Intervention de Jean-Bernard Lévy

Réunion du 5 avril 2016 à 18h00
Commission des affaires économiques

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe électricité de France, EDF :

Monsieur François Pupponi, la réglementation RT 2012 est effectivement paradoxale. Les mécanismes de soutien permettent de remplacer des logements chauffés à l'électricité par des logements chauffés au gaz, non seulement dans le neuf mais aussi dans l'ancien, et ce sans aucun lien avec l'amélioration de l'isolation thermique du logement. Je suis très favorable à votre suggestion de rapprochement d'EDF avec l'ANRU. Nous travaillons actuellement avec le ministère du logement, le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, et l'Agence nationale de l'habitat, pour faire en sorte que la prochaine réglementation, RT 2018, n'aboutisse pas à cette situation paradoxale pour les logements neufs.

Monsieur Jean-Jacques Candelier, le temps où EDF avait une influence majeure sur l'évolution des prix de l'électricité est révolu. Conformément à la loi, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) fixe désormais le prix et, si j'ai bien compris, le Gouvernement peut dans les trois mois suivant cette décision s'y opposer. Le rôle d'EDF est d'apporter des informations à la CRE pour qu'elle prépare sa décision dans le cadre de règles du jeu qu'elle établit en fonction des textes en vigueur sur la fixation des prix régulés – EDF n'a pas voix au chapitre. Nous serons bien évidemment attentifs à la décision de la CRE, ainsi qu'à l'approbation ou au rejet du Gouvernement de cette décision.

Monsieur Antoine Herth, Monsieur Jean-Claude Mathis, la cohésion du corps social à EDF est exemplaire ; elle est essentielle au bon fonctionnement du service public de l'électricité et de l'entreprise en général. Mon rôle est de garantir à l'entreprise une vision partagée quant à sa stratégie, et c'est pourquoi nous avons engagé peu de temps après mon arrivée, début 2015, un projet offrant à l'entreprise une trajectoire à dix ou quinze ans, Cap 2030, organisée autour de trois grands chantiers. Premier chantier : la production décentralisée, l'appropriation de l'énergie par les clients. Sujet majeur car, dans le cadre d'une concurrence sur la totalité de nos investissements, nous devons accompagner les services d'efficacité énergétique, la numérisation du foyer, des services publics et des grandes collectivités. Deuxième chantier : notre mix énergétique, grâce aux grandes énergies décarbonées, le nucléaire et le renouvelable, complémentaires. Troisième chantier : notre développement international. Certes, la Cour des comptes a estimé que nous n'avons pas toujours réussi nos acquisitions à l'étranger, en achetant des sociétés au mauvais moment, mais nous devons nous déployer à l'international, car un grand groupe comme EDF se doit de rayonner au-delà de la France, au-delà de l'Europe.

Dans un contexte de prix de marché déprimé, Cap 2030 prend tout son sens. Nous avons partagé durant l'année 2015 cette stratégie avec les salariés et les organisations syndicales d'EDF. Nous devons maintenir cette stratégie dans le cadre d'une situation financière plus tendue, ce qui suppose des efforts partagés entre les salariés, les dirigeants, les organisations syndicales, l'État, sans doute aussi les consommateurs – j'ai envie d'y associer les parlementaires ! –, afin de trouver les moyens qui permettront à l'entreprise de garder sa cohésion. Je suis très attaché à ce que toutes les parties prenantes soient associées à cette nouvelle dynamique de l'entreprise.

Voilà à peine un mois, nous avons réussi à trouver avec les deux principales organisations de cadres un accord qui prévoit le passage au forfait-jours. Cette nouvelle organisation du temps de travail pour les cadres volontaires est basée sur un chiffre moyen de 209 jours de travail, ce qui représentera une hausse des journées travaillées pour un grand nombre d'entre eux. Nous connaîtrons d'ici à quelques semaines le nombre d'agents volontaires pour ce nouveau régime de travail qui porte en germe une amélioration du travail collectif.

J'en viens au projet Hinkley Point. Madame Jeanine Dubié, par définition, l'État étant l'actionnaire majoritaire d'EDF, il joue un rôle très important dans les décisions majeures que prend l'entreprise : toutes les décisions importantes de l'entreprise sont soumises au conseil d'administration d'EDF où l'État est représenté à hauteur de 6 administrateurs sur 18. Sur les chiffres, les contrats, les risques, des rumeurs infondées circulent ; chacun pourra y trouver ses propres explications, et je ne me hasarderai pas dans des conjectures quant à la raison pour laquelle ce projet fait l'objet de tels débats. Cela fait huit ans qu'EDF prépare ce projet qui s'inscrit dans la stratégie, suivie depuis de nombreuses années, d'une forte présence d'EDF en Grande-Bretagne. Dans ce pays, où EDF gère le parc nucléaire et où la poursuite d'une partie importante de la production d'électricité au moyen de l'énergie nucléaire a été réaffirmée par tous les gouvernements, nous bénéficions du soutien indéfectible des autorités en charge de la politique de l'énergie.

Au cours des sept ou huit dernières années, le contrat a évolué. Avant 2013, le régime prévu était celui qui prévaut aujourd'hui. De 2013 à 2015, on a espéré organiser le contrat autour d'un montage dit « déconsolidé », qui n'aurait pas changé l'endettement d'EDF mais par lequel le financement aurait été partiellement assuré par le Trésor britannique. Ce financement posait des problèmes de rentabilité, mais aussi de risque juridique – le Trésor britannique n'était pas prêt à donner une garantie sans réserve sur son financement. Après avoir tenté durant deux ans de mettre en oeuvre ce montage « déconsolidant », nous avons considéré l'année dernière que nous devions revenir à la situation qui prévalait dans les premières années d'étude du dossier Hinkley Point, c'est-à-dire à un dossier porté principalement par EDF.

Les chiffres cités dans cette enceinte ne sont pas tout à fait exacts. Non, nous n'allons pas engager un montant 23 milliards d'euros : nous allons engager entre 15 et 16 milliards d'euros – 8 milliards le seront par nos partenaires chinois. Nous n'allons pas non plus nous retrouver avec un niveau de risques dépassant les possibilités d'EDF. Des contrats complexes ont été conclus avec nos partenaires chinois, aux termes desquels CGN et EDF prévoient de mettre en place des dispositifs d'intéressement, mais aussi des systèmes de risques partagés. Ainsi, sur les décalages éventuels – qui dit qu'il n'y en aura pas ? –, je peux vous assurer que la solidarité s'appliquera entre les deux partenaires chinois et français. De ce point de vue, Madame Delphine Batho, la consolidation n'est pas de 100 % – la dette sera portée à hauteur de 66 % par EDF et de 33 % par notre partenaire chinois. Ce projet répond à l'objectif même de la présence d'EDF sur le territoire britannique. Que serait un EDF qui ne répondrait pas à la demande de son client, l'État britannique, de satisfaire ses besoins en électricité ? Ceux qui croient savoir ou qui font des déclarations anonymes dans les journaux ne disposent pas des bonnes informations. Ces informations, le conseil d'administration en disposera pour se prononcer prochainement sur ce dossier et prendre la décision qui s'impose.

Si les choses se passent mal, nous ne tiendrons pas notre objectif de rentabilité de 9 % – chiffre d'ailleurs critiqué en Grande-Bretagne car considéré trop élevé – et nous ferons alors 8 %. Mais si les choses se passent bien, nous ferons peut-être 10 % ou 11 %. Nous avons arrêté la rentabilité du projet à 9 %, avec des marges pour aléas et des provisions pour retards ou difficultés. Qui peut dire si les experts d'EDF, très mobilisés sur ce projet, ont vu trop court ou trop large ? Je ne porterai certainement pas ombrage à mes excellents collègues d'EDF en disant – comme je l'entends ou que je peux le lire de la part de gens pas assez courageux pour s'exprimer au grand jour – que nous allons être en retard.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion