Intervention de Philippe Armand Martin

Réunion du 22 juin 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Armand Martin, co-rapporteur :

En premier lieu, inspiré en grande partie par le droit français, les produits d'appellation ont fait l'objet d'une protection juridique progressive. De la réforme de l'Organisation Commune de Marchés vitivinicole du 16 mars 1987 qui a permis d'adopter des dispositions particulières relatives aux vins de qualité, issus de régions déterminées à la réforme de la PAC de 2003, la politique de qualité agricole a innervé petit à petit la politique de la Commission européenne. L'instauration d'une OCM unique en 2013, elle-même, n'a pas entamé cette politique de qualité, et n'a en rien affecté la spécificité du système de promotion des produits d'origine au sein de l'Union européenne.

Les réglementations annexes en matière d'étiquetage, de valorisation ou de limitation de la production complètent l'arsenal juridique de protection des produits d'appellation. Vos rapporteurs n'oublient certes pas que la Commission européenne, engagée actuellement dans un processus de simplification de la PAC, a envisagé, dans le domaine vitivinicole, une réorganisation des règlements qui aurait grandement nui à la cohérence de la protection des IG. Notre Commission y a récemment consacré une résolution, dont notre collègue Yves Daniel fut le rapporteur : adoptée à l'unanimité, elle rappelait utilement l'importance des appellations pour la filière vitivinicole.

La Commission européenne se doit par ailleurs de faire respecter les indications géographiques, afin de garantir la cohérence de sa politique en matière d'accords de libre-échange. De nombreux exemples récents démontrent qu'il est possible de faire accepter par des tiers le système des indications géographiques, ou, du moins, de faire coexister un système de marques et un système d'IG. L'accord avec le Canada en est la preuve. Il ne s'agit pas là d'un accord qui remplit toutes les espérances des agriculteurs, et moins encore les associations représentatives en Frances des producteurs de fromages et de vins d'appellation. Il ne protège que 42 appellations françaises, hors vins et spiritueux, sur un total de plus d'un millier. Il s'agit toutefois d'une base de travail intéressante.

Par ailleurs, lorsque la Commission européenne contribue à faire reconnaître les IG dans des marchés étrangers, cela pèse nécessairement sur les négociations du PTCI. Vous permettrez à votre rapporteur d'en citer quelques exemples :

– dans le cadre de l'accord avec des pays d'Amérique centrale, dont les négociations ont été conclues en 2010, il est prévu une protection de 224 IG européennes dont 37 IG françaises ;

– l'accord de libre-échange avec le Vietnam comprend un volet IG, qui permet la protection de 169 IG européennes dont 36 IG françaises, et notamment une meilleure protection de l'IG champagne après une période de transition ;

– l'accord sur les indications géographiques avec le Maroc, paraphé le 16 janvier 2015, prévoit, quant à lui, la protection de 3 200 IG européennes dont 642 IG françaises – 191 IG agroalimentaires et 451 IG vins et spiritueux –, ainsi que de 20 IG marocaines.

Vos rapporteurs y voient la preuve que le système des indications géographiques n'est pas ce protectionnisme déguisé que certains lobbys outre-Atlantique aiment à dénoncer. Il est parfaitement compatible avec l'ouverture de zones de libre-échange, et, partant, de reconnaissance mutuelle d'agricultures de qualité.

C'est à ce titre que de récentes études d'opinion ont confirmé un goût croissant sur le marché américain de produits d'origine protégée comme le Comté. C'est toujours à ce titre que les producteurs viticoles de la région de la Napa Valley, que M. le Secrétaire d'État Matthias Fekl a rencontré très récemment, soutiennent la cause des indications géographiques au sein de leur propre pays. Ils ont en effet adhéré au principe d'un cahier des charges strict, de la reconnaissance de leur travail par des labels et donc de la nécessité que les consommateurs aient une bonne information.

C'est pour toutes ces raisons que le système de protection des indications géographiques (IG) fait partie de ces forces sur lesquelles l'Union européenne peut compter, et doit être considéré comme ce que l'on appelle un « offensif », à défendre dans le cadre des accords de libre-échange.

Le jeu va être serré. Les interlocuteurs de vos rapporteurs ont confirmé que la position des négociateurs américains s'est progressivement fermée, ce qui n'est pas sans lien avec le zèle des lobbys des grandes fermes américaines contre la reconnaissance des indications géographiques. L'enjeu est désormais de savoir sous quelle forme et selon quel calendrier la question des indications géographiques va être traitée. Les Américains souhaitent la traiter en fin de discussions. Mais vos rapporteurs estiment que les enjeux sont trop importants pour qu'elle ne soit pas traitée avant la conclusion de l'accord, ce qu'on appelle techniquement l' « end-game ». Les indications géographiques forment un sujet à part, et ont, la plupart du temps, fait l'objet d'un chapitre entier dans les accords de libre-échange qu'a négociés la Commission européenne. Là encore, comme l'a dit M. le Secrétaire d'État Fekl, mieux vaut ne pas signer d'accord que d'avoir un mauvais accord. Si nos partenaires ont la volonté de signer avant le changement d'administration, qui peut être défavorable au destin du PTCI, il ne revient pas à la Commission européenne de satisfaire ces desiderata à n'importe quel prix.

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