Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 15h00
République numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Attendu depuis plus de deux ans, ce texte a le mérite d’aborder certains des grands enjeux du numérique, à l’image de l’open data, du principe de neutralité du net, de la loyauté des plateformes, du droit à l’oubli ou encore de la mort numérique. Par la voix de Bertrand Pancher, le groupe UDI s’est toujours beaucoup impliqué sur ces questions, plus particulièrement sur les problématiques de la liberté d’accès aux documents administratifs ou de la réutilisation des informations publiques.

Ce sont des sujets primordiaux, tant pour les jeunes entreprises que pour les associations, les collectivités et, plus généralement, tous nos concitoyens. En effet, outre son apport économique, l’open data représente un véritable gage de transparence pour notre démocratie. À ce sujet, comme l’a souligné le rapporteur, nous ne pouvons que nous réjouir de la méthode collaborative qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi. Nous espérons que d’autres textes législatifs pourront bénéficier d’une telle consultation.

C’est là, nous semble-t-il, un point fondamental pour rapprocher les citoyens des politiques.

Ce projet de loi ne soulève aucune opposition de principe de la part du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, mais il est bien éloigné de l’ambition dont se réclame le Gouvernement depuis le début du quinquennat, celle de bâtir une véritable République numérique. Vidé de sa partie économique, ce projet de loi peine, en effet, à présenter une vision d’ensemble de la stratégie numérique française. Une nouvelle fois, nous sommes confrontés à une succession de bons principes plus qu’à un texte fixant un véritable cap pour l’avenir numérique de notre pays.

Je parle de bons principes car les mesures de ce projet de loi sont bien souvent du ressort de l’Union européenne. Entre sur-transposition et précipitation, nous risquons de devoir réécrire une partie de notre législation d’ici à quelques années. Malgré cela, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants considèrent que les questions abordées par ce projet de loi sont importantes. Nous regrettons néanmoins que la partie sur la couverture numérique de notre territoire, question essentielle, ne soit pas plus approfondie. Avant de parler d’usages, il faut parler d’infrastructures ! Je vois là une légère incohérence.

Il peut en effet être difficile de comprendre ce que ce projet de loi apportera concrètement aux habitants des territoires ruraux ou suburbains n’ayant pas accès au très haut débit – ils sont très nombreux, madame la secrétaire d’État –, ce qu’il changera à leur vie quotidienne.

Bien sûr, il existe le plan France très haut débit. Il doit se déployer pour pallier la fracture numérique qui est très durement ressentie par nos compatriotes, et qui accentue une fois de plus l’écart entre la France des métropoles et celle des territoires ruraux et suburbains. En 2016, cette situation n’est plus acceptable ; malheureusement, nous peinons à obtenir des résultats concrets. Où en est, par exemple, le déploiement du très haut débit ? Qui aura accès à un débit de 20 mégaoctets, de 100 mégaoctets, de 1 gigaoctet – c’est d’autant plus important que les besoins sont croissants, notamment dans le domaine de l’entreprise ?

Ce n’est pas la circulaire Macron, qui demande à l’ARCEP d’identifier les territoires avec les couvertures 2G, 3G et 4G, qui permettra de recouvrer quelque sérénité, car il y a un grand décalage entre les relevés de l’ARCEP et la situation réelle, telle qu’on la vit dans les territoires. Vous savez que cette circulaire oblige les opérateurs à assurer cette couverture dans les dix-huit mois. Le fossé est très large !

Lors de l’examen de ce texte en commission, vous avez, madame la secrétaire d’État, fait adopter des amendements qui vont dans le bon sens ; je pense en particulier à l’éligibilité des dépenses d’investissement des collectivités territoriales au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. C’est une très belle initiative. Je me réjouis également du fait que beaucoup d’éléments de la proposition de loi de M. André Chassaigne – ici présent – ont été repris, intégrés à votre projet de loi. Je tenais à le souligner.

Il reste cependant des dysfonctionnements ; nous devons donc mener une politique beaucoup plus volontariste pour rayer les zones blanches de notre territoire. À l’heure où je vous parle, plus de 80 % de la population sont privés de très haut débit. Comment expliquez-vous qu’à 800 mètres d’un centre-ville, les habitants ne disposeront pas de la fibre avant 2023, 2025 ou 2028 ? Si, de plus, il n’y a pas de financement des collectivités locales, que se passera-t-il ?

Madame la secrétaire d’État, vous avez promis qu’en 2022 la France sera totalement connectée au très haut débit. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, au cours de notre discussion, à propos de ce déploiement ? Il est urgent d’accélérer l’application du plan national d’extension des liaisons numériques – dont je crains même qu’il ne soit insuffisant – en arrêtant de nous reposer sur les seuls opérateurs privés, car ceux-ci choisissent uniquement – vous le savez bien – de se déployer dans les zones rentables, lesquelles sont le plus souvent urbaines.

Je regrette qu’un amendement que j’avais déposé il y a un peu plus de deux ans afin de mettre en place une péréquation favorisant le déploiement du haut débit dans les zones moins irriguées n’ait pas été retenu par le Gouvernement. Par ailleurs, notre collègue Francis Vercamer a déposé un amendement pour étudier l’opportunité de confier à l’ARCEP un pouvoir de sanction à l’encontre des opérateurs privés n’ayant pas respecté leurs engagements contractuels – cela existe à certains endroits –, dans le cadre de l’élaboration des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.

En cas d’impayé, le maintien de la connexion internet peut se comprendre, mais cette mesure aura un impact sur les collectivités territoriales, qui devront la financer. N’aurait-il pas été préférable de mobiliser ce fonds pour améliorer la couverture en très haut débit – notamment la fibre optique pour les particuliers ?

Nous restons par ailleurs perplexes quant à la méthode choisie par le Gouvernement, qui a préféré morceler la réforme numérique en trois textes : le premier a été défendu en octobre par Mme Valter, le second est celui que vous nous présentez aujourd’hui même, madame la secrétaire d’État, et le troisième est le projet de loi pour favoriser les nouvelles opportunités économiques, dit projet de loi « Noé ». Nous verrons ce qui restera de cette arche de Noé, disputée par Emmanuel Macron et Myriam El-Khomri !

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