Intervention de Gérard Rameix

Réunion du 31 mai 2016 à 17h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérard Rameix, président de l'Autorité des marchés financiers :

Non, ce sont des régimes d'assurance.

Devons-nous mettre en garde les épargnants contre les taux négatifs ? Il est vrai que Keynes a parlé de l'« euthanasie des rentiers », dans un contexte très différent. Aujourd'hui, l'épargne est abondante et ne rapporte presque pas. C'est un état de fait qui ne dépend pas de nous, mais de la politique de la BCE, que je me garderai de caractériser.

Dans cette situation, il ne faut surtout pas croire aux miroirs aux alouettes. Je conseille d'investir davantage en actions, dans un PEA, dont la fiscalité est extrêmement favorable. Si l'on peut résister à la volatilité, c'est un produit intéressant. Je crois que les épargnants perdent des occasions d'investissement plutôt favorables sur le moyen terme. De plus, au niveau de l'économie nationale, l'insuffisance de la base d'actionnaires français et le fait que nos grands groupes aient pour moitié des actionnaires étrangers sont assez inquiétants à moyen terme.

L'annulation des assurances vie à taux garanti n'est pas non plus de notre compétence. À ma connaissance, il s'agit surtout d'un problème allemand. En France, les contrats en euros sont nombreux, mais le taux n'est pas garanti, et l'assureur communique son taux chaque année. Certes, ces taux sont très élevés, supérieurs aux taux des obligations, si bien que l'assureur risque d'investir au moins la moitié des fonds collectés auprès des souscripteurs de ses contrats d'assurance vie dans des produits rémunérés à un taux inférieur à celui qu'il leur sert. Cette situation est assez inconfortable, mais cela dépasse mes capacités de régulateur de marché.

Je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire sur la réforme de l'audit, c'est la chancellerie qui a conduit les travaux de transposition de la directive. Nous avons donné notre avis à l'occasion de notre participation au Haut Conseil du commissariat aux comptes et lors d'échanges directs avec la chancellerie. Je ne pense pas que cette réforme apporte des bouleversements, sachant que les normes françaises étaient déjà très exigeantes.

Le régulateur français a pour tradition de porter une grande attention à la qualité des audits. Le commissaire aux comptes est l'un des garants de la qualité de l'information financière délivrée par une société cotée. Nous sommes assez actifs sur ce point, qui ne soulève pas d'inquiétudes.

S'agissant de la liquidité, il convient de distinguer deux phénomènes. D'une part, la présence massive de la BCE sur le marché produit des effets, qui sont très confortables pour les opérateurs. Je ne partage pas le pessimisme de ceux qui prétendent qu'il n'y a plus de marché parce que la BCE achète tout. S'ils ont des actifs recherchés par la BCE dans leur bilan, ils savent qu'ils peuvent les lui vendre à tout moment, ce qui est très confortable.

Cependant, on peut se demander ce qui se passera si la BCE change de politique. Je ne serais pas régulateur si je ne croyais pas un peu au marché, mais je ne suis pas un croyant naïf et aveugle. Le marché a parfois des intermittences, et personne n'a analysé les conséquences de la présence aussi massive de la BCE sur certaines lignes obligataires. La presse rapporte d'ailleurs que la BCE propose d'élargir le type de créances qu'elle peut racheter, car elle n'en trouve plus assez. Elle est en fait coincée entre la masse qu'elle veut racheter et l'obligation de respecter une répartition équitable entre les pays.

Le fait que la BCE achète fait monter le cours des obligations, ce qui entraîne une baisse des taux d'intérêt. C'est donc une aide majeure au financement, qui pénalise les épargnants dont la rémunération sera plus faible, mais qui favorise ceux qui essaient de placer des obligations. Dans quelle mesure le système financier est-il perturbé par cette politique, qui a par ailleurs ses avantages ?

Surtout, la sortie de ce régime présente des risques. Il faudra recréer un marché pendant que la BCE se retirera progressivement, mais la hantise de ceux qui travaillent sur ces questions est le krach obligataire. Je n'ai pas de recommandations sur ce point. La seule manière d'être optimiste est d'espérer que la stratégie des banques centrales sera efficace, et que peu à peu, nous connaîtrons une croissance plus forte et un peu d'inflation, ce qui permettra de remonter très progressivement les taux et de retrouver un système viable. J'espère que c'est le scénario qui se réalisera, mais nous pouvons connaître des à-coups. Notre travail est d'informer au mieux les acteurs dans ce domaine, afin qu'ils trouvent, à leur niveau, des parades pour ne pas être des facteurs perturbateurs ou déclencheurs de la crise.

Sur l'existence d'une bulle du private equity, je serai nuancé. J'ai eu, en 2006 et 2007, des discussions assez tendues avec des professionnels très talentueux du private equity. Ils me disaient que mes inquiétudes sur le fait qu'ils rachetaient trop cher avec des leviers trop forts dépassaient ma compétence, et que le marché permettait ces leviers. Malheureusement, il s'est avéré que j'avais raison, et il est apparu que des Leverage Buy-Out (achats à effet de levier) avaient été faits à des prix trop élevés. La situation s'est calmée depuis. On me dit que les prix sont plus élevés maintenant, mais l'effet de levier est moindre.

Nous en sommes toujours au même point : d'énormes liquidités sont injectées dans l'économie sans effet sur la croissance ou l'inflation. Je ne suis pas un thuriféraire de l'inflation, mais nous nous sentirions mieux si elle était de 1,5 % ou 2 %. Nous risquons la formation de bulles et l'apparition d'escrocs.

En ce qui concerne le NSFR, il serait préférable de poser la question au gouverneur de la Banque de France ou à ses sous-gouverneurs, qui mènent la négociation dont nous ne sommes pas partie. Nous régulons l'information financière délivrée par les banques, et tous les régulateurs réunis au sein de l'ESMA s'inquiètent de la commercialisation des différents produits obligataires bancaires que certains réseaux vendent à leurs clients. Certains scandales terribles ont éclaté en Espagne et en Italie. Nous ne sommes pas sûrs que tous les épargnants français qui achètent des obligations ou des parts sociales de réseaux mutualistes soient à l'abri de tout risque.

Je fais partie du collège de résolution de l'ACPR, mais nous travaillons sur les banques. Je ne suis pas en mesure de commenter les projets en matière de résolution des assurances.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce que nous avons déjà publié sur la rémunération des dirigeants. Nous avons essayé de regarder comment cette question assez délicate était traitée dans les différents pays. Nous sommes un des seuls régulateurs à citer les entreprises dans nos rapports, selon le principe anglais « Name and shame ». Le code AFEP-Medef est assez bien respecté par la plupart des entreprises, ce qui rend peut-être les quelques dérapages plus spectaculaires. Nous en avions cité deux dans notre rapport l'an dernier, un autre est en cours, mais globalement, sur la mise en place des comités d'audit, l'indépendance des administrateurs et l'application des critères d'indépendance, la situation est meilleure qu'il y a quelques années.

Nous ne nous prononçons pas sur le niveau de la rémunération en valeur absolue : nous voulons que les critères soient annoncés, et que la totalité de la rémunération soit communiquée. Lorsque le dirigeant d'un grand groupe perçoit une rémunération significative dans une filiale de son groupe, nous voulons que cela figure dans le rapport publié en France, quitte à ce que cela soulève des débats.

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