Intervention de éric Garandeau

Réunion du 16 janvier 2013 à 11h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

éric Garandeau, président du Centre national du cinéma et de l'image animée, CNC :

Tous les thèmes évoqués ce matin seront abordés lors des prochaines Assises pour la diversité du cinéma organisées par le ministère de la culture à partir du 23 janvier prochain, auxquelles les élus nationaux sont naturellement conviés à participer. Le processus s'étendra jusqu'à l'été et donnera lieu à la constitution de groupes de suivi destinés à approfondir les différentes questions.

Le système français, sain, robuste et imité à l'étranger, fait l'objet d'ajustements permanents, d'où sa modernité et son caractère bien adapté aux besoins, notamment sur le plan fiscal, soixante-cinq ans après sa création.

Si, dans les années quatre-vingts, nous avions manqué le virage de l'audiovisuel, si nous n'avions pas taxé les chaînes de télévision, si nous n'avions pas mis en place un compte de soutien pour les industries de programmes audiovisuels, qui représente aujourd'hui la moitié des financements par le CNC, y compris les « web-programmes », les clips et même les jeux vidéo… si, en 2007, nous avions manqué le virage du numérique en n'étendant pas nos taxes aux nouveaux entrants… et si, en 2013, nous ne validions pas ce que vous avez voté en 2011 concernant l'assujettissement des opérateurs de télécommunications, y compris ceux qui ont trouvé le moyen de contourner la taxe, comme Free… eh bien, le cinéma français se trouverait maintenant confronté à d'immenses difficultés financières.

Sans que soit remis en cause le niveau d'activité de la production et de la distribution cinématographiques, le CNC s'inquiète néanmoins de l'évolution de ses moyens en 2013 compte tenu, d'une part, du prélèvement de 150 millions d'euros qui lui a été imposé par l'État et, d'autre part, de l'incertitude fiscale pesant, pour 130 à 140 millions d'euros, sur la partie de la taxe télévisuelle applicable aux FAI. Ce qui illustre la difficulté de transposer au numérique le système d'alimentation du compte de soutien en vigueur pour les opérateurs classiques. Le montant de ce compte est passé, cette année, de 800 à 700 millions après avoir été multiplié par trois au cours des vingt dernières années quand l'économie de l'audiovisuel était multipliée par cinq. Si donc nous ne redressons pas un peu les choses, la demande de programmes ne pourra se nourrir d'une offre suffisante en produits français et européens. Nos écrans seront alors davantage occupés par les productions américaines et, demain, chinoises et brésiliennes.

Les menaces financières pesant sur le CNC risquent surtout de retarder le plan de restauration et de numérisation des films, qui contribue à l'emploi dans la filière photochimique et qui devrait déboucher sur la mise en place d'une plateforme permettant d'exposer les richesses patrimoniales des collections du cinéma français, y compris de la cinémathèque française et des cinémathèques régionales dont l'État nous a transféré la charge.

Le CNC n'est pas le premier financeur du cinéma français mais c'est sur lui que repose notre modèle national, sous autorisation communautaire.

Dans une économie de marché convenablement régulée, le soutien au cinéma doit aussi se traduire dans des instruments contractuels.

Si l'on pouvait imposer aux nouveaux opérateurs des obligations d'investissement dans la production et dans la diffusion de programmes français et européens, notre système se trouverait complètement adapté. Mais on voit mal comment contraindre Google, Apple, Amazon et Netflix, déjà en dehors de la fiscalité nationale, à appliquer nos règles de soutien au cinéma. On ne saurait revoir la chronologie des médias sans aborder d'abord cette question. Faute de quoi nous devrions renoncer à 143 millions d'euros d'achats des chaînes en clair et à 130 millions d'euros de la part des chaînes à péage au titre des droits de diffusion, sans aucune contrepartie et sans possibilité de compensation par l'État. Car celui-ci ne doit intervenir que pour accompagner le système et pallier les déficiences du marché.

Le CNC bénéficie de l'aide constante des 700 professionnels du cinéma qui participent aux travaux de ses commissions. Par la mutualisation des prélèvements et des aides, il évite un système à deux vitesses, avec un cinéma commercial, sans taxe et sans aide publique, et un cinéma d'auteur, paupérisé et limité à quelques salles municipales subventionnées. Nous préférons de loin un cinéma à dix ou à vingt vitesses, comprenant même une marche arrière pour la restauration des films anciens, qui contribuent à nourrir la création d'aujourd'hui.

Les questions de transparence de la remontée des recettes, d'autorégulation, de code de bonne conduite seront bien sûr rediscutées dans le cadre des groupes de suivi dont j'ai parlé précédemment.

Nous comptons sur votre soutien pour continuer d'adapter notre système, notamment sur le plan fiscal. Pour la première fois depuis longtemps, nous n'aurons pas, pour 2012, collecté la totalité de l'enveloppe allouée aux SOFICA puisque l'avantage fiscal a été réduit de 48 % à 36 %. Or celles-ci investissent beaucoup dans les petits films, les premiers films, qui ne sont pas aidés par les chaînes de télévision. Il est donc important pour nous que cette question de l'avantage fiscal puisse être revue.

Nous nous réjouissons en revanche de la modernisation du mécanisme du crédit d'impôt. Car la France ayant perdu 700 journées de tournage en 2012, les industries techniques avaient tiré la sonnette d'alarme. On peut donc espérer une reprise.

La consommation croissante de télévision non linéaire comme la télévision de rattrapage, notamment sur des tablettes, appelle une fiscalité adaptée des ressources publicitaires correspondantes. Sur cette question, il n'y a pas de problème de territorialité.

Je précise que le CNC ne finance pas la cité du cinéma et que les aides aux industries techniques sont sévèrement plafonnées par la Commission européenne qui considère, à tort selon nous, que leurs activités ne relèvent pas du domaine artistique. En revanche nous aidons des projets de films qui pourront être tournés dans la cité du cinéma. Celle-ci va doter la France de la « brique » industrielle qui lui manquait pour rivaliser avec les grands studios américains établis en Europe.

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