Intervention de Henri Jibrayel

Réunion du 19 janvier 2016 à 16h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Jibrayel :

Nous sommes face à une situation très compliquée, qui remonte à 1993, avec la mise en oeuvre de la loi dite « Quilès », votée en 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, et la transformation de La Poste en établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Depuis vingt ans, les agents qui, à l'époque, n'avaient pas accepté la reclassification, sont victimes d'une injustice. La Poste ne les ayant pas avertis que leur carrière serait bloquée, ils se sont vu refuser tout avancement. Aujourd'hui, leur situation n'a pas changé, et l'on ne peut que déplorer un manque d'équité dans le traitement de ces agents par rapport aux reclassifiés.

Nombre de parlementaires se sont, depuis des années, investis dans la défense de ces postiers, afin que justice leur soit rendue. Les organisations syndicales représentatives de La Poste et de France Télécom ainsi que des associations de défense ont accompagné ces postiers dans une lutte sans fin. Mais force est de constater que, vingt-deux ans après, la situation n'a pas beaucoup évolué.

Si, en 1993, ces agents avaient refusé de rejoindre la reclassification, c'est parce qu'ils considéraient qu'ils risquaient, à court, moyen ou long terme, de perdre le statut de fonctionnaire de l'État. Ils ont pu constater, avec les années, que leurs craintes étaient infondées. Tous les agents sont donc restés fonctionnaires, mais, contrairement à leurs collègues reclassifiés, les reclassés ont été désavantagés en matière de promotion et d'avancement : ainsi, les préposés reclassés n'ont pas eu la possibilité d'évoluer, tandis que, entre-temps, des agents qui avaient accepté le reclassement sont passés de la classe 1.2 à la classe 1.3. Les reclassés ont donc multiplié les démarches auprès des tribunaux administratifs pour obtenir gain de cause, mais La Poste est toujours restée sur ses positions, considérant que ces agents avaient fait un choix en toute connaissance de cause.

La commission des affaires économiques a décidé de créer un groupe de travail en octobre 2015. Nous avons rencontré l'ensemble des organisations syndicales, les associations, le cabinet du ministre Emmanuel Macron et le groupe La Poste.

Une décision du Conseil d'État du 11 décembre 2008 a contraint La Poste à relancer la promotion dans les corps de fonctionnaires reclassés. Les promotions sur liste d'aptitude se sont faites de manière opaque. Elles étaient de 120 ou 130 agents par an au début, dans les années 1999-2001, mais ce nombre est tombé à 80 par an.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation de blocage. La Poste s'est engagée à rouvrir le droit d'option pour les reclassés, afin qu'ils puissent rejoindre les reclassifiés, et une possibilité de promotion en fin de carrière a été promise à ces agents.

La directrice des ressources humaines (DRH) de La Poste souhaite qu'une discussion s'engage avec les agents, mais refuse de donner d'entrée de jeu, comme le voudraient les organisations syndicales, une « carotte », soit une promotion allant de pair avec la possibilité de rejoindre le groupe des reclassifiés. La Poste souhaite qu'il y ait d'abord une négociation.

Les organisations syndicales sont vent debout, ce que nous comprenons, puisque ces agents ont été victimes d'une injustice entre 1993 et 2008, dans la mesure où il y a eu un blocage total, une perte de salaire et un manque d'équité entre reclassés et reclassifiés.

Le cabinet de M. Emmanuel Macron, que nous avons contacté de nouveau ce matin, se dit prêt à accompagner les agents, mais ne veut pas se substituer au dialogue social interne du groupe. En cas d'accord entre les organisations syndicales et La Poste, le cabinet du ministre est prêt à faire le nécessaire sur le plan réglementaire pour débloquer la situation.

Aujourd'hui, les agents concernés, qui sont 3 480 en activité à La Poste et à peu près autant chez France Télécom, sont encore dans une situation de blocage. Ils n'ont pas la garantie d'avoir une promotion à moyen terme, ce qui explique les réticences des organisations syndicales. Au-delà, je n'entrerai pas dans le détail des grades et de la fin de carrière, car le dossier est très technique.

Le président Philippe Wahl et son prédécesseur Jean-Paul Bailly ont promis des solutions, mais celles qui sont proposées sont inacceptables. Ces agents ont perdu des années et tout ce qu'on leur offre, c'est de reprendre de nouvelles négociations ! Pour ma part, j'incite La Poste à faire des propositions plus concrètes afin que les organisations syndicales puissent effectivement venir à la table des négociations. Celles-ci souhaitent engager le débat et tentent de constituer une plateforme commune — seule manque la signature d'une organisation syndicale —, mais elles constatent que, contrairement à France Télécom, La Poste ne fait pas d'efforts réels pour que les agents puissent rejoindre la reclassification. Ils ont en moyenne plus de cinquante ans : le coût de leur réintégration ne serait sans doute pas très important.

Nous sommes très attachés à la remise à plat de ce dossier. J'ai rappelé aux organisations syndicales qu'il n'était pas question pour nous, parlementaires, d'envisager une rétroactivité concernant ces dix-sept années ou visant les retraités. Le débat porte sur les actifs d'aujourd'hui qui veulent intégrer la reclassification. Cela étant, je l'ai dit tout à l'heure à la DRH de La Poste, nous sommes face à une situation d'ouverture au rabais, qui ne peut pas satisfaire les organisations syndicales.

La Poste doit faire des propositions plus concrètes. S'il s'agissait de 25 000 ou 30 000 agents, dans un groupe qui en compte 260 000, la question du coût pourrait se poser. En l'occurrence, il s'agit du dernier carré. On objecte que ce serait une rupture d'équité par rapport à ceux qui ont choisi la reclassification. M. Philippe Wahl s'est engagé à trouver la solution la plus juste. Or la proposition de rouvrir le droit d'option pour les reclassés n'offre aucune garantie de promotion, sauf peut-être en fin de carrière, mais on sait que, dans la fonction publique, il faut s'installer six mois dans le grade pour avoir droit à la retraite basée sur ce grade.

Certes, on note, de part et d'autre, une volonté d'ouvrir la discussion. Mais les éléments pouvant décider les organisations à s'asseoir à la table des négociations ne figurent pas dans la proposition de la DRH et du président de La Poste. Nous sommes donc loin d'avoir trouvé une solution pouvant satisfaire les 3 480 agents concernés. La position de La Poste doit évoluer, d'autant que, je le répète, ces agents sont peu nombreux et ont en moyenne une cinquantaine d'années.

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