Intervention de Danielle Bousquet

Réunion du 22 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, HCEfh :

Merci, madame la présidente et monsieur le président, d'avoir réagi si vite après la remise de notre rapport à la ministre.

Si nous nous sommes intéressés à la question de l'éducation à la sexualité, c'est qu'elle constitue pour nous un levier indispensable pour atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes ; nous avions d'ailleurs commencé à travailler sur ce sujet dès 2014, avant même la saisine ministérielle.

Compte tenu des blocages constatés et de ce que l'on peut lire sur le sujet, nous avons souhaité comprendre ce qui faisait obstacle à la bonne application de la loi du 4 juillet 2001 et, surtout, souhaité formuler des préconisations afin de faire respecter les obligations légales que cette loi a imposées à notre pays à l'égard des jeunes.

Comme en a encore témoigné l'attentat homophobe d'Orlando la semaine dernière, nous constatons régulièrement, lorsque les fanatiques expriment leur haine des homosexuels, que la sexualité, qu'on le veuille ou non, se trouve au coeur des rapports de domination et constitue un terreau fertile pour les violences, la radicalisation et les obsessions mortifères. Nous le constatons à travers toute une série d'attentats et de crimes perpétrés contre les populations homosexuelles et contre les femmes.

Nous avons le choix entre fermer les yeux et évacuer un sujet si éruptif que l'on préfère l'ignorer, ou celui de prendre à bras-le-corps la réalité et décider de la changer, singulièrement par l'éducation à la sexualité.

Quelle est la réalité aujourd'hui ? Ce n'est un scoop pour aucun d'entre vous, c'est un fait : tous les jeunes ont une vie sexuelle, que les adultes veuillent le reconnaître ou non.

Au cours des années 1970, des progrès considérables ont été réalisés en matière de contraception et d'usage du préservatif, et nous savons qu'aujourd'hui 90 % des premiers rapports sexuels sont protégés, même si certains jeunes n'utilisent jamais de préservatif.

Mais, dans le domaine des stéréotypes sexistes, les choses n'évoluent pratiquement pas ; or l'adolescence, qui est souvent la période d'entrée dans la vie amoureuse, constitue un moment révélateur des inégalités entre filles et garçons ainsi que des discriminations liées à l'orientation sexuelle.

Les garçons, par la pression sociale, sont sommés d'être virils avant tout, et ceux qui ne correspondent pas à cette norme font l'objet d'un rejet.

Les filles sont, quant à elles, soumises à la double injonction d'être à la fois désirables et respectables, et les injures les plus fréquemment proférées dans les cours d'école correspondent précisément à cette injonction. Elles sont particulièrement contrôlées dans leur tenue vestimentaire, leurs déplacements et leurs comportements amoureux réels ou supposés. C'est vrai dans la rue et dans les transports, et le rapport que le HCEfh a publié il y a environ un an et demi a fait le constat de cette réalité. Les filles sont ainsi victimes de harcèlement sexiste et sexuel à de nombreux moments de leur vie.

Ce harcèlement existe dans la vie réelle, mais aussi dans les réseaux sociaux, et le phénomène de réputation est particulièrement prégnant dans la vie des jeunes filles, puisqu'une collégienne sur cinq déclare avoir été ou être victime de cyber-harcèlement. Cela doit alerter les adultes que nous sommes, responsables à un titre ou un autre de l'éducation de nos jeunes.

On constate que ces stéréotypes et rôles de sexe, attachés aux garçons autant qu'aux filles, entraînent des conséquences aussi nombreuses que dramatiques : détérioration du climat scolaire, perte d'estime et de confiance en soi, particulièrement chez les filles, échec scolaire plus important chez les garçons assignés à être avant tout virils, ou encore rapports violents, tant sur le plan physique que psychologique, entre garçons et filles, mais aussi entre garçons et entre filles.

Nous devons collectivement prévenir ces violences, certes en apprenant aux filles à ne pas se mettre en danger, mais surtout, en apprenant aux garçons à ne pas mettre les filles en danger.

Le législateur a souhaité, par la loi du 4 juillet 2001, rendre obligatoire l'éducation à la sexualité, à raison de trois séances par an, à tous les degrés de la scolarité ; depuis la plus tendre enfance, car l'éducation au respect de l'autre commence dès cet âge, jusqu'à la classe de terminale. Et la représentation nationale a à nouveau souhaité légitimer la nécessité de l'éducation à la sexualité et à l'égalité entre les femmes et les hommes dans la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

En 2009, puis de nouveau en 2015, l'IGAS a relevé une application parcellaire de l'éducation à la sexualité au sein de l'Éducation nationale, ainsi que des contenus très restrictifs. Cela signifie que l'on s'est essentiellement attaché à expliquer comment ont fait les bébés, au détriment d'une réelle éducation à la sexualité et de réponses aux questions des jeunes.

Margaux Collet, qui est aussi rapporteure, va vous présenter les grandes lignes de nos constats et recommandations, avant que nous répondions à vos questions plus précises.

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