Intervention de Maud Olivier

Réunion du 22 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier :

Je vous remercie, mesdames, pour ce rapport, car, depuis longtemps, les associations et les acteurs du secteur nous alertent sur l'application incomplète de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception qui emporte, vous l'avez dit, l'obligation de dispenser cette éducation à la sexualité, chaque année, à tous les élèves.

Cette loi était et demeure ambitieuse ; elle est à la hauteur de l'enjeu. Nous, parlementaires, avons récemment choisi de la renforcer, par la loi de lutte contre le système prostitutionnel, qui prévoit qu'« une information sur les réalités de la prostitution et les dangers de la marchandisation du corps est dispensée dans les établissements secondaires, par groupes d'âge homogène » et que les séances d'éducation à la sexualité doivent présenter « une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes et qu'elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain. » Par ailleurs, la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté » a souhaité préciser dans le texte que les trois séances d'information à la santé, dispensées aux jeunes de seize, dix-huit et vingt-trois ans comprendraient un volet relatif à l'éducation à la sexualité.

Je vous remercie également d'avoir posé l'enjeu de l'éducation à la sexualité au-delà de celui de la notion de risques. Oui, il y a des maladies sexuellement transmissibles (MST), et il faut tout mettre en oeuvre pour lutter contre. Oui, la sexualité c'est notamment la reproduction, mais qui n'en constitue qu'une infime partie. Ces deux enjeux ne doivent pas constituer l'unique objet de l'éducation à la sexualité. La question des stéréotypes sexistes n'est pas assez souvent abordée, alors que ces stéréotypes tuent : ils font le lit des violences sexuelles, sexistes et homophobes.

Je vous remercie encore d'aborder le sujet de façon apaisée mais ferme quant aux valeurs, principes et contenus de l'éducation à la sexualité. Nous avons connu il y a quelque temps une campagne de désinformation qui a fait beaucoup de mal aux enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi aux enseignants. Quand quelques individus brandissaient des pancartes « Touche pas à mes stéréotypes », d'autres faisaient courir des rumeurs sordides et imbéciles auprès des parents sur le contenu des « ABCD de l'égalité »... Le résultat est qu'il est devenu encore plus difficile qu'avant d'intervenir dans les écoles pour parler du respect entre filles et garçons, et que des projets permettant de lutter contre les violences sexistes et sexuelles sont annulés.

Devant ces mouvements réactionnaires, il faut réaffirmer que l'école forme les citoyennes et les citoyens de demain. Et si nous voulons qu'ils se considèrent comme étant sur un pied d'égalité, qu'ils soient autonomes et émancipés ; si nous voulons voir les violences sexistes et sexuelles diminuer, alors oui, il faut que l'éducation à la sexualité soit dispensée dans les termes que vous proposez dans le rapport : fondée sur l'égalité des sexes et des sexualités, adaptée à l'âge, et, bien entendu, s'appuyant sur des informations scientifiques sans jugement de valeur.

Je veux revenir sur deux recommandations du rapport qui me semblent être de bon sens et ont trait à l'application de la loi de 2001.

Il existe aujourd'hui une trentaine de postes à temps plein d'intervenants consacrés à l'éducation à la sexualité, désignés par les recteurs ; il y a là un réseau de référents à l'égalité entre filles et garçons que l'on pourrait progressivement transformer en postes de délégués académiques chargés de l'éducation à l'égalité et à la sexualité.

On demande beaucoup aujourd'hui aux enseignants et aux établissements, on ne peut pas laisser reposer sur eux la responsabilité de la mise en oeuvre de ces sessions d'éducation à la sexualité : l'enjeu mérite que soient mis à leur disposition les outils ainsi que des intervenants et des personnels convenablement formés.

Vous proposez d'organiser la coordination des financements à l'échelon académique. De fait, les acteurs du secteur sont confrontés à une multiplicité de microfinancements provenant des ARS, des ministères chargés de la jeunesse et des sports, de l'éducation nationale, de la cohésion sociale… Il faut consolider et simplifier les financements, soit par un appel à projets dédié, soit par la mise en commun de financements croisés.

Enfin, je voudrais, mes chers collègues, rendre hommage à Benoîte Groult, décédée hier, qui aurait été ravie de nous entendre dialoguer sur ce sujet à l'Assemblée nationale, elle qui a tant fait pour l'égalité entre les femmes et les hommes. À ses yeux, cette égalité passait nécessairement par la maîtrise de leur sexualité par les femmes, à travers l'avortement bien sûr, mais aussi par la connaissance et la confiance dans leur propre corps comme de leur sexualité.

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