en quelque sorte, la vache à lait du mouvement sportif international.

Notre petit film l'a montré : les Jeux olympiques sont le plus grand événement sportif mondial, the greatest show on Earth. Les chiffres donnent le tournis : 20 000 journalistes suivent l'événement – à comparer aux 3 000 de la prochaine COP21 –, 100 000 heures de diffusion télévisée, 10 500 athlètes issus de 205 pays, 11 millions de spectateurs. Événement incroyable, avec 41 championnats du monde en même temps, au même endroit, sur dix-sept jours. Les Jeux paralympiques eux-mêmes prennent une dimension de plus en plus importante, avec 6 000 participants et plus de 4 millions de spectateurs. Ainsi, les Jeux olympiques et les Jeux paralympiques sont un véritable festival de sport pendant 60 jours dans le pays hôte.

Au-delà de cette célébration, partie émergée de l'iceberg, les Jeux sont un projet de neuf ans. Pour nous, il a commencé voilà un mois avec le début de la candidature ; une fois que nous aurons gagné la timbale, il s'étalera sur sept ans de préparation et, nous l'espérons, pour des décennies d'héritage.

Nos amis britanniques ont ainsi mené un grand nombre d'actions autour des Jeux de Londres. Plus de 15 millions de Britanniques se sont rassemblés dans les rues pour le Relais de la flamme, dont le parcours couvrait plus de 1 000 villes et avait été défini pour passer à moins d'une heure de 95 % de la population. Ensuite, dans le cadre de l'Olympiade culturelle – quatre ans de promotion de projet existants et de nouveaux projets autour de la culture et du sport –, les Anglais ont organisé plus de 17 000 manifestations, auxquelles ont pu assister 18 millions de personnes et 25 000 personnalités concernées dans le cadre du festival des jeux. À côté de cette action qui dépasse largement le mouvement sportif, les Jeux sont une plateforme extraordinaire pour mener d'autres politiques. Souvenez-vous de la grande campagne de marketing « Britain is great », qui se poursuit aujourd'hui, de valorisation des savoir-faire britanniques avec les british business embassy, opérations autour de l'économie et de l'attractivité du Royaume-Uni. Les Jeux sont aussi l'occasion de mettre en place des programmes éducatifs : c'est ce qu'ont encore fait les Anglais avec les get set, programmes éducatifs autour du sport et des valeurs du sport, qui ont concerné 85 % des écoles et 6,5 millions d'enfants.

Bref, les Jeux olympiques dépassent le simple projet sportif. Notre ambition est d'en faire un projet d'intérêt général dont l'impact serait triple : territorial, économique, sociétal.

Un impact territorial d'abord. Dans le cadre de notre projet, nous nous sommes fixé quatre grands principes. Le premier est l'utilisation de l'existant. Nous avons la chance d'avoir à Paris et en région parisienne un certain nombre d'infrastructures sportives de haut niveau qui nous permettent d'organiser la quasi-totalité des sports olympiques avec des besoins relativement faibles au regard de cette organisation.

Le deuxième principe est la mise en valeur du patrimoine. Il est très important selon nous de mettre en avant le patrimoine architectural et culturel de Paris, en utilisant le Grand Palais, comme lors des championnats du monde d'escrime en 2010, mais aussi l'Esplanade des Invalides pour le tir à l'arc, la Tour Eiffel pour lancer des épreuves de parcours, le Château de Versailles, etc., autant d'éléments différenciants dans le cadre de notre candidature.

Le troisième principe est de s'appuyer sur l'ensemble des projets existants ; je pense notamment aux boucles du Grand Paris Express. L'idée est de concevoir un concept qui se marie entièrement au projet existant, afin de n'avoir à construire qu'un minimum d'infrastructures autres que les infrastructures sportives. Nous avons la chance d'avoir des infrastructures hôtelières, hospitalières et de transport qui nous permettent, avec celles qui sont prévues, de présenter un projet raisonnable sur le plan financier. C'est un élément fondamental pour nous.

Quatrième principe : la cohérence avec les besoins de long terme. Il nous reste quelque chose à construire, notamment le village olympique, dans un environnement où la demande de construction de logements est importante – 60 000 logements par an en Île-de-France. Nous nous inscrivons donc dans ces besoins de long terme. En matière d'équipements sportifs, nous avons un certain nombre de retards à rattraper : notre plan reste raisonnable tout en étant ambitieux en matière de rénovation d'équipements sportifs, ce qui permettra un saut qualitatif, notamment à l'issue des Jeux.

Dans l'ensemble, les Jeux olympiques sécurisent et accélèrent les projets d'aménagement nécessaires. Parfois, ces grands projets sportifs sont ce que j'appelle des « exhumoires d'arlésiennes » : ils permettent de sortir des cartons un certain nombre de projets nécessaires, mais qui, faute de consensus politique ou de financement, n'ont jamais été réalisés.

Les Jeux olympiques ont également un impact économique. D'abord, au regard des filières directement concernées – bâtiment, transports, logement, industrie du sport, industrie du loisir, événementiel –, mais aussi au travers de la vitrine que représentent les Jeux. Les JO sont ce que vous en faites : ils touchent tant de secteurs qu'ils sont une occasion fantastique de mettre en avant nos savoir-faire et nos innovations et de les exporter après les Jeux. Les Britanniques l'ont bien compris, en « trustant » la plupart des contrats sur Rio, sur le Qatar pour la Coupe du monde 2022, sur le Japon.

Troisièmement, et c'est sans doute le plus important à nos yeux, l'impact sociétal des Jeux Olympiques. Tout le projet de Bernard Lapasset et Tony Estanguet consiste à faire en sorte que les Jeux sortent des stades. Toutes sortes de passerelles peuvent être imaginées avec des sujets de société : la santé, grâce à l'effet bénéfique de l'activité physique sur celle-ci ; le handicap, avec les Jeux paralympiques, fantastique campagne qui permet un changement de regard sur le handicap – la campagne « meet the superhumans » de Londres 2012 avait eu un impact extraordinaire sur la population – ; la jeunesse, avec le déploiement de programmes éducatifs ou de programmes permettant aux jeunes de s'exprimer dans le cadre de ce vaste projet.

L'olympisme, de manière assez pompeuse, se définit par sa vocation à rendre le monde meilleur par le sport. Pour notre part, nous voulons être créateurs d'olympisme : au travers du sport, de l'activité physique et des valeurs du sport, nous souhaitons créer un monde meilleur à l'occasion de ces Jeux.

Pour finir, pourquoi y croyons-nous ?

D'abord, notre projet s'inscrit dans le cadre du nouveau plan stratégique du CIO. Arrivé en 2013, le nouveau président a construit un Agenda 2020 visant à transformer en profondeur le CIO, et notre projet s'inscrit véritablement dans cette dimension avec l'objectif de Jeux olympiques au service des villes et des territoires, et non l'inverse.

Ensuite, nous avons tiré trois enseignements principaux des défaites du passé. Le premier est que c'est le mouvement sportif qui doit porter cette candidature : il est très important que le leadership intègre des personnes issues du mouvement sportif. Le deuxième enseignement est la nécessité de mettre les athlètes au coeur du projet, du début à la fin, y compris en termes de conception. Le troisième enseignement est la nécessité d'une véritable campagne : nous ne sommes pas là pour « faire beau », nous sommes là pour gagner… C'est sans doute ce qui nous a manqué en fin de parcours lors de notre dernière candidature : notre projet était probablement très séduisant, mais il n'a pas été promu de la meilleure des manières. Aujourd'hui, nous sommes habités par cette logique de campagne, et c'est l'une des raisons pour lesquelles Bernard Lapasset n'est pas là aujourd'hui, préférant traiter en direct avec les membres du CIO qui apporteront leur vote en 2017.

Les athlètes au coeur du projet, cela veut dire un leadership porté par Bernard Lapasset et Tony Estanguet, futurs coprésidents du groupement d'intérêt public (GIP) qui va porter cette candidature. Nous avons la chance d'avoir deux personnalités exceptionnelles : l'une a fait ses preuves en tant que président d'une fédération internationale et sait ce qu'est une campagne olympique ; l'autre est triple champion olympique et membre du CIO. Ces deux personnalités très complémentaires sont un immense atout.

Nous avons bien sûr d'autres atouts : une ville formidable et un soutien unanime de l'ensemble de la population – le dernier sondage montre que près de 75 % des Français sont derrière cette candidature –, mais aussi du milieu économique et du monde politique.

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