Intervention de François de Mazières

Réunion du 15 mars 2016 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Mazières :

Madame la ministre, au nom du groupe Les Républicains, je vous adresse un mot très cordial de bienvenue dans notre commission et vous remercie d'être avec nous ce soir.

Je voudrais également dire toute notre émotion au souvenir de notre collègue Sophie Dessus, une femme généreuse, enthousiaste, qui s'était beaucoup investie sur ce texte. Elle va nous manquer ce soir.

Ce projet de loi « CAP », que nous examinons pour la deuxième fois, porte bien mal son sigle. En effet, s'il y a une chose que l'on pouvait fondamentalement reprocher au texte d'origine, c'est l'absence de cohérence d'ensemble : c'était un texte mal né, touffu, déconcertant, un véritable « catalogue de La Redoute » selon certains, avec quelques avancées, mais aussi de très graves régressions, notamment en matière de patrimoine.

Certes, le travail sérieux qui a été mené en première lecture au sein de cette commission – je salue, à cet égard, l'investissement de notre rapporteur et président, Patrick Bloche – et, plus encore, les judicieuses modifications adoptées par nos collègues du Sénat ont très sensiblement amélioré le texte. Je note, d'ailleurs, qu'un grand nombre de ces modifications – je pense notamment aux articles clefs sur les enseignements artistiques et sur le patrimoine – ont repris l'esprit, si ce n'est les termes mêmes, des amendements que vous aviez refusés en première lecture.

Concernant le volet relatif à la création, nous sommes favorables à la liberté de création, inscrite à l'article 1er, un bel article à valeur de symbole. Même s'il n'a pas de portée juridique, car la liberté d'expression existait déjà, la sobriété de cet article est un bel exemple. À l'inverse, l'article 2 est de plus en plus bavard. Nous sommes très loin de la densité du décret portant organisation du ministère chargé des affaires culturelles, rédigé par Malraux lui-même ! Par ailleurs, il est heureux que le Sénat ait repris, à l'article 2 bis, la proposition, débattue dans le cadre de la loi NOTRe, de créer au sein de chaque CTAP une commission thématique dédiée à la culture.

Concernant la protection des artistes, le Sénat a apporté des améliorations notables, en particulier à l'article 5. La création d'un observatoire de l'économie de la musique, prévue à l'article 6 bis A, est également une bonne chose, de même que la clarification de la composition de la Commission de la copie privée. Le Sénat a introduit bien d'autres précisions intéressantes qui, j'espère, seront conservées. À l'article 10 quinquies, il a ouvert la voie à une amélioration de la définition des quotas et critères de la production indépendante. À nous, sans doute, d'affiner ces propositions.

À l'article 10 nonies, nous souhaitons ouvrir un débat sur la possibilité pour les articles de transmettre leur droit de suite aux fondations, qui nous paraît une avancée très intéressante. À l'article 10 decies, le Sénat a prévu des dispositions permettant aux collectivités territoriales de soutenir le mécénat, ce dont nous nous réjouissons. S'agissant de l'article 11, nombre d'entre nous sont attachés à la défense des chansons françaises. La rédaction proposée par le Sénat, sans doute un peu complexe, devrait être améliorée.

Comme vous le savez, notre groupe s'est beaucoup battu pour préserver les conservatoires, surtout leur financement par l'État. Celui-ci est revenu sur une mauvaise décision qu'il avait prise en la matière. Le Sénat a introduit un article fondamental, l'article 17 AA, qui définit enfin le rôle de l'État et celui des collectivités territoriales en la matière, les régions étant reconnues comme chefs de file. J'ai cru comprendre qu'on allait revenir sur ce point, ce que nous regrettons.

Concernant le volet relatif au patrimoine et à la promotion de l'architecture, les dispositions relatives à l'archéologie introduites par le Sénat nous apparaissent importantes et méritent d'être préservées. Ainsi que l'a très clairement dit Françoise Férat, rapporteure au Sénat, il faut sortir de l'opposition manichéenne entre opérateurs privés et publics. J'espère que vous allez maintenir les avancées notables proposées par le Sénat. À entendre vos interventions, je ne suis pas sûr que tel sera le cas.

À l'article 24, les modifications introduites par le Sénat évitent la création d'un « PLU patrimonial », qui apparaissait comme une véritable catastrophe, car il ne présentait absolument pas les garanties des ZPPAUP et des AVAP. Grâce au Sénat, l'essentiel est sauvé. Mais ne nous leurrons pas : ce texte constituera tout de même une régression par rapport à la protection actuelle, ainsi que j'aurai l'occasion de l'expliquer ultérieurement. Les nouveaux sites patrimoniaux protégés reposent sur l'ancienne distinction entre les secteurs sauvegardés et les ZPPAUP, transformées en AVAP. « Tout ça pour ça ! », pourrait-on dire ; il n'y a pratiquement aucune modification ! En réalité, nous aurions préféré une loi de programmation sur le patrimoine, qui aurait été beaucoup plus utile, compte tenu de la baisse marquée des crédits au cours des deux premières années de ce quinquennat.

Concernant l'architecture, le texte prévoit des améliorations importantes, auxquelles nous souscrivons pour l'essentiel.

Pour ces raisons, nous demandons que le travail que nous nous apprêtons à mener ne fasse pas table rase des amendements adoptés par le Sénat, mais que ces avancées soient, au contraire, amplifiées.

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