Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 18 décembre 2012 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai quelques observations assez rapides, à l'occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Certaines de ces observations ont déjà été faites en première lecture et méritent d'être confirmées. D'abord, puisqu'il était question à l'instant de sincérité, un vrai problème se pose : comment les hypothèses de croissance, sur lesquelles le Gouvernement se fonde dans son projet, peuvent-elles être décemment présentées ? En quoi sont-elles crédibles ? En quoi les hypothèses économiques que vous faites permettent-elles de fonder les hypothèses budgétaires tracées dans ce projet de loi de programmation ? Il y a là un doute majeur, qui ne permet pas de fonder une programmation raisonnable.

Il y a quelques éléments positifs dans ce projet de loi. Ils ont été observés en première lecture, et ils peuvent encore l'être en deuxième lecture : je pense à la prise de conscience – même si elle est tardive, insuffisante, partielle et trop timide – du fait que la dépense publique a atteint dans notre pays des niveaux tout à fait excessifs. C'est ainsi que vous projetez, en fin de période, une évolution légèrement à la baisse de la dépense publique : c'est bien, mais cela ne suffit pas, loin s'en faut.

Nous serons ainsi passés par une phase d'augmentation de la dépense publique, pour arriver ensuite à une diminution, mais celle-ci est bien trop faible, étant donné la situation objective de notre pays, et comme le montrent les comparaisons européennes et internationales.

Les taux de prélèvements obligatoires connaîtront, quant à eux, un coup d'accordéon, ce qui est préférable à l'aggravation dans un seul et même sens. Le taux de prélèvements obligatoires commence par augmenter, avant de baisser un peu – mais beaucoup trop peu –, grâce en particulier à votre virage politique, qui était bienvenu dans son idée générale, mais mal mené dans ses modalités, puisque vous avez fait le choix du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. On se retrouve cependant, en fin de période, en 2017, avec un taux de prélèvements obligatoires à 45,9 %, qui reste supérieur au taux de prélèvements initial, en 2012. Ceci est bien sûr une conséquence du choc fiscal de 2013, à 46,3 %.

Depuis la première lecture, et après que nous l'avons demandé, en particulier lors de la commission mixte paritaire, vous avez introduit, monsieur le ministre, les effets du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi : c'était la moindre des choses, dans une loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

Il est une question, monsieur le ministre, qui se trouve à nouveau au coeur de l'actualité ces jours-ci, et sur laquelle le Gouvernement, le Conseil d'orientation des retraites et un certain nombre d'instances se sont exprimés : je veux parler de la question des retraites. Il y a, semble-t-il, un certain nombre de perspectives nouvelles sur ce sujet. L'ancienne majorité avait déjà fixé un certain nombre de rendez-vous, mais des perspectives nouvelles se dessinent, sur lesquelles l'exécutif et la majorité semblent vouloir insister.

N'y a-t-il pas matière, au moment où nous allons voter, en nouvelle lecture, la loi de programmation des finances publiques, à prendre en compte les intuitions que vous pouvez avoir actuellement ? Ou en tout cas, un certain nombre de directions qui sont esquissées dans le débat que vous initiez, et que vous soulignez, manifestement à dessein, s'agissant de l'évolution des retraites ?

C'est une question majeure, qui pose d'ailleurs, selon moi, le problème de l'articulation entre notre programmation des finances publiques sur les cinq années qui viennent et le calendrier propre à d'autres décisions de politiques publiques.

Soit l'évolution de la politique des retraites n'a pas de conséquences sur la programmation des finances publiques, et il serait intéressant que vous le précisiez. Soit l'évolution de la politique des retraites a des conséquences sur la programmation des finances publiques, et dans ce cas, la moindre des choses serait que vous commenciez à tracer dès ce soir un certain nombre de pistes sur ce sujet – pour que cette nouvelle lecture serve au moins à quelque chose – ou que vous preniez des engagements de révision de la loi de programmation, lorsque les décisions, s'agissant de la politique des retraites, auront été prises.

Dans ce domaine, nous rappelons notre conviction : il ne faut pas aggraver les cotisations et les prélèvements obligatoires, au motif d'une nouvelle réforme nécessaire des retraites. Nous avions prévu de nouveaux rendez-vous, mais pour nous les curseurs n'ont pas fondamentalement changé : il ne s'agit pas d'augmenter les prélèvements obligatoires, ni de diminuer le niveau des pensions de retraite. Les curseurs principaux et légitimes nous semblent être ceux de l'âge de la retraite et de la durée des carrières.

Au moment de la nouvelle lecture, qui intervient à une heure bien tardive, de cette loi de programmation des finances publiques, nous devons prendre en compte les nouveaux débats qui sont apparus.

Il se trouve qu'il y a des lectures successives au Parlement, et qu'au cours de ces lectures successives, l'actualité politique évolue. Il n'y avait pas initialement le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, mais vous avez adapté le projet de loi : c'était la moindre des choses, mais c'est bien que vous l'ayez fait. On assiste au retour, dans le débat, de l'enjeu des retraites : vous ne pouvez pas rester silencieux ce soir, au moment où nous bouclons la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques, sauf à nous dire que la discussion à venir sur les retraites n'aura aucune conséquence sur la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, ce qui paraît assez difficile à entendre.

À ce point de la programmation, des questions sincères se posent : nous fixons les critères sur les retraites, mais nous voulons savoir dans quelle direction le Gouvernement entend aller à ce stade, et quel impact il imagine pour la programmation. Par ailleurs, il y a fondamentalement, dans ce projet de loi de programmation, une orientation politique qui demande beaucoup trop à l'impôt, et pas assez aux réductions de dépenses. Des réductions de dépenses qui ne sont toujours pas sérieusement substanciées et des hypothèses de croissance qui manquent de solidité : cela ne fixe pas une trajectoire de finances publiques heureuse, ni dans le contexte national, ni dans le contexte européen et mondial.

Enfin, monsieur le ministre permettez-moi de vous soumettre une appréciation importante, sur laquelle, au-delà des frontières partisanes, nous pouvons probablement tous être d'accord. La programmation des finances publiques, et surtout sa traduction dans les faits au long de ces cinq années, dépendront fortement de la manière dont les hypothèses de croissance seront présentées, de la manière dont les structures nouvelles – celles, en particulier, qui ont été prévues par la loi organique – seront mises en place, de la manière dont leur travail sera organisé, et de la manière, enfin, dont vous prendrez en compte ce travail.

Je pense que des progrès sont indispensables en termes de suivi et de prévision, pour que la programmation des finances publiques ne soit pas simplement un exercice théorique, mais un cadrage budgétaire et politique utile à notre pays, qui permette de faire de bonnes finances.

À ce stade, le compte n'y est pas et nous voterons contre le projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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