Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 16 décembre 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Certes, cette proposition de loi poursuit un objectif louable et même essentiel : empêcher que les enfants, dès leur plus jeune âge, soient emportés dans la société de consommation avec toutes les conséquences que nous savons sur les stéréotypes – on le voit bien en ce moment avec toutes les publicités pour Noël, et le classement des jouets pour les filles, d'un côté, et pour les garçons, de l'autre – ou bien avec les dangers que nous connaissons en matière d'obésité, parfois de violence.

Les mesures proposées n'ont cependant qu'une portée très limitée. Je reçois de nombreuses lettres pour appuyer cette proposition, mes correspondants croyant qu'elle vise à supprimer la publicité pour tous les programmes de jeunesse et sur toutes les chaînes. Quand je leur réponds que seuls les programmes pour enfants de moins de douze ans et les chaînes publiques sont concernés, leur espoir est vite déçu, sachant que les enfants consomment davantage ces programmes jeunesse sur les chaînes privées – TF1, M6 et Gulli – et de plus en plus sur YouTube – 58 % enfants âgés de sept à dix ans, ce qui est énorme. En outre, les enfants de moins de douze ans regardent davantage les chaînes de France Télévisions entre dix-neuf heures trente et vingt et une heures que le matin, quand sont diffusés les programmes pour la jeunesse.

On voit bien, par conséquent, que les mesures proposées ne visent pas à protéger globalement les enfants de la publicité commerciale.

On fait appel à l'exemplarité des chaînes publiques, à leur mission de service public. Elles diffusent déjà moins de publicités commerciales autour des programmes pour la jeunesse que les chaînes privées. Par le biais de ses deux marques – Les Zouzous pour les enfants âgés de trois à six ans et Ludo pour les six à douze ans –, France Télévisions diffuse 200 heures de programmes, contre 640 heures pour la seule chaîne Gulli. Aucune publicité commerciale n'est diffusée dans les émissions ou sur les applications liées au programme de France Télévisions pour les enfants de trois à six ans.

Devoir du service public, certes, et l'on peut rêver d'une chaîne publique débarrassée de toute publicité pour l'ensemble de ses programmes, mais quid des compensations financières ? On ne peut pas avoir des exigences toujours aussi fortes vis-à-vis du service public de télévision sans lui donner les moyens de les respecter.

On nous dit que le manque à gagner serait de 20 millions d'euros, mais, vu le budget serré de France Télévisions, ce n'est pas rien. Et ces 20 millions d'euros seront transférés vers les chaînes privées où il y aura un surcroît de publicités. Je rappelle que les annonceurs du secteur alimentaire pour la catégorie « enfants » investissent d'abord dans les chaînes privées : TF1 reçoit 83 millions d'euros, M6, 48 millions d'euros, pour seulement 1,4 million pour France 3 et 900 000 euros pour France 4. Quant aux annonceurs du secteur jeux-jouets, c'est bien Gulli qui a leur préférence avec 99 millions d'euros de publicité. Si nous devons travailler à un secteur public sans publicité, nous devons travailler dans le même temps à une grande réforme de la redevance afin de lui permettre de vivre et de créer.

Dans l'état actuel du texte, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ne le voteront pas. Nous défendrons des amendements visant à élargir à toutes les chaînes cette interdiction de la publicité commerciale pour les programmes destinés à la jeunesse. Nous voterons, par ailleurs, l'un des deux amendements présentés par le groupe Socialiste, républicain et citoyen (SRC).

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