Intervention de Christian Kert

Réunion du 1er juin 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Kert :

Notre excellent rapporteur ne nous a pas convaincus. Nous nous étonnons de son choix de recourir à la création d'une commission d'enquête, qui fait figure d'arme lourde dans notre arsenal parlementaire. Si nous nous sommes émus de la revente de la fréquence de la chaîne Numéro 23, nous considérons qu'il ne s'agit pas d'une affaire d'État. Nous essayons de comprendre vers quel objectif devrait tendre cette commission d'enquête – si elle devait être créée. Que chercherait-elle à dénoncer ? S'agirait-il de juger du travail d'une autorité administrative indépendante, le CSA, dont votre majorité, monsieur le président, monsieur le rapporteur, tend à renforcer les pouvoirs depuis quelques années ?

Le choix de créer une commission d'enquête dans l'affaire qui nous occupe nous paraît exagéré. Dans votre exposé des motifs, monsieur le rapporteur, vous allez jusqu'à dire que cette affaire « a constitué un cas d'école qui contribué à jeter le discrédit sur l'ensemble de la politique audiovisuelle ». Je m'inscris en faux contre cette affirmation, même s'il y a un problème avec la chaîne Numéro 23. On affaiblit toujours ce que l'on exagère, vous le savez, dans votre grande sagesse.

Autre sujet de surprise : votre jugement à l'égard de l'arrêt du Conseil d'État, qui a refusé de retenir l'existence d'une fraude. Pourquoi ne pas considérer que cette décision suffit à mettre fin à toute suspicion ? Créer une commission d'enquête ne revient-il pas à contester cette position ?

Nous vous suivons quand vous soulignez que « seul le Parlement est à même de recueillir des éléments d'information sur ces faits, puis d'en tirer les conséquences utiles en ce qui concerne le statut du CSA et les procédures prévues par le législateur ». Mais nous nous écartons de votre raisonnement quand vous dites qu'une mission d'information ne pourrait mener cette tâche. Ne risquons-nous pas d'ajouter de la confusion à de la confusion ?

Dans la perspective de cette proposition de résolution, le président de l'Assemblée nationale, conformément à l'article 139 du Règlement, a interrogé le garde des Sceaux. Pourrait-on, monsieur le rapporteur, connaître la teneur exacte de la réponse du ministre ?

Enfin, n'est-il pas trop tard pour créer une telle commission ? Nous aurions en fait attendu que notre assemblée s'attache à combler le vide juridique à l'origine de ces dysfonctionnements pour prendre une telle initiative… Je rappelle trois évolutions législatives récentes.

Dans la loi d'octobre 2015 relative au deuxième dividende numérique, nous avons introduit un dispositif qui durcit les conditions dans lesquelles le CSA peut agréer un changement de contrôle de la société titulaire de l'autorisation d'usage de la ressource.

Dans la loi de finances pour 2016, nous avons prévu à l'article 114 l'imposition au taux de 25 % des plus-values à long terme lorsqu'elles résultent de la cession de titres d'une société détentrice d'une autorisation pour l'édition d'un service de télévision.

Enfin, dans la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, qui vient d'être examinée au Sénat, nous fixons la durée minimale de détention d'une autorisation d'émettre pour un service de télévision en mode numérique à cinq ans à compter de sa délivrance par le CSA.

La création d'une commission d'enquête reviendrait non seulement à contester la position du Conseil d'État mais aussi à ignorer le travail effectué au sein même de notre assemblée. Face à cette démesure, permettez-moi de vous rappeler une phrase issue de l'un de vos rapports : « la juste mesure est une arme puissante qui tranche sans blesser ».

Autant nous étions favorables à la création d'une mission d'information sur cette affaire, autant nous sommes moins favorables à la création d'une commission d'enquête. Le groupe Les Républicains s'abstiendra donc.

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