Intervention de Stéphane Demilly

Séance en hémicycle du 24 mai 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Explications de vote communes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Le second projet de loi, ordinaire celui-ci, prétend rendre la justice plus efficace, moins complexe et plus lisible.

« Justice du XXIe siècle », voilà un intitulé bien ambitieux pour un projet de loi au contenu modeste – de votre propre aveu, monsieur le garde des sceaux. Certes, il contient quelques avancées en matière d’accès au droit, d’action de groupe et de simplification des procédures.

Certaines mesures, comme la création d’un service d’accueil unique du justiciable, pourront faciliter l’accès à la justice. D’autres, en privilégiant les modes alternatifs de traitement des litiges, permettront de désengorger les juridictions.

L’introduction d’un nouveau divorce par consentement mutuel peut également sembler louable mais prenons cependant garde à ce que cette nouvelle procédure ne se fasse pas au détriment de l’intérêt de l’enfant, que la froideur juridique a trop souvent tendance à oublier !

Par ailleurs, le projet de loi entend amorcer une simplification de l’organisation judiciaire et des procédures juridictionnelles en rapprochant, par exemple, les tribunaux des affaires de Sécurité sociale et les tribunaux du contentieux de l’incapacité pour créer un pôle social au sein du tribunal de grande instance.

Cette réforme peut effectivement permettre de recentrer les juridictions sur leurs missions. En revanche, monsieur le ministre, la grande erreur de ce texte est de supprimer la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail, basée à Amiens, une juridiction parfaitement spécialisée dans ce contentieux complexe.

Cette mesure n’engendrera aucune économie et n’entraînera aucune simplification. Nous espérons donc que le compromis obtenu lors de nos débats permettra de limiter les dégâts, si je puis m’exprimer ainsi, en conservant une partie du contentieux à Amiens. Nous souhaitons également que la majeure partie du contentieux traité par la cour soit bien transférée à la cour d’appel d’Amiens, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le garde des sceaux.

La réforme proposée laisse sans réponses les questions budgétaires et celle de l’impact pour les justiciables et pour le personnel concerné. Nous serons donc vigilants, vous l’avez bien compris, quant aux textes d’application !

Autre point important : le projet de loi permet de donner à l’action de groupe un socle procédural commun en matière de discrimination au travail, de santé, d’environnement et de données numériques. Si la création de ce bloc semble plus cohérente que les dispositions éparses débattues dans de précédents textes, cette procédure devrait néanmoins être davantage encadrée.

Nous tenons également à exprimer notre opposition à la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs : le fait qu’un système ait dysfonctionné ne signifie pas pour autant qu’il soit mauvais. Il nous semble nécessaire de disposer de deux voies judiciaires : l’une pour les primo-délinquants, l’autre pour les récidivistes.

Enfin, nous nous interrogeons sur l’opportunité de transférer certaines compétences aux officiers de l’état civil. Dans le contexte actuel de baisses des dotations de l’État à nos collectivités locales, nous sommes par principe défavorables à toute mesure qui représenterait encore une charge supplémentaire pour les communes.

Si ces deux textes ont le mérite d’offrir certaines pistes intéressantes pour l’avenir de notre droit, ils sont loin d’annoncer le « Vendôme de la justice » que nous appelions de nos voeux. C’est pourquoi le groupe UDI s’abstiendra.

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