Intervention de Juliette Rapinat Freudiger

Réunion du 5 juillet 2016 à 17h30
Commission des affaires économiques

Juliette Rapinat Freudiger, présidente de la société Loxos :

Je m'inscrirai quelque peu en faux avec ce qui vient d'être affirmé. Je ne suis pas d'accord avec la gratuité et il me semble normal de payer pour un service. L'entreprise Loxos est spécialisée dans la fabrication de mobilier destiné aux crèches et aux établissements de santé. C'est une société qui a maintenant 25 ans et que j'ai reprise, il y a huit ans, après une longue carrière dans des grands groupes de luxe. L'entreprise réalise 4 millions d'euros de chiffre d'affaires, essentiellement en répondant à des marchés publics. Nous équipons aujourd'hui une maternité sur deux et près d'une crèche sur trois en France, grâce à des produits plutôt haut de gamme. Ce secteur étant arrivé à maturité en France, il faut aller chercher la croissance à l'export.

Or, pour aller à l'export, nous avons effectivement besoin des services de Business France, pour peu que ces services soient à la hauteur et, qu'en particulier, les VIE – qui, bien souvent, terminent tout juste leurs études – soient correctement encadrés pour être performants dans les réponses qu'ils apportent aux entreprises qui viennent chercher des marchés.

Cependant, la première condition, pour aller à l'export, est de dégager suffisamment de marges. Or, aujourd'hui, il me semble que l'on nous prend d'un côté ce que l'on nous donne de l'autre. À titre d'exemple, je fabrique aujourd'hui mes produits à Orbec, dans le sud du Calvados, où il n'y a quasiment plus d'industrie, et je paie 29 000 euros de cotisation foncière des entreprises. Nous devons payer beaucoup trop d'impôts alors que nous ferions mieux d'investir cet argent à l'export pour développer nos entreprises. En effet, aller à l'export suppose de s'inscrire dans le temps long ce qui nécessite des ressources internes importantes.

Par ailleurs, les règles du code des marchés publics sont assez contre-productives : elles ont tendance à tirer les prix vers le bas. Les entreprises allemandes dégagent plus de marges car elles peuvent vendre plus cher.

Pour réussir à l'export, nous avons embauché des VIE, un en Angleterre, un autre en Allemagne et le dernier à Dubaï. Mais nous ne sommes pas assez aidés pour convaincre d'autres PME de notre écosystème de partager cet accès aux marchés. Un VIE, même aidé, coûte cher, autour de 70 000 € par an aux Émirats arabes unis. Seules des marges solides en France permettent de financer une croissance à l'export. En revanche, quand les marges commencent à s'éroder en France, le développement international devient extrêmement compliqué. Je déplore que nous ne réussissions pas à fédérer les PME en France. C'est un mal national : on parle souvent de « chasser en meute », mais les chefs de PME françaises ont beaucoup de mal à concevoir de travailler en commun. Business France fait beaucoup d'efforts en ce sens, mais cela va prendre beaucoup de temps. Travaillez donc à fédérer les PME ! À cet égard, les régions et les pôles de compétitivité sont des notions parfois contre-intuitives. Il existe, par exemple, un pôle de compétitivité en matière de santé, Eurasanté, situé à Lille, qui refuse de travailler avec nous car nous ne sommes pas dans la même région ! Les Hauts-de-France ou la région Rhône-Alpes sont très puissantes, et travaillent exclusivement pour elles, alors qu'en matière de santé, les compétences sont réparties sur l'ensemble du territoire. Les compétences devraient donc être fédérées au niveau national. Par ailleurs, nous avons obtenu une subvention de la région Basse-Normandie pour un VIE – à hauteur de 50 % de notre ticket modérateur – mais toutes les régions ne donnent pas de telles aides, ce qui crée une concurrence déloyale entre les régions. Une articulation nationale est nécessaire pour éviter cette concurrence inutile.

De plus, notre entreprise fabrique des équipements à destination du secteur médical, mais non des dispositifs médicaux à proprement parler. Or, dans les pays fortement administrés comme le Vietnam, la Russie ou l'Ukraine, il nous est demandé un marquage « CE », qui n'est pourtant pas requis pour nos produits. Les autorités douanières ne comprennent pas cette absence de tampons ou de labels, tant elles y sont habituées. Le marché peut rester fermé à cause de cela.

Il faut avoir la foi chevillée au corps pour faire de l'export pour une PME. Mais le véritable enjeu est celui du financement. Les entreprises exportatrices sont très entourées – quand je me suis installée à Orbec, toutes les organisations consulaires et territoriales sont venues vers nous pour nous aider – et l'on se démène pour leur trouver des subventions. Mais l'export devrait d'abord être financé par les résultats de l'entreprise.

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