Intervention de Hervé Féron

Réunion du 18 juillet 2012 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Féron :

« Ô toi qui vas à Gao, fais un détour par Tombouctou » suggère au XVe siècle le savant musulman progressiste Ahmed Baba, dont le centre qui porte aujourd'hui son nom n'abrite pas moins de 30 000 manuscrits uniques. La renommée de ces deux lieux mythiques que constituent les villes de Tombouctou et de Gao au Mali a traversé le temps et les frontières. Or, après la destruction de plusieurs mausolées à Tombouctou par les membres du groupe intégriste Ançar Dine, l'inquiétude concernant la préservation de ces trésors est grande. Vous avez vous-même parlé, madame, d'épuration culturelle.

L'UNESCO les a inscrites le 28 juin dernier sur la liste des sites en péril prévue à l'article 11 de la Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, comme l'avaient été les bouddhas de la vallée de Bâmiyân en Afghanistan.

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, dans son discours de politique générale du 3 juillet dernier, a déploré la destruction des mausolées et affirmé la détermination du Gouvernement à empêcher des groupes comme Aqmi de constituer au Nord-Mali des bastions du terrorisme international qui menacent la paix et la prospérité de l'ensemble de la région mais aussi notre propre sécurité. Le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius, quant à lui, a estimé que la situation au Mali constituait une urgence et qu'il fallait éviter que le Nord-Mali ne se transforme en sanctuaire durable pour les terroristes.

Pour ramener la paix, des actions diplomatiques et militaires ont été engagées. S'agissant des trésors du patrimoine mondial de la région, l'UNESCO, qui n'a pu que déplorer ces destructions tragiques, a demandé à l'Union africaine et à la communauté internationale de faire tout leur possible pour aider à protéger Tombouctou et le tombeau des Askia. Le gouvernement malien a condamné une furie destructrice assimilable à des crimes de guerre et s'apprête à engager des poursuites pour faire cesser ces crimes contre l'héritage culturel du peuple malien. Quant à la Cour pénale internationale, elle prévoit d'enquêter et de condamner ce qu'elle considère elle aussi comme un crime de guerre.

Les réactions sont vives, à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre d'une communauté internationale soucieuse de son héritage historique, mais elles n'ont pas empêché les auteurs de ces actes scandaleux de poursuivre leurs exactions.

En tant que Français comme en tant qu'Européens, nous avons intérêt à prendre clairement position contre de tels actes, car en protégeant le patrimoine de pays où les risques de destruction sont évidents, l'humanité protège son propre patrimoine.

La réaction des Maliens est très encourageante car ils ont pris conscience de l'importance de leur patrimoine, ce qui relève aussi directement du travail de sensibilisation et d'éducation accompli par les ONG. Cela dit, ces événements se situent dans un contexte de guerre entre les forces maliennes et les rebelles touaregs, qui dure depuis plusieurs mois et dont la destruction des mausolées de Tombouctou est l'un des dommages collatéraux, avec la dimension religieuse que l'on sait. Si bien que l'on peut se demander si la Convention de La Haye de 1954, qui vise à protéger les biens culturels en cas de conflits armés, est encore efficace, eu égard aux évolutions de la société – ne serait-ce que parce que tous les pays n'y ont pas adhéré – et aux nouvelles normes de revendication et d'action de groupes tels que Ançar Dine. Si les initiatives se sont multipliées ces dernières années pour améliorer les conditions de gestion, de conservation, de protection et de reconnaissance du patrimoine mondial, il n'en reste pas moins que face à des conflits armés qui entraînent la destruction de biens culturels, nous ressentons une certaine impuissance. Il est extrêmement difficile de prévenir ce type de destructions et c'est de protection opérationnelle dont il s'agit.

Cette protection doit-elle passer par un renforcement de la coopération et de la solidarité internationale ou par une mutualisation des moyens humains, logistiques et financiers ?

Enfin, la déclaration de Séoul, présentée en décembre dernier par le Comité du Bouclier bleu, prévoit que soit engagée une réflexion sur la création d'un fonds pour les efforts de secours culturel immédiat en situation d'urgence. Avez-vous des informations sur l'évolution de cette réflexion ? Selon vous, le Fonds du patrimoine mondial, alimenté par les États parties et les dons privés et qui s'élève à 4 millions de dollars, est-il suffisant pour mener une véritable politique de prévention des risques liés aux conflits armés ?

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