Intervention de Didier le Bret

Réunion du 8 décembre 2015 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Didier le Bret, coordonnateur national du renseignement :

J'ordonnerai mon intervention au travers des thèmes suivants : tout d'abord l'action de la communauté du renseignement en 2015, ensuite l'état de la menace aujourd'hui, et, enfin, les pistes de réflexion pour l'avenir.

En 2015, la communauté du renseignement s'est attachée à accentuer ses efforts sur la prévention anti-terroriste et l'accompagnement de la lutte contre Daech sur le plan militaire comme diplomatique, notamment par le renforcement de la coordination des services. La communauté du renseignement a adopté une organisation plus agile, grâce notamment à la constitution d'une cellule regroupant les six services chargée de suivre et de démanteler les filières djihadistes et d'une autre chargée de l'appui aux opérations militaires au Levant. Les coopérations bilatérales se sont approfondies notamment entre les deux plus grands services. Des projets techniques communs ont été menés à bien. Les relations nouées entre le premier cercle et le second cercle de la communauté du renseignement se sont intensifiées. Dans le même temps, la coopération de l'ensemble des services avec leurs partenaires étrangers s'est renforcée.

La communauté française du renseignement s'est fortement impliquée en vue d'accompagner l'accélération du processus d'adoption de la loi sur le renseignement afin de doter les services des instruments juridiques nécessaires à leur action tout en développant le contrôle démocratique de leur activité. Depuis le vote de la loi, la coordination nationale du renseignement est attentive aux conditions de sa mise en oeuvre.

À la suite des annonces du Premier ministre en date du 21 janvier 2015, la communauté française du renseignement devrait bénéficier d'un renforcement très important de ses moyens, notamment en termes d'effectifs.

La communauté française du renseignement a activement soutenu le projet de Passenger Name Record (PNR) national et a fait la promotion de son pendant à l'échelle européenne, en liaison avec le coordinateur de l'UE pour la lutte contre le terrorisme Gilles de Kerchove.

Depuis août 2013, plusieurs projets d'attentats ont été entravés sur le territoire national, y compris en 2015, certains impliquant des individus revenant de Syrie et d'Irak, d'autres des individus demeurés sur le territoire national et inspirés par la propagande sur Internet ou par des contacts sur zone via les réseaux sociaux.

Depuis le début de l'année 2015, la communauté du renseignement avait observé une structuration croissante des projets terroristes de Daech qui, après plusieurs tentatives d'actions individuelles commanditées entravées, est parvenu à mener à bien les attaques coordonnées du 13 novembre.

J'en viens à l'état de la menace terroriste. Cette menace s'établit actuellement à un niveau maximal, ce qui signifie qu'il faut s'attendre à ce que d'autres attaques soient lancées contre la France. De multiples facteurs y concourent.

La volonté de l'état-major de Daech de frapper la France n'a pas faibli, ce qui fait de notre pays un objectif prioritaire pour cette organisation. Le vivier des islamistes radicaux francophones est très important, ce qui multiplie mécaniquement le nombre de participants possibles à une action d'envergure. L'espace Schengen offre aux islamistes radicaux une importante liberté de mouvement, notamment dans le contexte des arrivées massives de migrants à ses marges. La porosité croissante entre islamisme radical et petite délinquance offre aux terroristes des facilités logistiques, notamment pour le financement et l'acquisition d'armement. Des cellules sont également implantées dans des pays limitrophes de la France.

À terme, dans l'hypothèse probable d'un recul militaire de Daech en Irak et en Syrie sous l'effet des frappes aériennes, le retour de combattants islamistes radicaux francophones vers l'Europe et les pays du Maghreb est à redouter.

Principalement relayée sur Internet, la propagande développée par Daech continue de gagner en efficacité et en audience. Elle pourrait soutenir le déclenchement d'actions sporadiques, réalisées par des individus ou des cellules endogènes, opérant par effet d'imitation ou à l'incitation de coreligionnaires sur zone.

Enfin, sur le territoire national, les modes opératoires susceptibles d'être déployés par des combattants islamistes radicaux sont diversifiés et les cibles potentielles très variées.

S'agissant des pistes de réflexion pour l'avenir, à l'aide notamment des éléments mis au jour par l'enquête judiciaire, la communauté française du renseignement conduit une étude détaillée de l'itinéraire des auteurs de l'attaque et des préparatifs qu'ils avaient mis en oeuvre.

Ce travail vise en priorité à entraver une nouvelle opération sur le territoire national et à démanteler les réseaux de soutien dont les combattants infiltrés par Daech auraient pu bénéficier en France. Ce retour d'expérience est également essentiel pour évaluer le dispositif de lutte contre le terrorisme, face à une menace djihadiste désormais parvenue à sa pleine maturité.

La communauté française du renseignement a d'ores et déjà identifié un certain nombre de défis à relever en vue de renforcer le dispositif de lutte contre le terrorisme. Elle va s'attacher à y répondre le plus efficacement et le plus complètement possible dans les semaines et les mois à venir. Un premier train de mesures sera proposé aux plus hautes autorités à l'occasion d'un conseil national du renseignement qui se tiendra à brève échéance.

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