Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Madame la rapporteure, je tiens également à vous remercier pour le travail que vous avez accompli sur cette proposition de loi adoptée par le Sénat et qui entend légitimement protéger les enfants d'une exposition aux messages publicitaires lors de la diffusion des émissions pour la jeunesse sur les chaînes et les sites internet du service public.

L'article 1er de la proposition de loi renforce la régulation ; l'article 2, qui interdisait à l'origine la publicité dans l'ensemble des programmes pour la jeunesse, ne concerne plus désormais que les programmes destinés aux enfants de moins de douze ans ; enfin, l'entrée en vigueur du dispositif a été reportée à 2018 et son financement renvoyé à une réforme globale de la contribution à l'audiovisuel public.

Sur le principe, notre groupe ne peut qu'être favorable à ce texte, puisque la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision prévoyait initialement l'extinction totale de la publicité sur les chaînes de service public à l'horizon 2011. C'était sans compter la crise budgétaire et l'enchaînement des moratoires, qui ont conduit certains de nos collègues à présenter un amendement de pérennisation de la publicité en journée sur France Télévisions lors des débats sur la loi relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, en 2013. Il s'agissait d'un revirement dicté par la nécessité.

Je fais ce rappel pour éclairer notre position sur ce texte et pour rappeler que si nous ne sommes pas opposés à la suppression de la publicité dans les programmes pour la jeunesse, nous avons par ailleurs des raisons de nous inquiéter de l'équilibre budgétaire de France Télévisions : rappelons simplement que la rallonge de 25 millions d'euros accordée à l'entreprise à partir de l'augmentation de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques inscrite dans le PLF pour 2016 ne suffira pas à combler le déficit annoncé de l'entreprise, qui devrait se situer entre 40 et 50 millions d'euros.

Je ne reviendrai pas sur notre opposition de fond à l'affectation partielle de ces 25 millions d'euros quand c'est l'ensemble du produit de cette taxe qui devrait être reversé à France Télévisions, conformément à la volonté exprimée par le législateur en 2009. Si le Gouvernement n'avait pas décidé de supprimer la dotation publique à France Télévisions, nous pourrions peut-être envisager différemment la proposition de loi qui est soumise à notre attention aujourd'hui.

André Gattolin a estimé que le coût de la suppression de la publicité dans les programmes destinés aux moins de douze ans s'élèverait à 7 millions d'euros. Renvoyer le financement de ce manque à gagner à une réforme globale de la contribution à l'audiovisuel public nous semble peu crédible. La réforme de la redevance a du plomb dans l'aile, comme le montrent encore les débats récents sur la question, et nous ne pouvons valider une nouvelle hausse de cette redevance sans vision globale de l'avenir du financement de l'audiovisuel public. Il nous paraît donc extrêmement compliqué de légiférer sur cette question à l'occasion d'une proposition de loi, sans étude d'impact et sans certitude sur le financement des mesures proposées.

J'ajoute que si la suppression de la publicité n'est supposée s'appliquer qu'à l'audiovisuel public, les enfants savent parfaitement se servir d'une télécommande et zapper sur les chaînes privées ! Pourquoi, dans ces conditions, priver France Télévisions d'une recette supplémentaire par une mesure qui n'assure que partiellement la protection du jeune public ?

Il importe, à nos yeux, de renforcer l'autorégulation de l'ensemble des chaînes, publiques et privées, en matière d'exposition des enfants aux messages publicitaires. Nous entendons l'appel lancé par ce texte, nous comprenons son objet, mais notre groupe s'abstiendra, quitte à reconsidérer sa position d'ici à l'examen du texte en séance publique, au mois de janvier.

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