Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 15 mars 2016 à 21h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur :

Ce sujet très sensible avait fait l'objet d'une discussion en première lecture qui nous avait amenés à ne pas légiférer en ce domaine.

L'article 7 bis AA a été introduit par la commission de la Culture du Sénat afin d'adapter le cadre législatif de la copie privée au développement des pratiques dites de l'informatique dans le nuage, qui permettent à des particuliers de louer de l'espace de stockage en vue de conserver à distance des oeuvres et des objets protégés, de les consulter et de les reproduire sur une pluralité d'appareils.

L'article a ensuite été modifié en séance publique, puis a fait l'objet d'une seconde délibération, ce qui, compte tenu de la rareté de cette procédure, illustre bien la complexité du débat. Un amendement adopté un peu rapidement avait, en effet, pour conséquence malheureuse – c'est un euphémisme ! – de limiter sensiblement le champ de la rémunération pour copie privée, alors que la volonté était de l'étendre.

Ce sujet est éminemment complexe et il est, en effet, fort ennuyeux que nous ne disposions d'aucune étude d'impact. Il nous faut donc légiférer d'une main d'autant plus tremblante que l'excellent rapport de la mission d'information présidée par notre collègue Virginie Duby-Muller, dont Marcel Rogemont était le rapporteur, abordait la question en ses pages 81, 82 et 83 sous forme d'interrogation. Il rappelle que le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) lui-même n'avait pas tranché, faute d'unanimité en son sein, et le rapport concluait sur ce point : « D'autres arguments invitent à la prudence. Pour les professeurs de droit spécialistes des droits d'auteurs Pierre-Yves Gautier et Pierre Sirinelli, auditionnés par la mission d'information, il est trop tôt pour assujettir le “nuage” à la rémunération pour copie privée. L'informatique en nuage ne fait, en effet, selon eux, pas encore l'objet d'une utilisation de masse et il est préférable d'attendre de voir comment les utilisateurs vont se servir de cette nouvelle possibilité technique. Il n'existe d'ailleurs pas “un” mais “des” nuages, ce qui rend l'analyse juridique complexe. »

De ce fait, pour être tout à fait honnête avec vous, j'avais abordé cette deuxième lecture en accueillant favorablement les deux amendements de suppression. Or, leur adoption, en entraînant la suppression de l'article 7 bis AA, rendrait impossible la présentation de l'amendement AC285 de Marcel Rogemont, dont le dépôt est intervenu plus tard. Afin que le débat ait pleinement lieu sur cette question – car c'est le plus important –, je suis donc amené à donner un avis défavorable aux amendements de suppression.

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