Intervention de Margaux Collet

Réunion du 22 juin 2016 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Margaux Collet :

Dans la conduite de nos travaux, nous avons beaucoup utilisé le rapport de la Délégation aux droits des femmes sur le projet de loi pour une République numérique, dont la partie consacrée à internet est très complète.

Nous présentons une approche globale des réseaux sociaux, et mentionnons certaines applications comme Twitter, Facebook et Snapchat ; nos constats concernent aussi les sites de rencontre, toujours plus répandus chez les jeunes, et susceptibles de présenter des risques. Ces réseaux font aujourd'hui partie intégrante du mode de socialisation des jeunes puisque neuf adolescents sur dix sont connectés à au moins un réseau social, et que la multiplication des smartphones permet d'y accéder en permanence.

Nous avons constaté que l'influence de ces pratiques sur la représentation qu'ont les jeunes de la sexualité est mal connue, c'est pourquoi nous demandons qu'une enquête soit diligentée sur ce sujet, ce qui fait l'objet de notre première recommandation. De fait, la dernière enquête consacrée à la connaissance de la sexualité des jeunes, qui remonte à 1995, ne prenait pas internet en compte.

Les réseaux sociaux ne sont pas exempts de danger, comme le cyber-harcèlement ou le revenge porn, consistant à diffuser des photographies intimes d'une personne sans son consentement, et qui, très majoritairement, concerne des jeunes filles. Les jeunes ne mesurent pas pleinement la portée de ces risques qui, par ailleurs, sont peu ou mal traités par l'Éducation nationale. Le collectif Féministes contre le cyber-harcèlement nous a indiqué que, lorsque de tels faits sont commis, l'établissement scolaire choisit le transfert de la jeune fille dont la photo a été diffusée, car les victimes manifestent des troubles pouvant aller de l'échec scolaire jusqu'au suicide.

À ce jour, il n'existe aucun site national d'information expliquant en quoi consiste le revenge porn ou la publication sans le consentement de l'intéressée de photographies à caractère intime, ce qui explique que les victimes sont totalement démunies lorsque ces images sont diffusées. Les victimes se sentent coupables et sont souvent culpabilisées pour avoir adressé de telles photos à leur ex-petit ami ; de leur côté, les agresseurs n'éprouvent aucune responsabilité puisqu'internet garantit l'anonymat et provoque une dilution de la responsabilité. Dès lors qu'en quelques minutes une photographie peut être diffusée par 150 personnes, il n'est plus possible de savoir qui se trouve à l'origine de l'agression : qui plus est, les auteurs de ces faits ignorent même que ceux-ci sont répréhensibles.

Il est donc indispensable de sensibiliser les jeunes aux risques d'exposition de leur vie privée en ligne, de leur rappeler qu'une relation amoureuse ne dure pas nécessairement toute la vie, et qu'il peut être imprudent d'adresser – fût-ce à son petit ami du moment – des images relevant de l'intimité. Par ailleurs, les auteurs potentiels de ces faits doivent être sensibilisés aux conséquences psychologiques considérables qu'ils peuvent avoir sur la victime.

Le contenu des séances d'éducation à la sexualité doit donc être adapté à ces réalités, et les personnels de l'Éducation nationale formés au moyen de modules dédiés afin de leur fournir des clés de prévention de ces pratiques et leur apprendre à orienter les victimes. Cela pourrait être intégré dans les cours d'éducation morale et civique désormais inscrits dans les programmes scolaires, et passe par la formation initiale et continue des enseignants, susceptible d'être complétée par des outils mis à disposition sur des plateformes en lignes comme Eduscol.

Nous avons repéré des sites internet présentant toujours le risque de diffuser des informations erronées : le rapport mentionne Doctissimo, qui est un forum, mais bien d'autres sont présents sur la Toile. Ce type de site est alimenté par les internautes eux-mêmes, et les jeunes ne sont d'ailleurs pas les seuls exposés à ces fausses informations : beaucoup d'adultes posent des questions concernant leur santé. La loi ne sanctionne pas la diffusion d'informations erronées par des particuliers : c'est pourquoi nous proposons de rendre visibles et de faire connaître les ressources fiables et adaptées.

Tous nos interlocuteurs ont considéré que les jeunes ne disposaient d'aucun site de référence susceptible de répondre aux questions qu'ils se posent sur la sexualité, et des sites tels Onsexprime.fr sont particulièrement mal référencés par les moteurs de recherche ; nous avons d'ailleurs fait le même constat au sujet des sites consacrés à l'accès à l'avortement. Le site Onsexprime.fr, créé par l'INPES, a su s'adapter et développer des outils correspondant à la réalité des jeunes en proposant des chats anonymes avec des professionnels et des médecins ainsi que des petites « web-séries » humoristiques parlant leur langage.

Afin de le faire connaître, nous proposons des campagnes d'affichage dans les établissements scolaires ainsi que dans toute structure accueillant des jeunes. Mais nous savons qu'aujourd'hui le papier est loin de constituer le meilleur vecteur, et qu'une campagne d'information doit aussi passer par les réseaux sociaux : il conviendrait de réaliser sur internet une campagne sponsorisée à laquelle les jeunes ne pourraient pas échapper. Des spots, conçus par l'INPES et l'Éducation nationale, pourraient encore être diffusés sur les radios s'adressant aux jeunes car ce type de stations plébiscitées par la jeunesse libère la parole et évoque la sexualité sans tabou ; le danger réside toutefois dans le caractère souvent sexiste et homophobe des propos échangés. Enfin, des clips pourraient être diffusés à la télévision aux heures de grande écoute afin de provoquer le dialogue entre parents et enfants ainsi qu'entre les jeunes eux-mêmes, comme cela a été pratiqué en Norvège, où, à une heure de grande écoute, était diffusée une émission consacrée à l'éducation à la sexualité.

Le manque de célérité dont font preuve les réseaux comme Twitter et Facebook lorsqu'il leur est demandé de retirer des photographies publiées sans le consentement des victimes est régulièrement dénoncé : il conviendrait de les sensibiliser à ce problème.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion