Intervention de Valérie Corre

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Corre :

Je souhaite tout d'abord féliciter Mme la rapporteure pour la clarté de sa présentation et pour les auditions qu'elle est parvenue à mener dans un temps très restreint.

En France, plus de huit millions de jeunes de quatre à quatorze ans constituent aujourd'hui le marché « enfants » pour les annonceurs publicitaires à la télévision, ce qui nous place devant le Royaume-Uni et l'Allemagne. C'est pourquoi, à juste titre, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent « limiter strictement les effets de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse », notamment pour lutter contre l'obésité infantile. La publicité a, en effet, une influence néfaste sur le public jeune, très réceptif et très influençable.

Je souscris donc pleinement à l'objectif qui consiste à protéger les enfants de la publicité, omniprésente dans notre société, et qui peut, au-delà de ses représentations des comportements alimentaires à risque, exposer les plus jeunes à des images choquantes ou encore véhiculer des stéréotypes dangereux. Si cet objectif apparaît légitime, son efficacité pour protéger le jeune public peut néanmoins être discutée, d'autant que la suppression de la publicité ne concernerait que la télévision publique. Les enfants ne sont pas exposés à la publicité uniquement par le biais de la télévision, mais partout dans leur environnement quotidien, par le biais de l'affichage ou d'internet, où la publicité, abondante, ne fait pas l'objet des mêmes contrôles.

De plus, l'exposition des enfants à la télévision – on peut le regretter mais c'est la réalité – ne se limite pas aux programmes pour la jeunesse. Certains programmes de télé-réalité et les publicités qui leur sont associées peuvent, par exemple, constituer pour la jeunesse un réel danger. Attention donc à ne pas créer, au nom du devoir d'exemplarité du service public, un système de régulation inégalitaire et, de ce fait, inefficace. C'est la raison pour laquelle il apparaît indispensable que le Parlement puisse, par le biais d'un rapport, remis au plus tard le 30 juin 2017 et assorti d'une étude d'impact, s'accorder sur les modalités concrètes de la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse des chaînes du groupe France Télévisions et sur sa possible extension à d'autres médias.

Il convient, à cet égard, de rappeler que France Télévisions dispose déjà de programmes sans publicité, destinés à la catégorie des préscolaires, c'est-à-dire aux enfants de trois à six ans : c'est le cas de la série d'émissions Les Zouzous, sur France 5.

Enfin, les publicités diffusées au cours des autres programmes pour la jeunesse de France Télévisions sont moins nombreuses que sur les chaînes privées – six minutes contre douze minutes en moyenne – et font l'objet d'une sélection par la régie publicitaire du groupe : les spots pour des produits alimentaires ne représentent que 8 % de l'ensemble des publicités diffusées au cours des programmes pour la jeunesse, les 92 % restants concernant le secteur des jeux et jouets ou de la distribution. Le groupe France Télévisions pratique donc déjà une forme d'autorégulation qui le distingue des chaînes privées et à laquelle il convient d'ajouter les nombreuses obligations en vigueur visant à limiter la diffusion de messages publicitaires pouvant induire des comportements alimentaires à risque ou comportant des images violentes.

Par ailleurs, la suppression de la publicité commerciale dans les programmes pour la jeunesse représenterait pour la télévision publique une perte de recettes évaluée à environ 20 millions d'euros par an par le CSA. Je dois ici rappeler que, face au déficit de France Télévisions, estimé à 50 millions d'euros, les députés socialistes, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2016, ont accordé 25 millions d'euros supplémentaires à l'entreprise, celle-ci s'étant engagée à prendre les mesures nécessaires pour combler les 25 millions de déficit restants. Je regrette donc que la proposition de loi ne propose plus de compensation financière depuis la suppression par le Sénat de l'article 3, qui augmentait la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées, au motif qu'une telle disposition n'était guère pertinente dans la mesure où nous ne savons pas encore quel sera l'état du marché publicitaire au moment de l'entrée en vigueur de la suppression de la publicité, fixée dans l'article 2 au 1er janvier 2018.

Je souhaite, dans ces conditions, qu'un travail de concertation puisse être effectué avec les acteurs du secteur et que des solutions pérennes de compensation financière puissent être trouvées. Il serait, en effet, paradoxal et préjudiciable de porter atteinte, par l'adoption de cette disposition, au service public de la télévision et à la qualité de ses programmes pour la jeunesse. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement visant à réécrire l'article 2. Le groupe socialiste, républicain et citoyen votera cette proposition de loi, dont il partage l'objectif général, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

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