Intervention de Hélène Geoffroy

Réunion du 12 janvier 2016 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Geoffroy, rapporteure pour avis :

Le projet de loi poursuit un objectif essentiel : l'encadrement du développement du numérique en France. La réponse collective que pourra apporter notre société à cette accélération technologique nous fera entrer dans un nouvel âge démocratique.

Le Gouvernement nous propose aujourd'hui une stratégie numérique dont le présent projet de loi constitue le volet législatif. Cette stratégie a pour enjeu essentiel d'assurer que cette nouvelle liberté d'expression et d'information ne soit pas détournée et qu'une partie des citoyens n'en soit pas dépossédée.

Renforcer les droits des individus dans le monde numérique est une condition indispensable de son développement. La société connaît un paradoxe : alors que les outils numériques bouleversent les modes d'information, rapprochent les individus en faisant fi des frontières géographiques et naturelles, et permettent de surmonter des handicaps physiques et mentaux, dans le même temps, à mesure que s'inscrivent les nouvelles technologies dans le quotidien des Français, la fracture numérique s'accroît. C'est ce qui justifie la saisine de notre commission. Faute de compétences ou d'équipements, une partie de la population décroche, ce qui peut parfois entraîner une aggravation du non-recours aux droits sociaux. La République doit contribuer à remédier à ce paradoxe en définissant de nouvelles règles du jeu pour construire le modèle numérique français.

Quatre articles du projet de loi intéressent plus particulièrement notre commission.

L'article 18 poursuit l'objectif d'enrichissement de la statistique publique et de simplification de la recherche scientifique. Il s'inscrit dans la lignée des dispositions contenues dans la loi de modernisation de notre système de santé. Cet article prévoit une redéfinition des procédures d'accès aux données à caractère personnel et du rôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

La loi de modernisation de notre système de santé a modifié les dispositions relatives à l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques. Les procédures d'autorisation d'accès à ce dernier ont été simplifiées, néanmoins les traitements l'utilisant dans le cadre d'une recherche, d'une étude ou d'une évaluation sont aujourd'hui soumis à une stricte procédure d'autorisation par décret en Conseil d'État. L'article 18 du projet de loi poursuit l'ambition de simplification des procédures d'accès au NIR.

Le premier volet de cette stratégie de simplification concerne la statistique publique et s'adresse à l'INSEE et aux services statistiques ministériels. L'article 18 substitue à la procédure de décret en Conseil d'État pour l'accès au NIR aujourd'hui en vigueur une procédure de déclaration auprès de la CNIL.

Le second volet concerne la recherche scientifique. Les dispositions aujourd'hui en vigueur prévoient également une procédure de décret en Conseil d'État. Une telle procédure nuit au travail scientifique et affaiblit la capacité à collecter des données à caractère personnel. L'article 18 remplace donc ces procédures par une autorisation délivrée par la CNIL selon l'intérêt public et la justification de la démarche, projet par projet. Cette simplification permettra un meilleur soutien à la recherche publique et facilitera les appariements entre bases de données pour enrichir les analyses scientifiques.

Les articles 43, 44 et 45 intéressent les publics non connectés.

L'article 43 est ainsi destiné à permettre aux personnes sourdes et malentendantes d'avoir un accès aux services téléphoniques équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs. Bien qu'il n'existe pas de recensement unique, le nombre de personnes sourdes ou malentendantes est estimé à 5 millions en France. L'incapacité à garantir la communication entre personnes déficientes auditives, mais aussi entre ces personnes et leur entourage, est constatée aussi bien dans les services publics que dans les entreprises. Face à ce constat et au succès limité de l'expérimentation d'un centre de relais téléphonique, un double dispositif de mise en accessibilité des services téléphoniques et de développement d'offres commerciales accessibles par les opérateurs de communications électroniques est inscrit dans le projet de loi. Cela permettra de faciliter l'autonomie des personnes déficientes auditives. Le financement de ce service de traduction et d'accessibilité ne repose pas uniquement sur les personnes déficientes auditives, mais aussi sur les opérateurs et les entreprises, ce qui répond à la dimension solidaire et inclusive que doit préserver la République numérique.

Je proposerai d'enrichir cet article en ajoutant un critère de qualité de la traduction écrite simultanée et visuelle, et en donnant une valeur juridique, et donc une meilleure protection, à l'expression de « coût abordable » qui figure dans le texte.

L'article 44 porte, lui aussi, sur l'accessibilité des personnes en situation de handicap aux sites internet publics. Il crée des obligations à la charge des administrations pour permettre l'accessibilité des sites internet aux personnes en situation de handicap. Seront concernés les sites internet des services de l'État, des collectivités locales et des établissements publics, qui devront afficher une mention visible précisant le niveau de conformité ou de non-conformité aux règles d'accessibilité. Ces mêmes administrations devront mettre en oeuvre un schéma pluriannuel de mise en accessibilité des services de communication publique en ligne. Je proposerai un amendement afin de préciser les modalités de formation des personnels intervenant sur les sites internet publics.

Reste posée la question des services autres que ceux des administrations publiques. Les services quotidiens délivrés par les entreprises, tels que les services bancaires, ne peuvent rester en marge de ce mouvement. Cette question devra être débattue, et j'ai amorcé une discussion en ce sens avec le ministère.

Enfin, l'article 45 prévoit le maintien temporaire de la connexion internet en cas de non-paiement des factures par les personnes les plus démunies. Ce service doit pouvoir être maintenu, et la loi prévoit que le fonds de solidarité pour le logement puisse statuer sur la demande d'aide financière de la personne concernée.

Indissociable de l'exercice de nouveaux droits, la République numérique a donc pour corollaire l'effectivité de l'accès à internet, à l'image du droit à l'accès à d'autres services essentiels tels que l'électricité, l'eau et la téléphonie fixe. Afin de demeurer proportionné au besoin, le maintien de la connexion pourra néanmoins être restreint par l'opérateur dans le cadre d'un service d'accès à internet, à condition de préserver l'accès fonctionnel aux services de communication au public et aux services de courrier électronique.

Toutefois, la viabilité du dispositif de financement du maintien de la connexion mis en place par le projet de loi reste en question dans le cas où les fournisseurs d'accès à internet ne souhaiteraient pas volontairement y concourir. Il faudra trouver des réponses pérennes spécifiques à chaque territoire.

Par ces articles, il convient d'empêcher que le numérique ne devienne un vecteur supplémentaire de précarisation et d'isolement. À terme, l'ensemble des politiques publiques devra appuyer le droit à la connexion numérique et permettre le soutien des personnes les plus vulnérables.

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