Intervention de Isabelle Attard

Réunion du 10 février 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Attard :

L'année 2015 a été marquée par le scandale de l'athlétisme russe, extrêmement choquant par l'étendue de la corruption, et dont les dégâts ont été constatés bien au-delà des limites de la Russie et même du sport, jusqu'au financement des campagnes politiques au Sénégal, par exemple. Mais si ces révélations concernaient l'athlétisme, nous savons bien que le dopage existe dans tous les sports.

Nous parlons ici du sport professionnel, mais le rapport des sénateurs pointait aussi le sport amateur. Si la « bulle » du dopage éclate dans le sport professionnel, c'est parce qu'elle prend naissance dans le sport amateur. Même des cyclistes de moins de quinze ans prennent des produits dopants !

Cela étant, avez-vous l'impression que la situation ait évolué de façon positive au cours des années ? Personnellement, ce n'est pas ce que je ressens. Je me dis que nous devrions peut-être réfléchir à l'organisation de notre lutte antidopage. Sans doute ne nous y prenons-nous pas de la bonne façon. Ayant été dans le sport de haut niveau, je me dis que l'entraînement en altitude pourrait très bien s'apparenter à une forme de dopage. Au fond, quelle différence y a-t-il entre s'entraîner à 1 800 mètres d'altitude et pratiquer des autotransfusions ? La différence est dans la quantité, dans les normes, pas dans le principe.

Finalement, comme en matière de drogue, nous sommes en train de parler de punir les junkies en laissant en liberté leurs dealers, fournisseurs et financiers. Finalement, ceux que nous sommes censés protéger, les sportifs, sont ceux qui sont punis en première ligne, et j'ai l'impression que l'on tourne en rond. Se doper, pour les sportifs aujourd'hui, ce n'est pas une manière de gagner, c'est avant tout une manière de ne pas perdre. Dans le sport de haut niveau, il n'est pas rare que l'athlète craigne de se retrouver à la rue du jour au lendemain si ses performances ne sont plus « au top ». Le dopage est donc extrêmement tentant, voire indispensable. Il est difficile de reprocher à un sportif de se doper, sachant les pressions qui sont exercées au sein des équipes, des clubs et des fédérations elles-mêmes. Les scandales qui ont éclaté le prouvent.

Je reprendrai les propos de Lionel Dricot qui a réfléchi, selon moi de manière intelligente, à la question : « le fait de mentir et d'être hypocrite me choque plus. J'aurais le plus grand respect pour un sportif qui avouerait et expliquerait en détail le " système " sans y être acculé par un juge. » Je pense, en effet, qu'on ne met pas suffisamment l'accent sur l'impact que peuvent avoir sur les jeunes et sur les sportifs en général les témoignages de ceux qui reconnaissent s'être dopés et qui dénoncent le système.

Les sanctions devraient être dirigées vers les médecins qui aident ou encouragent un patient à prendre des produits potentiellement nocifs pour sa santé, et pas seulement dans le monde du sport. Ils devraient être radiés de l'ordre des médecins, jugés comme des trafiquants de drogue, et les sponsors et les financiers qui sont au courant de ces pratiques et qui laissent faire devraient être condamnés de la même manière.

Je reste persuadée qu'il est injuste et contreproductif de s'attaquer aux sportifs. J'aimerais avoir votre sentiment. Nous devons protéger tout le monde contre toute substance dangereuse. L'émission de télévision Cash Investigation sur les pesticides a récemment montré que pour protéger les victimes, il faut s'attaquer à ceux qui font les produits et à ceux qui financent le système au plus haut niveau.

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