Intervention de Sophie Dion

Réunion du 14 octobre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Dion, rapporteure pour avis sur les crédits de la recherche :

La recherche la plus dynamique se fait souvent aux frontières, aux interfaces, et il m'a semblé intéressant de choisir une nouvelle fois cette année un thème transversal pour examiner comment peuvent se fédérer et se coordonner les activités des nombreux organismes sur lesquels se fonde la recherche dans notre pays. L'an dernier, la montagne, comme objet de recherche transdisciplinaire, a permis de définir un nouveau « biome » sur la base d'une géographie commune et de proposer des réflexions en termes d'organisation ; cette année, j'ai choisi pour thème la recherche sur le sport, qui n'est pas moins riche d'enseignements. Par nature transdisciplinaire, elle implique le dépassement des classifications statistiques et budgétaires habituelles. Cette transversalité permet aussi d'illustrer plus largement les forces et les faiblesses de la recherche en France : ses résultats sont excellents mais leur valorisation, tant académique que pratique, reste souvent très en deçà des possibilités qu'ils ouvrent.

Les recherches publiques menées en France sur le sport sont assez dispersées mais peuvent, finalement, s'articuler autour de quatre structures principales : l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) ; les unités de formation et de recherche de sciences et techniques des activités physiques et sportives, les STAPS ; un certain nombre d'équipes de recherche de l'INSERM et le laboratoire de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ; des instruments de recherche dédiés ou contribuant à ces travaux de recherche en cotutelle.

Depuis sa création en 1975, les activités de recherche font partie intégrante des missions de l'INSEP. L'Institut dispose d'un laboratoire de recherche Sport, expertise et performance (SEP), équipe d'accueil universitaire, qui coordonne cinq champs disciplinaires – physiologie, biomécanique, biologie, psychologie et sociologie – afin d'accompagner les sportifs de haut niveau des pôles France de l'INSEP par son analyse de la performance, ses conseils et ses innovations. Plus largement, le ministère des sports a souhaité mieux exploiter les compétences de l'Institut en lui confiant également le pilotage de la politique de recherche sur le sport au plan national, en complément de sa propre activité dans ce domaine. Ses actions d'accompagnement scientifique de la performance consistent à donner aux athlètes de haut niveau, aux entraîneurs et aux acteurs du sport de compétition des conseils fondés sur les avancées récentes de la science. Portant sur la récupération, la nutrition, les charges d'entraînement et les programmes de renforcement musculaire et de prévention de la blessure, ses recherches pourraient évidemment, à terme, profiter, au-delà des seuls sportifs de haut niveau, à l'ensemble de la population.

Par ailleurs, depuis 2006, l'INSEP abrite dans ses locaux de Vincennes l'Institut de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport, l'IRMES.

La recherche dans les universités bénéficie aussi du rôle fédérateur des unités de formation et de recherche des STAPS. Au nombre de trente-sept, dont trente-deux sont des équipes d'accueil, ces structures dépendent de vingt-huit universités, ce qui traduit une présence assez homogène sur l'ensemble du territoire national. Ces unités de recherche mènent des travaux rattachés à des disciplines extrêmement variées. Cependant la faiblesse des crédits récurrents alloués aux laboratoires universitaires les oblige à chercher des contrats au moins autant pour survivre que pour élargir le spectre et l'impact de leurs recherches. Les petites structures de la taille d'un laboratoire sont obligées de faire preuve de beaucoup de dynamisme pour identifier des appels d'offres multiples et dispersés et y répondre dans des conditions satisfaisantes, ceux de l'Agence nationale de la recherche (ANR) étant devenus pratiquement inaccessibles.

Si le sport et la santé sont intimement liés, les recherches de l'INSERM dans le domaine du sport n'en couvrent pas moins des champs très variés. Elles s'intéressent aussi bien à une meilleure connaissance des mécanismes physiologiques mis en oeuvre par l'activité physique qu'à celle du rapport des individus au corps et à leur santé ainsi qu'à la pratique sportive considérée comme un moyen préventif, thérapeutique ou de réhabilitation, ou comme une fin en soi en vue de l'amélioration des performances pour la compétition. Cet ensemble forme cependant un groupe hétérogène. Ainsi, la thématique « sport et santé », bien que largement traitée par l'INSERM, ne fait pas l'objet d'une organisation spécifique, tant les questions abordées et les objectifs poursuivis sont spécifiques à chaque équipe ou à chaque domaine thématique.

Enfin, quoiqu'elles soient moins connues, il faut mentionner les activités de recherche de l'Agence française de lutte contre le dopage. Elle est partagée entre différents acteurs : le comité d'orientation scientifique chargé, notamment, d'examiner les projets à subventionner, le conseiller scientifique du président de l'Agence et le département des analyses, avec sa section recherche et développement. Lors du débat d'orientation stratégique pour 2015, le collège de l'Agence a décidé de maintenir les moyens antérieurement consacrés à la recherche, afin de préserver la compétitivité de l'AFLD dans ce domaine, et ce dans un contexte de réduction des crédits. Il est, en effet, essentiel pour un laboratoire au rayonnement international de s'adapter aux techniques de détection nouvelles et aux évolutions des substances et des méthodes de dopage. De fait, avec son département des analyses, l'AFLD dispose, à Châtenay-Malabry, de l'unique laboratoire antidopage français accrédité par l'Agence mondiale antidopage.

Je voudrais également illustrer le caractère fédérateur des recherches sur le sport à travers les équipements dédiés à la recherche sportive. Si l'identification du sport dans le champ de la recherche est éminemment perfectible, réjouissons-nous de la mise en place, par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, à côté des structures que je viens de présenter, de structures interdisciplinaires ciblées qui intègrent, sur un même site, l'ensemble ou, à tout le moins, une partie très substantielle des compétences nécessaires. Mentionnons ces deux sites de référence que sont l'Institut des sciences du mouvement, à Marseille, et Euromov, à Montpellier. En effet, les conséquences économiques des recherches dans le domaine du sport, quel qu'en soit le sujet, quel que soit l'établissement qui les mène, sont particulièrement variées et importantes. Outre des impacts classiques en termes de transfert de technologie, de création de start-up ou de jeunes entreprises innovantes, de partenariats de recherche ou de financement de chercheurs, qu'elle partage avec l'ensemble des autres recherches académiques, la recherche sur le sport assume un rôle direct de dynamisation et de structuration d'un secteur économique suffisamment vaste pour mériter une meilleure approche. Ces enjeux économiques sont, bien sûr, fondamentaux en ce qui concerne la candidature de Paris à l'organisation des Jeux olympiques de 2024. De même, le fait que la France redevienne la première destination mondiale pour le ski, devant les États-Unis et l'Autriche, avec 53,9 millions de journées skieurs en 2014-2015 montre, s'il en était besoin, dans ce domaine sportif spécifique, l'importance des objectifs poursuivis et la nécessité d'investissements dans la recherche pour conforter cette position.

Enfin, les recherches sur le sport contribuent non seulement à faire progresser nos connaissances sur le bien-être et la santé, y compris la santé du sujet vieillissant, mais aussi à assurer la cohésion sociale et le rayonnement international de notre pays.

La valorisation de la recherche prend donc une importance décisive. Les grands établissements de recherche disposent, depuis assez longtemps, de structures de transfert permettant le développement de leurs recherches, mais un effort décisif a été entrepris, dans le cadre du programme des investissements d'avenir de 2009, avec la création des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), pour accroître les retombées sur l'économie et la société des financements en matière de recherche. La systématisation de cet instrument nouveau s'est révélée particulièrement pertinente pour valoriser la recherche universitaire menée dans les unités de formation et de recherche propres de ces établissements, y compris dans le domaine sportif.

La place des recherches sur le sport et les activités sportives reste cependant à préciser dans la nouvelle stratégie nationale de recherche définie en mars 2015. Ces recherches relèvent de facto du défi 4, « Santé et bien-être ». Ce classement a semblé naturel, puisque le sport et la santé sont étroitement associés dans l'imaginaire culturel mais aussi dans la vie quotidienne, mais les recherches menées dans ce vaste domaine conduisent à se demander si ce choix était le plus approprié. Les secteurs scientifiques qui peuvent être considérés comme des contributeurs à la recherche sur le sport et le phénomène sportif sont, répétons-le, d'une extrême variété. Dès lors, il est prévisible que la recherche fondamentale, qui a un impact sur l'ensemble des questions liées au sport, se développe, la plupart du temps, dans des laboratoires ou des structures de recherche qui ne lui sont pas expressément dédiés, voire qui ne mentionnent pas explicitement cette thématique dans leurs programmes. Une meilleure prise en compte du sport en tant que champ de recherche à part entière ne serait-elle pas nécessaire ?

L'un des trois axes de la stratégie nationale de recherche de 2009, « Santé et biotechnologie », proposait clairement un cadre transversal adapté. Il n'en va plus de même dans le cadre de la stratégie de 2013-2015. Parmi les dix défis de celle-ci, « Santé et bien-être », est trop précis ou pas assez, car il ne permet pas de traduire les aspects économiques, sociologiques et politiques du sport. Ne serait-il pas souhaitable de faire du sport un défi pour la recherche en lui-même ? Voilà qui anticiperait une déclinaison plus précise des autres défis et de leurs financements publics ou contractuels.

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