Séance en hémicycle du 19 janvier 2016 à 15h00

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vendredi dernier, le terrorisme a de nouveau frappé, cette fois au Burkina Faso. Trente personnes ont trouvé la mort et de nombreuses autres ont été blessées.

Parmi les victimes, de nombreux Burkinabé, mais aussi beaucoup de ressortissants étrangers, parmi lesquels six Canadiens originaires de la province de Québec. Trois de nos compatriotes ainsi qu’un citoyen portugais établi dans notre pays ont trouvé la mort dans cet attentat : Leïla Alaoui, Arnaud Cazier, Eddie Touati et Antonio Basto.

Nos pensées vont, en cet instant, aux familles de toutes les victimes de ce crime odieux.

En votre nom à tous, je réaffirme la solidarité de la représentation nationale envers le peuple du Burkina Faso, qui se trouve en première ligne dans le combat contre le terrorisme.

Je rends hommage une nouvelle fois à nos militaires qui ont prêté leur concours aux forces du Burkina Faso pour mettre fin à cette tuerie.

Je vous invite à observer une minute de silence.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, hier, cinq serviteurs de la France sont morts. Une avalanche en Savoie a fait treize victimes dans les rangs de la Légion étrangère : cinq disparus et huit soldats blessés.

Aujourd’hui, le deuxième régiment étranger de génie – REG – basé dans ma circonscription de Vaucluse est en deuil. Cet événement tragique, qui a eu lieu au cours d’une sortie d’entraînement en montagne, à Valfréjus, en Savoie, frappe de plein fouet non seulement la petite commune rurale de Saint-Christol, qui accueille la base de ce régiment, mais aussi tout le plateau d’Albion et plus largement le département de Vaucluse.

Je ne pense pas déformer la pensée des Vauclusiens en disant que nous sommes tous fiers d’accueillir sur notre territoire ces hommes prêts à mourir pour la France, alors que nombre d’entre eux ne sont pourtant pas français.

Monsieur le Premier ministre, depuis sa création en 1999, ce n’est hélas pas la première fois que le deuxième REG paie le prix du sang au service de l’intérêt supérieur de notre nation.

Ainsi, avant ce drame, quatre légionnaires avaient perdu la vie en Afghanistan entre 2010 et 2012. Entre 2012 et 2015, trois soldats ont péri lors d’entraînements, dont l’un dans des circonstances similaires.

J’ai été personnellement perturbé par les débats stériles lancés sur certains plateaux concernant les conditions de cet accident, car je pense d’abord aux familles et aux collègues des victimes. Les hommes du deuxième REG, que je connais bien, sont des soldats aguerris, spécialistes du combat en haute montagne, totalement dévoués et pleinement conscients du danger de chacune de leurs missions.

C’est pourquoi, je souhaiterais que vous fassiez taire toute polémique en nous précisant les conditions de l’exercice qui était en cours. Pouvez-vous nous confirmer que ce drame est bien la conséquence d’un accident, et non d’une impréparation ? L’honneur de ce régiment d’élite est jeu.

Je souhaiterais également que vous informiez la représentation nationale des dispositions que le Gouvernement entend prendre à l’égard de ceux qui pleurent aujourd’hui un père, un mari ou un ami. Dans le cas où certains de ces légionnaires ne seraient pas français, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement prévoit de leur donner la nationalité à titre posthume ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

Debut de section - Permalien
Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’état chargé des anciens combattants et de la mémoire

Effectivement, monsieur le député, hier, les légionnaires ont encore payé un lourd tribut dans le cadre de leur préparation. Une avalanche a emporté onze d’entre eux. Cinq ont trouvé la mort, deux sont toujours hospitalisés dans un état grave.

Le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian est sur les lieux. Nos pensées vont, comme vous l’avez dit, aux victimes et à leurs familles.

Une enquête a été ouverte par le parquet d’Albertville pour déterminer les conditions du drame. À ce stade, nous savons que cette zone d’exercice est connue et qu’elle est utilisée par le Groupe d’aguerrissement en montagne (GAM) de Modane, dans la région de Valfréjus.

L’ensemble de nos soldats bénéficiait de l’équipement adéquat pour ce type d’activité et portait notamment des balises avalanche.

Le deuxième régiment étranger du génie de la Légion étrangère est une unité d’appui de la XXVIIe brigade d’infanterie de montagne. Ces légionnaires suivent une formation en montagne adéquate, qui correspond à cette brigade. Ils disposent bien sûr de brevets d’alpiniste et de skieur militaire. Enfin, je peux vous garantir que les qualifications d’encadrement nécessaires étaient réunies. Le groupe disposait de trois chefs de détachement et de plusieurs aides moniteurs.

En cette heure triste, je veux encore féliciter les équipes de secours pour leur réactivité. Nos pensées vont aux familles des militaires disparus ou blessés. Comme le Président de la République l’a indiqué hier, nous les assurons de la solidarité de la nation.

Je ne peux pas répondre aux questions précises que vous avez posées, mais rassurez-vous : tout est fait, quand un soldat disparaît, pour la prise en charge de sa famille.

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La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, agir pour l’emploi, c’est agir pour l’intérêt national. Grâce aux efforts de la nation et aux choix faits depuis 2012, l’économie a retrouvé de la vigueur.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les marges des entreprises ont renoué avec leur niveau d’avant-crise ; le coût du travail dans l’industrie est désormais plus bas qu’en Allemagne ; le déficit commercial se réduit après dix années de décrochage de la balance commerciale sous la précédente majorité.

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Ces capacités d’investissement doivent maintenant se traduire en embauches, car, si la croissance a redémarré, à un niveau inédit depuis cinq ans…

Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et, avec elle, le rythme des créations d’emplois, elle est encore trop faible pour faire diminuer durablement le chômage.

Pour conforter et amplifier l’action menée en ce domaine, le Président de la République a présenté hier un plan d’urgence pour l’emploi, qui est un plan pour la croissance économique et pour notre modèle social.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce plan répond à trois défis concrets. Premièrement, les entreprises ont besoin que leur compétitivité soit consolidée. Pour ce faire, une prime à l’embauche est instituée pour les PME. Par ailleurs, la stabilité et la lisibilité sont renforcées, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE – et aux mesures concernant le droit du travail. Enfin, le pacte de responsabilité fera l’objet d’une évaluation car, dans un pacte, mes chers collègues, tous les acteurs doivent respecter leurs engagements. Deuxièmement, les salariés ont besoin que leur parcours professionnel soit sécurisé. Avec le compte personnel d’activité, tout salarié pourra bénéficier des droits accumulés au cours de sa vie professionnelle pour organiser sa mobilité, porter un projet personnel, entreprendre, préparer sa retraite. Cette sécurité sociale professionnelle constitue une grande, une immense conquête sociale. Troisièmement, salariés et entreprises ont besoin que de nouvelles chances soient proposées. Renforcer la qualification, la formation, c’est renforcer la possibilité de trouver un emploi et de développer l’activité.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous indiquer les modalités et le calendrier de ce plan d’urgence ?

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Et du chômage !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député Guillaume Bachelay, vous l’avez dit, des efforts importants ont été menés depuis trois ans…

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…et nous en voyons les résultats

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

le regain de compétitivité, des créations nettes d’emplois – après plusieurs années de destructions d’emplois – et la baisse des déficits.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mais ces résultats doivent être amplifiés, et c’est tout le sens du plan pour l’emploi qu’a annoncé hier le Président de la République. Concrètement, de nouveaux enjeux se posent. Premièrement, la sécurisation des travailleurs : nous le savons, la vie professionnelle, aujourd’hui, est faite de ruptures. Il est essentiel que les reconversions, les mutations, les parcours soient mieux pris en compte. Tel est le sens du compte personnel d’activité, que vous avez voté, qui sera mis en oeuvre dès le 1er janvier 2017 et qui fera l’objet d’un débat public que je lancerai le 21 janvier prochain. Tel est également l’objet du projet de portail universel des droits sociaux, qui vise précisément à rendre notre modèle social beaucoup plus lisible pour les Français.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Deuxième sujet extrêmement important : instituer un droit à la nouvelle chance. De fait, le chômage frappe essentiellement les personnes peu ou pas qualifiées. Cela fait des années que nous le disons : quand la France forme un demandeur d’emploi sur dix, l’Allemagne en forme deux et l’Autriche quatre. Il faut investir dans l’humain. Pourquoi ? Parce que, dans le contexte actuel de reprise de l’activité économique,

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

nous savons que les demandeurs d’emploi les moins qualifiés resteront au bord du chemin si nous n’améliorons pas leur qualification. Les former à quoi ? Aux métiers non pourvus, aux métiers liés à la transition écologique et au numérique.

La prime à l’embauche, quant à elle, a pour objet de renforcer la compétitivité des entreprises.

Vous le voyez, la méthode suivie repose sur la mobilisation générale, avec tous les acteurs, tout simplement pour gagner en efficacité.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Plan pour l’emploi

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La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a présenté hier un énième plan d’urgence pour l’emploi, un plan de la dernière chance, on ne peut plus ambitieux, puisqu’il prévoit, je cite, « de redéfinir notre modèle économique et social ».

Une fois l’écran de fumée dissipé, malheureusement, l’ambition laisse place à la déception. Déception face à des dispositions qui relèvent, au mieux, du traitement social du chômage, au pire, d’un traitement statistique. Déception face à des mesures, au mieux, déjà essayées, au pire, déjà prévues, avec leur lot d’imprécisions et d’interrogations. Déception face à des mesures ponctuelles qui ne répondent pas au défi d’une politique mobilisatrice de l’emploi, tournée vers les territoires, les porteurs de projets, les entreprises, l’innovation, bref, tournée vers les Françaises et les Français.

Oui, nous devons changer de modèle économique et social. Non, les mesures annoncées, même les plus séduisantes, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Depuis trois ans, il y a urgence. Depuis trois ans, le Gouvernement perd un temps précieux entre hésitations et demi-mesures.

Monsieur le Premier ministre, donnez de la stabilité au droit du travail, développez une politique de l’emploi plus en phase avec les territoires, construisez des formations adaptées aux besoins du monde du travail, changez enfin le regard sur l’apprentissage, élaborez avec les régions de véritables parcours d’accès à l’emploi, orientez enfin la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin, et, surtout, baissez le coût du travail en assurant à notre protection sociale un financement qui ne pénalise ni les salariés, ni les entreprises.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Voilà quelques-unes des pistes d’actions pour redonner dynamisme à notre économie et à l’emploi. Il y a véritablement urgence à agir.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à prendre enfin le tournant qui permettra de changer réellement notre modèle économique et social ? Si c’est le cas, sachez que vous nous trouverez à vos côtés.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député Francis Vercamer, ne vous en déplaise, ce plan est ambitieux.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

S’agissant de la formation professionnelle, nous savons que, depuis des années, elle est orientée vers ceux qui en ont le moins besoin. Nous le savons, et c’est précisément ce qui a conduit au vote de la loi Sapin réformant la formation professionnelle. Il est bien sûr audacieux et ambitieux de vouloir former 500 000 demandeurs d’emploi. De quoi allons-nous partir ? Des besoins des entreprises, avec l’ensemble des partenaires : les présidents de région, avec qui nous travaillerons sur chaque bassin d’emploi, les organismes paritaires collecteurs agréés – les OPCA – et les branches professionnelles. Nous allons développer des outils que vous connaissez bien et qui sont efficaces : la préparation opérationnelle à l’emploi, la conclusion de 50 000 contrats de professionnalisation au profit des métiers non pourvus. Voilà des mesures très concrètes, qui permettront véritablement d’améliorer la situation sur le terrain.

Enfin, vous nous parlez de la nécessité de baisser le coût du travail. Le Président de la République l’a dit très clairement : dans l’attente du basculement du CICE en baisse de charges, nous mettons en place une prime à l’embauche qui, dans une période de reprise de l’activité économique, permettra d’accroître notablement le nombre d’embauches. Par ailleurs, le projet de loi Travail, que je prépare pour mars prochain,

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

offrira plus de place à la négociation collective, aux accords d’entreprise, aux accords de branche, permettra de restructurer les branches…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Elle se raccroche aux branches !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

… pour favoriser l’instauration d’un dialogue social beaucoup plus dynamique. C’est là aussi un sujet essentiel.

Vous parlez de traitement social du chômage. Je suis désolée de devoir vous dire que ce n’est pas faire du traitement social du chômage que de former des demandeurs d’emploi peu qualifiés en direction de certains métiers, en direction des secteurs d’avenir qu’il nous faut particulièrement développer : c’est bon pour la compétitivité de notre économie.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, j’ai entendu vos propositions et je suis prête à les écouter, mais, ne vous en déplaise, ce plan est ambitieux, audacieux et sa mise en oeuvre sera très concrète.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, je m’interroge sur les dispositions prises pour enrayer la maladie dite « influenza aviaire ». Elles permettront peut-être à la France de relancer ses exportations de volailles, mais la voix des producteurs fermiers a-t-elle été entendue ? J’ai reçu hier, à Bergerac, des éleveurs fermiers qui commercialisent en circuit court. Certains d’entre eux pratiquent l’accueil à la ferme et fournissent les bonnes tables.

D’ores et déjà, ils savent que ces mesures représentent la perte d’une année de production pour les oies, de six mois pour les canards. Ces fermes emploient de nombreux salariés à temps plein, grâce à la transformation et à la vente directe.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dites-le aux membres de votre propre parti ! Dites-le aux Verts !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les éleveurs s’inquiètent des conséquences économiques, d’autant plus que leur trésorerie est déjà fragilisée par une filière longue, qui impose des prix de plus en plus bas. De quoi vont-ils vivre ? Les indemnités couvriront-elles la totalité du manque à gagner ?

Les éleveurs admettent la nécessité de plans de lutte efficaces : leur métier leur a appris que l’équilibre sanitaire dans les élevages est une affaire subtile. Ils plaident pour des dispositifs raisonnables, adaptés aux élevages et aux accouveurs fermiers. Aussi, quels éléments scientifiques attestent qu’un tel vide sanitaire permettrait d’éradiquer durablement la maladie ?

La crainte des éleveurs, que je partage, est que ces mesures permettent de blanchir les filières industrielles ; pourtant, l’on sait que les multiples transports entre naisseurs, éleveurs, gaveurs et autres fournisseurs d’aliments ne sont pas sans risque sanitaire. Les paysans du Périgord, et plus largement du Sud-Ouest, qui ont le souci du bien-être animal et de la qualité de leurs produits, qui créent des emplois et de la valeur ajoutée sur leur territoire rural, risquent d’être sacrifiés.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Madame la députée, vous avez évoqué la crise de l’influenza aviaire. Il a fallu prendre une décision difficile car cette crise concerne toute une filière de production ; en l’absence de décision, les conséquences économiques auraient été dures pour toutes les exploitations, petites, moyennes et grandes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette filière est en crise à cause des Verts !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Il faut être clair à ce sujet. Après la déclaration de cas de grippe aviaire en Dordogne, deux choix étaient possibles : abattre les bandes mises en production, ou mettre en place progressivement un vide sanitaire pour traiter la question de ce virus. Il n’est pas question, pour le ministère de l’agriculture, de laisser celui-ci continuer à se recombiner sur les territoires où il est présent. Cela ferait courir un risque à tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C’est vous qui avez fait un hold-up sur le Fonds national de gestion des risques en agriculture !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Nous savions que cela aurait des conséquences économiques ; une telle décision n’est jamais facile à prendre. L’État sera présent pour accompagner l’ensemble des producteurs – j’ai bien dit : l’ensemble d’entre eux – de la même manière que les secteurs économiques qui y sont liés. J’ai par ailleurs discuté avec Myriam El-Khomri afin de solliciter certains abattoirs pour qu’ils aient recours au chômage partiel, car ils devront arrêter leur activité.

Telles sont les conditions que nous avons fixées afin de sortir de cette crise liée au virus de la grippe aviaire qui, sans cela, pèserait lourdement sur l’ensemble de la filière, à la fois du point de vue social et du point de vue économique. Au moment où un débat s’organise à l’Assemblée nationale sur la question du gavage, le Gouvernement se tient aux côtés de l’ensemble de cette filière.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, comme chaque année au mois de janvier, le Président de la République ouvre les yeux sur la situation critique de la France. Après avoir saboté méthodiquement l’économie française pendant trois ans,…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen

M. Woerth sait de quoi il parle !

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…il est aujourd’hui au pied du mur. Il a donc formulé hier des propositions dans la panique et l’urgence. Il veut une union nationale contre le chômage, mais comment voulez-vous réaliser une union fondée sur le mensonge ?

La création de 500 000 formations pour les demandeurs d’emploi est inatteignable. Ce dispositif, qui double le nombre de formations, est irréalisable, et vous le savez ! Il ne fera qu’accroître le désespoir des Français, car faute d’emplois à la clé, ces demandeurs reviendront malheureusement à Pôle emploi aussi vite qu’ils en sont partis.

Après trois plans dédiés à l’apprentissage depuis 2014, nous voyons les dégâts : une chute spectaculaire de 32 000 apprentis. En réduisant les crédits dédiés, vous avez tout fait pour que l’apprentissage échoue ; vous avez choisi sciemment de privilégier les contrats aidés au détriment de l’apprentissage.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et que de temps perdu concernant les baisses de charges pour les entreprises ! Pourquoi avoir créé le CICE, au lieu de baisser immédiatement les charges des entreprises ? Les primes à l’emploi que vous avez annoncées n’intéressent pas les entreprises. Celles-ci ne demandent pas l’aumône ! Elles attendent de vraies réformes, mais les coûteuses réformes que vous proposez ne seront qu’un feu de paille.

Ce plan d’urgence – ou plutôt : ce plan fait dans l’urgence – coûtera 2 milliards d’euros, alors que les comptes publics se portent toujours aussi mal. Vous avez abandonné vos objectifs de finances publiques pour de pures raisons électoralistes !

Avec 5,5 millions de chômeurs, la France décroche un peu plus chaque jour. Nous créons neuf fois moins d’emplois marchands que l’Allemagne, moins que l’Espagne et moins que l’Italie. Dans le même temps, le Gouvernement a créé 233 000 emplois dans le secteur public. Cherchez l’erreur !

Malgré le défilé des plans et des pactes en tout genre, les entreprises sont encore sous le coup du choc fiscal. Quand accomplirez-vous de véritables réformes, des réformes ambitieuses, notamment sur le code du travail ?

Ce plan représente encore une occasion ratée pour la France. Dans un accès de lucidité, votre ministre de l’économie déclarait : « On n’a pas tout fait pour l’emploi »…

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Monsieur le ministre Woerth, nous pourrions revenir sur toutes les batailles passées et perdues : si nous avions su, collectivement, traiter le problème du chômage dans notre pays, nous n’en serions pas là.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Facile à dire !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Il est donc évident que ce n’est pas ce plan, à lui seul, qui réglera le problème du chômage. Il faut le replacer dans une dynamique, pour essayer de voir où l’on va. À quoi les annonces faites hier par le Président de la République entendent-elles répondre ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Elles ne visent qu’à faire baisser les statistiques !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

D’abord, à la volonté de donner plus de visibilité aux entreprises lorsqu’elles embauchent. Le Président de la République a ainsi réaffirmé sa volonté d’inscrire dans la loi le plafonnement du montant des dommages et intérêts décidés aux prud’hommes. C’est une mesure importante, et vous le savez bien, qui est attendue par les entrepreneurs, par tous ceux qui embauchent, et qui donnera de la sécurité.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Vous pouvez bien protester : c’est une réalité ! Cette mesure complétera une réforme qui a d’ores et déjà été conduite.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

À ce sujet, qu’a annoncé hier le Président de la République ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Rien !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Qu’il sera candidat aux présidentielles !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Précisément, sa volonté de transformer le CICE en allégement de charges. Il s’agit de transformer dans le temps cet allégement fiscal en allégement de charges pour donner de la visibilité aux entrepreneurs, car c’est ce qu’ils veulent.

Vous pouvez bien protester contre un prétendu abandon de notre politique de sérieux budgétaire : c’est faux ! Les chiffres rappelés la semaine dernière par Michel Sapin et Christian Eckert l’ont encore montré : il n’y a pas de laisser-aller à cet égard.

Le Président de la République a fixé une série de principes sur la base desquels nous allons travailler au cours des semaines prochaines. Myriam El-Khomri travaillera sur le projet de loi qu’elle vous présentera concernant la réforme du droit du travail, afin, d’une part, de donner plus de souplesse au niveau des entreprises et des branches, et d’autre part, d’ouvrir une voie complémentaire : la création d’emplois par l’entreprenariat et le parcours de croissance.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Nous ne pourrons pas répondre à tous les problèmes en trois mois. Mais il faut aussi, de bonne foi et de façon réciproque, faire un bilan lucide : nous avançons dans la bonne direction !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, au coeur de l’Afrique de l’Ouest, la barbarie a encore frappé. Vendredi, c’est la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, qui a été le théâtre d’une sanglante attaque djihadiste. Un hôtel, comme à Bamako le 20 novembre, une terrasse de café-restaurant, comme à Paris le 13 novembre, ont été la cible de terroristes.

Les tueurs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ont assassiné trente personnes – des hommes, des femmes et un enfant –, dont huit Burkinabés et six Canadiens. Trois de nos compatriotes ont trouvé la mort, dont la grande photographe franco-marocaine Leïla Alaoui, décédée des suites de ses blessures cette nuit. Toutes nos pensées vont vers les familles des victimes et le peuple burkinabé.

Il faut saluer l’engagement exemplaire des forces spéciales françaises, qui sont venues épauler l’armée burkinabée et ont réussi à sauver cent vingt otages.

Cette nouvelle attaque terroriste, dans un pays jusqu’alors épargné, soulève une série de questions. Quel était le nombre des assaillants ? Quelles mesures ont été prises pour renforcer la sécurité des sites français et de nos ressortissants ? Comment notre pays participe-t-il à l’enquête ouverte par les autorités du Burkina Faso ? Quel dispositif supplémentaire de sécurité les pays du G5 Sahel peuvent-ils prendre ?

Pour ma part, j’ai la conviction, et nous sommes nombreux à le penser, que nos amis africains partagent notre détermination à vaincre cette barbarie mondialisée.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député François Loncle, vendredi dernier, Ouagadougou a été frappée par la barbarie et la lâcheté terroristes. En début de soirée, six individus ont ouvert le feu au café Cappuccino, sur des clients désarmés, comme à Paris, avant de se réfugier dans l’hôtel Splendid. Le bilan de cette attaque est de trente morts au moins et d’une trentaine de blessés.

Vous le rappeliez, monsieur le président, trois Français ont été tués – M. Arnaud Cazier, M. Eddie Touati et Mme Leïla Alaoui – ainsi que M. Antonio Basto, de nationalité portugaise, qui vivait et travaillait dans notre pays depuis fort longtemps.

Des six agresseurs, trois ont été tués, et trois sont encore recherchés.

Je veux exprimer à mon tour ma solidarité avec le Burkina Faso, les Burkinabés et toutes les victimes de ces attentats terroristes.

Ce sont trois attaques en tout que le pays a subies vendredi. La première, au nord, visait l’escorte d’un préfet et a fait deux morts et deux blessés. Le même jour, un couple d’Australiens, installé dans le pays depuis plus de quarante ans, a été enlevé.

Face à ces attaques distinctes, mais certainement coordonnées, je veux rendre hommage aux autorités du Burkina Faso, qui ont fait preuve de réactivité et de sang-froid. La jeune démocratie du Burkina Faso a besoin de notre soutien et de notre aide. Le Président de la République a proposé l’assistance de la France, notamment pour le bon déroulement de l’enquête.

Comme vous, je veux rendre hommage aux forces spéciales françaises, aux militaires et aux équipes médicales qui sont intervenus en un temps record, là encore à la demande expresse et en soutien de nos amis burkinabés.Enfin, de nombreuses mesures ont été prises pour sécuriser les emprises françaises et protéger, bien sûr, nos compatriotes. Cette attaque a été revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique – AQMI –, nouvelle preuve que ce groupe est dangereux et qu’il faut le combattre, ainsi que nous le faisons au Mali au travers de l’opération Barkhane. L’intervention rapide et efficace de nos forces spéciales et d’éléments prépositionnés en Côte d’Ivoire prouve le bien-fondé de notre déploiement en Afrique.

Comme l’attaque de l’hôtel Radisson Blu à Bamako, ces actes terroristes nous rappellent que la sécurité au quotidien est d’abord et avant tout de la responsabilité des pays concernés. Mais nous soutenons les efforts des pays de la région pour renforcer leurs forces de sécurité intérieure et leurs services de renseignement. La coopération au sein du G5 Sahel est bien évidemment la voie à suivre. L’Afrique est la cible de ces groupes terroristes, notamment dans des pays comme le Burkina Faso, le Mali ou la Tunisie qui représentent la démocratie, l’apaisement. Plus que jamais, nous devons être aux côtés de nos amis africains ; comme nous, ils vivent ce qu’est le terrorisme, comme nous, ils combattent le terrorisme et la barbarie au nom de nos valeurs communes.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, vous avez décrété l’état d’urgence économique. Force est de constater que vous êtes en train d’organiser l’état de déliquescence économique, tant votre plan pour l’emploi est inefficace et mensonger !

Inefficace, car qui peut penser ici qu’une seule entreprise créera de l’emploi avec une prime à l’embauche de 2 000 euros ? Mensonger, car qui peut croire que vous formerez 500 000 chômeurs de plus ?

Vous mentez aux Français et ce mensonge a un coût : 2 milliards d’euros pour utiliser la politique de l’emploi à des fins uniquement électoralistes, et pour sauver finalement le seul emploi qui vaille – celui du Président de la République !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous ne pouvez plus camoufler aux Français la réalité du chômage par l’illusion statistique. C’est vous qui subirez un camouflet, incapable que vous êtes de vous attaquer aux réformes de fond, nécessaires pour sortir du chômage de masse !

Votre politique de rustines a échoué. Avec 650 000 chômeurs de plus en trois ans et demi, le verdict est implacable ! Écoutez votre ministre de l’économie, qui vous invite à oser de nouvelles solutions plutôt que de reprendre de vieilles recettes.

Monsieur le Premier ministre, vous qui étiez à Matignon avec M. Jospin au moment des emplois jeunes, quand abandonnerez-vous enfin l’impasse des contrats aidés, au profit d’un véritable effort en faveur de l’alternance ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand allez-vous enfin réformer le marché du travail, simplifier le code du travail et libérer les énergies qui existent dans nos entreprises ? Quand cesserez-vous enfin le matraquage fiscal, qui restera la marque de fabrique de ce quinquennat ?

Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand réformerez-vous le système d’indemnisation du chômage, ainsi que vous le demande la Cour des comptes ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand agirez-vous enfin au profit de l’emploi et de la croissance ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

« Encore ?» sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Damien Abad, il me paraît important de commencer par répondre à la question du traitement statistique du chômage.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Eh oui !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous le savez bien, les demandeurs d’emploi qui sont formés ne disparaîtront pas des statistiques de Pôle emploi. Ils seront classés en catégorie D.

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Et les effectifs de la catégorie D sont publiés chaque mois ! Sachez par ailleurs qu’ils ne resteront pas dans cette catégorie tout au long de leur formation.

La réalité, c’est que nous partons des besoins des entreprises, et vous le savez ! Beaucoup d’entre vous ont fait campagne sur l’absence de formation des demandeurs d’emploi. Est-ce notre volonté de former des demandeurs d’emploi que vous critiquez ? Non ! Vous critiquez le fait que nous doublions l’effectif en formation ?

Pourquoi le faisons-nous ? Parce qu’il y en a marre de ce débat sur les emplois non pourvus !

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nous savons pertinemment qu’en dépit de la reprise de l’activité économique, les personnes les moins qualifiées risquent de rester au bord du chemin.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Admettez que l’investissement humain – plutôt que de parler de traitement social – est bon pour la compétitivité de notre économie.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C’est là que nous avons une divergence de fond.

Vous comparez toujours notre pays à l’Allemagne. Eh bien, faisons comme l’Allemagne en matière de formation des demandeurs d’emploi ! Voilà la question qui nous est posée. Cela se fera bassin d’emploi par bassin d’emploi, c’est essentiel.

Brouhaha sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S’il vous plaît, mes chers collègues ! Nous n’entendons plus la ministre !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Sur l’apprentissage, nous ouvrons des titres professionnels aux apprentis, ce qui permettra des entrées en apprentissage tout au long de l’année.

Brouhaha persistant sur les mêmes bancs.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Enfin, le projet de loi Travail permettra des adaptations, précisément parce que nous croyons au dialogue social, à la négociation au plus près de l’entreprise. Ne vous en déplaise, il existe une vraie différence entre la droite et la gauche !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Emeric Bréhier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, il y a maintenant deux ans, notre majorité adoptait une ambitieuse réforme des retraites.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que le déficit prévisionnel de la branche retraite de la Sécurité sociale allait atteindre 20 milliards d’euros en 2020, nous avons, en lien avec les partenaires sociaux, engagé une réforme courageuse mettant à contribution entreprises, salariés et retraités, de manière équilibrée. La solidarité intergénérationnelle, clé de voûte de notre modèle social, a ainsi été préservée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans le même temps, de nouveaux droits ont été créés : intégration de la pénibilité des métiers dans le calcul de la durée de cotisation, intégration des congés maternité au calcul des retraites, ouverture d’un droit opposable à la retraite depuis le 1er septembre 2015 et, bien sûr, suivant l’engagement no 18 du candidat Hollande – pour les greffiers –, le rétablissement, par le décret du 3 juillet 2012, de la retraite à 60 ans pour les carrières longues, pour toutes ces femmes et ces hommes qui ont travaillé dès leur plus jeune âge et qui, ayant tous leurs trimestres, peuvent accéder à la retraite à taux plein.

Chers collègues, nous avons su sur cette question, comme sur tant d’autres, concilier préservation de l’avenir, sens des responsabilités et combat pour l’égalité. Nous avons montré que la réforme devait et pouvait être synonyme de progrès.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre, deux ans après la réforme des retraites, quel bilan peut-on d’ores et déjà en dresser ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Monsieur le député, nous avons la volonté d’innover et de moderniser notre système social pour l’adapter à la réalité de notre société. C’était le sens, en particulier, de la loi de réforme de notre système de retraite, adoptée il y a deux ans et qui repose sur un équilibre simple. Il s’agit tout d’abord de préserver l’avenir de nos retraites en garantissant leur financement. À notre arrivée, le déficit s’élevait à 6 milliards d’euros

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

et aurait pu atteindre 20 milliards en 2020. Or, cette année, nous ramenons à l’équilibre nos régimes de retraite, ce qui sécurise l’avenir.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Grâce à la réforme Fillon, pas grâce à vous !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Nous le faisons dans un esprit de responsabilité, en allongeant progressivement la durée de cotisation, car nous pouvons et nous devons, collectivement, travailler plus longtemps.

Dans le même temps, nous sommes déterminés à agir avec justice. Tout le monde ne peut pas partir au même âge à la retraite. Je pense en particulier à ceux qui sont exposés à des conditions de travail pénibles et à ceux qui, ayant commencé à travailler jeunes, ont atteint leurs quarante-trois, quarante-quatre ou quarante-cinq années de cotisation avant l’âge de 62 ans. Il est juste qu’ils puissent faire valoir leurs droits à partir de 60 ans.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

C’est ce que nous avons fait.

« C’est honteux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Je peux vous dire que, grâce à ces dispositions, pas moins de 500 000 Français, depuis 2012, sont partis à la retraite avant 62 ans, à partir de 60 ans, tout simplement parce qu’ils ont commencé à travailler à 15 ans, 16 ans, 17 ans.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

C’est cela, l’esprit de justice qui anime les politiques sociales que nous portons depuis 2012.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour le groupe Les Républicains.

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Chers collègues, je voudrais partager avec vous mon incompréhension et ma colère face à l’annonce très médiatisée de la proposition de loi d’une députée écologiste visant à interdire le gavage des oies et des canards pour la production de foie gras

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Interdire le gavage, et donc la production de foie gras, dans notre pays, est une pure folie !

La filière du foie gras français représente près de 30 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le solde du commerce extérieur dans ce domaine est supérieur à 57 millions d’euros dans une balance commerciale largement déficitaire. Nous sommes, dans ce domaine, numéro un de la production mondiale. L’exemple est assez rare pour être souligné.

Mais bien au-delà de ces chiffres, la filière du foie gras est représentative d’un véritable savoir-faire français et c’est un symbole fort de notre identité. Si nous mettons le doigt dans cet engrenage, ce n’est pas seulement cette filière que nous pourrons enterrer, mais bien toutes les filières d’élevage.

La défense de l’animal, si elle devient sectaire et dogmatique, mènera notre agriculture à sa perte.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À cause des abus de certains industriels, vous condamnez l’ensemble des petites exploitations familiales de nos territoires. Or, ces éleveurs aiment leur métier et élaborent un produit de qualité dans des conditions sanitaires exemplaires. Ils travaillent dur chaque jour et participent directement au rayonnement de la France dans le monde.

Une fois l’ensemble des petites exploitations enterrées, que ferons-nous ? Mais surtout, que nous restera-t-il ? Une agriculture industrielle, aseptisée et, à terme, délocalisée !

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les députés, en pleine crise de la grippe aviaire, aux regards des mesures sanitaires catastrophiques déjà imposées à la filière du canard, il nous appartient de soutenir les producteurs plutôt que de multiplier les effets d’annonce mortifères à coup de vedettes américaines !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je ne crois pas que vous ayez posé de question. Vous avez fait une déclaration pour défendre la filière du foie gras français. J’ai eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet au début de la séance. Le Gouvernement a pris des décisions face à un problème sanitaire majeur. Ces décisions, je le répète, ne sont jamais faciles à prendre au regard de toutes les conséquences qu’elles emportent et que nous mesurons parfaitement.

La crise sanitaire provoquée par l’influenza aviaire concerne toutes les exploitations, qui seront toutes aidées. Nous mettrons tout en oeuvre pour faire face à cet enjeu.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On vous parle de la proposition de loi de Mme Abeille !

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je rencontrerai d’ailleurs les professionnels la semaine prochaine pour caler avec eux les dispositions qui seront mises en oeuvre.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Pour ce qui est du sujet que vous évoquez, j’ai parfaitement compris de quoi il retournait.

« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Je me suis exprimé très clairement pour dire que le Gouvernement était à côté de cette filière avicole, et en particulier de tous les producteurs de foie gras de France et de Navarre !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, les l6 juin et 2 septembre derniers, vous avez, avec Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, fait signer par votre administration deux arrêtés réformant d’une part l’admission dans les instituts préparant au diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute, d’autre part le diplôme lui-même.

On peut penser que ces retouches de la formation et du diplôme étaient attendues, mais il se trouve que l’unification des cursus dans le cadre de la première année commune aux études de santé a parfois des conséquences curieuses. Car l’unité pédagogique réclamée se traduit par une unité géographique supposée incontournable. C’est ainsi que l’université d’Auvergne justifie son projet de rassembler à Clermont-Ferrand tous les étudiants de la première année commune aux études de santé, ce qui aboutira à la fermeture de la « prépa kiné » de Vichy et au départ de ses 375 étudiants.

Je sais, madame la ministre, l’attachement que nous avons à la fois à la liberté pédagogique et à l’autonomie des universités. Mais il y a des limites. Il y a des limites lorsque les décisions s’élèvent d’une part contre les projets locaux, d’ailleurs soutenus par l’État, de décentraliser des filières universitaires et de formation, d’autre part contre la stratégie d’égalité d’accès aux enseignements que ce gouvernement est censé soutenir.

Ma question est donc double.

Le décret et les arrêtés qui en découlent induisent-ils une unité de lieu s’agissant de ces formations ?

Quelle sera la réponse du Gouvernement à une telle décision, dont je rappelle encore une fois que, s’agissant de Vichy, elle affaiblit l’investissement consenti par les collectivités et l’État pour la création du pôle universitaire Lardy ?

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Vous avez raison, monsieur le député, de rappeler que la formation des masseurs-kinésithérapeutes, qui se déroulait jusqu’à présent sur trois années après un concours d’entrée, a fait l’objet d’une modification qui a abouti en septembre 2015. Désormais, le concours d’entrée est supprimé et la formation des masseurs-kinésithérapeutes est organisée sur quatre années au sein d’instituts spécialisés. Ces quatre années sont précédées par une année de sélection commune aux professions de santé – la « première année commune aux études de santé », ou PACES –, sachant qu’il est possible également de passer par la filière STAPS – sciences et techniques des activités physiques et sportives – ou par la filière sciences.

Cette suppression sera définitivement effective à la rentrée 2017. Alors que la préparation spécifique pour l’accès aux études de masso-kinésithérapie s’organisait, pour ce qui vous concerne, sur le site universitaire de Vichy, les étudiants devront suivre cette année d’études à l’université.

Il appartient aux universités, dans le cadre de l’autonomie qui leur est confiée, de mettre en place ces filières de formation en liaison avec les instituts. À ce stade, nous n’avons pas été informés d’une décision de l’université d’Auvergne de réunir la PACES sur le seul site universitaire de Clermont-Ferrand pour l’ensemble du territoire régional ou pour l’ensemble des étudiants se destinant à une profession de santé. Même si nous avons développé des outils d’accompagnement pour la mobilité étudiante, je tiens à vous dire que nous sommes particulièrement attachés à l’implantation territoriale des sites universitaires et, plus généralement, à la densité du maillage de notre appareil d’enseignement supérieur et de recherche.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le cours des actions Renault a chuté la semaine dernière de près de 11 % après que des contrôles, suivis de perquisitions, ont eu lieu au sein de l’entreprise, ce qui représente pour l’État une perte virtuelle de 637 millions d’euros. EDF voit son cours au plus bas historique, baisse amorcée dès mai 2014, alors que la ministre annonçait un gel des augmentations des tarifs de l’électricité, donc des possibilités de développement de l’entreprise.

Dans les deux cas, l’intention de départ – protéger le consommateur – se voulait louable ; mais à la fin, le consommateur, qui est aussi contribuable, est lourdement perdant. EDF s’enfonce, Renault vacille, vos décisions s’apparentent à des opérations de communication, elles souffrent d’impréparation et négligent le fond.

J’en viens plus particulièrement à Renault. En menant une enquête qui cherche à « laver plus blanc que blanc », en procédant à des vérifications de taux d’émission dans des conditions auxquelles les cahiers des charges actuels des tests ne soumettent aucun constructeur, vous avez mis le l’entreprise en difficulté et ébranlé la confiance des marchés dans le groupe. À tel point que, vous en rendant compte, vous avez immédiatement tenté un rétropédalage impressionnant destiné à dédouaner le constructeur.

Pourquoi n’avez-vous pas simplement fait confiance à la représentation nationale, tout particulièrement à la mission que j’ai l’honneur de présider et dont Delphine Batho, qui a précédé Mme Royal dans ses fonctions, est la rapporteure ? Vous semblez ignorer que nous menons un travail de fond, transparent, incluant bien évidemment la question des tests et de leur nécessaire évolution, ainsi que la question centrale des technologies mises en oeuvre, et ce dans un dialogue constant avec les consommateurs, les constructeurs, l’Europe et l’ensemble de la filière automobile française.

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Eh oui ! Pourquoi n’aimez-vous pas Mme Batho ?

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Le fonctionnement des marchés, leur fébrilité, est une donnée que l’État que vous représentez a ignorée. Cela constitue une faute pour nos finances, bien entendu, mais surtout une faute pour les entreprises concernées et leurs salariés. Quand renoncerez-vous à vous immiscer dans le fonctionnement des entreprises, qui vous semble…

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Merci, madame la députée.

La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Madame la députée, je vous prie d’excuser l’absence de Ségolène Royal, retenue par un débat au Sénat. Mais, au fond, votre question concerne tout autant le ministre de l’économie, puisqu’elle est essentiellement une critique de la politique de l’État actionnaire.

Précisons tout d’abord que la situation d’EDF et celle de Renault n’ont rien à voir.

S’agissant d’EDF, je vous invite à examiner les cours des actions de tous les énergéticiens mondiaux. Si vous pensez qu’une commission parlementaire, un ministre, que sais-je encore, peut décider de changer la réalité d’un marché mondial, je me trouve dans l’obligation de vous dire que ce n’est pas le cas ! Si l’action d’EDF baisse, ce n’est pas à cause d’immixtions de l’État actionnaire, bien au contraire.

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Ce n’est pas la question qui a été posée !

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

J’en viens à Renault. Mais enfin, madame la députée, la confiance n’exclut pas le contrôle ! L’État est dans son rôle, a fortiori lorsque c’est une commission indépendante qui est chargée de vérifier la réalité des tests.

Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Indépendante, une commission où siège Baupin ?

Debut de section - Permalien
Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Qu’a fait la ministre – avec plusieurs de ses collègues européens, du reste – le lendemain du scandale Volkswagen ? Sa réaction de transparence était une nécessité. Il fallait vérifier la réalité des tests sur banc d’essai et déterminer les écarts entre les résultats de ces tests et de ceux pratiqués en conditions réelles. Avez-vous vous jamais entendu cette commission, qui a mené un travail contradictoire et professionnel avec les constructeurs, émettre des messages inquiétants ou anxiogènes ?

En parallèle, car cela n’a rien à voir avec ces premiers éléments, la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, qui relève de mon ministère, a examiné pour sa part la qualité des informations fournies aux consommateurs. Nous n’aurions pas fait notre travail si nous n’avions pas lancé ces contrôles, madame la députée ! L’exemple de Volkswagen suffit à le montrer : on peut avoir confiance, on peut mener un travail parlementaire et ministériel exigeant, mais si, derrière, il n’y a pas un travail professionnel sur des sujets techniques pour faire toute la transparence, il est impossible de restaurer une confiance pleine et entière.

La volatilité des marchés est une chose. La responsabilité dans le long terme en est une autre, et c’est elle que nous avons choisie.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.

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La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et je la pose au nom de tous les députés des dix-huit départements concernés par la grippe aviaire dans les élevages de canards.

Le 15 janvier dernier, la profession et l’État ont pris la décision de geler toute production en organisant le vide sanitaire dans les élevages afin d’éradiquer durablement le virus.

Cette décision courageuse va néanmoins impacter très lourdement la filière, à commencer par les agriculteurs, en particulier les petits, qui, au cours des deux années passées, ont investi massivement pour répondre aux normes et aux exigences du bien-être animal, notamment durant le processus de gavage. Elle va également impacter les salariés de l’abattage, de la transformation, du transport.

L’inquiétude est d’autant plus grande que nous ignorons les modalités d’organisation du vide sanitaire, et donc la date de reprise de la production. Les agriculteurs craignent pour la survie de la filière palmipède française.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous détailler votre plan de soutien – soutien financier de l’État, mais aussi de l’industrie agroalimentaire car cette crise, selon les premières estimations, coûterait 300 millions d’euros, soutien à la recherche, car les modalités de propagation du virus sont encore mal connues, et soutien moral aux agriculteurs qui ont à affronter non seulement une crise sanitaire et économique, mais également une campagne de dénigrement qui s’exprime aujourd’hui, et je le regrette, au sein même de cette assemblée ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

S’agissant de la campagne de dénigrement qui s’exprime ici même, à l’Assemblée, je me suis exprimé de manière claire.

Vous avez posé un certain nombre de questions. Je l’ai dit, je comprends parfaitement l’inquiétude des producteurs et de la filière, mais je voudrais que chacun prenne conscience que si nous ne faisions rien, c’est l’ensemble de la filière, non seulement palmipède mais aussi avicole, à l’échelle de tout notre territoire, qui risquerait d’être touché.

Je voudrais que chacun, quel que soit son niveau de responsabilité vis-à-vis des producteurs et des transformateurs, mesure que la décision que j’ai prise, par rapport à l’option consistant à procéder à un abattage général, était une décision difficile mais absolument nécessaire. Sinon, les conséquences économiques auraient été bien plus graves pour toute la filière. Il faut que chacun en ait conscience.

Nous avons donc pris la décision de créer un vide sanitaire. Ainsi, depuis 18 janvier, il n’y a plus de mise en production, sauf pour certaines petites exploitations qui pourront continuer à gaver jusqu’au bout les bandes déjà mises en production.

Le vide sanitaire permettra d’appliquer toutes les mesures de biosécurité sur l’ensemble du territoire concerné pour éliminer le virus. Et dès la fin du premier semestre, nous remettrons en production des canetons afin d’assurer les marchés liés à la fin de l’année 2016.

Voilà ce que nous faisons. Et pendant ce temps, bien sûr, nous viendrons en aide aux producteurs et aux abatteurs. Chacun devra assumer la part de responsabilité qui lui incombe, surtout les grandes productions et les grands abattoirs. Mais l’État sera présent et l’Europe a indiqué qu’elle aiderait le Gouvernement à éradiquer ce virus. C’est la meilleure solution pour redonner de l’espoir à la filière et assurer son avenir.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le Président de la République a annoncé hier une série de mesures qui s’intègrent dans un plan d’urgence pour l’emploi. La plupart de ces mesures ne font preuve d’aucune originalité et s’apparentent plus au renforcement de dispositifs existants – dispositifs qui n’ont toujours pas démontré leur efficacité en matière de lutte contre le chômage, mais qui représentent un coût total de 2 milliards d’euros pour 2016.

Ainsi, le Gouvernement pérennise le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, mis en place en 2013, en échange duquel le MEDEF avait promis la création d’un million d’emplois. Pourtant, à ce jour, malgré les 40 milliards d’euros offerts aux entreprises, le chômage ne cesse d’augmenter, tout comme les dividendes du CAC 40.

Alors que la première préoccupation des Français reste l’emploi, le plan propose de faciliter les licenciements. Qui peut croire à une telle contradiction ? Ce que les Français attendent du Gouvernement, c’est une sécurisation de leur emploi et non une sécurisation des licenciements !

Ces vieilles recettes utilisées depuis vingt ans ne seront pas plus efficaces demain qu’elles ne l’ont été hier. Il faut désormais faire preuve d’audace et d’imagination pour relancer l’emploi et réduire les inégalités sociales qui gangrènent notre pays.

Trois propositions méritent d’être mises sur la table : relancer le débat sur le partage du temps de travail, instaurer une véritable sécurité sociale professionnelle, oeuvrer à une meilleure répartition des richesses. Dans ce cadre, la première des mesures à adopter aurait été de revaloriser le SMIC, ce que vous refusez de faire.

Le Gouvernement est-il prêt à examiner ces propositions qui dessinent une politique ambitieuse et novatrice ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, le plan qui a été proposé hier par le Président de la République vise en premier lieu à accélérer la création d’emplois. Pour cela, il prévoit une prime à l’embauche pendant la durée du basculement du CICE vers des allégements de charges.

Il est important aujourd’hui que nous n’ayons pas une vision de notre société selon laquelle l’économie et le social seraient des adversaires. Il est important de parler du CICE et du pacte de responsabilité non pas comme des cadeaux faits aux entreprises, mais comme les éléments d’un écosystème qui fonctionne. Le Premier ministre s’est engagé à faire le point d’ici à la fin du mois avec tous les signataires du Pacte de responsabilité.

Ensuite, et c’est un point essentiel, vous devez partager notre souci s’agissant de la qualification des demandeurs d’emplois.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C’est un sujet extrêmement important. La semaine dernière, le Président de la République a annoncé 3 milliards d’euros d’investissements publics, notamment pour financer la rénovation thermique. Or, vous savez que dans ces métiers nous avons besoin de main d’oeuvre, mais que celle-ci n’est pas qualifiée aujourd’hui.

Au moment où nous nous posons la question, dans le cadre du compte personnel d’activité, d’un droit à la nouvelle chance, les jeunes, en particulier ceux qui ont décroché, bénéficieront de 400 heures de formation qu’ils pourront utiliser tout au long de l’année. Il est important de nous interroger sur les décrocheurs d’hier qui, nous le savons, même dans une période de croissance économique, peuvent rester sur le bord du chemin.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La formation des demandeurs d’emploi est un enjeu essentiel, mais cet enjeu doit être considéré à l’aune des besoins des entreprises.

Enfin, nous n’avons pas retenu le « contrat de travail agile », ce contrat « préclausé » contenant les motifs de licenciement.

S’agissant de la prévisibilité, en particulier du barème des indemnités prud’homales, le débat a eu lieu dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Nous nous sommes engagés à revoir ce barème dans le cadre du projet de loi que je vous présenterai.

Le statu quo n’est plus tenable. À ce stade, il me semble important de développer la négociation collective.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, s’il est un principe universellement reconnu comme juste et efficace, c’est bien celui du pollueur payeur. Chaque utilisateur de l’eau paye des redevances pour financer l’alimentation en eau, ainsi que les ouvrages d’assainissement et de dépollution. Cela marche ainsi depuis des décennies, à la satisfaction de tous.

Mais, parce qu’il est dans une impasse budgétaire, le Gouvernement vient pomper le produit des redevances sur l’eau pour réduire le déficit de l’État. Vous siphonnez les budgets de l’eau, ce qui est proprement scandaleux. En 2014, l’État a prélevé 210 millions d’euros sur les agences de l’eau et, de 2015 à 2017, il prélèvera encore 175 millions d’euros chaque année. En outre, en introduisant un plafonnement annuel, il détournera désormais l’excédent perçu, au profit du budget général de l’État.

Finalement, c’est le modèle français de l’eau que vous mettez en danger. Vous détournez une redevance de solidarité entre les usagers de l’eau qui a été créée pour répondre aux défis de la gestion de l’eau. Si le Gouvernement juge que le combat contre la pollution est terminé, s’il estime qu’il n’y a plus de risques d’inondations, s’il juge qu’il n’y a pas de défis d’adaptation au changement climatique, alors, oui, qu’il réduise la facture des consommateurs en diminuant les redevances pour pollution ! Mais ce n’est certainement pas l’avis des comités de bassin, qui grondent et vous le font savoir.

Que le Gouvernement ne fasse pas croire aux Français qu’il baisse leurs impôts, quand il transforme des redevances spécifiques de solidarité en ressources budgétaires classiques. Vous détournez les ressources de l’eau et vous trompez les Français ! Et, dans l’impasse budgétaire où vous avez conduit la France, cela devient une habitude de gestion ! Taxe Chirac sur les billets d’avion plafonnée ; fonds national de gestion des risques en agriculture ponctionné de 250 millions ; prélèvement de 1 milliard d’euros sur le budget de la dépendance : autant d’exemples de cette dérive !

Alors, madame la ministre, allez-vous introduire davantage de transparence et revenir sur ces prélèvements iniques ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, à question précise, réponse précise. Avez-vous conscience de l’état dans lequel nous avons trouvé nos finances en 2012 ?

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

Avez-vous conscience de la nécessité de redressement des comptes publics à laquelle ce Gouvernement a dû faire face ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget

La décision du Gouvernement est claire : tous les secteurs de la dépense publique sont mis à contribution, qu’il s’agisse de l’État, de la sphère sociale, ou encore des opérateurs et des agences de l’État. Ce principe s’applique également aux agences de l’eau, qui ont des trésoreries abondantes – il faut le savoir et le reconnaître. Comme celles des autres opérateurs ou agences de l’État qui perçoivent le produit de taxes, leurs ressources sont plafonnées.

Puisque vous avez évoqué ce plafonnement, permettez-moi de vous dire qu’il n’est pas atteint, puisque les ressources des agences de l’eau sont de l’ordre de 13 milliards d’euros, alors que le plafond est de l’ordre de 12 milliards d’euros. Ces agences ne sont donc pas touchées par le plafonnement. Cela étant, puisqu’il se trouve que leurs trésoreries sont excédentaires, il est fait appel, comme cela a été fait avec les chambres de commerce et d’industrie, les chambres d’agriculture et d’autres opérateurs de l’État, à la mobilisation des fonds publics, de façon à avancer vers la réduction des déficits.

Le montant des contributions des usagers aux agences, que vous avez évoqué, monsieur le député, est fixé par les conseils d’administration : la loi fixe des plafonds, qui ne sont pas nécessairement appliqués. Et si certaines trésoreries restent excédentaires, il y aura toujours lieu, comme cela a été fait pour les chambres de commerce, d’adapter le montant des contributions au montant des besoins.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous étiez hier dans le Nord, à Beuvrages, pour présenter le dispositif « Parcours d’excellence », que pilotera Pierre Mathiot, ancien directeur de Sciences Po Lille.

À compter de la rentrée prochaine, chacun des 350 collèges participant au programme « réseau d’éducation prioritaire renforcé », REP+, bénéficiera d’un parrainage avec un établissement d’enseignement supérieur. Grâce à ces filiations éducatives au coeur de nos territoires, un coaching individuel et collectif permettra de tirer les élèves vers le haut, de construire des projets, des parcours et des destins fondés sur les capacités, le talent, la motivation et le travail, sans autre forme de distinction sociale.

Notre ambition commune, celle du Gouvernement comme de notre majorité parlementaire, c’est bien l’excellence. Oui, l’excellence.

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Mais une excellence qui ne résulte pas simplement des mécanismes de reproduction des élites entre elles, encore trop présents dans la société française. Une excellence qui ne se résume pas à une sélection des meilleurs en petit nombre dans une vision malthusienne. Non, ce que nous voulons, c’est une excellence ouverte à tous, qui tire tout le monde vers le haut.

Nous le savons, et je le vois moi-même tous les jours comme élu, à Cergy-Pontoise, d’une circonscription populaire qui exprime parfaitement la diversité multiculturelle de la France, le cloisonnement, les pannes de l’ascenseur social, les discriminations, en un mot une égalité des chances qui reste à construire, sont au coeur des difficultés de notre pays et mettent en cause la promesse républicaine d’égalité.

Cette initiative des « Parcours d’excellence » complète très utilement la stratégie mise en oeuvre depuis 2012 par notre majorité pour remettre l’école au coeur de cette belle promesse républicaine : création de 60 000 postes dans l’éducation, lutte contre le décrochage scolaire, allongement de la durée d’apprentissage à l’école primaire, réforme des collèges, augmentation du nombre de boursiers dans les filières sélectives.

Alors, madame la ministre, pouvez-vous nous préciser vos objectifs en la matière et les modalités par lesquelles ces parcours d’excellence amplifieront notre effort en faveur de la démocratisation de la réussite scolaire ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, je vous remercie de votre question. Beaucoup a été fait depuis 2012 en matière d’éducation par ce gouvernement, pour redonner à l’école les moyens de faire réussir le plus grand nombre, voire la totalité des élèves.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Nous voulons les faire réussir, à la fois en donnant de nouveaux moyens à l’éducation nationale, notamment en termes de création de postes – et vous voyez ce qui s’annonce pour la rentrée prochaine – mais aussi grâce à une nouvelle pédagogie, avec les réformes que nous avons conduites, aussi bien à l’école primaire qu’au collège.

Demeurait, néanmoins, ce sujet aigu de la mobilité sociale. Qu’est-ce qui fait que, à un moment donné, tous les élèves se sentent autorisés à rêver loin, à s’ouvrir des perspectives et des horizons pour poursuivre avec succès des études supérieures ou accéder à une insertion professionnelle ambitieuse ?

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Vous ne répondez pas à la question ! C’est absurde !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Voilà ce à quoi visent ces parcours d’excellence : à lever ces cloisonnements, cette autocensure que vous avez si bien décrite, et qui est particulièrement massive dans les quartiers classés en zone d’éducation prioritaire.

Nous savons que de nombreux élèves – et ils sont malheureusement de plus en plus nombreux – s’interdisent de rêver, considérant que certaines voies ou filières, même quand ils les connaissent, ce qui n’est pas toujours le cas, ne sont pas faites pour eux. Les parcours d’excellence consistent tout simplement à accompagner ces élèves le plus tôt possible, dès la classe de troisième, au moment où se décide leur orientation. Il s’agit de les motiver, de leur donner

confiance en eux, mais aussi de les faire travailler, collectivement et individuellement, et de les aider à construire leur projet pour aller jusqu’à l’excellence.

L’excellence peut s’exprimer partout, dans l’accès à une grande école, comme par la réussite dans une filière professionnelle. Il s’agit simplement d’aller au bout de son potentiel : c’est cette possibilité que nous apporterons aux élèves, grâce au partenariat d’universités, de grandes écoles, de grandes entreprises, mais aussi d’étudiants qui viendront « coacher » ces élèves.

Pierre Mathiot, qui connaît bien ce type de dispositifs, sera chargé, en tant que délégué ministériel, de construire ce parcours d’excellence. Celui-ci verra le jour à la rentrée prochaine dans tous les établissements REP+ et concernera les élèves de troisième, qu’il continuera à accompagner tout au long du lycée, jusqu’aux études supérieures. À la rentrée 2017, ce sont les REP qui seront concernés.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour une République numérique (nos 3318, 3399, 3387, 3389, 3391).

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, et chers citoyens internautes qui nous regardez nombreux sur le site de l’Assemblée nationale cet après-midi et qui avez été des dizaines de milliers à participer à l’élaboration de ce projet de loi, c’est un honneur pour le Gouvernement de présenter aujourd’hui à l’Assemblée nationale ce texte qui vise à construire une République numérique.

J’ai souhaité que la vision du numérique qui anime le Gouvernement non seulement dessine la France de demain mais forme aussi une pierre fondamentale de l’édifice du renouvellement de notre démocratie, en empruntant à la culture numérique elle-même sa transparence et ses modes de confection. « La démocratie est d’abord un état d’esprit », disait Pierre Mendès France. Eh bien, la République numérique aussi. Si j’emprunte cette citation à son ouvrage La République moderne, c’est qu’il s’agit bien ici de dessiner ensemble, article après article, amendement après amendement, le visage de la France et de la République de demain.

Le numérique, qu’on évoque tant, bouleverse nos valeurs, notre modèle social et nos manières de produire, de travailler et de consommer. Il doit être l’occasion à la fois de moderniser notre pays en actualisant le logiciel républicain et de réaffirmer dans ce monde incertain nos valeurs qui ne sont pas partagées partout.

Par une large consultation, le texte a été mis à la disposition de nos concitoyens, amendé et discuté avant même son passage au Conseil d’État et en conseil des ministres. Ce pari, au départ un peu fou et qui a quelque peu bousculé les institutions, a été gagné. En ressort un texte enrichi, plus précis, « augmenté » dirait-on dans le monde du numérique, grâce à l’aide des 21 000 participants, qui ont déposé 8 500 contributions, et à l’intégration de cinq nouveaux articles et de soixante-dix modifications substantielles nés du débat et de l’intelligence collective. Je tiens ici devant les représentants du peuple souverain à remercier et saluer chacun des citoyens qui ont pris de leur temps pour participer à cette nouvelle façon d’écrire la loi. Ce texte, c’est aussi le leur. C’est porteur de toutes ces voix que le projet de loi est arrivé devant vous en commission.

Je salue la qualité des débats que nous avons eus et l’intérêt marqué sur tous les bancs, qui ont permis d’améliorer encore le projet de loi. De nouvelles thématiques ont été introduites la semaine dernière, qu’il s’agisse des sanctions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – CNIL –, des lanceurs d’alerte ou de la revanche pornographique en ligne, autant de sujets dont nous serons amenés à débattre dans les prochains jours. Je le dis d’emblée : le rapporteur et les rapporteurs pour avis ont effectué un travail remarquable, et je les en remercie.

Cette loi, le Gouvernement l’a voulue car beaucoup de choses ont changé depuis la dernière loi consacrée au sujet, la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Dix ans se sont écoulés : quasiment un siècle à l’échelle du monde du numérique, en perpétuel mouvement. Or on ne peut pas penser la France de demain avec des lois d’hier, sans inventer un nouveau cadre qui donne sa chance à chacun.

Trois objectifs ont guidé les choix du Gouvernement.

D’abord, la liberté. Nous voulons permettre à l’économie numérique de se développer dans notre pays. Il faut que nos jeunes pousses, nos start-up puissent grandir en France et en Europe. Il faut que la circulation des données et du savoir permette aux nouveaux entrants, aux nouveaux modèles de pensée et d’économie, d’émerger dans un cadre à la fois protecteur et innovant.

Ensuite, l’égalité, sur le marché concurrentiel, entre les géants et les petites entreprises, et l’égalité entre nos concitoyens, à qui nous conférons de nouveaux droits et dont nous protégeons mieux les données personnelles.

Enfin, la fraternité. Le numérique ne peut pas être une machine à produire de l’exclusion supplémentaire. Je veux que la République numérique soit celle de la solidarité, de l’inclusion, de l’accessibilité. Nous avons la chance de vivre dans la cinquième économie du monde et de ne compter parmi nous qu’une très petite part des 4 milliards d’individus qui n’ont pas accès à internet sur notre planète. Et pourtant, chez nous aussi, le risque d’un internet à deux vitesses est réel. Face à cela, seule l’intervention du politique peut éviter que l’écart ne se creuse.

Le postulat qui a guidé ces choix est simple : il n’y a de place ni pour le fatalisme, ni pour la naïveté qui pourrait résulter d’une approche uniquement technophile, qui a d’ailleurs longtemps prévalu, ni pour une espèce de nostalgie intellectuelle de l’époque des pré-barbares. Non, l’heure est désormais au réalisme, au pragmatisme de l’action, à la réaffirmation de nos valeurs dans un monde en mutation totale afin de rappeler que la France et l’Europe veulent promouvoir un internet ouvert, multilatéral, libre, représentatif, qui ne soit pas abandonné aux seules forces du marché ou aux velléités de fermeture des régimes autoritaires.

J’entends ça et là que le texte irait trop loin, ou à l’inverse qu’il manquerait d’ambition. Allez comprendre ! Ce qui est certain, c’est que jamais un gouvernement français n’a appréhendé le numérique de manière aussi globale, avec une approche aussi transversale, tout à la fois politique, économique, sociale et sociétale.

Bien sûr, tout ne relève pas de la loi. Nous continuons à travailler sur les enjeux d’emploi et de formation professionnelle. Je pense aux annonces faites hier par le Président de la République concernant la formation des chômeurs : l’apprentissage du numérique doit être au coeur de la formation tout au long de la vie. Les débats sur l’opposition entre l’économie collaborative et l’économie des services à la demande, sur le financement de l’innovation et sur la fiscalité doivent aboutir rapidement.

Ce texte est donc une pierre qui participe à la construction d’un édifice plus global. Mais la vision est toujours la même : la quatrième révolution industrielle, que nous traversons à une vitesse inégalée précédemment, doit être l’occasion de poser un diagnostic des effets du numérique, qui est potentiellement menaçant pour l’emploi, mais aussi et peut-être surtout une solution. Dans ce cadre, la préservation des situations établies, qui s’apparentent parfois à des rentes, n’est pas la solution. Mieux vaut faire face à la réalité en investissant dans la formation, dans l’appareil productif, dans la recherche de nouveaux modèles économiques.

Le texte que vous avez devant vous répond aussi, en droit, à ces objectifs.

Tout d’abord, il encadre la circulation du savoir et des données. On dit que le droit est en retard sur les usages. Eh bien non ! Ici, nous inventons pour construire le socle de l’économie de demain, celle de la « data ». Nous créons de nouvelles notions : l’open data par défaut, les données d’intérêt général, la mission de service public de la donnée, autant de dispositions qui doivent donner à la France une longueur d’avance dans ce qu’on appelle l’économie de la connaissance. Nous considérons que la mise à disposition d’un certain nombre de données relève du bien commun. C’est une petite révolution en soi, une ambition politique tout autant qu’un impératif économique, qui se traduit par exemple par la mise à disposition gratuite des données de la base SIRENE de l’INSEE, par l’ouverture des algorithmes administratifs en cas de décision individuelle ou par l’ouverture des codes sources des administrations.

Cette économie du savoir repose aussi sur la capacité qu’auront désormais les chercheurs à sortir des contrats d’exclusivité qui les lient à des éditeurs commerciaux, afin que le numérique soit plus encore un formidable outil de diffusion du savoir au service du plus grand nombre, à commencer par les chercheurs eux-mêmes.

Construire la République numérique, c’est aussi redonner du pouvoir aux citoyens en leur octroyant de nouveaux droits. Pour ce faire, il faut créer un espace de confiance. La loi de 2004 avait bien compris cet impératif. La nécessité de rassurer les citoyens est sans doute encore plus essentielle aujourd’hui, face à la multiplication des cyberattaques et des phénomènes de fuite de données personnelles ou de fraude aux moyens de paiement sur internet, dont la récurrence peut faire douter de l’utilité du numérique.

En réponse, nous avons élaboré une loi du quotidien, qui confère de nouveaux droits aux utilisateurs, lesquels se sentent trop souvent impuissants, dépossédés de la maîtrise de leur vie en ligne, enfermés dans un contrat, dans un réseau, sans possibilité d’agir. Nous avons introduit un nouveau principe : celui de la loyauté des plateformes. Désormais, les grandes sociétés devront mentionner clairement l’existence d’éventuels liens commerciaux ou financiers avec les contenus qu’elles mentionnent ou référencent. Par ailleurs, les sites internet recueillant les avis des utilisateurs seront tenus de préciser quels processus de vérification et de contrôle ils emploient pour garantir l’authenticité de ces avis. Enfin, les contenus des messageries électroniques et les données hébergées « en nuage » seront rendus portables afin que chacun puisse les récupérer à tout moment. Nous rendrons possible, sur simple demande, le droit à l’oubli pour les mineurs. Nous permettrons à chacun de disposer librement de ses données et de déterminer la manière dont elles devront être traitées et communiquées après son décès physique.

Ce texte prend résolument parti en faveur de la neutralité de l’internet, après un travail ardu, mené à Bruxelles et dans toute l’Europe, pour convaincre nos partenaires européens d’avancer ensemble sur ce sujet. Il donne aux régulateurs des télécoms les moyens de faire respecter cet important principe de neutralité du Net. Notre méthode a été d’avancer dans l’articulation la plus fine possible avec le travail européen. Encore une fois, nous avons refusé la passivité et l’inaction : nous avons voulu agir là où cela est possible, en bonne coordination avec nos homologues et avec les institutions communautaires. C’est ce que j’aime qualifier de « stratégie du dialogue constructif permanent ».

Enfin, construire la République numérique, c’est assurer l’égalité et la promesse d’un numérique partout et pour tous. S’il est bon de créer de nouveaux droits, ceux-ci doivent être effectifs pour l’ensemble de nos concitoyens et de nos territoires.

La force de notre pays réside dans ses territoires, surtout quand ils sont connectés. Aussi ce texte a-t-il pour ambition d’aider les collectivités locales à retrouver des marges de négociation : elles pourront ainsi invoquer les données d’intérêt général dans leurs relations avec les titulaires de délégations de service public, par exemple. C’est aussi le but des schémas d’aménagement des usages, de l’élargissement du champ d’application du Fonds de compensation pour la TVA aux investissements dans la téléphonie mobile, de l’accélération du plan France Très Haut Débit dans les territoires, ou encore du renforcement du service universel du téléphone fixe. Car, oui, certains de nos concitoyens préfèrent ou sont obligés de recourir uniquement au téléphone fixe. Il y a donc là un enjeu d’égalité entre les citoyens et les territoires qu’il était absolument essentiel d’intégrer à ce projet de loi, avant de parvenir peut-être à renégocier à Bruxelles une définition du service universel qui inclue internet.

L’égalité entre les citoyens passe aussi par trois autres sujets. Tout d’abord, la connexion à internet des foyers les plus fragilisés doit être maintenue en cas d’impayés. Ensuite, la médiation numérique est essentielle pour accompagner nos concitoyens dans l’appropriation des outils numériques : à l’heure où les services publics se dématérialisent, où il n’est plus possible de trouver un emploi sans le chercher en ligne, où l’on demande aux administrés de payer leurs impôts sur internet, où toutes ces démarches doivent être accomplies en ligne, les Français doivent être accompagnés dans les territoires. Enfin, il faut améliorer l’accessibilité, en particulier pour les personnes en situation de handicap : le Gouvernement refuse qu’il y ait deux internets.

Vous le voyez : la République numérique doit faire de la France le pays du numérique partout, par tous et pour tous. Mais finalement, le numérique n’est qu’un outil : nous voulons qu’il soit au service d’une mission politique.

Avec ce texte, le Gouvernement a expérimenté une nouvelle manière de faire la loi. Le numérique est potentiellement un formidable outil de reconnexion, de réconciliation entre les citoyens et la politique. La force citoyenne doit réinvestir le champ politique !

Le numérique est aussi une chance de réconciliation entre les générations, entre les lieux, les territoires, entre les politiques industrielles du passé et de l’avenir, entre des enjeux économiques qui rejoignent, pour une fois, les défis sociaux et sociétaux.

Avec votre soutien, mesdames et messieurs les députés, la République numérique sera la France de demain.

Il me reste à me souhaiter que les députés médecins, qui sont paraît-il nombreux, aient organisé, comme les groupes politiques, des permanences pour les jours à venir…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Il me reste surtout à nous souhaiter, collectivement, de très bons débats.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Luc Belot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, madame et messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, en 2004, le Parlement a adopté une loi pour la confiance dans l’économie numérique. À l’époque, l0 % de l’humanité, soit 500 millions de personnes, utilisaient internet au travail, à leur domicile ou dans des lieux publics, et ce nombre d’internautes augmentait de 120 à 140 millions de personnes par an. Près de 160 millions d’ordinateurs étaient raccordés à internet. Les échanges inter-entreprises – ce qu’on appelle habituellement le « B to B » – représentaient un peu plus de 2 000 milliards d’euros. C’était en 2004.

Presque douze ans après, le paysage a été très largement bouleversé. On dénombre près de 3 milliards d’internautes en 2015, dont 2 milliards utilisent les réseaux sociaux. Chaque seconde, huit personnes deviennent de nouveaux utilisateurs d’internet, et plus de 820 000 nouveaux sites internet sont mis en ligne quotidiennement. Selon les estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, en 2013, la valeur du commerce électronique d’entreprises à entreprises a dépassé les 15 000 milliards de dollars et le commerce d’entreprises à consommateurs, communément appelé « B to C », a atteint 1 200 milliards de dollars.

Les Français ne sont pas en reste, loin de là. En janvier 2015, plus de 34 millions de Français se sont connectés quotidiennement à internet depuis deux ou trois supports différents – un ordinateur au domicile sur le lieu de travail, une tablette et, de plus en plus, un smartphone. Selon les chiffres de la fédération française de la vente à distance, le commerce en ligne des entreprises vers les consommateurs serait en forte croissance et représenterait près de 57 milliards d’euros en 2014, soit plus que le secteur automobile. Le secteur a progressé de 11,5 % par rapport à l’an passé alors que le commerce traditionnel gagnait, lui, seulement 1,1 %.

Comme le montrent ces différents chiffres, la société française s’est donc considérablement transformée, sous l’influence d’internet, depuis dix ans. Il paraît désormais urgent d’établir un cadre juridique pertinent permettant de garantir la confiance des Français dans la société numérique, douze ans après la confiance placée dans l’économie numérique.

Telle est l’ambition du présent projet de loi, qui poursuit trois objectifs majeurs.

Le titre Ier vise à favoriser la circulation des données et du savoir au bénéfice de la société de la connaissance, à travers l’ouverture des données publiques – sujet que nous avons abordé il y a deux mois avec la secrétaire d’État Clotilde Valter –, la création d’un service public de la donnée, la possibilité d’utiliser le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques à des fins statistiques ou de recherche, ou encore la consécration du principe de l’open access dans le domaine de la recherche – nous y reviendrons avec Emeric Bréhier – qui permet à tout chercheur de mettre à disposition du public, par voie numérique, l’ensemble de ses travaux et les données afférentes, après un délai d’embargo qui fera l’objet de quelques discussions ici.

Le titre II vise à protéger les citoyens dans la société numérique – vous avez dit tout à l’heure combien le sujet de la confiance était important dans le monde numérique – par le biais de dispositions garantissant un environnement numérique ouvert – neutralité de l’accès à internet, loyauté des plateformes, portabilité des données – et, d’autre part, de mesures en faveur de la protection de la vie privée en ligne – nous y reviendrons avec nos collègues de la Délégation aux droits des femmes – dont notamment la reconnaissance d’un droit « chapeau » à disposer librement de ses données personnelles. Je préfère cette présentation à celle qui a été évoquée il y a presque un an à l’occasion du débat sur la stratégie numérique de la France. Le Conseil d’État parlait alors d’autodétermination informationnelle. L’idée de libre disposition des données personnelles me semble plus adaptée à la réalité.

Le titre III vise à garantir l’accès de tous au numérique, à travers l’action des territoires dans le développement du numérique, le renforcement des obligations des opérateurs en matière de couverture mobile, le développement de nouveaux usages comme le recommandé électronique et le paiement par SMS, l’accès des personnes handicapées au numérique et la consécration d’un droit au maintien de la connexion pour les personnes les plus fragiles. En effet, ne plus être connecté revient, pour une famille, à ne plus pouvoir suivre la scolarité des enfants ou à avoir des difficultés pour rester en relation avec des administrations et des services aussi importants que Pôle Emploi ou la caisse d’allocations familiales par exemple.

Sans revenir sur le détail du texte, je souhaiterais maintenant concentrer mon propos sur les apports de la commission des lois : dix-sept heures quinze de travail, 609 amendements examinés, dans une ambiance particulièrement constructive et sereine.

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Cela doit nous conduire à examiner avec beaucoup d’attention les 226 amendements qui ont été acceptés, émanant de l’ensemble des groupes,…

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…dont notamment des amendements de Lionel Tardy, Laure de La Raudière, Patrice Martin-Lalande ou Philippe Gosselin. Marie-Anne Chapdelaine, Emeric Bréhier et bien d’autres ont mené un travail extrêmement important. J’ai tout particulièrement apprécié la qualité des échanges qui ont eu lieu ainsi que la connaissance particulièrement fine du sujet qu’avaient les parlementaires qui se sont exprimés. C’est tout à l’honneur de notre assemblée.

La commission a tout d’abord renforcé les dispositions relatives à l’ouverture des données publiques, en consacrant le principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des documents administratifs au bénéfice des administrations agissant dans l’exercice de leurs missions de service public, et en complétant la liste des documents administratifs concernés par les codes source. Elle a également ajouté une nouvelle modalité d’accès aux documents administratifs, à travers la demande de publication, et renvoyé à un décret la fixation du seuil optimal pour assujettir les administrations à ces nouvelles obligations de publication.

Elle a ensuite précisé que les données de référence constituent une référence commune pour nommer ou identifier des produits, des services ou des territoires et consacré la gratuité de la réutilisation des informations publiques produites par le service statistique public.

Par ailleurs, à l’initiative de M. Coronado et de Mme Batho, la commission a adopté plusieurs articles additionnels visant, notamment, à organiser la publication par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, dans un format ouvert et aisément réutilisable, du relevé des temps d’intervention des personnalités politiques, auparavant transmis aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et qui sera désormais en accès libre ; à encourager l’utilisation par les administrations des logiciels libres ; ou à reconnaître à la Commission d’accès aux documents administratifs – CADA – une capacité d’auto-saisine pour poursuivre des réutilisations frauduleuses d’informations publiques, ce qui est l’objet de l’article 16 bis.

Enfin, la commission a adopté plusieurs amendements de votre rapporteur visant à définir plus précisément le champ de l’obligation d’open data pesant sur le délégataire, à s’assurer que l’autorité délégante fera de ces données un usage conforme aux règles de communication prévues par le code des relations entre le public et l’administration, et à préciser les modalités selon lesquelles l’exemption de l’obligation de fournir les données essentielles en open data peut être décidée. C’est un enjeu de transparence et de démocratie.

À l’initiative de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la commission a complété les dispositions en faveur de l’open access dans le domaine de la recherche. Nous y reviendrons avec Emeric Bréhier.

La commission a également réécrit certaines dispositions du titre II relatif à la protection des citoyens dans la société numérique, d’abord pour garantir la neutralité de l’internet et moderniser le statut et les pouvoirs d’enquête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP – et ensuite pour garantir le droit à la portabilité des données, en permettant au détenteur d’un compte de messagerie électronique de continuer gratuitement à bénéficier des services d’envoi et de réception pendant une durée de six mois. S’agissant de la régulation des plateformes en ligne et de l’information des consommateurs, la commission a aussi précisé la définition des opérateurs et des obligations qui y sont liées. Nous y reviendrons par le biais d’un certain nombre d’amendements.

À l’initiative de la commission des affaires économiques, et j’en profite pour saluer Corinne Erhel pour son excellent travail, la commission a réécrit l’article 23 pour assurer un meilleur équilibre entre l’autorégulation des plateformes en ligne et l’intervention de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. L’article 24 sur les avis en ligne a aussi été complété.

S’agissant du droit à disposer librement de ses données personnelles, la commission a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant l’intransmissibilité des droits « Informatique et libertés » aux héritiers du défunt lorsque ce dernier n’a pas laissé de directive quant au devenir de ses données après sa mort.

La commission a également adopté plusieurs amendements renforçant le rôle de la CNIL en matière de protection des données personnelles, à travers la faculté pour le président d’une assemblée de saisir cette autorité sur une proposition de loi, la systématisation de la publicité des avis qu’elle rend et l’instauration de mécanismes de coopération de la CNIL avec l’ARCEP et avec un État non-membre de l’Union européenne.

La commission a également souhaité renforcer la protection de la vie privée en ligne à travers un nouvel article habilitant certaines associations de protection des données personnelles à exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d’atteintes aux droits de la personne.

Enfin, la commission a renforcé les dispositions en faveur de l’accès de tous au numérique afin d’améliorer la couverture numérique du territoire. Je ne doute pas que nous y reviendrons lors de la discussion sur les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique ou sur les syndicats mixtes ouverts. Il s’agit notamment de rendre éligibles au Fonds de compensation pour la TVA les dépenses d’investissement en matière d’infrastructures de réseaux de téléphonie mobile sur la période 2015-2022.

En outre, à l’initiative de Patrice Martin-Lalande, la commission a autorisé l’établissement d’une liste complémentaire des communes concernées par des zones blanches dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi.

Enfin, à l’initiative de votre rapporteur et avec l’avis favorable du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, ou plus précisément dans une démarche de co-rédaction, la commission a adopté un amendement de rédaction globale de l’article 42 permettant d’écrire « en dur » un dispositif permettant d’autoriser et de réguler les compétitions de jeux vidéo, appelé le e-sport.

Pour conclure, ce projet de loi relève l’ambition de créer un cadre juridique adapté en faveur d’une République numérique, comme en témoignent les droits nouveaux que nous apportons au citoyen ou les avancées qui vont permettre de « booster » l’économie, en matière par exemple d’open data ou de déploiement des réseaux de très haut débit.

Nous disposons là d’un texte qui va nous permettre d’aborder sereinement les enjeux de la confiance dans la société numérique. Je remercie sincèrement tous les parlementaires qui ont participé aux travaux de la commission des lois ainsi que ses services, notamment les trois administrateurs qui ont suivi ce texte très complexe depuis trois mois. Vous aurez compris que je vous invite à adopter ce texte, sous réserve des amendements en discussion que j’ai présentés ou pour lesquels je donnerai un avis favorable.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Emeric Bréhier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie d’un certain nombre d’articles, les articles 17, 18, 22, 23 et 42, du projet de loi que vous nous présentez, madame la secrétaire d’État.

En tant que rapporteur pour avis, je tiens à mon tour à souligner le travail de construction participative ouvert à l’ensemble de la société dont a fait l’objet en amont le projet de loi, et qui a permis de le faire évoluer, notamment pour ce qui concerne les articles évoqués. Il s’agit d’une novation démocratique qu’il conviendra, me semble-t-il, de poursuivre, en faisant en sorte que cela ne limite pas les capacités du Parlement à se saisir du texte.

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Permettez-moi de revenir brièvement sur les enjeux de ces articles. L’article 17 présente une avancée majeure pour la connaissance scientifique et la diffusion des résultats de recherche. Bien entendu, reconnaissons-le, le débat s’est quelque peu tendu au regard des intérêts parfois divergents entre les éditeurs, considérant que les délais de diffusion sont trop courts pour leur permettre de générer suffisamment de bénéfices sur l’écrit publié, et les chercheurs, certains d’entre eux souhaitant aller plus loin et permettre de mettre à la disposition du public un article dès sa publication dans une revue.

Le dispositif retenu satisfait donc tout le monde sur le principe, mais personne dans ses modalités. C’est la preuve qu’un équilibre a été atteint… Il est par ailleurs porteur de nombreux progrès pour la recherche française, qui sera beaucoup plus visible de la communauté internationale des chercheurs, y compris issus des pays en voie de développement, et du monde économique, en particulier des petites et moyennes entreprises.

Cet article devra être associé à une véritable stratégie d’accompagnement et faire également l’objet d’approfondissements, notamment sur le plan européen, avec le « text and data mining » – TDM – ou, pour parler français, « droit de fouille ». Je ne doute pas que certains de nos collègues reviendront sur ce sujet lors de la discussion des articles.

Les articles 22 et 23 sont, quant à eux, porteurs d’évolutions intéressantes au regard de l’enjeu juridique et économique que représente aujourd’hui l’activité des grandes plateformes. Celles-ci sont aujourd’hui bien plus que des hébergeurs de contenus. Leur résonance est mondiale, leur nombre d’utilisateurs exponentiel, leur usage incontournable. C’est pourquoi leur niveau de responsabilité, notamment dans la protection du droit d’auteur et dans le financement de la création, doit être mis en adéquation avec la réalité de leur pouvoir économique,…

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…en tout cas autant que possible dans le cadre européen actuel.

La consultation citoyenne, madame la secrétaire d’État, a fait naître au sein du projet de loi un nouvel article, auquel M. Luc Belot faisait tout à l’heure référence, relatif, pour ne froisser personne, aux compétitions de jeux vidéo. Celles-ci se développent dans le monde entier et ont un poids économique de plus en plus important, parfois rarement atteint par certaines compétitions traditionnelles, notamment sportives. Malheureusement, et malgré les opportunités ne serait-ce qu’économiques qui en découlent, il arrive que de telles compétitions puissent difficilement être organisées en France de façon parfaitement légale, car elles risquent d’être assimilées à des loteries prohibées à juste titre. L’objectif est donc bien de se doter des moyens nécessaires pour que notre pays, qui possède de formidables atouts dans le secteur du jeu vidéo, ne se prive pas de l’opportunité que représentent de tels événements. La commission des lois a d’ailleurs adopté un amendement permettant, à tout le moins, de poursuivre les échanges sur cet enjeu dont le législateur doit se saisir.

Permettez-moi, pour finir, de relever l’adoption, contre l’avis de votre rapporteur de la commission des affaires culturelles, de trois amendements portant sur la liberté de panorama et les biens communs informationnels. Bien sûr, il nous reviendra d’y revenir car, et c’est bien normal, je les soumettrai à la sagacité de l’hémicycle.

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Voilà, mes chers collègues, un texte qui marque, sur le fond comme sur la forme, une nouvelle étape essentielle dans la prise en compte des éléments révolutionnaires du numérique. En l’espèce, nul besoin d’un grand soir, mais bien plus d’une construction conduite avec persévérance.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

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Nous ne cessons de le répéter, le numérique est un formidable levier de croissance, de progrès social et d’emploi, dont notre pays a su s’emparer et dont il doit désormais accompagner le développement et le déploiement. Très attendu, le projet de loi pour une République numérique, que nous examinons aujourd’hui, s’inscrit dans la continuité de la réflexion et de la démarche volontaire engagées par le Gouvernement depuis 2012.

Il donne au législateur l’opportunité de s’emparer de sujets clés, alors que le Parlement, et tout particulièrement la commission des affaires économiques, s’implique depuis plusieurs années pour la définition d’une stratégie numérique française audacieuse et l’émergence de propositions innovantes. Dans cette logique, il me paraît essentiel que le travail mené par l’ensemble des commissions, en particulier par celle des affaires économiques, qui s’était saisie pour avis de plus de trente articles et dont je suis rapporteure, soit écouté et pris en compte.

Je souscris pleinement aux objectifs poursuivis par ce texte en matière d’open data et, plus globalement, de circulation des données et du savoir, de renforcement de la confiance dans la société numérique et de possibilité pour le citoyen consommateur de faire un usage pleinement maîtrisé de ses données, ainsi qu’en matière d’accessibilité accrue au numérique, tant dans les territoires que par de nouveaux usages pour les personnes en situation de handicap ou de précarité économique. Il s’agit là de points essentiels.

Il me paraît aussi important de rester vigilants, dans nos débats, sur plusieurs points. Tout d’abord, comme cela a été dit tout à l’heure, des avancées majeures sont en cours à Bruxelles sur les sujets clés de la neutralité du Net, des données personnelles et des plateformes. Aussi la cohérence et l’articulation avec la législation européenne seront-elles centrales tandis que, face à des phénomènes globalisés, l’échelon communautaire est pertinent pour traiter de ces enjeux.

Deuxième point : la nécessité absolue de trouver l’équilibre entre la protection des données personnelles, la confiance des citoyens et des acteurs économiques et la définition d’un cadre attractif encourageant l’innovation sous toutes ses formes. En effet, c’est maintenant qu’il faut accélérer le mouvement. Il est essentiel de nous doter d’une législation permettant à l’innovation de se développer dans toutes ses potentialités, présentes et à venir, mais aussi à l’audace et à l’énergie entrepreneuriales françaises de se réaliser.

Aussi, comme je l’avais rappelé en commission, la confiance des utilisateurs et l’encouragement de l’innovation, loin d’être antagonistes, sont-ils deux objectifs parfaitement et obligatoirement complémentaires, que nous devons poursuivre avec détermination.

À ce titre, l’attention de la commission des affaires économiques s’est plus particulièrement portée sur deux questions traitées dans le texte et sur leur applicabilité. La première concerne la portabilité des données et la nécessité de concilier le droit légitime de l’utilisateur de récupérer les données personnelles qu’il a fournies et la protection de la valeur ajoutée et de l’innovation apportées par le service en ligne, quelle que soit la taille de l’entreprise concernée. La seconde concerne les plateformes et la difficulté posée par ce texte – nous l’avons évoquée en commission – quant au périmètre couvert, dans un contexte où tous les acteurs du numérique sont potentiellement des plateformes en devenir.

Autre point de vigilance : gardons à l’esprit – plusieurs textes examinés ces dernières années doivent nous le rappeler – que le temps du législateur n’est pas celui du numérique, dans un contexte où les cycles d’innovation se raccourcissent et où les révolutions sont rapprochées et très rapides. Il est absolument nécessaire de veiller à l’applicabilité de nos textes et d’anticiper leurs éventuels effets de bord et leur impact dans des écosystèmes de plus en plus complexes. C’est à ce titre que j’ai pu regretter, nous en avons parlé en commission des affaires économiques, que les études d’impact, très satisfaisantes sur le titre Ier relatif à la donnée, présentent des fragilités dans certaines démonstrations sur le titre II.

En septembre dernier, des entrepreneurs représentant des pépites françaises du numérique regroupées au sein de la French Tech sont venus échanger avec les membres de la commission des affaires économiques et nous ont appelés à rester très attentifs à la stabilité du cadre et des textes, et à leur applicabilité réelle dans un monde toujours mouvant. Il nous faut entendre cette demande et poser un cadre clair, attractif et sécurisant, cohérent avec les législations supranationales en cours de définition, un cadre propice au développement d’offres innovantes et disruptives, accessibles à tous et pour tous afin de permettre à la France d’être à la hauteur des enjeux qui se présentent à elle.

C’est toute notre ambition pour les discussions que nous allons avoir à l’occasion de ce texte : concilier ces approches et trouver le bon point d’équilibre assurant attractivité, cohérence et pertinence sur un sujet qui est un enjeu de croissance majeur pour notre pays et d’égalité pour l’ensemble des territoires et des citoyens.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Gérard Bapt, suppléant Mme Hélène Geoffroy, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

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Je m’exprime donc ici en tant que suppléant de Mme Hélène Geoffroy, retenue par des impondérables dans son département.

L’accélération technologique et le progrès technique instaurent de nouvelles pratiques, qui font évoluer les organisations traditionnelles. Bien entendu, la révolution – le tsunami – numérique touche aussi le domaine de la santé.

Notre société se trouve face à un paradoxe. Les outils numériques bouleversent les modes d’information, rapprochent les individus en faisant fi des frontières géographiques et naturelles et permettent de surmonter des handicaps physiques et mentaux. Et pourtant, dans le même temps, à mesure que les nouvelles technologies s’inscrivent dans le quotidien des Français, la fracture numérique s’accroît. Faute de compétences et d’équipements, une partie de la population décroche, aggravant dans certains cas le non-recours ou le non-accès aux droits. Ainsi, la « troisième révolution industrielle » nécessite impérativement que notre République puisse contribuer à la résolution de ce paradoxe en définissant de nouvelles règles du jeu pour construire le modèle numérique français.

Le Gouvernement nous propose aujourd’hui une stratégie numérique dont le présent projet de loi constitue le volet législatif. Quatre articles ont intéressé plus particulièrement la commission des affaires sociales, nous conduisant à proposer des modifications au texte. Je remercie la commission des lois, et singulièrement son rapporteur, ainsi que le Gouvernement, pour leur écoute attentive.

Dans la lignée des dispositions contenues dans la loi de modernisation de notre système de santé, l’article 18 du projet de loi poursuit l’objectif d’enrichissement de la statistique publique et de simplification de la recherche scientifique à partir d’une redéfinition des procédures d’accès au numéro d’inscription au répertoire. Elle complète ainsi en quelque sorte la loi santé que nous avons votée récemment. Notre commission a proposé une évolution de cet article en vue d’une protection plus efficiente de la vie privée via le principe d’une espérance de vie limitée de la clé de chiffrement, sans pour autant alourdir la procédure d’accès aux données.

Dans un second temps, nous avons étudié la question du numérique du point de vue des publics non-connectés. L’article 43 est ainsi destiné à permettre un accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques, équivalent à celui dont bénéficient les autres utilisateurs. L’incapacité à garantir la communication entre personnes déficientes auditives, mais aussi entre ces personnes et leur entourage, est constatée aussi bien dans les services publics que dans les entreprises.

Face à ce constat et au succès limité de l’expérimentation d’un centre relais téléphonique, un double dispositif de mise en accessibilité des services téléphoniques et de développement d’offres commerciales accessibles par les opérateurs de communications électroniques est inscrit dans le projet de loi. Notre commission a proposé d’enrichir cet article en insérant des dispositions devant permettre de garantir le respect de critères de qualité par les opérateurs de télécommunications dans leurs offres, le caractère simultané de la traduction écrite et visuelle et la déclinaison par décret des modalités de suivi de l’application de cette mesure.

Afin de garantir la pleine entrée en vigueur du dispositif, il me semble indispensable que le Gouvernement engage sans tarder une réflexion sur les formations disponibles de traducteurs et d’interprètes, leurs effectifs et leurs financements. Peut-être, madame la secrétaire d’État, les mesures annoncées hier par le Président de la République à propos du grand plan de formation pourraient-elles permettre d’intégrer une ligne particulière concernant cette question.

Nous avons ensuite examiné l’article 44, relatif à l’accessibilité des sites internet publics aux personnes aveugles ou malvoyantes. Les sites internet de l’État, des collectivités locales et des établissements publics doivent afficher une mention visible permettant de préciser le niveau de conformité aux règles d’accessibilité. Ces mêmes administrations devront mettre en oeuvre un schéma pluriannuel de mise en accessibilité, apte à faciliter l’appropriation de cette obligation consacrée depuis dix ans déjà. À l’initiative de la commission des affaires sociales, un amendement a par ailleurs été adopté afin de préciser les modalités de formation des personnels intervenant sur les sites internet publics.

Enfin, les personnes atteintes d’un handicap ne sont malheureusement pas les seules personnes exclues du numérique, qui ne contribuera à une société solidaire que s’il devient le vecteur d’un pouvoir d’agir du citoyen. L’article 45 prévoit le maintien temporaire de la connexion internet en cas de non-paiement des factures par les personnes les plus démunies, via l’intervention du Fonds de solidarité pour le logement.

Au terme des auditions effectuées, il apparaît clairement que l’effectivité de l’accès à internet constitue le pilier de l’inclusion numérique et de la lutte contre la fracture numérique. Cet accès est en ce sens indissociable de la République numérique que nous entendons construire avec vous, madame la secrétaire d’État. Qu’il s’agisse des personnes en difficulté financière, de l’ensemble des publics fragiles ou encore des territoires éloignés de la connexion, il semble aujourd’hui indispensable de garantir l’accès effectif de chacun à internet.

Favoriser l’e-inclusion ne se limite pas à traiter l’accessibilité des personnes en situation de handicap, bien que cette dernière soit fondamentale. Je salue l’ambition, madame la secrétaire d’État, portée par votre texte, qui a vocation à faire disparaître la fracture numérique. C’est par le numérique que nous redonnerons tout son pouvoir d’agir au citoyen. C’est aussi par le numérique que, dans le domaine de la santé, une meilleure efficience permettra de conserver le caractère solidaire de notre système d’assurance maladie et de protection sociale.

C’est ainsi que nous contribuerons à une société plus solidaire. Nous vous remercions, madame la secrétaire d’État, d’avoir ainsi porté ce texte, et, monsieur le rapporteur, de nous avoir permis de l’enrichir.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

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J’ai souhaité intervenir, comme président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’est saisie d’un certain nombre d’articles de ce projet de loi, pour souligner l’importance d’un texte qui, pour la première fois, abordera globalement et en cohérence tous les enjeux du numérique.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Soyez particulièrement félicitée, madame la secrétaire d’État, pour ce projet de loi qui doit tant à votre détermination. Même si celle-ci s’exprime souvent avec le sourire, elle était nécessaire, comme en témoigne le chemin qu’il a fallu parcourir. Je souhaite souligner que ce projet de loi a fait l’objet, avant son examen par notre assemblée, d’une large consultation publique qui a constitué, à ce titre, une véritable innovation démocratique.

Rétrospectivement, mesurons le chemin accompli depuis le temps où la France, en ce domaine, avait d’abord comme objectif de rattraper son retard. Nous étions alors une poignée de parlementaires à considérer que le XXIe siècle serait numérique ou ne serait pas. C’est ainsi que Patrice Martin-Lalande, Christian Paul et moi-même avions été missionnés pour explorer des champs divers. Je pense que nos trois rapports d’alors, dont je rappelle les titres : L’internet : un vrai défi pour la France, Du droit et des libertés sur l’internet et Le Désir de France ont joué un rôle utile dans la prise de conscience que l’avenir de notre pays se jouait précisément là.

Mais il est également vrai que le numérique a été le plus souvent abordé dans nos travaux législatifs soit de manière ciblée, soit à travers la transposition en droit interne de directives européennes. Le moment était donc venu de remettre en perspective ce que peut signifier aujourd’hui une République numérique et de la décliner dans tous les champs d’intervention de l’action publique.

C’est tout particulièrement ce à quoi la commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité contribuer, avec le concours essentiel de notre rapporteur pour avis, Emeric Bréhier, que je remercie chaleureusement pour son travail. Comment d’ailleurs, dans le même mouvement, ne pas saluer l’enthousiasme et l’efficacité de notre rapporteur au fond, Luc Belot, ainsi que l’investissement renouvelé de Corinne Erhel et la contribution d’Hélène Geoffroy !

Les dispositions du texte visent précisément à favoriser la circulation des savoirs scientifiques en renforçant les droits des chercheurs et en donnant un statut aux données de la recherche ou à l’activité des plateformes en ligne. En conséquence, les enjeux actuels de la diffusion des créations et des biens culturels à l’ère numérique sont naturellement au coeur des préoccupations portées par les membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, comme l’a rappelé à l’instant Emeric Bréhier.

D’autres sujets, qui n’étaient pas dans le texte initial du Gouvernement, sont portés par des amendements concernant directement le champ de la création. Ils font débat au sein de cet hémicycle et je souhaiterais que nous les abordions avec responsabilité, en écrivant la loi d’une main suffisamment tremblante. La commission des affaires culturelles et de l’éducation contribuera activement, pour sa part, à trouver ce que l’on appelle habituellement ici les « bons équilibres ».

Évidemment, le débat que nous aurons dans cet hémicycle cette semaine ne saurait se dérouler sans que nous ayons à l’esprit, compte tenu de leur impact à venir sur notre droit interne, les diverses initiatives prises par la Commission européenne dans le cadre du marché unique numérique. Je pense tout particulièrement à celle concernant le droit d’auteur – un chantier soudain qui appelle notre vigilance, tant nous sommes attachés aux différents dispositifs qui permettent d’assurer le financement de la création dans notre pays et, par là même, la juste rémunération des auteurs et des artistes.

Je tiens à cet égard à souligner le travail que mènent en commun les deux commissions des affaires culturelles du Bundestag et de notre assemblée, basé sur le postulat que le système européen des droits d’auteur peut s’adapter aux évolutions technologiques en demeurant un dispositif intelligent et équilibré, essentiel pour la préservation de la diversité culturelle en Europe et donc pour le dynamisme et le développement futur de l’Union.

Au moment de conclure, je souhaiterais dire à la fois mon plaisir, ma satisfaction et, je vous l’avoue, mon émotion de prendre part à ce débat, ayant encore à l’esprit le combat législatif que j’avais mené, lors de l’examen de la loi du 1er août 2000 modifiant la loi de 1986 sur la liberté de communication, afin de faire voter un amendement sur la responsabilité des hébergeurs qui, pour la première fois, faisait entrer internet dans notre législation. Aujourd’hui, c’est toute notre législation qui irriguera le numérique. Prenons donc ensemble la mesure de l’étape décisive que ce projet de loi nous permettra de franchir.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

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Dans la République numérique que vous appelez de vos voeux, madame la secrétaire d’État, y a-t-il un sujet concernant l’égalité ? Votre venue devant la Délégation aux droits des femmes nous a confortés dans l’idée de travailler sur ce sujet. Les députées Corinne Erhel et Laure de La Raudière nous avaient, les premières, alertés sur les conséquences du numérique sur l’emploi des femmes lors de la publication de leur excellent rapport.

Nous avons donc souhaité très rapidement nous saisir de ce projet de loi et engager, plus globalement, la Délégation dans des travaux sur le numérique et l’égalité femme-homme. Nous avons organisé des séances d’auditions avec des associations, des avocats et des représentants du numérique. Nous avons recueilli des informations auprès d’ambassades de différents pays, pour savoir quelles campagnes ces derniers avaient menées et comment ils avaient traité ces sujets, et des services du ministère de la justice. J’ai aussi effectué un déplacement dans deux écoles du numérique que vous connaissez : Simplon et l’école 42. Nos travaux montrent qu’il y a un réel sujet.

Je regrette vraiment, madame la secrétaire d’État, de devoir vous faire un reproche : l’absence totale d’étude d’impact sur l’égalité femme-homme dans ce projet de loi. Tous doivent pourtant en comprendre, tant les enjeux sont multiples et forts et alors que cela intéresse nos concitoyens, comme le confirme le succès de votre initiative de coproduction du texte de loi. Tous les textes de loi doivent comporter une étude des enjeux liés à l’égalité femme-homme.

Le premier enjeu d’égalité, le plus porteur d’avenir selon nous, est celui de l’orientation. Alors que dans toutes les filières scientifiques et techniques, la part des femmes augmente régulièrement en France, l’informatique est le seul domaine où elle régresse. Depuis vingt ans, la part des filles dans ces filières a été divisée par deux. Ainsi, 11 % de femmes sont diplômées de la filière informatique, pour 24 % d’ingénieures toutes écoles confondues.

L’orientation reste très sexuée, et encore plus dans l’informatique qu’ailleurs, tant dans l’enseignement secondaire que le supérieur, en raison des stéréotypes et du poids de l’imaginaire entourant les métiers en général et ceux du numérique en particulier. Dans l’univers de l’ordinateur, l’informaticien peut jouer à être tout-puissant – ce n’est pas nécessairement ce que recherchent les filles dans leur métier – ou bien rester assis derrière un ordinateur toute la journée. Bref, l’imaginaire n’aide pas les filles à aller vers l’informatique. Cette situation plaide pour une véritable éducation à l’égalité et au numérique, monsieur le rapporteur de la commission de l’éducation.

Depuis 2012, le Gouvernement a engagé des actions pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes et un plan en faveur du numérique. Pour aller plus loin, la Délégation souhaite revoir en profondeur l’orientation, à l’ère du numérique, afin de casser les stéréotypes sexistes et d’ouvrir le libre choix de leur carrière aux filles, qui s’orientent vers seulement 12 familles de métiers sur 87 au total.

Il faut développer une culture et un usage du numérique à l’aide d’une pédagogie fondée sur le décloisonnement et la transversalité. La Délégation a proposé un amendement dans ce sens, et un sur la prévention et la lutte contre les cyberviolences à l’égard des élèves ; la ministre de l’éducation s’est montrée sensible à ces sujets, qu’elle a dénoncés. Des exemples étrangers réussissent, tant en Angleterre qu’au Canada, dont les ambassades nous ont répondu, et sont très efficaces sur ce sujet. L’on connaît également l’efficacité de pédagogies innovantes mises en oeuvre à l’école 42, à l’école Simplon ou dans certains établissements de l’éducation nationale dont nous avons eu connaissance. C’est un élément de réflexion à retenir : ce sont parfois des écoles de la seconde chance.

Le numérique est aussi un enjeu pour l’emploi et le travail des femmes. Seules 28 % des femmes travaillent dans ce secteur. Elles doivent saisir toutes les opportunités. Mais la révolution numérique, ce sont aussi des « écueils à dépasser », comme le dit le titre de notre rapport. Il faut qu’un certain nombre d’emplois occupés par les femmes et qui devraient disparaître connaissent une évolution. Je ne m’attarderai pas sur ce sujet car cela concerne davantage la loi sur le travail que le présent texte.

Je souhaite en revanche m’attarder un peu plus sur la lutte contre les violences. Vous en avez parlé, madame la secrétaire d’État, les cyberviolences – par mails, SMS, réseaux sociaux, jeux vidéos – prennent des formes variées : SMS à caractère sexuel non consentis, insultes, intimidations, harcèlements, commentaires humiliants sur le comportement, vidéo-lynchages… Il faut d’ailleurs avoir le courage de nommer en français ces agressions : plutôt que d’évoquer du happy slapping, il faut parler de « honte aux salopes » ou de vidéo-lynchage !

Les conséquences de ces violences virtuelles sont bien réelles : souffrance, anxiété, isolement, décrochage, problèmes de santé. La loi du 4 août 2014 avait permis des avancées ; la Délégation salue à cet égard les dispositions du présent projet de loi relatives au droit à l’oubli pour les mineurs – des affaires ayant eu lieu pendant les vacances de Noël rappellent l’actualité du sujet.

Sur dix-huit recommandations formulées dans notre rapport, une dizaine porte sur les violences. Il convient de modifier le code pénal pour mieux sanctionner les auteurs de vengeance pornographique. Si un premier amendement a été adopté en commission, nous souhaitons clarifier sa rédaction en séance et proposer une aggravation des peines ; je crois que vous en êtes d’accord, monsieur le rapporteur.

Par ailleurs, il nous apparaît essentiel de lutter contre le sexisme dans les jeux vidéos. Ce sujet fait beaucoup parler en raison de l’image dégradante des femmes dans ces jeux vidéos.

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Nous proposons donc de modifier les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt des jeux vidéos.

S’il y a donc un risque lié au développement du numérique, qu’il nous appartient de prévenir, il faut aussi et surtout saisir les formidables opportunités qu’il ouvre pour les femmes. Une nouvelle génération de féministes, actives, se développe grâce au numérique ; nous en avons eu des exemples récents avec le succès sur la « taxe rose », et je m’en félicite. C’est donc en saisissant à bras-le-corps les opportunités que nous offre le numérique qu’il se révélera un formidable outil d’émancipation pour les femmes.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Marietta Karamanli, rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes.

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Le projet dont nous débattons est important pour au moins trois raisons. Il vise à améliorer les conditions d’accès à l’internet. À bien des égards il se veut précurseur de dispositions visant à concilier le respect des droits et l’efficacité. Il intervient peu avant que l’Union européenne n’aboutisse à une réglementation commune aux États membres. La plupart des sujets traités ont un lien avec le droit européen et c’est pour cette raison que la commission des affaires européennes s’est saisie pour avis.

Dans un souci d’efficacité et de sécurité juridique, la bonne articulation entre les dispositions du projet de loi et celles en vigueur ou à venir au niveau européen est donc cruciale. Un certain nombre d’amendements ont été refusés par la commission en raison même de cet ordre juridique que nous sommes en train de créer avec les autres États. Je comprends la déception de se voir opposer une norme définie hors du champ national, mais c’est le prix à payer si l’on veut faire le poids face aux très grandes entreprises du net, certes innovantes et qui changent nos façons de vivre, mais qui ne sont déterminées que par leur logique propre et leur volonté de nous l’imposer.

Je suis personnellement convaincue que l’Europe constitue aujourd’hui l’échelon optimal pour encourager et encadrer ces nouveaux modes de production, de consommation et de création. Par définition, le numérique n’a pas de frontières, et face à la puissance de Google ou de Facebook, seule l’Union européenne atteint la taille critique nécessaire pour devenir le médiateur d’un internet ouvert et respectueux des droits de l’individu. La nouvelle Commission européenne l’a compris puisqu’elle a fait du numérique l’une de ses priorités et a présenté, le 6 mai dernier, une nouvelle stratégie numérique.

Le projet de loi présenté par le Gouvernement doit contribuer à renforcer cet élan européen. Le législateur peut aujourd’hui se montrer précurseur, en jetant les bases de la future réglementation européenne, comme la loi informatique et libertés de 1978 a inspiré les grands principes de la directive de 1995 sur les données personnelles.

Je souhaite attirer votre attention sur trois principes particulièrement concernés par l’actualité européenne : la neutralité de l’internet, la loyauté des plateformes et la protection des données personnelles.

La notion de neutralité de l’internet a fait l’objet d’intenses débats au niveau européen. Finalement, le règlement Télécoms, adopté en octobre 2015, ne consacre pas explicitement ce principe mais la notion très proche de « garantie d’accès à un internet ouvert ». Il établit des principes fondamentaux pour la mise en oeuvre de la neutralité du net. La définition retenue par le présent projet de loi permet de consacrer explicitement ce principe de la neutralité de l’internet, tout en lui assurant une adéquation complète avec les choix européens.

En vue de nos futurs débats, je veux appeler votre attention sur deux éléments. D’abord, s’agissant d’un règlement et non d’une directive, il n’a pas besoin d’être transposé. Si l’affirmation de la neutralité du net est un symbole fort politiquement, la garantie d’accès à un internet ouvert est d’ores déjà consacrée dans notre droit. Ensuite, il n’est pas possible d’aller au-delà de ce règlement en matière de neutralité, à une exception près, et importante : la bonne information des consommateurs.

Le projet de loi fait un autre grand pas en avant en consacrant le principe de la loyauté des plateformes, sujet dont la nouvelle Commission européenne s’est également saisie et sur lequel elle a ouvert une consultation en septembre dernier – mais beaucoup de temps peut encore s’écouler avant que cette consultation soit suivie d’une proposition législative. Adopter de telles mesures aujourd’hui permettrait à la France d’être précurseur, voire novatrice lors des discussions sur la régulation des plateformes au niveau européen.

J’appelle toutefois votre attention sur le risque juridique que recèle ce principe de loyauté des plateformes qui ne s’applique qu’aux établissements situés sur le territoire national, et non aux géants du web dont nous souhaitons réguler l’activité.

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Mon dernier point concerne la protection des données personnelles. En décembre dernier et après quatre ans de négociations très intenses, un accord a enfin été trouvé entre les institutions européennes sur le paquet relatif à la protection des données personnelles. Ce texte de près de deux cents pages, dont la version définitive devrait voir le jour au premier semestre 2016, est extrêmement ambitieux.

Au cours de l’examen du présent projet de loi, il nous faudra nous assurer que les dispositions qu’il comporte sont compatibles avec cette version définitive, afin d’éviter une situation d’insécurité juridique nuisible aux entreprises comme aux citoyens. C’est particulièrement le cas pour les questions de droit à l’oubli.

Par ailleurs, ces questions devront faire l’objet d’un chantier parlementaire de grande ampleur avant l’entrée en vigueur du règlement, soit probablement dans le courant de l’année 2017.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte, qui propose un cadre national novateur dans sa conception, précurseur dans ses dispositions, peut aussi constituer l’esquisse d’une réglementation européenne et transnationale : à nous de veiller à en faire une référence.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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La parole est à M. le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

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Je voudrais tout d’abord féliciter Mme la secrétaire d’État de cet excellent texte sur la République numérique. L’OPECST, dans le rôle d’investigation des questions scientifiques et technologiques qu’il joue en amont de la législation, travaille depuis longtemps sur ce sujet.

Le numérique est entré dans une troisième phase. La loi informatique et libertés de 1978 ne traitait que des bases de données consultées via des terminaux passifs. Avec la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique – avec Patrick Bloche, nous sommes un certain nombre à y avoir travaillé – nous étions déjà dans les réseaux et le net. Depuis ces dernières années nous travaillons sur la sécurité des systèmes informatiques. Notre collègue Anne-Yvonne Le Dain ici présente et le sénateur Bruno Sido ont d’ailleurs commis un rapport sur ce sujet. Ils s’y disent favorables à l’instauration, pour des questions d’hygiène et de bonnes pratiques informatiques, qui n’ont pas toujours cours, même dans les entreprises, d’un permis d’aptitude à l’utilisation du numérique. Il faut réfléchir à cette question.

Aujourd’hui, il faut donc s’adapter à une troisième génération d’outils numériques et prendre en compte la dissémination accélérée des objets connectés. La miniaturisation atteint maintenant des degrés tels qu’on peut insérer des capteurs de données minuscules, qui ont de surcroît la capacité de transférer immédiatement ces données. Cela peut être très pratique pour régler des problèmes domotiques, mais également pour exercer une surveillance ou disposer de données sur le plan économique.

Nous avons travaillé sur ce sujet des objets connectés dans le domaine agricole. L’utilisation de tels objets pour récupérer des données, puis le traitement massif de celles-ci en big data permet de passer à ce qu’on appelle une « agriculture de précision », qui prend en compte par un pilotage automatique les besoins différenciés du sol en apports externes, mètre carré par mètre carré. Cela permet d’augmenter le rendement tout en diminuant les coûts. Le problème, c’est que ces machines agricoles et ces services de pilotage automatique sont quasiment tous américains et que la récupération de ces données se fait au bénéfice d’entreprises et non de nos agriculteurs. Les acteurs français du secteur sont prêts à réagir, à condition que la loi leur donne la possibilité d’accéder à ces données, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Cette évolution en cours dans l’agriculture se produit dans presque tous les secteurs de l’économie. Il est donc essentiel d’avoir juridiquement accès aux données qu’on produit sur soi-même via les objets connectés, non seulement pour prendre la mesure de la surveillance dont on fait l’objet – cela soulève le problème de la liberté individuelle – mais surtout pour avoir le moyen de développer des services concurrents d’utilisation de ces données.

C’est pourquoi le principe posé par l’article 21 du projet de loi m’apparaît excellent. Il faudra l’inscrire dans des conventions internationales et le discuter au cours des prochains rounds des négociations internationales. En effet l’intérêt de récupérer des données de façon occulte peut se situer n’importe où : savoir sur quelles pistes s’orientent les recherches d’un pays ou d’un type d’industrie est une information précieuse.

Je voudrais, madame la secrétaire d’État, exprimer la satisfaction de la communauté des chercheurs du numérique de voir mis en place à l’article 17 un régime d’open access des publications scientifiques. Celles-ci vont devenir accessibles sans embargo ni frais jusqu’à la « version auteur acceptée ». Il est prévu en revanche un embargo sur la « version éditeur » et c’est une très bonne chose.

L’article 29, lui, suscite une petite déception, ou du moins ne l’aurions nous pas rédigé ainsi : il attribue à la CNIL la compétence de la réflexion éthique en matière numérique. Certes cette instance pourra en tant que de besoin faire appel à des personnalités qualifiées pour assurer cette nouvelle mission, mais il aurait été plus logique de permettre sur ce sujet qu’elle dialogue avec une structure indépendante. On ne peut à la fois être contrôleur et contrôlé, régulateur et concepteur des règles et des normes. Pour éviter de créer un organe administratif nouveau, avec les frais que cela suppose, on aurait pu, comme Gérard Bapt le suggère, étendre les compétences du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé à une nouvelle section dite « sciences, technologies et usages du numérique », d’autant que le numérique pose de nombreux problèmes en termes de confidentialité en matière de santé. Cette suggestion n’est pas reprise en l’état du texte.

L’OPECST est cependant très satisfait des avancées contenues dans ce texte, car elles correspondent aux attentes de la communauté scientifique et de la communauté du numérique. Elles doivent permettre à la France de devenir une République numérique, conformément à votre souhait.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Lionel Tardy.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs et madame les rapporteur et rapporteurs pour avis, mes chers collègues, puisque le numérique est le domaine du virtuel, nous, députés Républicains, en avons profité pour faire un rêve.

Nous avons rêvé que le Gouvernement avait une stratégie numérique cohérente, capable d’appréhender toutes les facettes de cette transformation de la société, sans verser dans l’angélisme ni la stigmatisation et sans oublier le volet économique.

Nous avons rêvé que, derrière la communication et l’affichage, il y aurait aussi du concret, de la lisibilité et une réelle volonté de développer l’accès au numérique, et notamment aux données.

Nous avons rêvé d’une réelle réflexion, construite, s’inspirant des avis de chacun sans tomber dans la surenchère ou la facilité.

Nous avons rêvé d’un gouvernement qui comprendrait enfin que dans beaucoup de cas légiférer sur le numérique doit se faire a minima au niveau européen. Laisser l’Europe agir sur l’ensemble de son territoire n’est pas un aveu d’échec mais une condition du succès de toute réglementation numérique.

Et puis nous avons découvert le projet de loi « pour une République numérique ». Cela faisait trois ans qu’un texte sur le numérique était attendu et annoncé, et toujours repoussé. Son contenu n’a pas cessé d’être modifié. On ne compte plus les études, colloques, avis et rapports qui ont été produits entre-temps.

Avec toute cette matière, il y avait de quoi mettre en place des mesures, non pas pour réguler et contraindre, mais pour faciliter l’économie numérique. On aurait pu penser que ce temps de réflexion inspirerait le Gouvernement et qu’il serait mis à profit également pour enrichir ce texte avant son examen au Parlement. Pourtant les différentes versions du texte qui ont fuité depuis l’été dernier montrent que le résultat final est davantage dicté par les réunions interministérielles que par les nombreuses expertises qui ont pu être fournies.

Il y a eu, bien sûr, l’inévitable « consultation citoyenne » lancée par le Gouvernement. C’est une bonne idée et je crois qu’ici personne ne le conteste. Il est sain que les citoyens puissent s’exprimer sur les textes présentés au Parlement. Je suis en revanche plus dubitatif sur le bilan que l’on peut en tirer.

Avec plus de 8 000 contributions, le succès de la consultation est indéniable. Il y a de tout dans ces propositions – j’en ai moi-même repris quelques-unes dans mes amendements ! Mais la finalité n’est pas de savoir si les geeks ont un sens politique, mais si les politiques comprennent le sens du numérique. En d’autres termes : qu’en a tiré le Gouvernement ? Eh bien, très peu de propositions ont été retenues. Prenons l’exemple de l’article sur les compétitions de jeux vidéo : il ne s’agit au départ que d’une habilitation à légiférer par ordonnance, comme si le Gouvernement ne savait pas comment reprendre cette proposition !

Par ailleurs, à mes yeux, la consultation citoyenne doit s’inscrire dans un état d’esprit plus large : celui de la réflexion et de la prise en compte des apports de chacun. Cet état d’esprit, si tant est qu’il ait existé, a depuis volé en éclat. Simple exemple : la consultation a duré trois semaines et nous devrons examiner ce projet de loi en moins de deux semaines ! Et je ne parle même pas du délai de travail entre la commission et la séance, qui a été ridicule.

Ne doutant de rien, le Gouvernement a même décidé d’appliquer la procédure accélérée. Comme si les trois années de préparation de ce texte n’avaient pas suffi, il a dû faire adopter son projet de loi en conseil des ministres le 9 décembre dernier pour un examen un mois après au Parlement ! Le délai réglementaire de six semaines ne pouvait donc pas être respecté, ce qui, compte tenu de la longueur du texte, n’aurait pourtant pas été un luxe.

Avec une telle procédure d’urgence, il est possible qu’il n’y ait pas de deuxième lecture, ce qui serait inacceptable compte tenu du nombre de problèmes à régler et d’incertitudes à lever, comme tout le monde a pu le constater lors de l’examen du texte en commission des lois. Madame la secrétaire d’État, je souhaite donc avoir un engagement clair de votre part pour que le Gouvernement ne convoque la commission mixte paritaire qu’à l’issue de deux lectures.

Ces éléments contextuels nous amènent à nous poser une question : une véritable réflexion transversale sur le numérique a-t-elle eu lieu ? Je crains que la réponse ne soit négative. Il y a en effet de quoi douter quand on voit le saucissonnage auquel s’est livré le Gouvernement.

Nous avons d’abord vu débarquer au mois de juillet un projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, que nous appellerons « loi Valter ».

La France avait certes pris du retard dans la transposition de la nouvelle directive « PSI » – Public sector information – mais plutôt que d’attendre quelques mois pour intégrer des dispositions sur l’open data dans le présent projet de loi, le Gouvernement a décidé de faire un texte de transposition de manière isolée, en renvoyant le reste à… plus tard. Le résultat n’est pas négatif mais il est forcément décevant. Surtout, comme on pouvait s’y attendre, il va déjà falloir réécrire des articles dont l’encre est à peine sèche.

Nous étions aussi nombreux à attendre des dispositions portant davantage sur l’économie du numérique et sur la fiscalité. Là encore, le Gouvernement a choisi une approche segmentée en renvoyant ce type de mesures à une hypothétique loi « Macron 2 » dont on ne sait pas trop si elle sera finalement débattue telle quelle.

Sans compter, enfin, les propositions sur le numérique au travail et le rôle du numérique pour l’emploi. Les rapports de Bruno Mettling et du Conseil national du numérique pourraient être traduits dans la loi annoncée sur la réforme du code du travail, qui s’ajoute donc à la longue liste des lois traitant potentiellement du numérique autres que le texte que nous examinons aujourd’hui.

Bref, vous l’aurez bien compris, le numérique est victime des ego ministériels et des arbitrages personnels

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’approche du texte que nous devons examiner est donc plutôt centrée sur l’administration et sur les droits des citoyens.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Faites des propositions !

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La tentation de traiter d’économie est forte, mais on y touche sans vraiment y toucher – et quand on y touche, c’est en négligeant la dimension européenne que devrait avoir toute réglementation impactant les entreprises du secteur.

Pour donner une description complète de cette drôle de stratégie, j’ajoute que la loi Macron avait elle aussi traité du numérique – et pas seulement de la couverture numérique du territoire. Rappelez-vous, les rapporteurs s’étaient également essayés à la régulation des plateformes, sans concertation et sans réflexion préalable.

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Ce n’était pas la loi Macron, mais les députés !

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Les mêmes causes produisant les mêmes effets, vous nous proposez là aussi de réécrire l’article en question, dont on voit bien qu’il est inopérant et dont le décret d’application n’a jamais été pris.

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N’oublions pas non plus les textes relatifs au terrorisme ou la loi sur le renseignement dans lesquels on traite du numérique sans en mesurer vraiment les conséquences.

Rappelons-nous du médiocre épisode du printemps dernier : le ministre de l’économie avait dû convoquer en urgence les hébergeurs français pour les rassurer sur certaines dispositions et colmater les choses en façade, pour éviter qu’ils ne partent du jour au lendemain installer leurs serveurs dans d’autres pays. Quelle belle vision cohérente !

Au moment de votre nomination, madame la secrétaire d’État, tous les espoirs étaient permis. Mais aujourd’hui, nous regrettons que le numérique ne soit pas appréhendé dans son ensemble, tel un écosystème. Cette lacune se fait ressentir non seulement dans le contenu mais également dans la rédaction du projet de loi numérique.

Là encore, l’état d’esprit participatif est mort. Le texte initial est peu lisible, souvent alambiqué. Le nombre de problèmes rédactionnels, d’incohérences ou de clarifications nécessaires est tout simplement hallucinant. Je dois dire que depuis 2007 et mon entrée en fonction, j’ai rarement vu un texte aussi peu solide sur le plan rédactionnel, et je crois que ce sentiment est partagé.

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le nombre d’amendements rédactionnels du rapporteur défendus en commission, et de ceux qui seront encore discuté en séance, en est me semble-t-il la preuve.

J’espère qu’il ne me tiendra pas rigueur du fait que j’ai moi-même déposé beaucoup d’amendements visant à préciser ou à améliorer la rédaction du texte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce qui prouve qu’il y avait du travail ! Notre mission commune est de rendre la loi lisible et accessible quand elle peut l’être, ce qui devrait être le cas d’un texte qui a été soumis à consultation et qui a passé de nombreux filtres.

Au-delà de l’aspect rédactionnel, tout n’a pas été réglé lors de la première étape, en commission. Des questions sont encore loin d’être résolues, comme celle sur les compétitions de jeux vidéos, où la régulation voulue pourrait finir par être contre-productive.

S’agissant des données d’intérêt général, je m’étonne également du fait que le rapport de Laurent Cytermann commandé par le ministère de l’économie pour la préparation de ce projet de loi n’ait, à ma connaissance, toujours pas été rendu public, voire pas rendu du tout.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Ce n’est pas faute de l’avoir demandé.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En commission des lois, plus de 600 amendements ont été déposés pour apporter des précisions nécessaires, dont beaucoup ont été retirés sous réserve que le rapporteur apporte de vraies solutions en séance. Parmi eux, un nombre conséquent d’amendements issus des trois commissions saisies pour avis, qui avaient été examinés la veille.

En ce qui concerne la commission des affaires économiques, nous avons même fini l’examen des amendements à 23 heures mardi dernier. Pour examiner ces 600 amendements en commission des lois, au départ, la seule journée de mercredi avait été ouverte. Par la force des choses, nous avons dû siéger également le lendemain jusqu’à 20 heures ! Malgré l’effort louable des services de l’Assemblée nationale, le texte issu de la commission n’a pu être mis en ligne que vendredi à 12 heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec un délai de dépôt des amendements pour la séance reporté au samedi à 17 heures, nous n’avons donc eu que vingt-neuf heures pour déposer des amendements…

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Plus de 320 émanant de l’opposition !

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…sur un texte qui compte désormais 73 articles contre 48 initialement. Comme j’ai eu l’occasion de le dire : depuis 2007, nous n’avons jamais vu cela !

Ces faits et ces chiffres sont invraisemblables et inacceptables, surtout, encore une fois, compte tenu du nombre d’avis et du temps laissé pour la préparation du projet de loi en amont.

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Une semaine supplémentaire aurait été nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces faits et ces chiffres justifient à eux seuls le renvoi en commission que je défends ici.

Comme je l’ai déjà dit, le rapporteur a suggéré le retrait de nombreux amendements pour qu’un travail de concertation puisse se faire entre la commission et la séance. Avec de tels délais, forcément, ce travail a été fait très rapidement, trop rapidement, et dans bien des cas, il n’a pas pu se faire faute de temps. Nombreux sont donc les problèmes soulevés qui ne seront pas réglés à l’issue de cette première lecture. D’où l’intérêt de la seconde lecture que je vous demande, madame la secrétaire d’État. Nombreuses sont encore les rédactions imparfaites, qui n’ont pas pu faire l’objet de relectures approfondies.

Cette façon de travailler n’est pas acceptable. L’année commence bien mal. Comme je le disais en décembre, nous ne nous habituerons jamais à la façon dont le Gouvernement gère le calendrier parlementaire.

Un autre aspect, encore une fois très étonnant, se surimpose parfois à certaines dispositions. Ainsi, plusieurs articles, notamment 21 à 23, sont en fait une anticipation, ou plutôt une surtransposition anticipée de règles européennes. Le Conseil d’État, dans son avis, tout comme la CNIL et l’ARCEP, se sont étonnés de cette stratégie. Entendons-nous bien : quelle que soit la pertinence de certaines idées, ce genre de méthode est préjudiciable et contre-productif.

Sur la neutralité du Net, Marietta Karamanli l’a dit, un règlement européen a été adopté. C’est pourquoi vous avez eu le plus grand mal à rédiger l’article 19, puisque de toute façon, un règlement européen, contrairement à une directive, est d’application directe et ne nécessite pas de transposition.

Sur la portabilité des données, un règlement européen est en cours de finalisation également. Outre qu’il diffère du texte proposé ici, il laisse surtout une période d’adaptation de deux ans, ce qui n’est pas le cas non plus du projet de loi. Après adoption de ce texte, nous aurons donc deux réglementations différentes : une européenne et une française, sachant que cette dernière s’appliquera plus tôt.

Très honnêtement, à part pénaliser les entreprises françaises, je ne vois pas l’intérêt. Car c’est d’abord à ces dernières que vos dispositions s’appliqueront.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les acteurs nationaux en croissance seront les premiers à être pénalisés et à être davantage régulés que leurs concurrents européens.

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi le fait que ces dispositions soient dans le code de la consommation plutôt que dans un autre code change la donne. Le code de la consommation n’est pas plus international qu’un autre et il n’empêchera pas des acteurs localisés hors du territoire de s’y soustraire.

J’ai désespérément cherché dans l’étude d’impact quel pourrait être le coût pour les entreprises – car, aussi abstrait que cela puisse paraître, nous parlons bien d’entreprises. Si la première partie de l’étude d’impact a été complétée après le sévère avertissement du Conseil d’État, ce n’est pas la même chose pour la deuxième partie, laquelle ignore visiblement les aspects économiques de la question. Encore un effet collatéral de l’absurde division gouvernementale du travail !

Le problème est le même s’agissant de la loyauté des plateformes. Une réflexion est en cours au niveau de la Commission européenne, celle-ci ayant compris que l’autorégulation était sans doute la meilleure voie, souhaitable à la fois pour l’ensemble des acteurs, quelle que soit leur nationalité, mais également pour les consommateurs. Pourtant, là encore, en anticipant les résultats de la réflexion européenne, vous prenez le risque d’avoir différents textes s’appliquant sur le territoire. Si l’on veut garder nos futurs champions français, il serait peut-être bien d’éviter ce genre d’erreur, trop souvent commise.

A-t-on également mesuré toutes les implications de la création d’un nouveau statut de plateforme hybride, entre hébergeur et éditeur ? Est-il utile de venir modifier le système issu de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui fonctionne bien, avec une jurisprudence bien établie ? Nous n’en sommes pas certains.

Ces articles me posent également un problème moral : on veut légiférer pour viser les fameux « GAFA » – Google et autres Amazon, Facebook et Apple – mais est-ce le rôle de la loi ? Il est douteux de vouloir cibler une catégorie d’acteurs et d’essayer ensuite de bricoler une définition pour les rassembler, en passant de surcroît par un seuil fixé par décret, seuil fondé sur le nombre de connexions et qui sera extrêmement compliqué à définir.

Les amendements et propositions de certains députés de la majorité ne font que conforter mes doutes sur la façon dont est envisagée l’écriture de la loi et dont est pensée l’économie numérique aujourd’hui.

Jusqu’à maintenant, je n’avais parlé que de méthode car beaucoup de dispositions, moyennant une meilleure lisibilité, sont positives. En revanche, ces articles de surtransposition constituent le véritable point noir de ce texte.

Nous rêvions aussi que si une loi devait fixer un cadre juridique, c’était d’abord pour favoriser le développement du numérique. Or je me souviens des propos de la fondatrice de la plateforme Leetchi devant les députés de la commission des affaires économiques il y a quelques mois : c’était plus ou moins « Si vous pouviez ne plus rien faire, à la limite, ce serait mieux pour nous » !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a de quoi être secoué par cette phrase, mais elle a du sens : l’excès de régulation n’est jamais bon en soi. Dans ce domaine, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Or, cette leçon n’a pas été retenue pour élaborer ce projet de loi, dont les articles donnent davantage l’impression d’une formalisation et d’une suspicion plutôt que d’un encouragement à l’action.

Si la loi précédente était une loi de confiance dans le numérique, je crains que ce ne soit pas le cas de ce texte, même si j’ai bon espoir que les éventuelles modifications apportées pendant la discussion qui va s’ouvrir me donneront tort.

J’entends vos arguments, madame la secrétaire d’État, concernant les dispositions qui entrent en conflit ou présagent, sans en être sûr, l’issue des discussions européennes. En substance, vous nous expliquez qu’inscrire ces articles dans la loi française est un moyen de faire pression sur les discussions pour inciter les autres États de l’Union européenne à aller dans notre sens.

Est-ce le rôle de la loi ? Un texte législatif national n’a pas à être un tract politique à destination de Bruxelles. Si la loi française en est réduite à cela, autant fermer les portes du Parlement immédiatement !

Je pourrais comprendre cette stratégie dans certains cas, par exemple lorsqu’une législation nationale n’entre pas en conflit avec une législation européenne et ne met pas des bâtons dans les roues à des acteurs économiques, ou encore lorsque l’on est certain que des marges de manoeuvres seront laissées aux États. Pour le reste, très honnêtement, je ne vois pas.

Surtout, vous tenez un discours contradictoire. Je m’explique. Prenons l’exemple de la liberté de panorama qui a été adoptée par la commission des affaires culturelles, ce qui est une excellente nouvelle. Je ne parlerai pas ici du fond – tout le monde sait que j’y suis favorable – mais bien des arguments développés, sur ce sujet qui ne faisait pas partie du projet de loi initial comme sur d’autres.

En commission, vous vous êtes montrée défavorable aux amendements sous prétexte qu’une réflexion était en cours au plan européen. Pourtant, et contrairement aux articles relatifs aux plateformes, il existe une directive qui pérvoit l’exception de panorama, laquelle est transposable. Votre position est donc totalement à l’inverse de celle que vous défendez peu après, aux articles 21 et suivants.

Le fait de ne pas pouvoir traiter de certains problèmes parce qu’ils peuvent être résolus sur le plan européen n’est pas un mal en soi. On a l’impression que vous vouliez parler absolument de la neutralité du net, surtout dans la version présentée au Conseil d’État, alors que les États n’ont aucune marge de manoeuvre en la matière, à part sur les pouvoirs de contrôle de l’ARCEP – mais pas sur la définition et le périmètre en lui-même. À l’inverse, le fait que des sujets comme la liberté de panorama ou les communs soient étudiés au niveau européen ne doit pas être une excuse pour les traiter ici, surtout quand la marge de manoeuvre nationale, cette fois, existe.

Nous en déduisons que vous ne voulez pas avancer en même temps que l’Union européenne, sauf quand cela vous arrange. Un renvoi en commission vous laisserait le temps d’harmoniser un peu votre position sur ces sujets.

Enfin, comme l’a souligné Laure de La Raudière en commission, les amendements créant des articles additionnels ont souvent lancé des débats plus intéressants et plus cruciaux que ceux concernant le contenu du texte lui-même. C’est le signe encore une fois d’une trop grande segmentation du sujet de la part du Gouvernement.

Les amendements déposés par l’ensemble des groupes témoignent d’une certaine frustration – légitime – de ne pas pouvoir traiter d’éducation numérique, d’économie, de fiscalité, de droit d’auteur, bref de ne pas pouvoir considérer l’écosystème numérique dans son ensemble. Le titre du projet de loi – pour une République numérique – est donc complètement usurpé. On appelle cela du marketing, de la communication

N’oublions pas non plus que tout ce que nous écrivons dans la loi doit être soupesé avec une extrême précaution, car les termes et les usages que nous essayons d’appréhender aujourd’hui seront peut-être dépassés demain. Il serait utile de prévoir une clause de revoyure, étant donné que les usages évoluent de façon très rapide. En attendant, un renvoi en commission permettrait déjà de revoir le périmètre du projet de loi tel qu’initialement délimité, périmètre qui, malheureusement, sert souvent de prétexte pour renvoyer des débats importants aux calendes grecques.

Nous saluons l’esprit constructif du rapporteur et d’Axelle Lemaire, qui a permis d’obtenir certaines avancées. Je pense par exemple à la publication systématique de l’avis de la CNIL sur tout projet de loi, sans passer par l’avis de la commission permanente saisie au fond. Je pense également au changement de nom de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques – CSSPPCE – qui doit devenir la Commission parlementaire du numérique et des postes. Un grand nombre de textes traitent du numérique, y compris de façon indirecte, comme l’a relevé Jean-Yves Le Déaut. Il est donc plus que nécessaire qu’une commission installée de façon permanente puisse apporter une expertise sur ces sujets. Son changement de nom doit s’accompagner d’une adaptation de ses missions et d’un renforcement de ses compétences vis-à-vis de l’ARCEP, dont le rôle est grandissant. Nous en reparlerons lors de la discussion des amendements.

Quoi qu’il en soit, cet esprit constructif est gâché par les éléments que j’ai cités plus tôt : le manque de coordination avec le niveau européen, sans doute le manque de coordination au niveau gouvernemental, ainsi que le manque de clarté rédactionnelle et les délais très contraints entre l’examen en commission et la séance.

C’est parce que nous partageons cet esprit de travail, cet esprit constructif, c’est parce que nous voulons un projet de loi positif pour les droits du citoyen dans la société numérique que nous n’avons pas déposé de motion de rejet, mais que nous vous invitons, chers collègues, à adopter cette motion de renvoi en commission, car il y a de véritables manques dans ce projet de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Je ne prendrai que quelques minutes pour vous répondre, monsieur Tardy. Je comprends mieux à présent les raisons pour lesquelles vous avez déposé une motion de renvoi en commission : elles sont entièrement cosmétiques. Vos arguments, exclusivement méthodologiques, relèvent au mieux de l’organisation administrative de l’État. Je n’ai pas entendu un seul argument de fond qui justifierait une opposition au projet de loi – ce qui fait tout l’intérêt du débat parlementaire.

Je vous répondrai cependant sur les trois points que vous avez soulevés.

Premièrement, concernant ce que vous avez nommé notre absence de stratégie globale et transversale, je vous invite à prendre connaissance du document publié par le Premier ministre en juin dernier qui réunit les contributions de tous les ministères sur la stratégie numérique du Gouvernement. C’est la première fois qu’un gouvernement publie un tel document qui touche tant à l’éducation qu’à la santé, à l’agriculture, à la fiscalité, à l’économie, au travail, à l’emploi, à la formation et aux questions sociales.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

C’est ce que j’appelle une stratégie d’ensemble.

Vous êtes député, vous savez comme moi que tout ne relève pas du domaine de la loi. Je ne citerai qu’un exemple : l’éducation. La loi pour la refondation de l’école de la République comme celle sur l’enseignement supérieur et la recherche contiennent des dispositions sur le numérique. Le projet est porté avec ambition par le Président de la République, qui a annoncé un grand plan numérique à l’école, lequel est financé et, lui aussi, sans précédent.

Fallait-il écrire une loi bavarde sur le sujet, alors que nous menons une action directe et concrète en direction des élèves, du corps enseignant, qui doit être formé, et des collectivités locales, qui ont besoin d’un coup de pouce financier pour être équipées ? Non. Le travail a été fait. Aujourd’hui, la mise en oeuvre des décisions prises par le Président de la République a commencé.

Deuxièmement, vous avez parlé de l’articulation avec le travail européen. Lorsque je siégeais sur les bancs des députés, j’ai commis un rapport sur la stratégie numérique de l’Union européenne. On peut donc difficilement me reprocher de ne pas partager l’ambition du numérique pour l’Europe ! Je suis convaincue que c’est l’échelon sur lequel il faut avancer. Seulement, vous connaissez comme moi le temps européen,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut deux ans pour qu’un texte aboutisse !

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

…de même que vous connaissez le temps du numérique. Ainsi, s’agissant de la loyauté des plateformes, la Commission européenne a lancé cet automne une consultation publique : nous ne verrons apparaître un texte législatif sur le sujet que dans quatre ou cinq ans, au plus tôt !

Pour autant, faut-il accepter une situation dans laquelle les acteurs économiques les plus petits, les jeunes pousses, les entreprises innovantes qui veulent entrer sur le marché, sont confrontés à des abus de position dominante, à des réseaux et des systèmes fermés, à des comportements commerciaux qui les empêchent de bénéficier d’une concurrence ouverte, libre et transparente ? Non. Là où le droit européen nous autorise à agir, nous le faisons donc. Il n’est pas vrai que les articles du projet soient en contradiction avec le droit communautaire. Ce n’est le cas à aucun moment.

Et je vous renvoie à vos propres contradictions, monsieur Tardy : vous avez vous-même déposé des amendements qui entrent en contradiction avec le règlement, notamment en ce qui concerne les données personnelles, et qui tendent à obliger le Gouvernement à des exercices d’équilibriste auquel il a jusqu’à présent refusé de se livrer.

En troisième lieu, vous avez regretté l’obligation de travailler dans des délais contraints. Mais vous avez rappelé que le texte était disponible depuis juillet ! Chacun a pu le lire et y contribuer. Les délais réservés au travail parlementaire ont certes été brefs, mais à ce stade de la discussion l’hypothèse d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale n’est pas exclue. Tout dépendra du déroulement des travaux parlementaires. Je ne peux pas prendre d’engagement formel à ce jour : nous verrons comment se passent les débats au Sénat.

De votre intervention, je retiendrai que vous aurez été le parlementaire qui nous aura appelés à surtout ne rien faire. Mais si la jeune fondatrice de Leetchi a pu revendre 85 % du capital de son entreprise au Crédit mutuel, pour un montant de plus de 50 millions d’euros, c’est notamment parce que notre gouvernement a été le premier du monde à mettre en place un cadre réglementaire…

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

…pour les plateormes de crowdfunding. Il est heureux que cette entreprise de la French Tech ait pu connaître une telle expansion, qui ne pouvait se faire sans la confiance des internautes.

Pour la première fois, les défis et les enjeux économiques rejoignent le souhait de protéger les données personnelles et d’instiller plus de confiance dans l’environnement numérique. Il faut saisir cette opportunité.

Il serait dommage de ne laisser l’image que de quelqu’un qui, outre nous demander de ne rien faire, serait opposé à l’ouverture à la concurrence et au libre marché. Car c’est aussi cela que le texte recherche, un equal playing field, un terrain de jeu égal pour tous les acteurs économiques. Il ne s’agit pas de stigmatiser tel ou tel. Seulement, une réalité s’impose à nous en France, en Europe et dans le monde entier : les géants de l’internet ont des positions telles qu’ils peuvent potentiellement fermer l’accès au marché à d’autres entreprises.

Debut de section - Permalien
Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique

Il s’agit d’être lucides, et non passifs, face à cette situation.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous connaissons tous l’amour de M. Tardy pour les discussions parlementaires, notamment quand elles portent sur le numérique. Je ne doute pas que sa motion de renvoi ne soit un hommage au travail de notre commission et à la qualité de ses débats, qui ont duré dix-sept heures quinze, sous la présidence de Jean-Jacques Urvoas et de Jean-Yves Le Bouillonnec, et dont la qualité a été saluée par tous.

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En somme, nous venons d’entendre l’hommage très appuyé que le vice de la procédure rend à la vertu du travail parlementaire. Notre collègue ne souhaite que renouveler ces échanges de qualité !

Je citerai quelques chiffres, puisque M. Tardy a tenu à le faire. Pendant ces dix-sept heures quinze, nous avons étudié 609 amendements, et nous en avons adopté 226.

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Nous n’avons eu qu’une journée pour déposer nos amendements !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le nombre d’amendements du groupe Les Républicains qui ont reçu un avis favorable, ont été adoptés par la commission la semaine dernière et ont reçu aujourd’hui un avis favorable au cours de la réunion qui s’est tenue au titre de l’article 88 se monte à quarante-neuf.

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C’est bien plus que pour d’autres groupes politiques – et il y en a encore à examiner !

Vous avez aussi, monsieur Tardy, regretté les délais qui nous étaient impartis. À ce propos, je tiens à remercier les services de la commission des lois.

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Au fur et à mesure que nous avancions dans le texte, la version du texte était aussitôt mise en ligne en PDF. Chacun pouvait donc en disposer.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bien que nos travaux se soient terminés tard jeudi soir, nous avons pu lire l’ensemble du texte dès vendredi à midi et nous avons reporté le délai de dépôt des amendements à samedi, comme vous y avez fait allusion tout à l’heure.

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Nous n’avons eu qu’une heure et demie pour examiner 226 amendements !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si ces délais avaient été vraiment impossibles à tenir, 840 amendements n’auraient pas été déposés pour la séance. Un tel nombre montre que chacun a pu se saisir du texte.

Vous comprendrez bien que, malgré le plaisir que j’ai eu à travailler de manière intelligente et constructive et à participer à des débats dont les journalistes ont souligné la grande qualité,…

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…je ne pense pas qu’il y aurait quelque intérêt à retourner aujourd’hui en commission. À notre demande, beaucoup de collègues ont accepté de retirer leurs amendements pour les retravailler avant de les discuter en séance. Qu’attendons-nous ? Nous sommes là pour cela !

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Ensuite, nous avons fait en sorte que notre travail soit suffisamment cohérent pour pouvoir pousser la logique jusqu’au bout, et mener, depuis jeudi, des allers et retours afin de trouver une rédaction plus pertinente.

Au nom de la qualité de ce travail, de celle des échanges que nous allons avoir pendant trois jours dans cet hémicycle, je ne peux être que défavorable à la motion de renvoi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je suis saisie de plusieurs demandes d’explication de vote.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

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Le recours à la procédure accélérée aurait pu nous amener à partager un certain nombre de jugements formulés par M. Tardy. Contrairement à ce que vient de déclarer le rapporteur, ce n’est pas parce qu’on a déposé beaucoup d’amendements qu’on a disposé de tout le temps nécessaire pour mener des consultations et les rédiger. Nous avons parfois déposé les mêmes amendements pour la séance publique qu’en commission, à la seule fin de pouvoir relancer le débat !

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L’argument du rapporteur n’est donc pas recevable. C’est une mauvaise habitude que de choisir en permanence la procédure accélérée, d’autant qu’elle contraste avec la méthode choisie par la secrétaire d’État en amont du texte. L’opération de participation citoyenne qui avait été organisée est réellement unique et mérite d’être saluée, ce qui a été le cas sur tous les bancs de l’hémicycle.

Cependant, je ne voterai pas la motion de renvoi en commission. Ne vous en déplaise, madame Lemaire, il existe en effet des désaccords entre les groupes. À la différence de M. Tardy, je ne suis pas partisan du laisser-faire ou de l’autorégulation. Je pense au contraire que la puissance publique doit ou peut intervenir. Elle est amenée à le faire pour assurer la confiance et la neutralité du net, puisque, dans certains cas, les géants du net se retrouvent dans une situation de monopole qui pourrait entraver le libre marché. J’ai entendu les idées libérales, presque libertariennes de M. Tardy, mais je continue à croire que la puissance publique a une légitimité à intervenir.

En revanche, je suis plus réceptif à ses arguments relatifs à l’invocation parfois opportuniste de la législation européenne. Mais permettez que notre secrétaire d’État masque parfois des défaites au niveau interministériel et des arbitrages qui lui ont été défavorables pour justifier la rédaction choisie in fine au nom du Gouvernement !

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La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je ne reviendrai pas sur la tâche effectuée en commission, je sais qu’elle a été particulièrement fouillée, mais sur le travail réalisé en amont de ce texte. À cet égard, je citerai Pierre Rabhi…

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…qui écrivait, dans un ouvrage récent : « Il nous faut redécouvrir et réhabiliter la puissance créatrice de la société civile, ce que j’ai appelé son "génie créateur". […] Les citoyens recèlent une richesse intellectuelle et humaine qui peut produire des merveilles. Je suis intimement persuadé que c’est d’eux que viendra la solution, ou les solutions. […] Cette innovation citoyenne, nous devons la susciter, la reconnaître et l’accompagner. » Or, je crois qu’une véritable démarche citoyenne a été engagée pour la préparation de ce texte. Cela a commencé avec le lancement du travail de réflexion en 2014 et la grande concertation menée par le Conseil national du numérique pour recueillir l’avis de la société civile, d’acteurs institutionnels et de représentants d’intérêts traditionnellement appelés « lobbyistes ».

À partir de ce premier travail, la consultation citoyenne auprès des internautes a permis de soulever le débat sur des sujets parfois méconnus et a révélé le génie des citoyens sur des points qui n’avaient pas été soulevés auparavant. Sur cette base a été rendu l’avis du Conseil d’État, avant que le conseil des ministres n’examine le texte. Le renvoi en commission reviendrait à ignorer cette démarche citoyenne.

Certes, des questions demeurent en suspens, dont j’aurai l’occasion de parler, telles que le cadre de développement de l’open data ou l’utilisation des données publiques par les entreprises – avec quelles contreparties ? Certes, on peut s’attacher à discuter du financement des mesures visant à garantir l’accès des plus démunis. Certes, on peut regretter que ne soit toujours pas formulée une définition ambitieuse de la neutralité du net, qui avait été pourtant plébiscitée par les internautes. Certes, on peut revenir sur les biens communs. Mais cela étant, ces questions feront l’objet des débats qui s’ouvrent aujourd’hui. Cela ne nécessite pas un renvoi en commission.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Nous sommes ici face à une motion de renvoi que M. Tardy a exprimée avec beaucoup de densité et de conviction. Je voudrais l’en remercier, même si je ne partage pas un certain nombre de ses arguments : il ne me paraît pas souhaitable, en particulier, d’attendre indéfiniment un texte parfait, que pourrait écrire un jour l’Europe et sur lequel notre pays pourrait ne pas avoir à se déterminer maintenant.

De fait, le monde a changé très vite depuis la loi de 1974 relative à l’informatique et aux libertés, et même depuis les textes européens, au demeurant de bonne qualité, de 1981 consacrés à l’informatique. Nous manquons d’un texte sur ces grandes questions, d’un texte qui pose des principes et des valeurs.

Or, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, le texte que nous examinons énonce des valeurs. Il est orchestré autour des notions de loyauté, de neutralité, de portabilité, de publicité au sens de gratuité, d’ouverture. C’est bien l’intérêt général qui est recherché. Bien évidemment, lorsque l’on aborde la question de l’intérêt général, on est obligé de toucher, ici et là, à des choses très concrètes et très matérielles. C’est nécessaire et c’est important. Mais faut-il attendre une rédaction achevée alors que, dans le même temps, nous sommes confrontés à une explosion d’internet, de la portabilité et de la puissance des engins de communication ? Nous possédons tous de petits objets qui pèsent moins de 200 grammes et qui nous permettent de nous connecter au monde entier et de réunir, stocker, conserver, transporter, transmettre des fichiers qui occupaient deux étages de bureaux il y a à peine quarante ans !

Il y a urgence à légiférer. Ou alors on traite les problèmes au fil de l’eau… Souvenons-nous de Mme Merkel découvrant, à l’occasion d’un déplacement au Brésil, que son téléphone portable était piraté. Nous en avons tous été stupéfaits, même si certains d’entre nous, et c’est sans doute votre cas, monsieur Tardy, savaient qu’il existait un risque. Pour autant, il n’y avait pas de texte. Or justement, le présent projet de loi en discussion pose des principes. C’est essentiel, c’est même tout à fait nécessaire.

Le texte pose une autre question : qu’est-ce qu’une donnée publique ? Qu’est-ce que l’espace public, les choses publiques ? Il faut y répondre. Le processus législatif n’est certes pas achevé, il y aura d’autres textes, nationaux et européens, mais en attendant, ce projet de loi pose des principes et formule des concepts. C’est pour ces raisons, mes chers collègues, que je vous propose de ne pas accepter la motion de renvoi en commission qu’a soutenue M. Tardy, que je remercie néanmoins de la qualité de son intervention.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe Les Républicains.

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Je ne peux que souscrire aux propos de Lionel Tardy. Il y a beaucoup de précipitation sur ce projet de loi, ce qui est paradoxal puisque la France accuse un retard en la matière. On attend en effet ce texte depuis de très longs mois : c’était un engagement du Président de la République. Et l’on peut parler de précipitation puisque, même si, j’en conviens, il y a eu de l’écoute en commission – le rapporteur a déployé des talents de diplomatie, a embrassé large les amendements que nous lui avons présentés – nous avons dû nous livrer à un examen très rapide du texte et n’avons eu que très peu de temps pour déposer nos amendements en séance.

Malgré tout, plus de 800 amendements ont été déposés, qu’il nous faut à présent examiner. Car je ne doute pas que le débat se prolongera – anticipant un peu le résultat du vote sur cette motion de renvoi, qui paraît assez probable, point n’est besoin de marc de café ni de Mme Soleil pour l’annoncer ! Il n’en reste pas moins qu’il existe un vrai débat de fond, que nous avons commencé en commission mais qui est loin d’être achevé. Il faudrait pouvoir y revenir, d’autant qu’en procédure accélérée, nous ne sommes pas sûrs, tant s’en faut, de pouvoir débattre longuement dans les semaines qui viennent. Un certain nombre de difficultés se posent, d’incompréhensions, de télescopages de textes – l’existence du règlement et de la directive européens a été rappelée.

Autant d’éléments qui incitent, avec « sagesse », pour reprendre un mot qui a souvent été employé en commission, en particulier par notre rapporteur, à faire droit à la demande de renvoi en commission exprimée par M. Tardy.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Sergio Coronado, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec le projet de loi en discussion, madame la secrétaire d’État, vous avez souhaité articuler l’innovation numérique avec les principes républicains, en particulier en matière de données administratives et de données personnelles. Le texte comporte trois grands axes : la sécurité des données, la neutralité du net, et l’ouverture des données et l’accès à tous au numérique. Comme l’a rappelé le rapporteur, plus de 700 amendements ont été déposés en commission des lois. Pour la séance, plus de 800 amendements, dont 64 du groupe écologiste, vont être examinés sur un projet de loi déjà très dense.

Si je déplore le choix de la procédure accélérée, qui devient une mauvaise habitude gouvernementale…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…je veux néanmoins saluer la méthode de travail ouverte et collaborative qui a présidé à l’élaboration du texte. De nombreuses consultations et de précieux avis des autorités administratives ont largement nourri un débat riche et constructif. Les participants ont pu débattre lors de la consultation citoyenne, voter et proposer des amendements concernant trente articles sur les quarante-huit du texte initial ; quatre-vingt-dix modifications et cinq articles ont été ajoutés au projet initial à la suite de cette consultation publique. Je veux aussi saluer le travail du rapporteur et la disponibilité de Mme la secrétaire d’État.

Votre projet de loi, madame la secrétaire d’État, arrive à la suite de textes qui ont affecté le monde numérique et dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne s’inspiraient pas des principes que vous souhaitez promouvoir. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’estime qu’il ne fallait pas voter la motion de Lionel Tardy. Dans un contexte où le numérique charrie nombre de fantasmes, où il constitue même, dans certains cas, une circonstance aggravante, il me semble que c’est un texte non seulement attendu mais aussi bienvenu.

Le projet de loi introduit des notions importantes. Je me réjouis de l’adoption en commission de nombreux amendements, et notamment de ceux que j’ai déposés avec ma collègue Isabelle Attard. Je rappellerai rapidement leur objet : le droit à la publication des informations communiquées ; l’auto-saisine de la CADA aux fins de poursuite des réutilisations frauduleuses des données publiques ; l’accès à des formats ouverts pour la mise à disposition des articles de recherche ; l’open data des relevés du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur les temps de comptage politique ; l’open data sur les traitements de données de la CNIL ; la publicité systématique des avis législatifs de la CNIL, qui me paraît très importante ; l’avis de la CNIL sur tous les décrets ; la possibilité pour la CNIL d’échanger avec des homologues de pays non européens ; la modification de l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique sur l’illicéité ; la portabilité de tout ou partie des données ; enfin, la possibilité offerte aux associations oeuvrant pour les libertés numériques d’ester en justice sur les questions de données personnelles et les délits associés.

Je veux aussi me féliciter de l’adoption à l’unanimité de l’amendement que nous avions déposé qui permet de condamner toute diffusion d’une photo ou vidéo sexuellement explicite d’une personne sans son consentement. Cet amendement vise à lutter contre ce que l’on appelle le « porno vengeur » et à le pénaliser.

Je crois que la commission, qui a travaillé plus de dix-sept heures, n’a pas démérité. Des points cruciaux ont été clarifiés. Il en est ainsi du droit à la libre disposition de ses données, c’est-à-dire du droit pour l’individu de contrôler l’usage qui est fait de ses données à caractère personnel. Un droit à l’oubli a également été reconnu aux mineurs, qui pourront faire effacer des données personnelles. Par ailleurs, la reconnaissance de la mort numérique permettra à toute personne, de son vivant, d’organiser les conditions de conservation et de communication de ses données à caractère personnel après son décès. Ce sont là des éléments utiles et précieux.

Je salue également l’accès de tous au numérique. Pour sûr, le maintien de la connexion internet des personnes les plus démunies en cas d’impayé, jusqu’à ce que le Fonds de solidarité pour le logement ait statué sur la demande d’aide financière, constitue un progrès, de même que l’amélioration de l’accès au numérique des personnes en situation de handicap et l’usage de la lettre recommandée électronique et des dons par SMS. Je reste également favorable à la circulation des données et du savoir, et à l’introduction de la notion de données d’intérêt général, en accroissant l’ouverture des données publiques.

Cela étant, pour ce qui concerne l’open data, on demeure loin du droit communautaire, qui pose le principe d’une libre réutilisation gratuite de toutes les données publiques, sauf exception. En droit français, l’administration dispose toujours de la faculté de ne pas communiquer ses données et conserve un pouvoir discrétionnaire quant à la communication de ses données publiques, alors même que la communication des données publiques d’une administration à l’autre sera obligatoire. Le Conseil d’État, qui a rendu un avis assez sévère sur l’ensemble du texte, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner les risques liés à cette idée en termes de libertés publiques.

Je suis persuadé que les débats vont être riches, malgré la procédure accélérée, et même si le volet économique sera traité dans un autre texte. C’est donc dans un esprit constructif, madame la secrétaire d’État, que les écologistes, je crois assez unis sur ce texte – ce qui est à souligner (Sourires) – entendent participer à la discussion qui commence ce soir. Je souhaite que le Gouvernement soit plus volontaire sur la promotion du logiciel libre et que nous avancions sur la liberté de panorama et sur les biens communs, qui figuraient d’ailleurs dans la première version de votre texte et qui ont en partie disparu dans celui qui nous a été présenté en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.

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Attendu depuis plus de deux ans, ce texte a le mérite d’aborder certains des grands enjeux du numérique, à l’image de l’open data, du principe de neutralité du net, de la loyauté des plateformes, du droit à l’oubli ou encore de la mort numérique. Par la voix de Bertrand Pancher, le groupe UDI s’est toujours beaucoup impliqué sur ces questions, plus particulièrement sur les problématiques de la liberté d’accès aux documents administratifs ou de la réutilisation des informations publiques.

Ce sont des sujets primordiaux, tant pour les jeunes entreprises que pour les associations, les collectivités et, plus généralement, tous nos concitoyens. En effet, outre son apport économique, l’open data représente un véritable gage de transparence pour notre démocratie. À ce sujet, comme l’a souligné le rapporteur, nous ne pouvons que nous réjouir de la méthode collaborative qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi. Nous espérons que d’autres textes législatifs pourront bénéficier d’une telle consultation.

C’est là, nous semble-t-il, un point fondamental pour rapprocher les citoyens des politiques.

Ce projet de loi ne soulève aucune opposition de principe de la part du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, mais il est bien éloigné de l’ambition dont se réclame le Gouvernement depuis le début du quinquennat, celle de bâtir une véritable République numérique. Vidé de sa partie économique, ce projet de loi peine, en effet, à présenter une vision d’ensemble de la stratégie numérique française. Une nouvelle fois, nous sommes confrontés à une succession de bons principes plus qu’à un texte fixant un véritable cap pour l’avenir numérique de notre pays.

Je parle de bons principes car les mesures de ce projet de loi sont bien souvent du ressort de l’Union européenne. Entre sur-transposition et précipitation, nous risquons de devoir réécrire une partie de notre législation d’ici à quelques années. Malgré cela, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants considèrent que les questions abordées par ce projet de loi sont importantes. Nous regrettons néanmoins que la partie sur la couverture numérique de notre territoire, question essentielle, ne soit pas plus approfondie. Avant de parler d’usages, il faut parler d’infrastructures ! Je vois là une légère incohérence.

Il peut en effet être difficile de comprendre ce que ce projet de loi apportera concrètement aux habitants des territoires ruraux ou suburbains n’ayant pas accès au très haut débit – ils sont très nombreux, madame la secrétaire d’État –, ce qu’il changera à leur vie quotidienne.

Bien sûr, il existe le plan France très haut débit. Il doit se déployer pour pallier la fracture numérique qui est très durement ressentie par nos compatriotes, et qui accentue une fois de plus l’écart entre la France des métropoles et celle des territoires ruraux et suburbains. En 2016, cette situation n’est plus acceptable ; malheureusement, nous peinons à obtenir des résultats concrets. Où en est, par exemple, le déploiement du très haut débit ? Qui aura accès à un débit de 20 mégaoctets, de 100 mégaoctets, de 1 gigaoctet – c’est d’autant plus important que les besoins sont croissants, notamment dans le domaine de l’entreprise ?

Ce n’est pas la circulaire Macron, qui demande à l’ARCEP d’identifier les territoires avec les couvertures 2G, 3G et 4G, qui permettra de recouvrer quelque sérénité, car il y a un grand décalage entre les relevés de l’ARCEP et la situation réelle, telle qu’on la vit dans les territoires. Vous savez que cette circulaire oblige les opérateurs à assurer cette couverture dans les dix-huit mois. Le fossé est très large !

Lors de l’examen de ce texte en commission, vous avez, madame la secrétaire d’État, fait adopter des amendements qui vont dans le bon sens ; je pense en particulier à l’éligibilité des dépenses d’investissement des collectivités territoriales au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée. C’est une très belle initiative. Je me réjouis également du fait que beaucoup d’éléments de la proposition de loi de M. André Chassaigne – ici présent – ont été repris, intégrés à votre projet de loi. Je tenais à le souligner.

Il reste cependant des dysfonctionnements ; nous devons donc mener une politique beaucoup plus volontariste pour rayer les zones blanches de notre territoire. À l’heure où je vous parle, plus de 80 % de la population sont privés de très haut débit. Comment expliquez-vous qu’à 800 mètres d’un centre-ville, les habitants ne disposeront pas de la fibre avant 2023, 2025 ou 2028 ? Si, de plus, il n’y a pas de financement des collectivités locales, que se passera-t-il ?

Madame la secrétaire d’État, vous avez promis qu’en 2022 la France sera totalement connectée au très haut débit. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, au cours de notre discussion, à propos de ce déploiement ? Il est urgent d’accélérer l’application du plan national d’extension des liaisons numériques – dont je crains même qu’il ne soit insuffisant – en arrêtant de nous reposer sur les seuls opérateurs privés, car ceux-ci choisissent uniquement – vous le savez bien – de se déployer dans les zones rentables, lesquelles sont le plus souvent urbaines.

Je regrette qu’un amendement que j’avais déposé il y a un peu plus de deux ans afin de mettre en place une péréquation favorisant le déploiement du haut débit dans les zones moins irriguées n’ait pas été retenu par le Gouvernement. Par ailleurs, notre collègue Francis Vercamer a déposé un amendement pour étudier l’opportunité de confier à l’ARCEP un pouvoir de sanction à l’encontre des opérateurs privés n’ayant pas respecté leurs engagements contractuels – cela existe à certains endroits –, dans le cadre de l’élaboration des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.

En cas d’impayé, le maintien de la connexion internet peut se comprendre, mais cette mesure aura un impact sur les collectivités territoriales, qui devront la financer. N’aurait-il pas été préférable de mobiliser ce fonds pour améliorer la couverture en très haut débit – notamment la fibre optique pour les particuliers ?

Nous restons par ailleurs perplexes quant à la méthode choisie par le Gouvernement, qui a préféré morceler la réforme numérique en trois textes : le premier a été défendu en octobre par Mme Valter, le second est celui que vous nous présentez aujourd’hui même, madame la secrétaire d’État, et le troisième est le projet de loi pour favoriser les nouvelles opportunités économiques, dit projet de loi « Noé ». Nous verrons ce qui restera de cette arche de Noé, disputée par Emmanuel Macron et Myriam El-Khomri !

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Cette démarche nous semble éloignée du choc de simplification, mais nous reconnaissons que ce texte est nécessaire pour libérer de nouvelles énergies, pour aider les start-up à se développer, et pour jouer à concurrence égale avec certains pays voisins, qui sont bien plus avancés que nous dans ces matières. Ces mesures vont donc dans le bon sens, à l’image de la partie sur la circulation des données et du savoir.

Je crois à la révolution numérique. Si nous voulons dynamiser le secteur du numérique, et donc encourager la croissance, alors il est indispensable de se saisir de la question de l’ouverture des données publiques et d’intérêt général. L’open data est un véritable enjeu de gouvernance qui peut contribuer à changer profondément le rapport entre les citoyens et les décideurs, en assurant une meilleure information des parties prenantes, et en instaurant un équilibre des savoirs entre tous les acteurs. Le projet de loi deMme Valter avait amorcé cette révolution ; ce projet de loi renforcera les dispositions précédemment adoptées. Nous sommes globalement d’accord avec ces mesures.

Vous savez que nous avons proposé, en commission, l’application d’un nouveau modèle économique, dit freemium, aux administrations, afin de leur permettre de proposer une offre gratuite et une offre dite premium. Cette idée a été soutenue par le rapporteur de la loi Valter, et évoquée par vous-même, madame la secrétaire d’État ; elle mériterait – me semble-t-il – un débat plus approfondi, d’autant plus que cet amendement a été jugé irrecevable. Il nous faudrait revenir sur cette proposition qui permettrait de concilier la gratuité des données et les impératifs économiques.

Nous nous réjouissons également que ce texte aborde les délicates questions du droit à l’oubli et de la « mort numérique ». Le droit à l’oubli pour les mineurs est essentiel, mais nous devrons réfléchir à l’étendre à chaque internaute, de manière simple mais surtout lisible. Il faudra donc obliger les sites internet à mettre en place un lien sur lequel l’internaute puisse facilement cliquer.

Concernant la « mort numérique », madame la secrétaire d’État, nous nous réjouissons de voir que vous êtes allée dans notre sens, et que vous avez limité les droits des héritiers dans le cas où la personne décédée n’a donné aucune directive. S’agissant de la protection des consommateurs, nous sommes dubitatifs. En effet, certaines pratiques très répandues vont à l’encontre de l’internaute lui-même, et ne font l’objet d’aucun contrôle. C’est notamment le cas de l’ « IP tracking » ou encore de la publicité ciblée en ligne. Vous me répondrez que des sanctions existent : certes, mais elles ne sont pas toujours appliquées. Je vous enjoins donc à la fermeté sur ces questions.

Nous nous étions étonnés que rien ne soit initialement prévu concernant le harcèlement virtuel : nous ne pouvons donc que nous réjouir de l’adoption d’un amendement sanctionnant plus sévèrement le revenge porn. C’est un message fort qu’il était indispensable de faire passer. Notons également un élargissement de l’accès aux diplômes des professionnels de santé, auquel nos citoyens sont attachés. Je pense que nous pourrions aussi le faire pour d’autres professions.

Ce texte fait l’impasse sur la question de la formation aux outils numériques, à la fois pour les jeunes enfants et pour les personnes âgées. C’est pourtant un enjeu majeur dont nous devons nous saisir. J’aurais aimé qu’il soit un peu plus approfondi.

Nous ferons des propositions en faveur des personnes les plus fragiles. Notre collègue Jean-Paul Tuaiva a déposé plusieurs amendements. Il propose notamment un service minimum, un point d’accès gratuit à internet dans les hôpitaux et dans les établissements médico-sociaux. Cela me semble nécessaire.

Enfin, madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur un sujet passé sous silence, et pourtant attendu : le rapprochement entre la CADA et la CNIL, qui n’apparaît à aucun endroit dans ce texte.

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Il serait pourtant intéressant de créer une grande entité du numérique. Nous notons que les pouvoirs de la CNIL et de l’ARCEP seront renforcés : nous souhaitons que la CADA, quant à elle, dispose d’un véritable pouvoir de sanction envers les administrations qui ne se conformeraient pas aux nouvelles règles.

Vous l’aurez compris : ce texte comprend des avancées indéniables. Il permettra de poser des premiers jalons, avant une loi plus pragmatique et plus large qui réalisera vraiment la révolution numérique que vous appelez de vos voeux. Il vise à encourager de nouvelles formes de développement économique, en s’appuyant sur cette mutation du numérique qui est indispensable. Pour ces raisons, le groupe UDI ne s’opposera pas à ce projet de loi.

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Il va nous parler de Pierre Rabhi ! Et des petits colibris !

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Au début de l’examen, en séance publique, de ce projet de loi pour une République numérique, permettez-moi à nouveau, madame la secrétaire d’État, de vous rendre hommage pour le travail que vous avez accompli et la méthode que vous avez employée dans l’élaboration de ce texte.

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Profitez-en, madame la secrétaire d’État ! Ça ne durera pas !

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Vous avez en effet suivi une véritable procédure de concertation citoyenne, une procédure novatrice inédite sous la Ve République, mêlant dialogue, transparence et volonté d’avancer concrètement. Les citoyens ont ainsi eu l’opportunité de formuler des propositions et d’amender le texte de l’avant-projet de loi. Cette méthode de co-construction mériterait d’être généralisée, car elle pourrait redonner de l’air à ce qu’il y a de plus cher dans notre société : la démocratie.

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M. Chassaigne est trop gentil : c’est suspect !

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Pourquoi, d’ailleurs, ne pas appliquer ce modèle de démocratie participative au futur projet de loi dit « Macron 2 », qui aura lui aussi trait au numérique, ou encore à la réforme du code du travail ?

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Et pourquoi pas aux projets de loi de finances, tant qu’on y est ?

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Gardons en tête l’impérieuse nécessité de faire respirer nos institutions.

Venons-en au coeur du sujet : c’est un fait incontestable que le numérique occupe désormais une place essentielle dans notre quotidien – échanges, travail, rapports sociaux, consommation. Le développement du numérique a tout chamboulé : nos institutions, notre droit, la politique, l’administration, et même le salariat, comme nous le voyons avec Uber. Le numérique est au coeur de rapports de force considérables, et la situation actuelle illustre en réalité les grandes contradictions du capitalisme contemporain.

Le numérique, c’est, d’un côté, le partage des savoirs et des savoir-faire : quel signal d’espoir quand des projets collaboratifs mobilisent des milliers de personnes aux quatre coins du monde ! C’est aussi l’essor des logiciels libres, qui montrent que la coopération et le partage se révèlent plus efficaces que la concurrence et la privatisation. Mais d’un autre côté, le numérique, c’est aussi le poids démesuré des entreprises que l’on regroupe sous le nom de « GAFA » : Google, Amazon, Facebook, Apple. Assis sur cette mine d’or que sont nos données personnelles, ces entreprises exploitent parfaitement les failles juridiques et fiscales pour échapper à leurs obligations.

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Le développement du numérique paraît illimité, avec des possibilités de coopération formidables. Mais la mainmise des grands intérêts privés pèse : les grands groupes sont prêts à dresser toujours plus de barrières pour exploiter à des fins marchandes cette richesse commune. Disons-le clairement : la révolution numérique implique de nouveaux cadres politiques, de nouveaux droits qui soient vraiment à la hauteur des choix de civilisation que nous devons faire. Pour nous, cette révolution doit être un vecteur d’émancipation, d’autonomie et de partage ; il faut que ces valeurs s’imposent face au risque d’une hyper-marchandisation qui détruirait le lien social.

Ce projet de loi permet d’aller de l’avant. Les travaux en commission ont aussi permis de renforcer l’approche initiale du texte : c’est bien entendu positif. Le renforcement de l’open data est une bonne chose : s’il est bien encadré, il pourrait permettre le développement de nouveaux services au bénéfice de tous. Le projet de loi propose de libérer l’accès à la recherche publique. En matière de portabilité des données et de loyauté des plateformes, des avancées très concrètes sont proposées, tout comme en matière de protection de la vie privée.

Enfin, alors que la fracture numérique menace, la question de l’accessibilité occupe une place centrale dans ce projet de loi. À cet égard, je remercie le Gouvernement d’avoir intégré à ce texte les dispositions de ma proposition de loi relative à l’entretien et au renouvellement des lignes téléphoniques. Cette proposition de loi avait elle aussi fait l’objet d’un travail approfondi de concertation, un travail citoyen ; l’Assemblée l’avait adoptée à l’unanimité en mai dernier. Il est nécessaire de ne pas couper le fil : c’est au coeur de nos préoccupations. Nous espérons que la représentation nationale ira de nouveau dans ce sens.

Je conclurai par plusieurs interrogations. D’abord, concernant l’open data, quid de l’utilisation à des fins commerciales de données publiques ? Quelles seront les contreparties ? Pourquoi ne pas avoir maintenu la notion ambitieuse de « neutralité du net », qui a pourtant été plébiscitée par les internautes, tout comme la partie sur les biens communs, qui fera l’objet de l’un de nos amendements ? Enfin, pourquoi ne pas graver dans le marbre le recours aux logiciels libres par l’administration et l’éducation nationale ?

Madame la secrétaire d’État, c’est dans un état d’esprit constructif et déterminé que nous abordons ce débat tout à fait intéressant et essentiel, en vérité, pour l’avenir de notre pays, tant les enjeux du numérique sont considérables.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les usages numériques évoluent à une vitesse insoupçonnée, bien souvent en dehors de toute prévision.

Ce contexte particulier nous oblige. Nous devons faire preuve d’une rigueur extrême dans les valeurs que nous voulons défendre, afin qu’elles ne soient pas négligées dans le quotidien des pratiques – qu’il s’agisse des pratiques des administrés, des entreprises, des associations ou des collectivités. Nous devons aussi définir un cadre précis, mais souple, afin de donner au droit une force essentielle, celle de répondre aux situations et aux évolutions dans la réalité de leurs faits.

Ce projet de loi marquera la législature, car il modifiera le quotidien de chaque citoyen, sans que ce dernier en ait une conscience immédiate. Cela monte d’un cran l’exigence qui s’impose à nous.

Comme le déclarait John Perry Barlow dans sa déclaration d’indépendance du cyberespace : « Nous créons un monde où tous peuvent entrer, sans privilège ni préjugé dicté par le pouvoir économique, la puissance militaire ou le lieu de naissance. » Forte de ces nouveaux usages, Mme la secrétaire d’État a engagé une procédure extraordinaire – au sens premier du terme.

Nos usages, parfois un peu ancestraux, ont été bousculés. Les contributions les plus soutenues ont été entendues par le ministère et des propositions citoyennes sont reprises dans le projet de loi. Je salue la secrétaire d’État pour ce pari. Ce qui part en biais arrive en biais. Ce qui débute avec détermination et rigueur arrive avec succès et audace. Madame la secrétaire d’État, je vous adresse, ainsi qu’à vos équipes, mes félicitations.

À cette procédure innovante se joint un contenu qui l’est tout autant. La loi de 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, a marqué nos esprits et le droit. Notre projet de loi marquera tout autant notre ordre juridique, pour plus de droits et de confiance des internautes, du plus occasionnel au plus investi. En cela, il s’inscrit dans le prolongement des nouvelles règles issues de la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations publiques, défendue par la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification.

La transversalité du projet de loi est sans doute ce qui lui a permis d’être crédité d’un intérêt aussi prononcé : plus de 500 amendements ont été déposés. On peut d’ores et déjà dire, à ce stade de la procédure, que ce texte a été capable de relever les défis qui lui étaient imposés par son intitulé même – « République numérique ».

Le projet de loi doit également beaucoup au travail minutieux et attentif de Luc Belot. En effet, lors de la période d’auditions, le rapporteur a tout fait pour entendre chacun, n’écarter aucune problématique, traitant de la neutralité de l’internet jusqu’au secret des correspondances, en passant par l’open data. Sa force de travail et son expertise m’ont impressionnée. Je salue cet investissement, tout comme celui des rapporteurs pour avis, Mme Corinne Erhel, Mme Hélène Geoffroy et M. Émeric Bréhier. Je n’oublie pas Mme Marietta Karamanli, auteure du rapport d’information de la commission des affaires européennes.

Le projet de loi s’organise autour de trois axes : favoriser la circulation des données et du savoir, oeuvrer pour la protection des individus dans la société numérique, garantir l’accès au numérique pour tous.

La circulation des données et du savoir va en effet passer à une étape supérieure par son ouverture. La logique de la loi CADA de 1978 sera inversée. Auparavant, chacun était en droit de demander un document à l’administration et, le cas échéant, de recourir à la CADA pour faire valoir son droit d’accès aux documents. Désormais, les administrations devront, par principe et spontanément, mettre en ligne, dans un format facilement réutilisable, les données présentant un intérêt économique, social ou environnemental. L’accès aux documents sera donc gratuit.

La publication des données en ligne a vocation à permettre, outre la simplification des démarches des citoyens, le développement des entreprises liées à l’exploitation des données publiques en ligne. Parce que les données représentent l’or noir du XXIème siècle, ce texte consacre un véritable « service public de la donnée » afin de garantir aux citoyens, aux administrations et aux entreprises un accès à des données de qualité. Des dispositions seront également consacrées à l’accès aux données issues de la recherche financée par des fonds publics, faisant ainsi nôtre cette citation de Bernard Stiegler, philosophe français, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation : « L’intelligence collective est devenue la principale valeur économique. »

Pour ce qui concerne la nécessaire et désormais indispensable protection dans la société numérique, il convient de déployer un ensemble de dispositifs. Leur synergie sera gage de sécurité pour les utilisateurs.

Ainsi, la neutralité du net sera inscrite dans la loi, imposant aux opérateurs du numérique de garantir un accès égal et non discriminatoire aux réseaux. L’ARCEP, muni d’un pouvoir général de sanction, sera le garant de cette application. À cette avancée majeure se rajoutera un droit à la portabilité des données, la consécration du principe de loyauté des plateformes et le renforcement de la protection de la vie privée en ligne. Enfin, le droit à l’oubli pour les mineurs, tant attendu, est reconnu.

Le troisième et dernier volet du projet de loi a trait au développement du numérique. Nous débattrons des voies et moyens d’en faciliter le développement en tout point du territoire, comme de son accès aux publics les plus fragiles. Le handicap, notamment, sera mieux pris en compte. Les services publics auront obligation d’afficher sur leurs sites et applications mobiles leur conformité ou non aux règles d’accessibilité, sous peine de sanction pécuniaire. De nouveaux usages émergeront également, comme le recommandé électronique ou le paiement – donc les dons – par SMS.

Qui dit « révolution » dit « interrogations ». Ce projet de loi soulève inévitablement quelques difficultés, des résistances, souvent légitimes, et à la mesure des enjeux.

Parce qu’un geek ne vieillit pas – il se met à jour –, je salue l’état d’esprit collaboratif et constructif qui a régné lors de l’examen en commission, et ce sur tous les bancs.

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Nous avons procédé à quelques ajustements, sur l’opportunité desquels nous nous sommes tous accordés. Je pense notamment au renforcement du pouvoir d’investigation de la CNIL et à la consolidation des droits numériques des citoyens. Je peux citer également la facilitation du recours aux logiciels libres et la meilleure prise en compte des handicaps dans les usages numériques, sans omettre la contribution très estimée concernant la prise en compte pénale de la cyber-revanche à caractère pornographique. Le travail de la commission nous a également permis de trouver un bon équilibre entre régulation et loyauté des plateformes.

Restent des points que le groupe socialiste a soulevés. Je pense notamment au renforcement du statut des lanceurs d’alerte, sur lequel nous avons beaucoup débattu en commission sans prendre de décision, aux actions de groupe, ainsi qu’à la liberté de panorama, sujet sur lequel Emeric Brehier et Patrick Bloche ont proposé une solution d’équilibre, ce dont je les remercie. Le groupe socialiste proposera également que les opérateurs prennent leur part financière dans le maintien d’un minimum de connexion, dans les situations précaires, lorsque le FSL en décidera. Il n’est en effet pas compréhensible que ce coût incombe seulement à la collectivité.

Pour conclure, mes chers collègues, je vous invite à bien prendre en compte la transversalité de ce texte. Tentez cet exercice et vous constaterez que tout citoyen, depuis sa naissance jusqu’à sa mort – avant même sa naissance, et jusqu’après sa mort – est touché. Vous constaterez aussi à quel point ce projet de loi concerne le citoyen, quel que soit l’habit qu’il choisira de revêtir, celui d’administré ou d’individu actif, en réalisation personnelle ou professionnelle.

Comme l’a très justement dit Manuel Castells, éminent chercheur : « Ne pas être connecté à internet, ou l’être superficiellement, c’est se faire marginaliser dans le système planétaire en réseaux. Se développer sans internet aujourd’hui, ce serait comme s’industrialiser sans électricité hier ». C’est pourquoi le groupe socialiste votera avec enthousiasme ce projet de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, peut-on dire, en paraphrasant un grand auteur, et à la suite de Patrick Bloche, que le XXIème siècle sera numérique ou ne sera pas ? Sans aucun doute, tant le numérique a pris de la place dans la société, dans l’économie, dans nos vies.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont déjà été donnés. Incontournable, le numérique est de plus en plus au coeur des activités, quelles qu’elles soient. Il est aussi au centre de questions essentielles sur les droits fondamentaux, la vie privée, le respect des données personnelles – on évoque même l « éthique du numérique », c’est dire !

Il importe de répondre aux besoins, de développer des outils adaptés, à l’attention des particuliers, des usagers des services publics et des entreprises. Plus encore pour ces dernières, car les attentes sont grandes. Il s’agit d’accompagner, mais aussi de créer de nouvelles formes d’activité autour de ce qu’on appelle l’open data – l’ouverture des données, en bon français –, cet extraordinaire gisement de matières premières, dont la gratuité est en question, et dont notre commission n’a pas fini de débattre. Il est encore question de croissance et d’innovation, un domaine dans lequel le développement du numérique nourrit bien des espoirs, même s’il soulève aussi nombre de questions.

Annoncé en début de législature, puis reporté à de nombreuses reprises, le projet de loi « numérique » était très attendu. Il a été élaboré selon une procédure originale, j’en donne volontiers acte à Mme la secrétaire d’État. On parlait, sous la précédente législature, de « coproduction législative ». En l’espèce, c’est une approche citoyenne qui a été choisie, et je m’en félicite. Elle a permis un vaste débat, quoique dominé par les spécialistes.

Le titre du texte est ambitieux – sans doute trop. Il ne tient pas réellement ses promesses. On espère en tout cas ne pas vivre l’an I de la République numérique : la Constitution de l’An I, jamais appliquée, n’a pas laissé d’impérissables souvenirs…

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Quant au contenu, le texte tente de balayer l’ensemble des sujets d’actualité et des questions les plus attendues. Je le disais en commission, « balayer » est sans doute le mot juste. Entre l’avant-projet et le texte présenté, quelques coups de balai ont en effet été donnés et des éléments ont disparu.

Sont donc envisagées la circulation des données du savoir, l’ouverture des données publiques et la création d’un service public de la donnée. Les missions de la CNIL et de la CADA sont revues partiellement, alors même qu’un rapprochement s’esquisse à moyen terme entre ces deux autorités. Cette perspective, conjuguée aux conclusions du rapport du Sénat sur les autorités administratives indépendantes, ne peut que donner matière à réflexion.

Le projet de loi intègre aussi des droits nouveaux : la neutralité de l’internet, l’accès au réseau, la loyauté des plateformes sont autant de questions qui ont trait à la protection de la vie privée. Quant au « numérique pour tous », au-delà de la formule, qui rappellera au député que je suis d’autres slogans, il devra être confirmé.

À première vue, ce texte contient de bonnes choses. Je salue, du reste, votre esprit d’ouverture, madame la secrétaire d’État. N’ayez crainte, nous ne chercherons pas, lors des débats, à susciter l’intervention de nos collègues médecins.

Sourires.

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Nous ferons le nécessaire pour vous ménager et débattre dans la plus grande sérénité, comme ce fut le cas durant les séances en commission.

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Je salue aussi l’approche du rapporteur Luc Belot, d’autant plus volontiers que ce texte contient des avancées. Les droits du consommateur, ceux du citoyen – j’en suis moins certain – seront partiellement accrus, notamment avec la portabilité des données des fournisseurs, le droit à l’oubli pour les mineurs, le sort des données après le décès.

En réalité, les sujets de critique l’emportent sur les motifs de satisfaction.

Le premier problème, c’est le calendrier. Le texte vient trop tard par rapport à la loi Valter relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. D’un autre côté, il vient trop tôt, puisque l’on annonce au printemps un projet sur les nouvelles opportunités économiques – Noé –, que j’hésite, compte tenu des bisbilles, à baptiser « Macron II » – peut-être s’agira-t-il d’ailleurs plutôt d’un Khomri I. En tout cas, l’affaire est dans l’arche, et nous verrons ce qu’il en sortira. Le présent texte, d’une certaine façon, est pris entre l’enclume et le marteau.

Deuxièmement, viennent les critiques du Conseil d’État. Certes, une partie d’entre elles tombent, puisque le texte sur lequel elles portaient n’est pas exactement celui qui a été présenté en Conseil des ministres et que nous avons examiné en commission. Nous débattons donc d’un texte sur lequel nous ne disposons pas d’un avis complet du Conseil d’État, ce qui montre, du reste, la limite de l’exercice.

Il reste que le Conseil d’État « déplore l’insuffisance de l’étude d’impact qui, sur plusieurs sujets, n’évalue pas les incidences des mesures prévues par le texte ». Notre collègue Catherine Coutelle a dénoncé l’indigence de l’étude d’impact sur l’égalité hommes-femmes. Or l’objet même d’une telle étude n’est-il pas d’éclairer la représentation nationale ainsi que les décideurs ?

Le Conseil relève également le caractère insuffisamment normatif de certaines dispositions, ce qui nous rappelle un certain rapport annuel sur la « loi bavarde » – un problème auquel on sait le président de la commission des lois particulièrement sensible. Le Conseil constate enfin le « décalage entre le contenu du projet de loi et son titre » – je l’évoquais en introduction –, allant jusqu’à proposer un nouveau titre, que nous reprendrons par voie d’amendement : « Projet de loi sur les droits des citoyens dans la société numérique ». C’est plus modeste, mais sans doute plus réaliste !

Troisièmement, l’impression se dégage d’un village gaulois qui résisterait, voire qui s’enfermerait dans une législation par trop franco-française. Le règlement européen tant attendu sur le sujet est en cours de négociation et surtout de finalisation. Nous y arrivons. Nous n’avons cessé en commission des lois d’y faire référence dans un sens, puis dans l’autre, de façon parfois contradictoire, il est vrai. Le Gouvernement a utilisé ou écarté ce texte.

Au cours de la précédente législature, alors membre de la commission des affaires européennes, j’avais déposé et fait adopter un projet de résolution européenne relatif à la protection des données. C’était en février 2012. Le règlement attendu en 2016 était déjà en « gestation ». Il n’est toujours pas né. Quatre ans se sont écoulés, mais nous y arrivons. Autrement dit, comme le disait tout à l’heure Lionel Tardy, l’encre qui aura servi à écrire le projet de loi numérique sera à peine sèche que la loi risque d’être déjà en décalage avec le règlement. Rappelons qu’un règlement est obligatoire dans toutes ses dispositions et d’application directe, à la différence d’une directive : il ne nécessite aucune transposition. Nous devrons donc l’appliquer tel quel en 2018. Mais quid des contradictions à ce moment et des lacunes d’ici là ?

Le projet sera rapidement promulgué puisqu’il fait l’objet d’une procédure accélérée, ce que je dénonce là encore. Pourquoi vouloir précipiter le débat parlementaire, voire le court-circuiter ? Espérons que ce ne sera pas le cas. Ce serait en tout cas d’autant plus fâcheux que le débat public et citoyen a été mis en avant.

Bref, nous risquons d’aboutir à des textes contradictoires entre le règlement et le présent projet. Le Conseil d’État le disait il y a quelques semaines déjà. Il sera « difficile d’apprécier la parfaite adéquation [de certains articles] aux règles européennes en cours d’élaboration ». La discussion de nombreux amendements en commission des lois a bien souvent mis en évidence ces contradictions. Nous verrons en séance publique ce qu’il en adviendra.

Cinquièmement, les réponses que le projet esquisse aux besoins de couverture numérique de l’ensemble du territoire ne sont ni assez concrètes ni assez précises. La fracture numérique demeure. Le fossé entre les territoires est énorme. Or, cet aspect est essentiel pour assurer l’égalité entre les citoyens, que vous appelez de vos voeux dans cette République, surtout au sein des territoires ruraux. C’est un élément incontournable de l’aménagement des territoires. Si des départements mènent une politique numérique très volontariste – je citerai volontiers celui de la Manche, au hasard bien sûr…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…. tous les départements ruraux, cher collègue, ne sont pas logés à la même enseigne et n’ont pas cette chance. Je doute que la République numérique aille jusqu’à ces districts, si l’on veut employer la métaphore révolutionnaire. En tout cas, on ne constate pas de grandes avancées quant au financement du dispositif, ce que je regrette.

Enfin, sixième et dernier point, je voudrais pointer quelques manques ou absences de ce texte. Les eurodéputés votent aujourd’hui les mesures du marché unique du numérique, afin de limiter les frontières pour les achats en ligne. Il y a une certaine urgence. L’Europe est en retard dans cette économie de demain, même si nous y avons déjà les pieds bien ancrés.

Les inventions, les innovations, du reste, viennent déjà d’ailleurs, le plus souvent des États-Unis, avec Google, Apple, Facebook, Amazon et j’en passe.

Je me réjouis de voir l’Europe s’activer sur le sujet et tenter de faire tomber des frontières numériques. Mais quelles mesures d’anticipation avons-nous prises en France alors que nous aurions pu intégrer davantage d’éléments de réflexion dans ce texte ? C’est trop tôt, ou trop tard.

Nos débats en commission ont également pointé un certain nombre de sujets qui n’étaient sans doute pas mûrs, pas prêts encore, comme ceux de la propriété intellectuelle, de la liberté de panorama ou du livre numérique. Nous restons sur notre faim dans de nombreux domaines – l’éducation, la formation, la citoyenneté.

Si ce texte, intéressant du fait des questions qu’il soulève, et parfois des réponses qu’il apporte, mérite quelques satisfecit, il n’est pas à la hauteur des attentes qu’il a suscitées. Je ne suis pas certain, loin s’en faut, et nous le regrettons déjà, qu’il devienne la grande Constitution de la République numérique qui nous est présentée. Souhaitons du moins qu’il devienne une loi constitutionnelle. Nous y travaillerons. Cette expression fleure bon la IIIème République, j’en conviens – d’autres en sont peut-être déjà à la VIème, voire à la VIIème. Rappelons cependant que la IIIème République aura été la plus longue. Vous voyez bien que je n’ai pas perdu tout espoir, madame la secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous avons tous une conviction forte : la France doit demeurer aux avant-postes de l’essor du numérique. Ce projet de loi pour une République numérique a l’ambition d’y contribuer.

Le numérique touche tous les aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises, mais il est aussi une question démocratique. Il donne une résonance inédite aux aspirations des citoyens et infuse de nouvelles demandes d’accès à l’information et à la connaissance.

Ce projet de loi accompagne ce changement en inscrivant les grands principes de la circulation des données publiques, de la protection des données personnelles dans la société numérique, et du renforcement de son accessibilité.

Transparence grâce à l’ouverture des données publiques pour encourager l’innovation et l’efficacité, progrès du droit des citoyens, principe de loyauté des plateformes, neutralité des réseaux et portabilité des données, progrès social pour les personnes en situation de handicap, ce sont autant de débats législatifs passionnants sur des sujets complexes.

Dans l’industrie et les services, le numérique a modifié les méthodes de travail et de production. La fameuse « ubérisation » de l’économie a sa face dorée avec un accès plus simple à l’emploi et aux services, une certaine souplesse et un coût moins élevé, mais elle présente également un côté plus obscur dont la concurrence déloyale, la précarité, la perte d’assurances sociales et de recettes fiscales sont des exemples.

Nos administrations sont aussi concernées par le numérique. Source d’opportunités, celui-ci est souvent vécu comme une menace pour qui maîtrise mal ses outils ou craint la disparition des services publics de proximité. C’est un défi considérable de formation des agents au sein des administrations. Nous devons penser ensemble ce défi pour que l’opportunité du numérique soit mieux intégrée par les agents et que ceux-ci puissent être accompagnés dans l’exercice de leurs pratiques professionnelles.

Internet contribue aussi à renforcer l’exigence de transparence que le citoyen est en droit d’attendre. La transparence, c’est l’enjeu principal de ce projet de loi, c’est le mot totem et tabou. Pour résumer, disons qu’elle doit s’appliquer largement dans la sphère publique mais s’effacer dans la sphère privée.

Nous débattrons du niveau de transparence publique et d’ouverture des données, des personnes concernées, des types de licence, des protections de la vie privée, du prix à consentir.

L’ouverture des données publiques donne à l’écosystème des jeunes entreprises innovantes les moyens de créer de nouveaux services pour les citoyens. Bien souvent, les entrepreneurs de l’internet imaginent des services utiles que l’État n’a pas encore mis en place. La méthode d’élaboration du projet de loi pourrait illustrer ce propos. De nombreux acteurs concernés se sont emparés du sujet et ont fourni des contributions utilisées par le Conseil national du numérique pour écrire le rapport relatif à la stratégie numérique du Gouvernement.

Ce rapport a été le socle du projet de loi dont une première version a été soumise à l’ensemble des concitoyens via une plate-forme en ligne inédite, en toute transparence. Ces contributions sous forme d’amendements citoyens ont donné lieu à plusieurs dizaines de modifications.

Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à saluer cette belle et féconde initiative du Gouvernement. Après le processus de concertation, voici venu le temps pour le Parlement de débattre, de modifier et de voter la loi.

Trois titres et quarante-huit articles composent ce projet de loi.

Tout d’abord, le titre I relatif à l’ouverture des données vise à bâtir un support juridique pour garantir la diffusion et le traitement de celles-ci dans les conditions de confiance indispensables à leur partage.

Sauf dérogation, les données publiques ont vocation à s’ouvrir et se diffuser pour promouvoir l’innovation et consolider le lien démocratique. Les débats autour de ce titre portent sur les modes d’ouverture, les façons de diffuser, les formats, et les droits pour la réutilisation. Ce titre concerne les administrations, les chercheurs, les collectivités et les délégataires, et il crée même un nouveau service public de la donnée.

Le titre II tend à créer de nouveaux droits pour protéger nos concitoyens, lutter contre les appréhensions en favorisant la confiance.

D’un côté, le numérique catalyse leur exercice en encourageant la liberté d’expression, l’accès à l’information et la liberté d’entreprendre des voies nouvelles d’expansion.

De l’autre, il synthétise des risques nouveaux : discriminations, atteintes à la vie privée, activités illicites.

Cette ambivalence s’est accentuée à mesure que les flux de données numériques s’intensifiaient et se diversifiaient, que les opérations de traitement de ces données se complexifiaient et s’automatisaient.

Dans le domaine de la protection des données personnelles, le principe d’un consentement éclairé, le droit de rectification ou d’opposition, le principe de proportionnalité dans la collecte et la conservation des données sont réaffirmés.

Par ailleurs, le fonctionnement des réseaux et le traitement des données numériques doivent être encadrés, alors que le pouvoir économique des opérateurs et des plateformes dépasse désormais celui des éditeurs et des hébergeurs.

Le poids respectif des différents acteurs numériques dans l’apparition, l’essor et la gestion de risques inédits appelle un nouveau partage des responsabilités au bénéfice des individus comme des autorités publiques.

Dans le titre II, la définition de la neutralité du net renforce l’objectif d’égale accessibilité aux réseaux. Les articles relatifs à la libre disposition des données personnelles permettront une collecte plus transparente et loyale des données numériques, en renversant la logique de la loi CNIL.

Désormais, l’individu sera souverain quant à l’utilisation de ses données, qu’il s’agisse de la portabilité des données, de la mort numérique ou du droit à l’oubli pour les mineurs.

Le titre III traite de l’accessibilité, pour les personnes en situation de handicap, au téléphone et à internet, dans les administrations comme dans les entreprises.

Enfin, cinq articles concernent la couverture numérique du territoire afin de favoriser l’accès à l’internet de tous les services publics. Nous vous proposerons des amendements pour améliorer certains points qui nous semblent perfectibles.

S’agissant de l’ouverture des données, il reste plusieurs sujets autour des formats de fichiers, de la disponibilité, de la réutilisation, ou de la protection de la vie privée.

Le texte présente également des risques pour l’édition scientifique. Comme en commission, nous vous proposerons des amendements pour atténuer les coups portés aux éditeurs et à la chaîne de diffusion de la recherche française.

Nous devons par ailleurs accélérer la transformation de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques – CSSPPCE – en un outil plus efficace pour assurer le contrôle parlementaire d’un secteur numérique élargi. Sa nouvelle appellation, la commission parlementaire du numérique et des postes, adoptée en commission des lois, est un premier pas.

Enfin, certains de nos amendements viseront à améliorer la couverture numérique du territoire. À ce sujet, le projet de loi nous semble manquer d’ambition. Il ne s’agit pas là d’un texte financier et le financement, qui est au coeur du déploiement du très haut débit, n’est pas traité.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a présenté un plan semble-t-il ambitieux pour déployer le numérique sur tout le territoire. Nous l’avons soutenu, même si nous n’avons jamais caché nos doutes et nos craintes pour les zones rurales et de montagne. Le cadre juridique est posé et stabilisé, notamment afin de régler la concurrence entre les opérateurs. Des accords de co-investissement pour le déploiement d’un réseau unique mutualisé ont été conclus et les montants sont impressionnants dans les zones rentables.

Pourtant, encore une fois, comme à chaque déploiement de réseaux, certains en France sont presque systématiquement oubliés, sacrifiés, laissés sur le bord de la route : ce sont les habitants de nos campagnes.

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Si les opérateurs ont pris des engagements forts avec l’État et les collectivités territoriales pour couvrir les zones rurales, nous attendons que ces engagements soient tenus et nous restons vigilants quant à la soutenabilité financière.

Comment accepter que les collectivités en milieu rural soient contraintes de financer une part allant jusqu’à 50 % des investissements pour le déploiement du très haut débit alors que celui-ci est gratuit pour les villes ?

Certains de nos amendements tendent à ce qu’un rapport soit remis sur ce sujet. Ce sont des amendements d’appel. Nous serons satisfaits si les carences sont mises à jour et si d’autres financements sont proposés pour les territoires ruraux. Mais nous connaissons déjà le diagnostic. C’est une réponse efficace qu’il nous manque.

Nous sommes au début du très haut débit et de la fibre optique, mais beaucoup de nos concitoyens dans les zones rurales n’ont toujours pas accès au haut débit tout court. C’est insupportable.

L’intervention des collectivités, qui ont souvent pris le sujet à bras-le-corps, a été utile, mais elle est compromise dans ce contexte de contrainte budgétaire et de baisse des dotations.

S’agissant du très haut débit, la fracture territoriale était une menace, elle est aujourd’hui une réalité. Les services numériques d’avenir, qu’il s’agisse de la santé, de l’enseignement, de l’administration ou de la culture, doivent être accessibles partout. Les élus de terrain le répètent : nous n’accepterons jamais que les bienfaits du numérique soient octroyés aux citadins mais déniés aux ruraux.

Pour conclure, si rien n’échappe à la révolution numérique, avec tous les changements qu’elle apporte à notre vie personnelle, sociale et professionnelle, beaucoup prédisent que ce n’est que le début. Pour cette raison, le titre de ce projet de loi paraît à tout le moins décalé…

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…car nous ne sommes pas en train d’écrire la Constitution de l’an I de la République numérique, surtout si une partie du territoire de la République ne peut y avoir accès.

En dépit de ces réserves et en espérant pouvoir vous convaincre de l’intérêt de nos amendements, ce projet de loi témoigne globalement d’une politique volontariste en matière numérique. Dans ces conditions, madame la secrétaire d’État, vous pourrez compter sur le soutien des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, avant tout je tiens à saluer ce projet de loi pour une République numérique qui constitue une avancée majeure et nous permet d’intégrer la révolution en cours et le changement d’ère qui se produit en ce début de XXIème siècle.

Je souhaite, dans le cadre de la tribune qui m’est ici accordée, mettre en lien le numérique avec la transformation de notre modèle de développement, elle aussi en cours, qui consiste à sortir d’une société de facilité, de gaspillage, d’économie linéaire, pour tendre vers un modèle d’économie circulaire fondé sur la préservation de la ressource et l’efficience de son usage. Nous passons ainsi progressivement, en France grâce à la loi pour la transition énergétique, mais aussi en Europe et dans le monde, d’une économie de stock – l’économie linéaire – à une économie de flux – l’économie circulaire – dans laquelle de la valeur est créée tout au long de la chaîne logistique, avec le souci, à chaque étape, de l’efficience de la ressource.

C’est donc par notre performance logistique et notre capacité à faire circuler la matière que nous créerons de la valeur. Or la performance de la logistique, c’est la performance de l’information car sans une qualité élevée de l’information, point de performance logistique et donc point de transition vers un modèle beaucoup plus résilient.

Vous l’aurez compris, la révolution numérique et notre capacité à l’accompagner en menant une politique publique proactive – qui commence par cette démarche législative – détermineront la performance globale de notre économie et seront créatrices de richesse et d’emplois.

Nous ne devons pas avoir peur d’ouvrir les données disponibles, de partager les initiatives, les innovations, les recherches, de casser les silos d’une société trop « fordienne » pour aller vers une société inclusive donnant à chacun sa place en même temps que la possibilité de participer à cette société et d’y être un acteur.

Ce projet de loi répond au défi démocratique de la confiance. Trop de nos concitoyens éprouvent un sentiment de défiance et d’incompréhension à l’égard de l’État et de ses services. En mettant à contribution des milliers de Français à travers une consultation en ligne, le Gouvernement a placé les citoyens au coeur d’une démarche de réconciliation avec les services publics. Le groupe écologiste et moi-même saluons cette initiative et souhaitons qu’elle serve de référence, à l’avenir, dans d’autres domaines législatifs.

En consacrant l’open data comme règle par défaut qui s’appliquera aux administrations, nous créons une nouvelle relation de confiance entre celles-ci et les usagers, et cela est nécessaire. Je vous demande, mes chers collègues, de ne pas ériger de trop nombreuses exceptions à ce principe qui est indispensable pour aller de l’avant.

Ce texte relève d’autres défis, en particulier ceux de l’efficience et de l’optimisation. Ainsi l’ouverture des données dans le secteur des transports est-elle primordiale. Elle permettra l’émergence d’offres ou d’entreprises qui exploiteront les données désormais accessibles pour offrir des services d’optimisation des temps de déplacement. C’est bon pour l’emploi, pour la vie pratique, pour la compétitivité.

Je voudrais également insister sur l’importance d’adopter la disposition relative à l’ouverture des codes sources des administrations.

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Ceux-ci doivent en effet être considérés comme des documents administratifs, conformément à la jurisprudence actuelle de la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA. Cette initiative, issue de la consultation en ligne, a été reprise par le groupe écologiste et je me félicite que la commission des lois l’ait retenue. Il s’agit d’un enjeu majeur pour que l’administration soit à la fois plus efficace et mieux acceptée. Cette mesure d’intérêt général a recueilli l’approbation de près de 100 % des internautes.

Le texte est vaste et les sujets que j’aurais aimé aborder sont nombreux, mais le temps manque et je serai concis.

Le maintien temporaire des lignes internet en cas d’impayé est indispensable dans une République numérique. Le progrès a rendu la connexion à internet tout aussi indispensable que l’accès à l’électricité et à l’eau potable : le Gouvernement en a pris pleinement la mesure. Cette disposition constitue une avancée sociale remarquable et nous devons la maintenir.

Je voudrais aussi saluer la pénalisation de la pratique du revenge porn proposée par ce texte. Il était devenu plus qu’urgent de légiférer sur ce point pour protéger les victimes qui peuvent en souffrir toute leur vie, voire en mourir.

Permettez-moi en conclusion de filer une métaphore : comme le surfeur qui ne sait pas quelle sera la vague qui arrive mais s’y prépare pour en tirer parti au maximum en toute sécurité, ce projet de loi pour une République numérique doit préparer notre société à profiter pleinement de la révolution numérique, dont nous ne pouvons saisir ni l’ampleur ni la vitesse mais dont nous pressentons la puissance. Ayons cela à l’esprit et nous serons tous gagnants. Le groupe écologiste est à vos côtés, madame la secrétaire d’État, pour la réussite de ce projet de loi pour une République numérique.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, premier volet des deux textes consacrés au numérique, ce projet de loi vise à poser le cadre juridique, notamment en matière de protection des données personnelles et de lutte contre la fracture numérique, qui permettra à ce secteur de répondre à ses innombrables promesses.

Irriguant l’ensemble de la société et à l’origine de nouvelles configurations, le numérique est désormais un critère d’attractivité économique. Créateur de nouveaux métiers et de nombreux emplois, il diffuse de nouveaux usages, modifie l’accès aux services publics, élargit la diffusion des connaissances. Les technologies numériques sont devenues des outils essentiels à l’aménagement du territoire et peuvent devenir un facteur de cohésion territoriale.

Cette réalité qui s’impose à tous revêt une importance particulière pour les territoires insulaires, dont la faible superficie et l’éloignement ont toujours été présentés comme des handicaps structurels à leur développement. Pour eux, le numérique représente aussi un puissant vecteur de désenclavement géographique, ce qui suppose des investissements adaptés et des infrastructures performantes.

À cet égard, permettez-moi d’appeler l’attention du Gouvernement sur le nouveau report de l’arrivée de la 4G à La Réunion. Alors qu’elle est presque partout présente et qu’elle est déployée en France hexagonale depuis 2012, cette technologie, qui est la clé du très haut débit mobile, ne devrait être disponible à La Réunion qu’à partir de 2017 ! La décision de l’ARCEP de retarder, une fois encore, l’attribution des licences 4G à La Réunion est d’autant plus mal ressentie que, sur le plan technique, rien ne s’oppose à un déploiement en 2016.

Nous souhaitons donc que cette échéance puisse être respectée pour que La Réunion ne reste pas à l’écart des nouveaux services, des nouvelles applications, et donc des nouveaux emplois que cette technologie permet de créer.

Le deuxième point concerne la souveraineté numérique. Défendue par le ministre de l’économie, notamment lors de la vente de Dailymotion, cette notion n’a subi à ce jour qu’une seule exception. À La Réunion, en effet, la souveraineté numérique n’a pas été considérée comme un principe incontournable au moment des opérations de revente qui ont suivi la fusion SFR-Numericâble. De manière paradoxale, la première et unique entorse à ce principe a eu lieu dans la seule région française qui compte un opérateur local, Zeop, pionnier et leader de la fibre optique dans l’île.

Rappeler ce point est indispensable pour éviter d’aggraver les délocalisations en termes d’emplois, d’activités de formation et d’expertise, de recherche et de développement. J’espère que vous m’écoutez, parce que La Réunion n’est pas seulement une terre sur laquelle on se rend à l’occasion des élections… Il est déraisonnable, dans un territoire miné par le chômage, que l’engagement des opérateurs à créer des emplois locaux ne soit pas un critère de choix.

Pour La Réunion, la continuité territoriale numérique est un enjeu majeur. Avec ces technologies, les chances sont réelles de passer de la logique du rattrapage à celle du développement. D’où notre ambition de devenir un territoire doté de l’internet le plus performant et parmi les moins chers du monde.

Le déploiement du très haut débit fixe s’est accéléré depuis que, après Zeop, les deux opérateurs historiques se sont à leur tour engagés. Il s’agit désormais de mutualiser les investissements pour garantir la couverture de l’ensemble de l’île, ainsi que le préconisent l’ARCEP et la mission Très Haut Débit. La convention-type prévue à cet effet entre les opérateurs, l’État et les collectivités ne peut donc en aucun cas devenir facultative, au risque de conduire à une situation d’anarchie telle qu’elle commence à se profiler à La Réunion.

Mettre à disposition des Réunionnais un internet moins cher renvoie à la question du coût de la desserte internationale. La croissance exponentielle des besoins en débit, la nécessité de diminuer sensiblement les surcoûts de la bande passante mais aussi l’obsolescence des infrastructures actuelles rendent indispensable la construction d’un nouveau câble sous-marin de télécommunications pour relier La Réunion au reste du monde.

En dépit de ce constat unanime, aucune proposition n’a suivi l’abandon du projet de serveur de cache, présenté sinon comme une alternative à la construction d’un nouveau câble, du moins comme une étape avant sa mise en oeuvre.

Aucune amélioration n’a non plus été enregistrée depuis l’avis rendu en avril 2014 par l’Autorité de la concurrence qui jugeait insuffisante la concurrence dans la gestion des câbles sous-marins de la zone La Réunion-Mayotte.

Ces infrastructures sont pourtant décisives, tant pour sécuriser les flux que pour diminuer le coût des accès internet. C’est pourquoi les propositions de la mission Très Haut Débit méritent d’être présentées rapidement.

De même, la France ayant connaissance ou étant associée à la réflexion sur les différents projets en cours dans notre environnement géographique, une communication du Gouvernement à ce sujet serait très appréciée.

Nous approuvons l’essentiel des dispositions du présent projet de loi, mais elles ne trouveront leur pleine application et leur totale efficacité à La Réunion que si et seulement si l’égalité numérique ne reste pas virtuelle.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, la discussion générale est l’occasion d’affirmer les principes fondamentaux d’un projet de loi. Il s’agit, ici, de s’interroger sur le concept de République numérique que porte celui-ci. Quelles problématiques de société la révolution numérique que nous connaissons depuis une vingtaine d’années soulève-t-elle ?

Faut-il être pessimiste et s’inquiéter des changements radicaux induits par le numérique dans les relations humaines ? Comment lutter contre ces nouvelles fractures sociales, générationnelles, territoriales et culturelles ? Ou bien faut-il être optimiste, comme vous l’êtes, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, comme, en tant que députée socialiste, je le suis également et tirer parti, ainsi que le propose ce projet de loi, des transformations à l’oeuvre ? C’est cette seconde voie que j’ai choisie.

Parce que la participation des usagers est créatrice de nouvelles valeurs collectives et de partage, parce que l’organisation interne des entreprises et plus largement les nouvelles relations socio-professionnelles permettent d’accompagner la transformation des métiers et des emplois, parce que le numérique fait évoluer les droits, aussi bien individuels que collectifs, parce que nos territoires sont un laboratoire des mobilités et des réseaux entre le local et le global, ce qui ouvre une nouvelle ère de défis pour l’action publique, ce texte marquera profondément ce quinquennat, tant sur la forme que sur le fond.

Tout d’abord, pour la méthode utilisée. L’ouverture à la concertation et à la contribution a été saluée par des dizaines de milliers d’internautes qui, jusque dans ma circonscription, ont participé en amont à la construction législative.

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Ainsi, madame la secrétaire d’État, pour la première fois, vous avez ouvert la voie vers plus de démocratie citoyenne. Et c’est bien le numérique qui a permis ces échanges et cette collaboration pour un exercice inédit d’intelligence collective.

Cette démarche participative fait écho ici aux réflexions du groupe de travail intitulé « Pour un Parlement ouvert » créé à l’Assemblée nationale sous la houlette de notre collègue Dominique Raimbourg. Les conclusions de nos premiers travaux militent pour une participation citoyenne, tant dans nos circonscriptions qu’au sein de nos « vieilles » institutions démocratiques. J’ai moi-même expérimenté, à une moindre échelle, la rédaction d’« amendements citoyens » grâce à un travail collaboratif. J’ai réuni pour cela un groupe d’experts qui m’ont aidé à rédiger ces amendements et je les en remercie.

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Je profite de mon intervention, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, pour vous inviter dans ma circonscription, au Pays basque, afin de poursuivre le travail que vous avez commencé. Je pense que c’est seulement par un tel travail collaboratif que nous pouvons intéresser nos concitoyens aux travaux de l’exécutif et du législatif.

Si ce travail est indispensable, il convient, pour être tout à fait honnête, de tempérer notre enthousiasme pour ces démarches participatives qui n’échappent pas à certains écueils : poids des lobbies, difficulté à mobiliser les citoyens, notamment des techniciens, risque réel d’instrumentalisation politique...

Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous avez ouvert un immense chantier. Cette expérience unique nous permet d’avancer, de valider, de critiquer et de faire des propositions innovantes pour la fin de ce mandat et pour la prochaine législature.

J’en viens maintenant au fond.

Ce texte pose les principes d’une <République numérique « à la française », dirais-je, fondée sur la devise « liberté, égalité, fraternité ». C’est un vrai texte de gauche, progressiste et évolutif. La porte ne se ferme pas aujourd’hui : tout au contraire, vous venez juste de l’ouvrir.

De gauche, parce qu’il renforce et élargit l’ouverture des données, créant de facto un service public de la donnée, favorisant l’économie et le partage du savoir.

Progressiste, car la neutralité du net est enfin inscrite dans la loi, avec la garantie de la protection absolue de la vie privée, avec un droit à l’oubli pour les mineurs et un droit à la mort numérique s’agissant de l’usage fait des données personnelles après le décès.

Le projet de loi pose enfin et prioritairement le droit à internet pour tous, à un égal accès pour garantir l’insertion, la vie professionnelle et sociale. La commission des lois l’a considérablement enrichi sans en dénaturer l’esprit, par exemple en matière de répression de la vengeance pornographique ou de stratégie sur les usages et les services numériques dans les territoires.

À titre personnel, je souhaiterais que ce texte que j’ai qualifié d’évolutif aille un peu plus loin encore.

J’ai ainsi déposé plusieurs amendements relatifs à l’introduction sécurisée d’internet dans les lieux privatifs de liberté. Je n’ignore pas qu’ils ont subi le couperet de l’article 40 de la Constitution, mais je pense qu’il serait injuste de priver les personnes privées de liberté d’un accès au numérique qui contribuerait notamment à leur formation et à leur réinsertion.

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Ce projet de loi « pour une République numérique » pourrait aussi faciliter l’exercice de la citoyenneté, par exemple en matière de procurations.

Mais ce texte très attendu reste une extraordinaire avancée vers plus de partage, plus de progrès et plus de solidarité, valeurs cardinales que nous partageons sur les bancs du groupe socialiste. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous le voterons.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, aujourd’hui, on ne se connecte plus, on est connecté. Enfin, partout ou presque ; pour tous les Français ou presque… Ce devrait être, pour moi, l’objectif premier d’un projet de loi intitulé « pour une République numérique » : rendre accessible à tous les Français l’usage d’internet et des services numériques de la société du XXIe siècle. Sur le terrain, nos concitoyens expriment leurs attentes en matière de très haut débit, et, pour certains d’entre eux, leurs craintes d’une société qui change si vite et dont ils se sentent exclus car ils ne sont pas encore connectés.

C’est mon premier point de critique sur ce texte : il ne répond pas à cet enjeu de faire une République numérique pour tous et partout. Alors qu’on lui a donné le titre pompeux de « pour une République numérique », aucune visibilité n’est donnée sur la réduction des fractures numériques, qu’elles soient territoriales ou sociales.

Depuis le début du XXIe siècle, le numérique a bouleversé les modèles économiques traditionnels des entreprises, le fonctionnement de nos sociétés et nos modes de vie. L’accélération est fulgurante. Le numérique a pénétré notre intimité au point que nous n’imaginons plus nous passer d’outils pourtant très récents.

Si chacun loue les bénéfices qu’il en tire pour son usage personnel, l’analyse est plus complexe dès lors que son influence sur le monde économique est évoquée.

Le premier réflexe est en effet celui de la protection, de la résistance face à un bouleversement sans précédent depuis l’invention de l’électricité et, avant elle, celles de l’agriculture, de l’écriture et de l’imprimerie. Ce bouleversement étant parfois symbole de destruction de l’emploi, le premier réflexe est de réglementer, encore réglementer et toujours réglementer, face à des acteurs souvent américains, mais parfois français, qui préemptent des places de façon quasi monopolistique sur de nouveaux marchés. Une fois de plus, malheureusement, ce texte tombe dans le panneau de la réglementation franco-française, alors que nous devrions répondre de façon révolutionnaire. Pour paraphraser Danton, je dirais avec notre rapporteure pour avis Corinne Erhel que nous devrions au contraire répondre avec audace, encore de l’audace, toujours de l’audace. Nous devrions répondre dans un esprit de conquête, de développement, de croissance.

Pensons simplement que 83 % de la capitalisation boursière des grandes entreprises de l’internet concernent des firmes américaines et seulement un peu plus de 2 % des entreprises européennes. À l’évidence, c’est un enjeu de souveraineté majeur pour l’Europe et pour la France.

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Comment faire en sorte que la France tire parti de ces transformations ? Cela devrait être au coeur ce projet de loi pour une République Numérique. Or ma conviction est que le texte ne répond pas non plus à cette question.

Rien sur l’éducation, rien sur la formation, rien dans le domaine de la santé – pourtant, tout le monde sait ici les promesses et les questions éthiques que soulèvent les progrès scientifiques en matière de e-santé –, rien sur l’emploi, et, en dehors de l’ouverture des données publiques, rien sur le fonctionnement des institutions ! Alors pourquoi, je le répète, avoir pompeusement intitulé ce texte « pour une République numérique » ?

Mais je veux être positive, moi aussi, et saluer et remercier sincèrement les rapporteurs et la secrétaire d’État pour le climat constructif dans lequel se sont déroulés les débats.

En revanche, nous ne pouvons que regretter de n’avoir eu que deux petites journées entre le travail en commission et la limite de dépôt des amendements, alors même que beaucoup d’articles ont été réécrits et que beaucoup de nouveaux débats intéressants ont été ouverts, nécessitant des approfondissements soulignés par tous.

Nous avons aussi, sur tous les bancs, souligné le flou de la rédaction de certains articles importants, comme ceux concernant la portabilité des données ou les plateformes de services en ligne. L’étude d’impact est particulièrement indigente sur ces points : rien sur la définition précise des données concernées par la portabilité, et cela inquiète grandement nos entreprises françaises du numérique car, vous le savez, votre texte va bien plus loin que le projet de règlement européen ; rien non plus sur les entreprises qui seront concernées en France par la régulation applicable aux plateformes. Combien seront-elles ? Dix, cent, mille, dix mille ? Où fixerez-vous le seuil ? Rien n’est précisé dans l’étude d’impact. Vous aviez pourtant largement le temps de le faire depuis trois ans ! Cette façon de légiférer est, disons-le, mauvaise. C’est prendre des dispositions à l’aveugle, sans en connaître les effets, juste pour se faire plaisir !

Ces mesures franco-françaises dans un cadre de réglementation qui relève du niveau européen représentent l’inverse de ce qu’il faut faire, d’un point de vue économique, pour rendre la France attractive. Elles vont conduire les entreprises à appliquer de nouvelles règles en matière de protection des données personnelles pour quelques mois, puis à en changer après l’adoption du règlement européen. Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Est-ce cela, le choc de simplification voulu par François Hollande pour les entreprises et les Français ? Car ce seront autant de charges administratives supplémentaires que subiront les acteurs du numérique en France, comme si nos entreprises n’en avaient pas suffisamment !

Sur le secret des correspondances, l’article 34 traduit un cynisme politique aux effets de bord dangereux dans la rédaction actuelle. Après avoir décidé d’analyser les communications des Français dans le cadre de l’article 2 de la loi relative au renseignement en mai 2015, le Gouvernement veut compléter les dispositions législatives existantes sur le secret des correspondances par des mesures qui pourraient conduire, éventuellement, à interdire les messageries en gmail.com ou yahoo.fr en France, mais aussi les innovations des services de messagerie intelligente.

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Je vais conclure, madame la présidente, en indiquant que le texte contient malgré tout plusieurs bonnes dispositions. Je ne voudrais pas oublier l’open data, par exemple.

On peut cependant regretter que les débats parlementaires consacrés à ces questions aient été scindés en trois textes différents en six mois : la loi NOTRe, la loi Valter de transposition de la directive européenne et ce projet de loi « pour une République numérique ».

En dépit des bonnes dispositions évoquées, j’ai le sentiment global que la politique du Gouvernement en matière de numérique est illisible et manque de cohérence.

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J’y distingue trois axes contradictoires : l’axe que je qualifie d’« attractivité du territoire », porté par le ministre Emmanuel Macron lorsqu’il met en scène les entreprises de la French Tech à Las Vegas ; l’axe que je qualifie de « repli sur soi par des mesures franco-françaises », que vous-même portez dans ce projet de loi, madame la secrétaire d’État ; enfin l’axe « sécuritaire » porté par le ministre Bernard Cazeneuve, qui effraie hébergeurs et fournisseurs de services français par les mesures de surveillance mises en oeuvre. Comment s’y retrouver ?

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Dans un domaine où formation et pédagogie doivent constituer un fil conducteur, le Gouvernement envoie des signaux contradictoires aux Français et aux acteurs économiques. C’est bien dommage !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Je rappelle que votre temps de parole était de cinq minutes.

La parole est maintenant à M. Philippe Noguès, pour cinq minutes également.

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Le projet de loi pour une République numérique que vous portez, madame la secrétaire d’État, et dont nous commençons l’examen aujourd’hui s’est démarqué dès la présentation de l’avant-projet par son modus operandi. Pour la première fois, en effet, il a été soumis à la participation citoyenne via la mise en place d’une consultation publique sur le web, et 21 000 internautes ont déposé plus de 8 500 contributions qui ont permis d’introduire cinq articles et d’apporter quatre-vingt-dix modifications par rapport au texte originel. Ce résultat est encourageant pour ce tout nouveau dialogue démocratique, même si nous avons tous conscience que certains citoyens ont les moyens de participer au débat parce qu’ils disposent d’un capital social, économique et numérique, tandis que d’autres sont laissés sur le côté par la marche en avant du numérique, ne serait-ce qu’en termes d’infrastructures. Je pourrais en donner des exemples pris dans ma circonscription, et même à mon domicile !

Je trouve évidemment positif que le professionnel du numérique, le scientifique, le militant associatif ou encore l’entreprise, puissent participer à l’élaboration de la loi et que leurs propositions soient retenues par le Gouvernement, comme cela a été par exemple le cas s’agissant la diminution de la durée de protection légale des publications scientifiques ou de l’auto-hébergement.

Et je regrette d’autant plus que le contenu de ce projet de loi ait été quelque peu amoindri en raison d’arbitrages interministériels : vidé, notamment, de son volet économique, qui pourrait se retrouver dans le projet de loi « Macron 2 » – quand on a vu ce qu’était le texte « Macron 1 », il y a lieu de s’inquiéter –, amputé de son volet sur l’open data, qui a été repris à la fin de l’année dernière dans le projet de loi relatif à la gratuité de la réutilisation des données publiques.

On peut également être déçu par la frilosité du Gouvernement à propos de la généralisation des logiciels libres dans l’administration, au moment même où l’État signe un juteux contrat d’exploitation de son parc informatique avec Microsoft.

Néanmoins, ce texte contient des avancées notables, inscrivant dans le marbre un certain nombre de mesures réclamées depuis longtemps par le monde du numérique.

Concernant tout d’abord la circulation des données, il pose le principe de l’ouverture et de la diffusion au public des données des administrations et de leurs délégataires, notamment en matière d’environnement, et il inscrit dans la loi le principe de neutralité du net, reprenant ainsi le règlement européen sur les télécommunications d’octobre dernier.

Le second volet du projet de loi contient des mesures nécessaires de protection des droits dans la société numérique, qui auront un impact pour nos plus jeunes concitoyens via l’instauration d’un droit à l’oubli pour les mineurs, mais aussi, s’agissant des personnes décédées, via la mise en place d’un « testament numérique » permettant de confier à un tiers ses données personnelles en cas de décès.

Je souscris également à l’affirmation du principe de confidentialité des correspondances privées électroniques, qui permettra, je l’espère, de mettre un terme à la publicité ciblée sur nos écrans.

Je salue enfin le renforcement des pouvoirs de la CNIL, qui se pose ainsi en garant du respect de nos données personnelles et que nous, parlementaires, pourrons consulter plus aisément lors de notre travail législatif.

Le dernier chapitre du projet de loi s’attaque à l’accessibilité du numérique en abordant la question de la couverture numérique de la France, en facilitant les usages numériques par l’octroi d’un cadre juridique aux envois par recommandé électronique et en soutenant les associations par la mise en place du don par SMS.

J’approuve la prise de conscience du Gouvernement lorsque celui-ci affirme sa volonté d’encadrer la pratique du e-sport afin de faire face à engouement croissant et mettre un terme aux nombreuses dérives constatées.

Saisie pour avis sur quatre articles, la commission des affaires sociales, dont je suis membre, a étudié plus particulièrement l’accessibilité du numérique pour les personnes dites fragiles. Sur ce point, je regrette – et avec moi les associations de défense des droits des personnes sourdes ou malentendantes – que nous ne soyons pas allés plus loin en commission sur la qualification professionnelle des interprètes en langue des signes ou sur la question épineuse de la tarification supplémentaire lorsque ces personnes bénéficient d’un service de traduction visuelle et écrite simultanée.

Je suis convaincu que ceux de nos concitoyens qui souffrent d’un handicap n’ont pas à payer davantage que les autres usagers pour pouvoir contacter leurs proches, les administrations, ou encore pour chercher un emploi.

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Nombre d’entre eux ne bénéficient, pour seuls revenus, que de l’allocation adulte handicapé, et il me semble injustifié de distinguer à nouveau deux catégories d’usagers, en fonction de leur niveau de revenus.

Pour finir, le maintien de la connexion à internet en cas de défaut de paiement me semble être une vraie mesure de justice sociale, qui évite aux personnes en situation de détresse de sombrer dans une spirale sans fin, sans accès aux offres d’emploi, sans possibilité de postuler, d’envoyer ou de recevoir des mails, ou encore d’avoir accès aux contenus des sites des administrations.

Mes chers collègues, ce projet de loi relatif au numérique apporte indéniablement de réelles avancées, mais le résultat final est plutôt une régulation de l’usage du numérique qu’une régulation de l’économie numérique, et je ne peux donc que partager l’avis critique du Conseil d’État sur le choix du titre du projet de loi, dont le contenu n’a finalement pas vocation à instaurer pleinement, dès aujourd’hui, une véritable République numérique.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, l’Assemblée nationale n’en a pas fini avec le numérique. Au-delà du texte dont nous entamons l’examen en séance publique, nous passerons un temps toujours plus long à bâtir ensemble la République numérique, dont nous posons aujourd’hui les premières pierres.

Sur quelque banc que nous siégions, nous sommes tous concernés par cette question, qui se pose à nous tout au long de notre mandat : écrire la loi, est-ce entériner des pratiques et les encadrer au plus juste, ou bien bâtir un socle de droit qui anticipe l’avenir ? La méthode retenue pour élaborer ce projet de loi, la large concertation publique qui l’a préparé sous forme numérique et le nombre de commissions saisies pour avis nous donnent une réponse : il faut bel et bien anticiper.

Aujourd’hui dans nos poches, demain sur nos effets personnels, après-demain, probablement en nous, le numérique est partout et il pénètre tout. Nous devons aux générations futures, mes chers collègues, de bien appréhender les usages nouveaux du numérique, dont les effets seront plus considérables encore que ceux des révolutions industrielles que nous avons déjà connues.

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Je pense aux objets connectés, qui effaceront toute distance et tout délai. Je pense également à l’identité numérique, qui va transformer, dans le cyberespace, les relations de confiance, les transactions et les certifications. La technologie Blockchain sera alors au coeur de notre vie : c’est pourquoi j’ai décidé, en tant que président de la commission parlementaire du numérique et des postes, de lui consacrer une grande rencontre ici même, à l’Assemblée nationale, le 24 mars prochain.

Nos concitoyens ne nous attendent pas, nos entreprises non plus. Mais c’est de nous que dépend l’équilibre de nos territoires numériques et postaux. Le lien entre le numérique et les services postaux, au sens le plus large de la distribution de proximité liée au commerce en ligne, est une évidence. Comment procéder à des achats sur son mobile, si aucune entreprise ne maîtrise le dernier kilomètre ? C’est un enjeu essentiel pour des groupes comme La Poste ou Amazon. Plus l’opérateur est global, plus il recherche le maillage au plus fin, qu’il se nomme Google, Apple, Facebook, Amazon ou Sigfox.

Les faits sont là : pour nos concitoyens, ouvrir le robinet d’eau, allumer la lumière, recevoir un colis ou avoir un accès à internet, c’est tout simplement normal. Nous sommes fiers de notre ministre de l’économie lorsqu’il mène des start-up et des licornes – ces start-up devenues de grandes entreprises – dans les plus grands rendez-vous mondiaux. Mais nos concitoyens ont d’autres attentes, plus prosaïques, mais tout aussi importantes, qui concernent leur quotidien.

Plus aucune campagne électorale, quel qu’en soit le niveau, n’échappe d’ailleurs à cette problématique. Nous savons, mes chers collègues, que les petites villes se sont développées au bord des rivières, mais que Paris, Lyon, Bordeaux ou Toulouse étaient privilégiées par de grands fleuves. Je pourrais même pousser cette analogie entre l’eau et le très haut débit en évoquant Londres, Shanghai ou San Francisco.

Avec l’examen de ce texte, et dès son passage en commission des lois, la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, créée par la loi de 1990, est devenue Commission parlementaire du numérique et des postes. Dans ce domaine, qui concerne aussi bien la commission des lois, que celles des affaires économiques, du développement durable, des finances, de la défense et de la culture, il est de notre devoir de rassembler ce qui est épars. La commission parlementaire du numérique et des postes le fait dans un esprit transpartisan et bicaméral, avec la pérennité et le huis clos qui préservent les échanges les plus confidentiels. Dans cet esprit, sur l’ensemble de ces bancs, nous partageons l’idée que les parlementaires les plus en pointe sur les sujets numériques doivent pouvoir échanger régulièrement, quelle que soit leur appartenance, leur commission ou leur assemblée d’origine.

Nous souhaitons aussi prouver à nos concitoyens que, sur ces sujets structurants pour leur vie quotidienne, nous pouvons échanger ensemble, au-delà des clivages habituels.

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Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne laisserons pas l’histoire s’écrire sans nous, surtout pas dans ce domaine. Pensons d’ores et déjà aux conditions de surveillance des prochains examens avec les montres connectées ! Pensons à nos futurs examens médicaux, à la circulation de nos données personnelles et à l’examen des prochains textes de loi ! Ma conviction, c’est que la transformation numérique doit bénéficier à tous les citoyens, à tous les territoires, et être un levier d’opportunités économiques.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen de ce projet de loi pour une République numérique. Le titre est certes accrocheur, mais il y a loin de la coupe aux lèvres.

Le numérique est plus qu’un concept qu’il suffit d’agiter pour être réformiste. À cet égard, le projet de loi qui nous est présenté, comme la consultation publique qui l’a préparé, a de faux airs de coup de communication politique.

Le numérique n’est pas une fin en soi. Il doit être au service d’objectifs plus absolus – sociaux, politiques, économiques – et innerver tous les pans de la société. Et l’on peut regretter que ce projet de loi, qui se focalise sur des éléments finalement assez techniques, qui sont certes importants, et sur lesquels on note des avancées réelles, n’aborde pas des questions aussi fondamentales que le financement de l’innovation ou la transition numérique de nos entreprises. On nous avait dit, il y a deux mois, que ces sujets seraient abordés dans la loi relative aux nouvelles opportunités économiques, dite loi Noé, et on nous dit maintenant que celle-ci pourrait ne pas voir le jour. Encore une fois, je ne peux que regretter que les réformes indispensables à notre pays soient les victimes de conflits personnels internes à la majorité.

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La consultation publique est une bonne chose. Encore faudrait-il que les avis recueillis, tout comme les amendements de nos collègues députés, puissent être entendus. J’ai déposé, avec d’autres de mes collègues, des amendements qui visent à renforcer la valeur ajoutée de ce projet de loi, et j’aurais aimé que davantage de temps soit laissé au débat. En tout cas, je souhaite ardemment qu’ils puissent être adoptés, et je les défendrai.

Ils s’articulent autour de trois besoins : un besoin d’accès, en tant que citoyen et en tant qu’entreprise ; un besoin de protection, en tant que citoyen, qui doit être respecté par les entreprises et par l’État ; un besoin d’innovation, enfin, de façon à ce que le numérique soit au service du développement économique et social du pays.

Le besoin d’accès suppose d’inscrire fermement le principe de la double licence : une donnée publique doit, par nature, être accessible si elle retombe dans le domaine public, et payante si son usage ou la donnée modifiée n’est pas reversé dans le domaine public.

Le besoin de protection est sans conteste celui qui nous interpelle le plus, en tant que députés. Nous ne pouvons évidemment accepter que ce besoin nuise à l’innovation, mais, réciproquement, il est intolérable que des données personnelles fassent l’objet d’échanges que le citoyen ne maîtrise pas, ou qui aient lieu contre son gré. J’ai donc, avec plusieurs collègues présents ce soir – et je salue notamment notre collègue Patrice Martin-Lalande, signataire de tous ces amendements – proposé deux mesures.

La première consiste en la création d’une action collective, sur le modèle des class actions : elle permettrait à un groupe d’usagers de se regrouper contre une entreprise qui enfreindrait les règles relatives aux données personnelles. Pourquoi une action collective, et non une action de groupe, cher collègue Philippe Gosselin ? Parce que je ne souhaite pas nécessairement de sanctions financières contre les entreprises, sur la base d’un préjudice d’ailleurs difficile à évaluer. Ce que je souhaite, c’est que l’action collective mène à une sanction réputationnelle.

Pour assurer la protection des citoyens, je propose, deuxièmement, que les sanctions de la CNIL ne soient pas punitives pour les petites entreprises, et sans douleur pour les grandes. Vous savez que c’est trop souvent le cas, madame la ministre : vous avez vous-même dit que les sanctions de la CNIL, c’est « cacahuète », et vous avez eu bien raison de le dire, car c’est évidemment un problème. La France pourrait transposer de façon anticipée le règlement européen, qui fixe les sanctions à 20 millions d’euros au maximum et à 4 % du chiffre d’affaires. La sanction actuelle, une amende de 150 000 euros, tue les start-up, mais est indifférent pour une entreprise comme Google, pour qui cette somme doit représenter grosso modo les honoraires de ses avocats.

Enfin – car c’est une des lacunes du texte – je souhaite que le projet de loi réponde à des besoins d’innovation. Nous avons déposé un amendement visant à protéger les hackers blancs, ceux que l’on appelle aussi les white hats, qui signalent à une entreprise ou à une administration quelles sont leurs failles. L’adoption de cet amendement ferait de la France la figure de proue du numérique. Or notre pays doit continuer à diffuser cette culture de l’innovation. Les entreprises, comme les administrations, se renforcent de ces experts extérieurs qui les alertent sur leurs failles. Il est toujours utile pour une entreprise, et pour tout un chacun, de pouvoir bénéficier de ce genre de démarche, si elle est bienveillante. Il convient donc, non pas de la punir, mais de l’encourager.

Mais il faut aller plus loin. Puisque la loi Noé semble avoir été jetée aux oubliettes, je vous engage, madame la ministre, à inclure dans cette loi des mesures de soutien à l’innovation – plusieurs de nos amendements vont dans ce sens – sur lesquelles nous ne doutons pas que vous travaillez, qu’il s’agisse de faciliter le financement des entreprises ou de donner un coup de pouce à la transition numérique.

Ce projet de loi comporte des avancées concrètes, mais il manque de chair. Le numérique doit cesser d’être un simple slogan pour devenir un moyen de relancer la croissance en France, un vrai projet économique et social, un projet à la hauteur de l’ambition que traduit le titre de ce projet de loi. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il n’est pas trop tard.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, nous devons faire prévaloir notre conception de l’avenir numérique – et je serai, sur ce point, moins pessimiste que l’oratrice qui m’a précédé.

Au cours de ce débat, nous irons bien au-delà du rappel des promesses de la révolution numérique. Nous devons veiller, avant tout, à ce que ces promesses se traduisent en progrès pour les Français. Le numérique, c’est l’occasion de donner du pouvoir aux utilisateurs des réseaux numériques. C’est même la condition d’un nouvel âge démocratique.

La France a aujourd’hui un immense besoin de projets optimistes et mobilisateurs. Nous vivons dans un moment d’immenses changements, qui pourraient, si nous n’agissons pas, échapper à toute maîtrise collective et à toute forme de régulation. Le besoin de protection existe dans le monde numérique, à commencer par la protection de nos données personnelles, celle des citoyens et des internautes usagers des réseaux numériques.

Nous retiendrons aussi, en commençant cette discussion, madame la secrétaire d’État, que le numérique, ce n’est pas seulement l’économie, c’est aussi la démocratie, l’accès à la culture, la nouvelle géographie des territoires. Il y a dans ce projet de loi, dans le débat qui s’ouvre, de nouvelles opportunités d’émancipation – et c’est le sens que je préfère donner au mot Noé. Peut-être est-ce celle-ci, la vraie loi Noé.

Cette loi va nous donner l’occasion de mettre en débat des idées et des solutions nouvelles, du moins pour la loi française. La neutralité du net, la loyauté des plateformes, l’autodétermination informationnelle sont des approches nouvelles pour notre droit. L’ouverture des données publiques, monsieur le rapporteur, annonce de vrais progrès, comme l’accès ouvert aux travaux de la recherche française. Et je n’entends pas un seul instant minimiser ces avancées.

La future loi pour une République numérique a pour but de définir des principes nouveaux, des droits et des libertés qui doivent marquer notre époque, comme l’ont fait les belles lois de la IIIe République, en 1881, en 1901 et en 1905. De nombreux travaux ont permis de faire émerger ces nouveaux droits et ces nouvelles libertés. Je songe aux travaux que nous avons menés ici même, avec Corinne Erhel et Laure de La Raudière, sur la neutralité du net. Je songe aussi aux travaux plus récents du Conseil national du numérique, du Conseil d’État et de la commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique, créée par notre assemblée et que nous avons animée pendant plus d’un an avec Christiane Féral-Schuhl.

Votre engagement, madame la secrétaire d’État, permet à ces principes d’entrer en débat dans cet hémicycle. Nous sommes collectivement préparés à affronter vaillamment la modernité numérique. Nous avons donc une très forte responsabilité à l’égard de la réussite de ces débats.

Le Parlement doit toutefois donner, mes chers collègues, des ambitions nouvelles à ce texte, qui n’en manque pas. La loi numérique de cette législature doit être l’occasion d’aborder des questions de fond et de principe. J’en appelle donc au courage d’approfondir et d’amender. Nos commissions ont commencé à le faire. Mais ne cédons pas, quand il s’agit d’approfondir un texte et de l’amender, au premier obstacle ou au premier lobby. Pour ma part, comme vous tous ici je l’espère, je ne reconnais qu’un seul lobby, celui de l’intérêt général.

J’évoquerai à ce stade une seule question, celle des biens communs informationnels. S’agissant de la couverture en très haut débit, j’interviendrai dans le débat car je crois que l’action publique reste encore aujourd’hui trop dispersée et qu’elle manque collectivement d’ambition, du côté non seulement de l’État mais également de l’ensemble des acteurs publics et de la société.

Mes chers collègues, l’irruption des biens communs informationnels est un des phénomènes sociaux majeurs de ces trente dernières années. Elle marque la civilisation numérique. Il est grand temps de procéder à leur reconnaissance en droit positif. Pour ma part, je n’imagine pas un seul instant qu’une loi numérique en 2016 ignore les « communs informationnels ». Le temps est venu, le sujet est mûr. Il est débattu au Parlement depuis plus d’une décennie. Il figurait, madame la secrétaire d’État, dans votre avant-projet et la consultation l’a plébiscité.

Comprenons-nous bien : j’ai, comme chacun ici, la passion de la création, je connais l’histoire des droits d’auteur, de Beaumarchais à nos jours. Mais j’affirme que notre proposition, acceptée par la commission des affaires culturelles, ne met nullement en danger les droits d’auteur. Je pense même qu’elle en protège beaucoup et j’aurai l’occasion de le dire dans le débat. Il s’agit de reconnaître et de protéger comme « biens communs » pour un usage libre par le plus grand nombre des biens numériques parmi lesquels il convient de placer des oeuvres inappropriables mais qu’il faut protéger, des oeuvres élevées dans le domaine public, des logiciels libres ou d’autres oeuvres en licence libre ou en creative commons.

Mes chers collègues, le numérique n’est pas un mirage. C’est notre monde réel de tous les jours. Il n’y aura pas de numérique sans République. C’est pourquoi je souhaite que nos travaux soient marqués par une totale ouverture : c’est à ce prix seulement qu’ils marqueront le nouveau monde numérique.

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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, certes, le texte que nous discutons aujourd’hui contient plusieurs dispositions utiles qui vont dans la bonne direction, comme celles qui portent sur l’ouverture de l’accès aux données publiques, sur la neutralité de l’internet, sur la portabilité et la récupération des données, sur la loyauté des plateformes, sur la protection des données à caractère personnel, avec notamment un renforcement significatif des pouvoirs de la CNIL, ou encore sur l’accès de tous au numérique. Nous vous soutiendrons dans cette optique, madame la secrétaire d’État.

Toutefois, la portée de ces dispositions utiles est souvent limitée, quand elle ne manque pas franchement d’ambition : par exemple, si le projet de loi corrige certaines insuffisances de la loi adoptée en décembre dernier, qui marquait un premier pas pour l’open data, ce projet comporte encore de nombreuses exceptions à l’ouverture de l’accès aux données publiques. Surtout, parmi ces points positifs, un certain nombre ne sont pas d’initiative gouvernementale – ce n’est pas un reproche : c’est un constat –, mais ne font qu’anticiper l’application directe du futur règlement européen, comme la portabilité ou la neutralité.

Certaines dispositions du projet de loi, rares, il est vrai, sont, en revanche, inutiles : il en est ainsi du « schéma des usages ». Je l’ai souligné en commission, j’y reviendrai. Lorsqu’on peut faire quelque chose, la loi est inutile, la liberté étant la règle. D’autres dispositions sont, à mes yeux, risquées du fait qu’elles sont dépourvues d’une étude d’impact suffisante, comme l’a d’ailleurs souligné le Conseil d’État.

Plus grave, le projet de loi fait l’impasse sur certains enjeux numériques fondamentaux. Par exemple, le texte ne contient pas de dispositions sur les institutions politiques ni sur l’éducation et la formation au numérique. Une vraie République, c’est un territoire sur lequel les pouvoirs publics font respecter la loi nationale : en l’absence de souveraineté numérique, on ne peut parler de République numérique ! Quel sens a en effet la quête d’une « autodétermination informationnelle », pour reprendre l’expression en vogue autrefois, au niveau des individus, alors que l’État français n’a guère d’autonomie de décision et d’action, par rapport aux États-Unis, pour la maîtrise des données de ses propres ressortissants ?

La décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre dernier invalide l’accord Safe Harbor parce que les États-Unis n’offrent pas un niveau de protection adéquat des données personnelles qui y sont transférées. Quelles mesures, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire face dès la fin de ce mois, à cette situation d’une grande gravité ? Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il par ailleurs prendre pour résoudre le problème du nombre insuffisant de serveurs localisés en Europe pour stocker et traiter les données européennes, ou pour faire avancer un système d’exploitation souverain ?

Enfin, le rythme de l’action du Gouvernement dans le domaine du numérique est pour le moins paradoxal : d’un côté, il était en retard, en décembre dernier, de six mois sur la date limite pour effectuer la nécessaire transposition d’une directive européenne sur l’ouverture des données publiques, directive dont l’application est pourtant conditionnée par cette loi, et, de l’autre côté, il anticipe de plus de deux ans l’application d’un règlement européen qui, lui, n’a pas besoin de cette loi.

Cette façon de procéder pose plusieurs questions. Quelle est la valeur juridique ajoutée du projet de loi par rapport au règlement européen ? Pourquoi vouloir une application anticipée de certaines dispositions du futur règlement européen et pas des autres ? Quels sont les critères de choix du Gouvernement ? Comment décider, sans étude d’impact approfondie, des conséquences de cette application anticipée de deux ans sur la situation faite à nos entreprises numériques face à leurs concurrentes européennes ? Quelles conséquences pour la construction de l’Europe numérique ? Le Gouvernement ne respecte pas le temps européen de la concertation et de l’ajustement qui se déroulera jusqu’en 2018. Il risque ainsi de placer la France en contradiction avec la nécessaire solidarité européenne pour créer une réponse capable de peser dans l’élaboration de règles mondiales concernant l’internet. La dimension européenne s’impose. Le Gouvernement risque également de créer une insécurité juridique.

Enfin, je regrette que les conditions de la recevabilité financière aient conduit au rejet de plusieurs de mes amendements, cosignés par d’autres parlementaires, dont l’aspect financier est vraiment assez secondaire. Je regrette le rejet de l’amendement instaurant l’obligation de consultation publique en ligne tout projet ou de toute proposition de loi avant leur examen par le Parlement. Je regrette le rejet de l’amendement instaurant un point public d’accès à l’internet dans chaque commune pour lutter contre l’exclusion. Je regrette le rejet de l’amendement créant dans chaque EHPAD, c’est-à-dire dans chaque maison de retraite, un point d’accès à l’internet pour éviter l’exclusion des résidents.

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Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur ont, à ce stade de la procédure, plus de facilité à amender le texte que le député de base que je suis : je me permets de les solliciter pour qu’ils reprennent, autant que faire se peut, ces amendements afin que ceux-ci trouvent leur place dans le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner et que nous allons peut-être même voter.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pour une République numérique.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures dix.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly