La réunion

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Audition de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi d'actualisation de la loi de programmation militaire.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Nous avons le plaisir de recevoir le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, pour une audition, fermée à la presse, consacrée à l'actualisation de la loi de programmation militaire (LPM), sur laquelle notre commission aura à se prononcer pour avis immédiatement après cette audition.

Il s'agit d'un projet d'actualisation qui prévoit un accroissement des ressources des armées de 3,8 milliards d'euros par rapport à ce qui était prévu dans la loi de programmation initiale – ce qui est une bonne surprise, car nous sommes généralement habitués à des évolutions inverses. Monsieur le ministre, cette actualisation résulte d'un fort engagement de votre part, entendu par le Président de la République, dans un contexte d'insécurité important dans notre environnement immédiat.

Il fallait, d'abord, sécuriser les ressources de la défense. Pour la seule année 2015, il manquait 2,1 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, liées à la vente des fréquences autour de 700 mégahertz (MHz), qui ne pouvaient être disponibles à temps. On avait, pendant un temps, envisagé la création de sociétés de projet destinées à racheter du matériel militaire pour le louer aux armées – procédé d'ailleurs proposé sous la précédente législature. Le Président de la République a finalement pris un engagement fort : celui de substituer à ces recettes exceptionnelles par nature aléatoires des crédits budgétaires.

Par ailleurs, l'opération Sentinelle, qui a conduit à affecter des éléments importants de nos forces armées pour sécuriser notre territoire à la suite des attentats de janvier dernier et a vocation à être pérennisée, a fait peser des contraintes supplémentaires sur les armées. Je comprends donc que, dans l'arbitrage qui a été rendu, plus de 18 000 postes seraient épargnés par rapport aux précédentes économies envisagées.

Il était, enfin, nécessaire de faire face aux besoins en équipements les plus urgents sur les théâtres d'opérations. Vous pourrez nous préciser, à cet égard, les affectations de ressources supplémentaires et leur calendrier. De même, une partie des ressources supplémentaires affectées aux équipements doit provenir d'économies ; vous pourrez nous préciser exactement ce qu'il en est.

Nous avons salué ici nos récents succès à l'exportation. Votre engagement personnel a été déterminant pour la signature – acquise ou imminente – de contrats avec l'Égypte, l'Inde et le Qatar. Quelles en sont les conséquences pour l'exécution de la LPM ?

Le prochain Conseil européen sera pour partie consacré à l'Europe de la défense. On se souvient qu'en décembre 2013 a eu lieu le premier conseil des chefs d'État et de gouvernement sur ce sujet, où on avait prévu une feuille de route, à laquelle vous avez pris une part importante. Quels progrès ont été enregistrés à cet égard ? A-t-on avancé sur le projet d'un eurodrone ? Avez-vous le sentiment que nos partenaires ont davantage conscience de la nécessité d'accroître leur effort de défense et leur niveau d'engagement extérieur ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

L'actualisation de la LPM était inscrite dans la loi de décembre 2013. Son article 6 prévoyait, en effet, qu'à la fin de l'année 2015, le point devait être fait devant le Parlement sur l'avancement de la programmation et un certain nombre de questions en suspens, en particulier, l'exportation des Rafale, la mobilisation des ressources exceptionnelles, la déflation des effectifs et l'évolution du contexte stratégique.

Le Président de la République a souhaité, après les événements de janvier, accélérer le processus et faire en sorte que, compte tenu de la nouvelle donne stratégique, cette actualisation ait lieu avant l'été. Une autre actualisation est prévue dans le présent projet de loi à la fin de l'année 2017.

Il s'agit bien d'une actualisation et non d'une révision. Cela veut dire que les fondamentaux de la LPM restent les mêmes, notamment ceux de nos missions. Ainsi, le triptyque protection-dissuasion-intervention, qui a été mis en valeur par le Livre blanc, reste déterminant, même si des inflexions sont proposées en raison de l'évolution de la situation, menaces et conflits ayant pris une ampleur sans précédent. Les menaces de la force et les risques de la faiblesse, qui étaient la thématique du Livre blanc, étaient apparus dès 2013, mais ils ont acquis aujourd'hui une simultanéité, une soudaineté et une gravité, qui font que l'ensemble se cristallise – les risques de la faiblesse, avec toutes les menaces asymétriques, les menaces de la force, avec la crise ukrainienne.

En Europe, d'autres pays commencent à mettre les enjeux de défense plus au centre de leurs préoccupations. C'est à la fois une bonne nouvelle, parce que ce souci est partagé, mais aussi une mauvaise, car cela résulte de l'accroissement des risques et des menaces. La tonalité des débats a donc changé depuis mes débuts comme ministre de la défense.

Neuf points principaux caractérisent l'actualisation de la LPM.

Premièrement, le Président de la République a fait le choix de définir un nouveau contrat de protection sur le territoire. Dans le triptyque dissuasion–intervention-protection, l'objectif est désormais que nos armées disposent de la capacité de déployer, dans la durée, 7 000 soldats sur le territoire national, avec la faculté de monter jusqu'à 10 000. Cet effort porte essentiellement sur la force opérationnelle terrestre (FOT), qui passera de 66 000 postes dans la LPM initiale à 77 000. Nous avons ainsi fait le choix politique de renforcer les capacités de notre armée professionnelle pour assurer la protection de notre territoire, plutôt que de retenir d'autres idées telles que celles d'une garde nationale ou d'une réserve territoriale massive. Cela nous conduira d'ailleurs à une réflexion importante avec le chef d'état-major des armées (CEMA) et le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT) sur le concept d'emploi et les moyens de ces unités – qui n'ont pas vocation à être des auxiliaires, mais à assumer une mission de protection exigeante. En ce moment, cette mission s'inscrit dans les dispositifs de Vigipirate et de Sentinelle ; demain, ce pourra être dans un autre. En tout cas, il faut une cohérence pour l'ensemble de nos forces : il n'y a qu'une armée de terre, et il n'y aura pas de régiments à vocation spécifique de protection du territoire ou de projection à l'extérieur, exception faite des forces spéciales.

Deuxièmement, en raison de ce choix, le Président de la République a décidé un allégement des déflations d'effectifs – de 18 882 équivalents temps plein (ETP) par rapport au profil de départ, qui était de 34 664 ETP –, dans le but de renforcer nos capacités opérationnelles, essentiellement pour la protection du territoire, et de faire face à certains besoins majeurs et croissants dans les domaines du renseignement et de la cyberdéfense. Compte tenu de la déflation déjà effectuée en 2014, la période entre 2015 et 2019 verra se croiser des renforcements et des déflations d'effectifs. J'ai d'ailleurs souhaité qu'il y ait l'urgence pour pouvoir engager dès à présent le processus de recrutement des personnels militaires, qui doivent être formés avant d'être affectés : une campagne de communication a été lancée à cette fin par l'armée de terre, que je trouve bien faite. J'inclus bien dans cet ensemble le renforcement de la cyberdéfense, avec 1 000 postes supplémentaires pourvus entre 2014 et 2019, ainsi que des services de renseignement, avec 650 postes supplémentaires, répartis entre la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM) et la direction de la protection et de la sécurité de la Défense (DPSD).

Troisièmement, le Président de la République a décidé d'accroître la dépense de défense de 3,8 milliards d'euros par rapport à la trajectoire initiale de la LPM. Sur ce total, 2,8 milliards d'euros sont affectés au nouveau contrat de protection, à la fois pour les soldes, les équipements et les infrastructures nécessaires. Une partie du milliard restant, à hauteur de 500 millions d'euros, est consacrée à l'entretien programmé du matériel (EPM), qui subit des contraintes sérieuses en raison du nombre, de la durée et des conditions d'exécution des opérations. Ces 500 millions viennent s'ajouter à l'effort significatif que j'avais souhaité dans la LPM sur ce volet qui était devenu la variable d'ajustement. Il s'agissait d'abord de se remettre à niveau, puis qu'on augmente de 4,3 % par an les sommes qui lui sont affectées.

Les autres 500 millions d'euros seront consacrés à des acquisitions capacitaires, auxquels s'ajoutera 1 milliard d'euros tiré du coût des facteurs beaucoup plus favorable maintenant qu'en 2013, en raison de la baisse du coût de l'essence ou de la moindre inflation notamment. Cela permettra de répondre à l'ensemble de la programmation capacitaire de la LPM, qui n'est pas remise en cause, et d'accélérer certains programmes, en particulier la composante hélicoptère, dont les dernières opérations montrent l'importance – 7 Tigre et 6 NH90 supplémentaires vont être ainsi commandés –, l'acquisition d'un troisième satellite MUSIS d'observation spatiale, en coopération avec l'Allemagne, et le renforcement de la capacité d'écoute ROEM pour les drones Reaper.

Quatrièmement, le Président de la République a pris la décision, en Conseil de défense, de supprimer les ressources exceptionnelles (REX) et de les transformer, dès 2015, en crédits budgétaires, ce qui est une grande nouveauté. Ces REX existent déjà depuis plusieurs années. En 2015, elles s'élevaient à environ 2,4 milliards d'euros – sur lesquels il nous restait à trouver 2,2 milliards – et à 6,2 milliards sur la durée de la programmation. Il n'y aura donc plus de ressources exceptionnelles, en dehors des ressources immobilières qui sont relativement marginales. En 2015, la prochaine loi de finances rectificative (LFR) permettra l'inscription des crédits budgétaires nécessaires pour compenser ce qui était prévu initialement, c'est-à-dire les ressources liées à la mise aux enchères des fréquences de 700 MHz. À partir de 2016, ces crédits seront inscrits en loi de finances initiale. Au total, l'effort de la France en faveur de sa défense s'élèvera à 162 milliards d'euros entre 2015 et 2019, contre 158,61 milliards prévus initialement.

Cinquièmement, le projet de loi marquera la création des associations professionnelles nationales de militaires (APNM), qui permettra la rénovation de la concertation militaire. Comme vous le savez, le droit français a interdit de longue date aux militaires de créer ou d'adhérer à des groupements professionnels, et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la France, estimant que cette interdiction générale et absolue était contraire à l'article 11 de la convention européenne des droits de l'homme. Le projet instaure donc le droit pour les militaires de créer et d'adhérer librement à de telles associations en vue de préserver et promouvoir les intérêts des militaires concernant la condition militaire – et non l'organisation de la défense, ni les questions de commandement. Ces associations, qui n'existent pas encore, devront être nationales et intercatégorielles, et participeront aux travaux du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), qui est aujourd'hui composé de personnels militaires tirés au sort dans leurs unités, avec une proportion d'officiers, de sous-officiers et d'hommes du rang, et une répartition entre les différentes armées.

Sixièmement, ce projet renforce de manière exceptionnelle la réserve opérationnelle, ce qui était une de mes priorités. Le nombre de réservistes passera de 28 000 à 40 000 dans les cinq ans qui viennent, en essayant de faire un effort de communication significatif pour améliorer les conditions d'appel des réservistes opérationnels et l'attractivité de la réserve, et en prévoyant de porter de cinq à dix jours en continu la durée d'activité des réservistes, au lieu de quelques journées éparses qui ne permettaient pas une préparation suffisamment significative. J'ai eu un dialogue nourri sur ce sujet avec le MEDEF, qui a été consulté sur certaines dispositions principales du projet. Il s'agit aussi d'une priorité du CEMA.

Septièmement, le texte prévoit l'expérimentation en métropole par le ministère de la défense d'un service militaire volontaire (SMV), en déclinaison du service militaire adapté (SMA) qui existe outre-mer. Trois sites sont prévus, dont deux déjà identifiés – Montigny-lès-Metz, en Moselle, et Bretigny-sur-Orge, dans l'Essonne –, qui permettront une expérimentation dès la rentrée 2015. Le troisième centre ouvrira en 2016. L'ensemble accueillera 1 000 volontaires, qui auront un statut militaire et bénéficieront d'une formation militaire professionnelle et d'une éducation citoyenne. Cette expérimentation pourra donner lieu à une généralisation, qui ne rentrera plus dans le cadre de la mission de mon ministère, mais de celle du ministère du travail et de l'emploi.

Huitièmement, le projet permet, non seulement d'être au rendez-vous des capacités indiquées dans la LPM initiale, mais aussi de donner des inflexions et des renforcements. Cela règle le problème du Rafale dont, en l'absence de commandes à l'exportation, nous étions tenus d'assumer la livraison de onze appareils par an, ce qui nous aurait amenés à accélérer le processus de montée en puissance de notre aviation de chasse au détriment d'autres programmes.

Je signale au passage qu'en matière d'exportation d'armes, nous allons atteindre des records historiques en 2015, puisque nous doublerons probablement le chiffre de 2014, lui-même en augmentation de 30 % par rapport à celui de 2013, lequel était de 40 % supérieur à celui de 2012 ! Elles ne concernent d'ailleurs pas que les Rafale : le programme égyptien comporte, outre les livraisons de cet avion, celles d'une frégate et d'armements associés. Entre la logique d'exportation et la logique interne, les carnets de commande de nos industriels sont donc assurés sur le moyen terme.

J'ajoute deux points à cet égard. D'abord, nous nous sommes mis d'accord avec mes collègues allemande et italienne, la semaine dernière, à Bruxelles, sur le principe de mise en oeuvre de l'Eurodrone, qui est le projet de drone de reconnaissance de type MALE susceptible de succéder au Reaper dans les années 2023-2024. Finmeccanica, Dassault et Airbus travaillent ensemble à cette fin. Ensuite, la consolidation industrielle se poursuit dans le secteur terrestre avec le rapprochement entre Nexter et KMW, que j'ai engagé l'année dernière. Celui-ci devrait se conclure dans le courant de l'été sous la forme d'un accord. Il s'agira d'un ensemble européen important.

Nous sommes également soucieux que les forces spéciales, que nous avons portées de 3 000 à 4 000 hommes, aient les équipements d'accompagnement nécessaires.

Neuvièmement, ces inflexions n'empêchent pas la poursuite des plans stratégiques des armées. Il y avait déjà le plan de l'armée de l'air, « Unis pour faire face », « Horizon marine 2025 » pour la marine, « SSA 2020 » pour le service de santé des armées et « SCA 2021 » pour le service du commissariat des armées. Je les ai validés et ils sont en cours de mise en oeuvre. J'ai également validé celui de l'armée de terre, « Au contact ! », qui devrait entraîner une réorganisation significative de cette armée pour faire face aux nouvelles menaces, avec notamment la création d'une brigade d'aérocombat, qui s'ajoutera aux six brigades interarmes densifiées qui seront mises en place progressivement.

S'agissant de l'Europe, le Conseil européen de décembre 2013 a été le premier à s'intéresser aux affaires de défense. Il avait fixé un rendez-vous en juin 2015, qui va être tenu, et qui permettra de vérifier si un certain nombre d'engagements pris ont été mis en oeuvre – en particulier les drones et l'action maritime qui avait été définie et affirmée au Conseil européen de septembre 2013.

J'attends du Conseil européen du mois de juin qu'il permette d'avancer sur quatre sujets de préoccupation. Le premier est de faire en sorte que les groupements tactiques ou battle groups, qui n'existent pour l'instant que sur le papier, puissent être effectivement en action en cas de crise. Je l'attends d'autant plus que nous allons avoir une succession de présidences de nations cadres déterminées à aller de l'avant.

Le deuxième point est la mise en oeuvre d'un dispositif permettant d'assurer les capacités des États tiers à renforcer leur propre sécurité, en particulier à travers la création d'un nouvel instrument de financement donnant à l'Union européenne la possibilité de soutenir la mise en place des forces de sécurité qu'elle aide à former. L'idée est de faire en sorte que tout ce qui participe à l'équipement non létal dans une opération européenne de formation puisse être fourni par un instrument financier spécifique – faute de quoi, certains, comme les Maliens, seraient obligés de faire la quête auprès des Émirats arabes unis ou des États-Unis pour avoir les moyens de structurer leurs bataillons.

Le troisième point est de rendre la coopération européenne plus attractive par un dispositif financier adéquat, notamment sous la forme d'une exonération de TVA pour les acquisitions de capacités en coopération au niveau européen.

Quatrième point, enfin, organiser le soutien de l'industrie de défense européenne par l'Union européenne en rendant désormais possible le financement des secteurs de recherche sur le budget de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), ce qui n'était pas envisageable il y a encore moins d'un an.

Sur chacun de ces points, la France a des alliés. Depuis deux ans, la coopération du groupe de Weimar, entre l'Allemagne, la Pologne et la France, d'une part, et les membres de « Weimar + », l'Espagne et l'Italie, d'autre part, fonctionne plutôt bien. Nous sommes en train de cristalliser des conceptions communes qui, je l'espère, pourront se poursuivre, même s'il y a un changement de gouvernement en Pologne.

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Merci de ces propos éclairants. Un ennemi terroriste s'est manifesté, différent de celui prévu dans le Livre blanc, qui a frappé à deux reprises au plan national et dans de nouveaux théâtres au plan international. Sur le plan intérieur, il n'y a pas de problème d'évaluation stratégique, même si Sentinelle pose des problèmes d'organisation et de financement. En dehors de nos frontières, nous sommes engagés dans cinq grandes opérations extérieures (OPEX), mais nous n'intervenons pas en Syrie ni en Libye. Quelle doctrine stratégique nous conduit à limiter ainsi nos interventions ?

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Je voudrais féliciter, au nom du groupe socialiste, l'action du ministre : cette actualisation est son oeuvre. Il faut aussi souligner la force de l'arbitrage du Président de la République. Il y avait trois doutes dans la LPM initiale, dont deux ont été levés – les REX et la vente des Rafale, qui est historique. Reste – et restera toujours, à mon avis – la question de la répartition de la charge des OPEX, qui fait l'objet d'une discussion annuelle avec les autres ministères.

La vente d'armements est une excellente nouvelle pour nos industriels, la France et la LPM, mais elle a des conséquences sur les effectifs de militaires qui vont former les soldats étrangers à l'utilisation de nos armements, en particulier dans l'armée de l'air ou dans la marine. Or il semble qu'il y ait des tensions dans ces deux armées sur ces unités de formation. Il faut veiller à ce qu'elles puissent bénéficier de la même attention que l'armée de terre, de façon à ce que l'effort sur les effectifs soit équitablement réparti. D'autant qu'une deuxième difficulté risque de résulter de la vente sur étagère, au profit de l'Égypte, d'une frégate multimissions (FREMM) déjà en acquisition dans la marine ainsi que d'un certain nombre de Rafale. Cela risque de déséquilibrer en partie nos capacités. Cet acte commercial est-il unique ? Les armées seront-elles certaines de bénéficier de leur matériel ?

Concernant Sentinelle, il s'agit d'une opération qui était nécessaire sur le moment, mais qui s'avère lourde, car elle implique le déploiement de 7 000 hommes sur le territoire national, soit à peu près ce qui est déployé sur les théâtres extérieurs. Si le choix de l'armée peut se comprendre, on a quelques interrogations sur le cadre juridique, la durée de l'opération et la formation des personnels. Quels outils allez-vous mettre en oeuvre pour que la formation soit la plus opérationnelle possible, sachant que les compétences et réflexes nécessaires ne sont pas les mêmes sur des théâtres caractérisés par des combats de haute intensité et aux alentours d'une école ?

Enfin, vous avez expliqué qu'il s'agissait d'une réforme de doctrine importante au sein de l'armée de terre. Il paraît nécessaire que le Parlement soit associé à la réflexion en cours sur ce sujet, car ce changement n'est pas neutre pour la République.

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Permettez-moi de vous féliciter pour le record de ventes d'armes. Il est doux à nos oreilles d'entendre des hommes de gauche valider les thèses que nous défendions jadis, qui étaient critiquées au nom des marchands de canons et fauteurs de troubles impérialistes ! Et il est bon de voir la gauche atterrir dans la géopolitique du monde réel et en plus réussir – aidée, il faut le dire, par votre talent et quelques changements au Moyen-Orient.

Plusieurs questions se posent au sujet de ce texte, qui nous est parvenu très tard.

D'abord, l'essentiel des 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires porte sur l'après 2017. Il s'agit donc d'un chèque tiré sur le prochain Gouvernement ! On aurait pu espérer que davantage d'effort soit fourni sur la période qui nous sépare de l'élection présidentielle de 2017, vu l'urgence.

Pour l'année 2015, nous avons tous mesuré un besoin de financement, que vous attribuez uniquement aux REX. Mais il faudrait ajouter aussi les reports de crédits, le montant d'1,2 ou 1,4 milliard consacré aux OPEX et le coût de l'opération Sentinelle, que je souhaiterais que vous nous précisiez. Si ce besoin est comblé, merci de nous préciser en quoi, et de nous dire par quoi vous allez remplacer les 2,2 ou 2,4 milliards de REX. J'avais cru comprendre qu'il ne devait pas y avoir de loi de finances rectificative : vous nous dites maintenant qu'il y en aura une, ce qui est une bonne nouvelle – nous la demandions. Mais d'où proviendront ces fonds de remplacement ? Par ailleurs, qui va financer le surcoût des OPEX, par rapport aux 450 millions d'euros budgétés, ainsi que l'opération Sentinelle ? Au total, il me semble que le « trou » pour l'année 2015 avoisine plutôt les 3,5 à 5 milliards d'euros que les 2,2 milliards des REX.

Comment sera financé le dédommagement sur les navires Mistral ? Quand aura-t-il lieu et qui paiera ?

S'agissant de la doctrine d'emploi des forces armées de terre sur le territoire national, est-il pensable de former des soldats à des opérations de police dans les aéroports ou devant des lieux de culte ? Est-ce leur mission ? Cette question mérite un vrai débat.

Concernant les OPEX, dans le dispositif actuel, nous sommes amenés à voter une fois, au plus tard quatre mois après la décision d'engagement, puis il n'y a plus vraiment de suivi. Or Sangaris est plus une opération de gendarmerie coûteuse et difficile qu'une opération militaire ; au Mali, si l'opération Serval est terminée, on n'a toujours pas d'accord de paix ; l'opération Barkhane est une intervention de présence longue, qui peut, notamment s'agissant de l'attitude à l'égard de la France, avoir des conséquences problématiques.

Votre texte soulève donc des questions de doctrine importantes sur la configuration de nos armées compte tenu de la menace intérieure, une question substantielle sur la nature des OPEX et une série de questions financières redoutables pour l'année 2015, jusqu'en 2017 et au-delà. Pour l'instant, nous sommes très sceptiques sur ce que nous entendons, à savoir des engagements chiffrés très forts et, derrière, une réalité difficile à appréhender clairement.

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Je vous félicite, monsieur le ministre, pour votre compétence et votre action.

Alors que notre pays consent d'importants efforts pour réduire le déficit public, plusieurs voix s'élèvent, au premier rang desquelles la vôtre, pour demander que soit pris en compte à l'échelle de l'Union européenne les efforts de financement des opérations militaires européennes. C'est en effet notre pays qui, au Sahel notamment, assume la plus grande partie de l'effort de défense européen. Or, lors de sa dernière audition devant notre assemblée, Pierre Moscovici a indiqué que ce sujet n'avait pas été évoqué par la Commission européenne. Je comprends que le président Juncker se mobilise pour une défense européenne mais, si celle-ci est indispensable, elle reste une perspective de moyen et long terme. Dès lors, exclure des déficits publics les dépenses consacrées au financement des OPEX de l'Union me semble être une solution de raison. Comment entendez-vous convaincre la Commission et l'Union européenne de se ranger à nos arguments ?

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Je me réjouis aussi de cette adaptation de nos forces armées.

Le projet de drone européen est porteur d'avenir, générant des développements intéressants pour la recherche et l'emploi. Comment sera-t-il accompagné au regard de l'intérêt national en termes d'emploi et d'environnement socio-économique ?

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L'utilisation de la FOT sur le territoire national pose un problème de fond. Depuis trente ans, en effet, on explique que la sécurité intérieure relève de la police. Il nous faut avoir un débat sur ce point.

Concernant les battle groups, un environnement favorable se met en place et on observe une réelle évolution des positions sur cette question, notamment au sein des parlements européens, ainsi que sur le mécanisme de financement commun Athena. Nous pourrions avoir une fenêtre d'opportunité pour avancer sur ces différents dossiers.

Quel est le calendrier de renforcement des effectifs pour la DGSE, la DRM et la cyberdéfense ?

Enfin, le programme MUSIS d'observation sera-t-il accéléré ?

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Quel verrou est prévu dans le texte pour que la nouvelle représentation des militaires ne « dérape » pas ?

Comment comptez-vous utiliser les 1 000 jeunes que vous prévoyez de former dans le cadre du SMV ?

Sur quel budget sera imputé le coût des indemnisations à la Russie concernant les navires Mistral ? Avez-vous des pistes pour revendre ces navires ?

Enfin, qu'est-ce qui vous rend plus optimiste sur la mobilisation des battle groups ?

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Concernant le renforcement de la réserve opérationnelle, disposez-vous de sondages indiquant le vivier potentiel de Français qui accepteraient de la rejoindre ? Avez-vous des éléments statistiques sur la durée moyenne d'engagement dans cette réserve ?

S'agissant de la création d'associations professionnelles, nous craignons les effets d'une syndicalisation. Il me semble qu'existait un Conseil national de la condition militaire : faut-il créer une autre structure ? A l'occasion d'une commission parlementaire sur Sievens et l'utilisation des forces de maintien de l'ordre, j'ai constaté qu'il y avait plus de trente associations de gendarmes. La seule à avoir été auditionnée était GendXXI, qui n'est d'ailleurs pas représentative et a un langage purement syndical. Quels garde-fous prévoyez-vous pour éviter que ce type d'associations ne devienne progressivement des instances à caractère revendicatif ?

Concernant Sentinelle, j'ai les mêmes réserves que mes collègues. Nos armées ne devraient pas devenir des forces de police – sans compter les conséquences en termes de burn out pour les militaires, qui sont extrêmement mobilisés.

S'agissant des OPEX, se pose le problème de leur durée. Dans quelle mesure ne seront-elles pas vécues comme des opérations d'occupation par les populations des pays concernés, en particulier les plus jeunes, qui n'en comprendront pas systématiquement l'utilité ?

Pour ce qui concerne, enfin, les Mistral, dans quels délais pourra-t-on les vendre ?

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Nous ne pouvons que vous féliciter des succès remportés par le Président de la République et vous-même sur les ventes des Rafale. Cela peut avoir des effets positifs sur les industries d'armement embarqué – je pense notamment aux missiles performants produits par la Sagem, dont la production était limitée. Quelles en seront les conséquences commerciales en dehors de l'aéronautique ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

L'affectation à la protection du territoire des forces armées professionnelles est effectivement une question importante. Je rappelle que cela existe depuis de nombreuses années en vertu du contrat opérationnel entre les armées et le Gouvernement, qui prévoit la protection du territoire, qu'elle soit terrestre, aérienne ou maritime. Les LPM précédentes prévoyaient ainsi la capacité de mettre en place, en cas de crise, 10 000 militaires – ce qui a été fait dans l'opération Sentinelle. C'est le choix en faveur d'une armée professionnelle vis-à-vis de menaces globales.

Il faut une armée unique amenée à remplir des missions différenciées au cours d'une même année, liées soit aux OPEX, soit à la protection du territoire – que l'opération s'appelle Vigipirate, Sentinelle ou autrement, si demain on a besoin d'une intervention d'un autre type. Dans tous les cas, on est confronté à un même danger et il y a une continuité entre action intérieure et action extérieure. Sentinelle doit donc être intégrée dans une conception globale, qui doit faire, en effet, l'objet d'un débat, y compris avec le Parlement – même s'il nous faut apporter une réponse immédiate, la menace étant permanente. Le CEMA et le CEMAT souhaitent aussi qu'on y réfléchisse.

Il est, dès lors, essentiel que les soldats soient aussi formés aux opérations intérieures (OPINT), ce qui a commencé à être fait. Ainsi, un mois après les attentats de janvier, après la diffusion, un matin, d'un message de Daech appelant à attaquer les forces françaises à l'arme blanche, l'après-midi, à Nice, un individu a agressé et blessé trois soldats de l'opération Sentinelle avec ce type d'arme : or ceux-ci, qui étaient armés et pouvaient ouvrir le feu, ont eu une maîtrise suffisante de leur arme et de leurs capacités pour empêcher cet individu d'agir sans tirer. C'est une illustration exemplaire d'une armée professionnelle.

Compte tenu des menaces asymétriques et des nouveaux types de risques, on n'est plus dans le concept antérieur de l'armée de terre et de l'armée professionnelle. La même armée de terre doit désormais s'occuper de cyberdéfense et avoir une brigade d'aérocombat, ce qui n'existait pas auparavant. Les mêmes hommes doivent donc avoir des formations différenciées, qui se complètent les unes les autres. Les questions que vous vous posez, je me les suis posées aussi avant que le choix soit fait d'augmenter la FOT, qui est globale et a des missions différentes, effectuées par ses sept brigades.

S'agissant des OPEX, nous sommes intervenus au Mali à la demande des autorités de ce pays et, dans la bande sahélo-saharienne, sous mandat des Nations unies et en complément de ses forces. Nous sommes donc dans notre rôle international de membre du Conseil de sécurité. Nous sommes, de même, intervenus en République centrafricaine sur mission des Nations unies pour éviter des massacres de masse. Aujourd'hui, nous nous en retirons assez rapidement : nous y avons 1 650 soldats, contre 2 500 auparavant, avant de passer à 800 à l'été, puis de retrouver dès l'automne notre niveau antérieur à l'aggravation de la situation. Nous serons remplacés par la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine (MINUSCA), qui a aussi pour rôle de mettre en place le processus politique et militaire. Ce processus politique se met d'ailleurs en oeuvre, puisque le forum de Bangui, qui s'est réuni il y a quinze jours, a abouti à un scénario permettant des élections à l'automne et la fin du processus de transition.

En Irak, nous intervenons à la demande des autorités de ce pays et dans le cadre de la collaboration que nous avons avec la coalition – sachant que nous n'intervenons ni en Libye ni en Syrie, même si le contexte est global. La grande nouveauté, à cet égard, est que le califat de Daech s'implante et qu'à la différence d'Al-Qaïda, qui commet des attentats ciblés, il est en train d'organiser un territoire, en voie d'extension, avec une administration et une fiscalité propres. Il est vrai qu'au moment du Livre blanc, on n'avait pas envisagé l'hypothèse que des groupes terroristes s'implantent sur un territoire, ce qui est très préoccupant.

Il est vrai aussi qu'il faut savoir arrêter une opération, comme je l'ai fait en Afghanistan, au Kosovo ou avec Atalante. C'est la condition pour en faire d'autres, sous réserve que la suite soit garantie, que la paix soit revenue ou qu'elle ne soit pas assurée par des forces militaires.

Par ailleurs, s'agissant des commandes de Rafale, il n'y a plus de doute et, sur les REX, une clarification a été apportée. Le rajout budgétaire de 2015 correspond à l'euro près aux REX inscrites dans la LPM de décembre 2013 ; 2,14 milliards d'euros seront inscrits dans la loi de finances rectificative de fin d'année, ce qui ne nous pose pas de problème : alors que les REX ne pouvaient antérieurement être affectées qu'à des investissements, je consacrerai cette somme à ceux-ci et pourrai ainsi engager de façon sereine le processus de commande. Quant aux REX suivantes, elles seront inscrites dans la loi de finances initiale. En d'autres termes, monsieur Lellouche, j'ai gagné mes arbitrages !

Je rappelle que ce sera la première LPM de l'histoire qui, non seulement sera respectée, mais bénéficiera d'une augmentation de crédits.

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Pouvez-vous nous préciser l'origine de ces fonds ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Ils viennent du budget de l'État, qui relève de la compétence du Premier ministre et du ministre des finances.

Je rappelle que 2,2 milliards d'euros devaient être couverts par la vente des fréquences de 700 MHz, dont j'ai toujours dit qu'elle ne serait pas au rendez-vous.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

À la fin de l'année dernière, j'ai donc réclamé une autre solution et le Président de la République a évoqué l'idée de la société de projet, qui résulte de l'application stricte de la loi – sachant que la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne permet pas les cessions d'actifs bruts et impose de passer par une société de capitaux. Il suffisait d'appliquer l'article 3 de la LPM, disposant que les cessions d'actifs permettent de financer des investissements. En tout état de cause, le produit de la vente des fréquences de 700 MHz ira à Bercy.

Monsieur Bui, il reste en effet une incertitude sur le financement des OPEX – il peut toujours y avoir une intervention imprévue –, mais je préfère avoir un petit montant budgétaire. On a eu une discussion, en décembre 2013, sur le montant de base de ces opérations – fixé à 450 millions d'euros –, puis la discussion est revenue dans le cadre des arbitrages et, là aussi, j'ai gagné l'arbitrage. Le coût supplémentaire est ensuite partagé entre les différents ministères et géré en fin d'exercice.

Quant aux ventes d'armements, elles vont effectivement entraîner des contraintes pour l'armée de l'air et la marine, surtout la commande égyptienne et, dans une moindre mesure, celle du Qatar, voire celle de l'Inde. Elles imposent de mettre du matériel à disposition de manière provisoire et des personnels pour former. Mais nous ferons en sorte que les moyens nécessaires soient affectés aux forces.

La FREMM sera évidemment remplacée, sachant qu'elle sera mise à disposition de l'Égypte à partir de la fin du mois de juin, ce qui suppose qu'on ait formé d'ici là suffisamment de marins et – comme tous n'auront pu l'être – qu'on mobilise dans un premier temps nos propres marins. Il nous faudra aussi livrer immédiatement trois Rafale, puis trois encore à Noël, qui seront pris sur nos propres forces mais qui seront remplacés, comme le sera aussi la frégate Normandie.

Monsieur Lellouche, le coût de Sentinelle s'élève à 230 millions d'euros en 2015.

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Cela sera-t-il prévu dans la loi de finances rectificative ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Cela fera l'objet du règlement final, comme les OPEX.

Quant aux 3,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires, ils se décomposent de la manière suivante : 0,6 milliard en 2016, 0,7 milliard en 2017, 1 milliard en 2018 et 1,5 en 2019. On estime, en effet, que la croissance repartira et permettra cette progression.

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Un tiers seulement de ces crédits sera donc prévu avant les élections de 2017 !

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Pour avoir connu beaucoup de gouvernements, je suis ouvert aux comparaisons, y compris sur les fins d'exercice ! Je rappelle, encore une fois, que je suis le seul ministre de la défense à avoir proposé une augmentation en cours de route du budget de la LPM.

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Mais où allez-vous trouver l'argent pour cela ? Allez-vous augmenter les impôts ou faire des économies ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

C'est plutôt au ministre des finances qu'il faut poser la question, puisqu'il s'agit du budget global de l'État.

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Quand le projet de loi de finances rectificative sera-t-il présenté au Parlement ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Avant la fin de l'année.

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Vous nous demandez donc de voter une loi en attendant la fin de l'année…

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Les 2,2 milliards d'euros que j'évoquais seront inscrits dans le projet de loi qui vous sera proposé.

Madame Dagoma, j'ai bien lu les deux déclarations de M. Juncker, l'une pour dire qu'il voulait une armée européenne, l'autre pour indiquer que cela n'avançait pas assez vite. Il y a trois moyens de faire avancer rapidement la défense européenne. D'abord, les battle groups, avec la présidence de la France à partir du 1er juillet, puis celles de l'Allemagne, de la Pologne et de l'Italie – ce qui est une très bonne configuration. Ensuite, l'attractivité financière. L'idée d'exclure des critères de Maastricht les dépenses d'investissement de défense avance : il y a une prise de conscience progressive. Cela pourrait commencer par Athena, se poursuivre par les investissements menés en coopération, puis par d'autres types d'investissements. De plus en plus de collègues ont une conception proche de la nôtre, qu'il s'agisse des Italiens, des Espagnols ou des Polonais.

Troisièmement, les drones, qui sont de deux types, qu'il ne faut pas confondre : les drones de combat et les drones d'observation. Pour les premiers, nous avons passé un accord avec les Britanniques pour définir le développement d'un drone susceptible de remplacer une partie de l'aviation de chasse dans une quinzaine d'années, les industriels concernés étant BAE et Dassault. Quant aux seconds, ils font l'objet d'un partenariat entre l'Allemagne, l'Italie et la France, en vue d'une échéance de réalisation plus courte, en 2023-2024, sachant que nous entrons dans la phase de définition, avant les phases préindustrielle et industrielle. En tout cas, l'Eurodrone est sur les rangs, ce qui aura évidemment des conséquences sur l'emploi.

Monsieur Lesterlin, nous ne vendons pas les mêmes Rafale aux trois clients : les appareils sont différents dans le standard et dans l'armement, les plus sophistiqués étant pour l'Inde. Cela étant, pour chaque contrat, une partie est assurée par Sagem-Safran, ainsi que par MBDA et Thales.

Quant au SMV, son coût est de 35 millions d'euros.

Quant à la décision sur le programme MUSIS, elle a été actée.

Par ailleurs, la DRM bénéficiera de 200 postes supplémentaires, sachant que la DGSE avait déjà été bien renforcée.

Enfin, les APNM sont, en effet, une source de préoccupation, mais il nous faut respecter l'arrêt de la CEDH. Cela étant, elles ne pourront intervenir que sur la condition militaire, ce qui est précisé dans le texte – qui prévoit aussi des restrictions concernant les droits de grève, de manifestation ou d'action collective. Il y aura, à mon avis, un nombre peu important d'associations, dont il nous faudra fixer le taux de représentativité. Je rappelle que ces associations devront être intercatégorielles et nationales pour être reconnues, dans des conditions prévues par décret, et qu'elles siégeront au CSFM en occupant au maximum un tiers des sièges.

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Que faut-il entendre par intercatégorielles ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Cela veut dire qu'il ne pourra y avoir, par exemple, une association exclusivement composée de généraux et que chaque association comprendra tous les niveaux – ce qui correspond au verrou que vous suggériez.

La Commission procède ensuite, sur le rapport de M. Gwenegan Bui, à l'examen pour avis du projet de loi d'actualisation de la loi de programmation militaire (n° 2779).

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Je tiens à signaler les difficultés qui ont entouré ce travail. Non seulement, le texte nous est parvenu tardivement, ce qui a empêché certaines auditions, mais des personnes invitées à travailler avec la Commission des affaires étrangères n'ont pas fait montre d'une grande volonté pour se livrer à cet exercice. Je tenais à ce que cela soit dit, car nous serons de plus en plus conduits à connaître des questions militaires, tant il est vrai qu'en ce domaine, défense et relations internationales fonctionnent comme le bouclier et le glaive. Aussi, serait-il bon que les consciences puissent évoluer afin que nous travaillions en bonne intelligence.

Le projet de loi actualisant la loi de programmation militaire (LPM) repose sur des ruptures stratégiques qui se situent au coeur des débats parlementaires. En moins d'un an et demi, l'ensemble du schéma géostratégique a éclaté : janvier 2013, opération Serval ; printemps 2014, crise russo-ukrainienne ; été 2014, émergence de Daesh, opération Barkhane, épidémie de fièvre Ebola ; novembre 2014, cyber-attaque de Sony par la Corée du Nord ; janvier 2015, attentats de Paris. La situation n'étant pas tenable dans la durée, il était nécessaire, pour que les armées puissent accomplir les missions confiées par l'exécutif, de faire évoluer la LPM. Le Président de la République a donc fait des choix de nature à lever un certain nombre de doutes qui pesaient notamment sur les ressources exceptionnelles (REX), les ventes de Rafale ou la maîtrise des opérations extérieures (OPEX).

La décision importante de cette LPM actualisée, c'est l'augmentation des ressources de la défense de 3,8 milliards d'euros. Ainsi que l'ont dit le ministre de la défense et la présidente de la Commission, c'est l'une des premières lois de programmation qui ira à son terme. Mieux encore, elle marquera la reprise de la progression des crédits militaires. C'est loin d'être neutre, car cela signifie le recrutement d'équivalents temps plein (ETP) et le financement de l'achat ou de l'entretien des équipements.

S'agissant des effectifs, sur une déflation annoncée de plus de 30 000, 18 000 postes seront préservés, principalement au bénéfice de l'armée de terre avec 11 000 postes. Il faudra être très vigilant à ce que la mission Sentinelle ne conduise pas à déshabiller l'armée de l'air et la marine. Ces armées, très engagées sur les théâtres d'opérations extérieures, font appel à des spécialités nombreuses et difficiles à préserver, dont les effectifs sont en tension. En particulier, les ingénieurs atomiciens de la marine sont très convoités par le secteur privé. Les arbitrages doivent être d'autant plus équitables que la formation des équipages étrangers mobilise 200 personnels de l'armée de l'air pour les Rafale et une moitié d'équipage pour la frégate multimission (FREMM) vendue à l'Egypte. Ce sont autant d'hommes et de femmes qui ne sont pas disponibles pour les missions fixées par l'exécutif.

Les équipements se verront affecter 2 milliards d'euros supplémentaires, dont 1 milliard provenant d'économies sur les programmes du ministère de la défense liées à l'évolution favorable du coût des indices du pétrole, de l'inflation et de l'euro. À ce stade, nous n'avons que très peu de visibilité sur ce milliard. Nous savons qu'il s'agit d'économies à réaliser au cours des prochaines années : ce ne sont donc pas des crédits disponibles, d'où une part d'incertitude. Or ces économies seront en fait tout ce dont disposeront les armées en 2016 et en 2017 pour financer les équipements prévus par l'actualisation. Il faut donc que nous suivions de près cette question, parce que ces équipements ne sont pas du bonus, ils répondent à des besoins réels, parfois critiques, sur les théâtres d'opérations extérieures.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour insister sur trois points relatifs à la situation de la politique de défense de la France, dans un contexte international qui ne cesse de se tendre.

L'opération Sentinelle constitue un premier sujet d'inquiétude, avec la présence de 7 000 soldats sur le territoire national, soit à peu près autant que les forces engagées en opérations extérieures. Cela est loin d'être indifférent puisque le Parlement n'a pas à connaître des opérations intérieures. Le ministre de la défense a accepté que celui-ci puisse avoir une discussion avec l'état-major pour être éclairé sur la mission de ces soldats. Pourquoi les mobiliser dans ce cadre alors qu'ils sont entraînés pour des missions de combat ? Comment leur donner une formation compatible à la fois avec des situations d'extrême tension et avec la surveillance d'écoles, qui n'impliquent pas les mêmes réflexes ? Les règles d'engagement doivent aussi être précisées, notamment en ce qui concerne l'autorisation de tirer. Lorsque cette opération a été lancée par le Président de la République, la situation d'urgence la rendait légitime, mais si elle devait durer, il conviendrait qu'elle s'exerce dans un cadre juridique stable permettant un contrôle par le Parlement, à l'instar du vote de confirmation que celui-ci donne pour les OPEX. Nous devons conduire une réflexion sur ce point.

Le deuxième sujet de préoccupation a trait aux exportations d'armement. C'est une bonne nouvelle pour Dassault, qui va pouvoir faire tourner les chaînes de montage et les bureaux d'études et faire travailler ses prestataires ; c'est une bonne nouvelle pour nous, parce que nous n'aurons pas à financer les appareils prévus par la LPM. Cependant, lorsque l'on vend un Rafale ou une FREMM, on ne vend pas seulement un équipement industriel ; on vend aussi une alliance et une influence. D'où la nécessité de s'interroger sur les conséquences stratégiques de ces ventes d'armement. Quels sont nos clients ? L'Égypte, à qui nous avons vendu une frégate multimissions et des Rafale ; le Qatar, à qui nous venons de vendre des Rafale ; l'Arabie Saoudite, qui vient de signer un contrat de 3 milliards pour équiper l'armée libanaise ; bientôt peut-être, les Émirats arabes unis s'équiperont aussi de Rafale. Il n'est pas neutre que tous ces pays soient situés dans la même zone géographique. Sans que cela soit dit, c'est une véritable relation stratégique qui est en train de s'établir : en vendant des équipements à peu près identiques à tous les pays voisins du Golfe, nous construisons une alliance. Je crains que nous ne soyons en train de choisir un camp dans une région compliquée où il n'est pas certain qu'il soit dans notre intérêt de prendre parti. Cela va, d'ailleurs, à rebours des principes de la diplomatie française dans cette région, et nous allons devoir trouver les moyens de rééquilibrer notre relation avec l'Iran, ainsi que le préconisait un rapport établi au nom de notre commission à ce sujet.

Il en va de même, dans une moindre mesure peut-être, du contrat que nous négocions avec l'Inde. S'il est important de nouer un partenariat stratégique fort avec ce pays, la vente de Rafale, tout en constituant un élément majeur de cette démarche, contribue également, du fait du caractère exclusif des négociations, à reléguer au second plan un autre acteur stratégique important de cette région : le Pakistan. Alors que les États-Unis et le Royaume-Uni ont aujourd'hui une relation forte avec ce pays, ce n'est plus notre cas. Ici aussi, il ne faut pas seulement songer à vendre ses armes, il faut rechercher un équilibre afin de préserver les intérêts supérieurs de la France.

Le troisième sujet de questionnement est l'Europe. Dans le rapport, je pose la question d'un réveil stratégique européen sous l'effet de la dégradation du contexte international et du retour du géant russe, pour conclure, hélas ! et comme d'habitude, que l'on ne l'observe pas encore. En réalité, chaque pays réagit en fonction de son voisinage et de son histoire, au regard de ce qu'il pense être ses propres intérêts dans le domaine de la sécurité. Il n'y a pas vraiment d'analyse commune des intérêts de sécurité de l'Europe. On peut espérer que l'élaboration d'une nouvelle stratégie européenne de sécurité sera l'occasion de rapprocher les conceptions et d'affirmer l'indivisibilité de la sécurité européenne, mais énormément de progrès restent à faire.

Soyons réalistes, les différences de priorités et de cultures stratégiques dans l'Europe à vingt-huit sont vouées à perdurer. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas de carte à jouer. L'application du principe de solidarité entre Européens dans la mise en oeuvre de la politique de défense nous ouvre des chantiers très intéressants avec des pays qui augmentent substantiellement leur effort de défense ou ont prévu de le faire. Aujourd'hui, 13 pays européens ont décidé d'augmenter leur budget. Celui de la Pologne devrait ainsi dépasser les 2 % du PIB en 2016. Ce pays a une culture stratégique proche de la nôtre, et il est prêt à s'investir dans les questions de sécurité au sud de l'Europe pourvu que ses préoccupations à l'Est soient prises en compte – à travers notamment la question récurrente du prépositionnement de troupes sur son territoire. Les pays de l'Est sont en quête d'une réassurance qui ne peut être sans conséquence sur le géant russe. Il sera donc nécessaire, un jour, de débattre de la pertinence d'un positionnement de forces européennes dans certaines zones de l'Union.

L'Allemagne aussi est en train de se réveiller. Les ministres de la défense et des affaires étrangères ont pris position en faveur d'un investissement plus grand de ce pays dans la résolution des conflits mondiaux, y compris sur le plan militaire. La Chancelière a annoncé que le budget de défense serait en augmentation à partir de 2016. Ce pays ne concevant la mise en oeuvre de sa politique de défense que dans un cadre institutionnel, cela pourrait avoir un effet moteur sur l'Europe de la défense.

Cependant, il y a fort à parier que le sujet continuera à progresser au sein de l'Europe sur le mode du « minilatéralisme », c'est-à-dire par petits groupes de pays qui partagent la même culture stratégique et des préoccupations pratiques. Cela n'empêchera pas de faire avancer l'Europe de la défense, mais deux fers au feu – la grande théorie et ce minilatéralisme – valent mieux qu'un.

Pour relancer l'Europe de la défense, le directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) Jean-Pierre Maulny propose une initiative intéressante, qui consisterait à exempter des règles sur les déficits publics les crédits supplémentaires affectés volontairement par les pays européens à des nouveaux projets communs en matière de R&D et de capacités. Cette idée pourrait fonctionner dans un contexte où les Européens sont plus réceptifs aux questions de sécurité. De l'intérêt de tout le monde, elle permettrait de relancer des projets innovants et coopératifs dans les domaines de l'industrie et de l'armement, et de ne pas s'en tenir au projet de l'A400M. Chacun perçoit l'intérêt pour la France de pouvoir extraire des dépenses de R&D de son déficit.

L'actualisation était nécessaire. La décision du Président de la République permet à notre armée de répondre aux défis qui sont devant elle, et à la France de conserver son rang de grande nation membre du Conseil de sécurité ainsi que de préserver ses ambitions et ses intérêts. Ce grand acquis ne doit pas nous empêcher de débattre sur le fond de notre politique de défense et de ses conséquences.

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Vous avez fort bien expliqué les ruptures stratégiques qui justifient la loi de programmation. Comme vous, je suis persuadée qu'il est indispensable que notre commission se penche sur ces questions de défense. Le contexte rend la politique étrangère indissociable des considérations militaires et il nous faut intensifier notre réflexion, d'autant que nous devons faire face à un effort d'équipement soutenu en dépit des contraintes budgétaires.

Il faut, en effet, prolonger notre réflexion sur le type de forces à déployer pour prévenir les attentats terroristes sur le territoire national. La question du contrôle parlementaire s'inscrit en première ligne de ce débat.

Les ventes d'armes à un État ne doivent pas être interprétées comme un ralliement pur et simple à ses objectifs de politique extérieure ni comme une manifestation d'hostilité à l'égard des pays avec lesquels il aurait des différends voire des conflits. À chaque vente d'armes, le sujet est soulevé, et cela doit être clairement dit.

Comme vous, je pense inutile de théoriser l'Europe de la défense tant que la politique étrangère européenne n'est pas unifiée – et ce n'est pas pour demain. En revanche, on peut accomplir des progrès très concrets, comme l'illustre le projet d'eurodrone évoqué par le ministre, même si l'échéance se situe à l'horizon de 2024 ou 2030. Également, beaucoup de nos partenaires, en premier lieu l'Allemagne, réactualisent leur doctrine, ce que nous avons constaté l'année dernière à la conférence de sécurité de Munich. Nous devons intensifier nos concertations avec ce pays qui contribue significativement à la mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM Mali), et l'encourager à persévérer.

Pour concrétiser les projets, je ne parlerais pas de « minilatéralisme » mais de coopérations renforcées, voire structurées, qui existent dans le traité européen. S'il est un domaine dans lequel les coopérations à quelques pays sont encouragées, c'est justement celui de la défense bien plus que celui de la politique étrangère. Sans avoir à s'inscrire dans le cadre juridique contraignant des articles relatifs à la coopération structurée, ces coopérations peuvent trouver une légitimité sur une autre base juridique. L'important, c'est d'être d'accord sur le fond. Ainsi, le ministre a abordé la question sous l'angle du développement de l'industrie de défense, qui est important à la fois pour nos intérêts et notre capacité, et pour la mutualisation de certains équipements, tels les drones. Cette dernière permet d'éviter les erreurs du passé, comme l'aberration qu'a pu constituer l'existence de plusieurs avions de combats européens. Vous avez insisté sur ces aspects à juste titre.

J'espère que l'actualisation du document de Javier Solana permettra de disposer d'une analyse claire des besoins de prévention commune contre les menaces. Mais cela ne doit surtout pas être un prétexte pour nous empêcher d'avancer sur les sujets concrets que sont la mutualisation des capacités – avec les groupes tactiques, ou battle groups, européens – et la promotion d'une vraie industrie européenne de défense à travers des programmes de recherche duaux susceptibles d'être aidés par le budget de l'Europe.

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Je salue le travail du rapporteur dont je partage le point de vue quant à l'existence d'un faisceau d'indicateurs d'un réveil de l'Europe. Même si cela ne permet pas forcément d'avancer très vite, cela a son importance dans le cadre d'une politique des petits pas. Je pense que le travail diplomatique qui est conduit en amont dans les situations de crise peut être élargi au renseignement qui, aujourd'hui, reste souvent l'affaire de discussions bilatérales. C'est un débat que les parlements devraient s'approprier à l'occasion de la révision de la stratégie européenne que la Haute représentante engagera dès l'automne et qui devrait s'achever au premier trimestre 2016.

Enfin, et comme la présidente l'a rappelé, nous sommes probablement en face de la première loi de programmation militaire qui sera respectée.

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Je m'associe à l'hommage rendu au travail de notre rapporteur. Au-delà de l'aspect stratégique, il ne faut jamais perdre de vue que, pour la France, la dimension industrielle de la défense est fondamentale. Tous les efforts de rationalisation faits en Europe, dans le domaine du transport par exemple, constituent des éléments positifs pour notre industrie et notre emploi.

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Sur ce sujet, le ministre de la défense m'a demandé de participer à un groupe de travail de haut niveau conjointement organisé par la Commission européenne, la Haute représentante et la commissaire chargée des questions industrielles. Ce groupe de travail est chargé de promouvoir une action préparatoire, c'est-à-dire la possibilité, pour le budget européen, de financer des efforts de recherche conduits par les industries de défense, ce qui est encore impossible aujourd'hui. Si nous parvenons à faire admettre cette démarche par l'échelon politique, un pas très important sera fait, car les industriels sont intéressés.

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Nous devons créer rapidement les conditions d'un dialogue avec l'exécutif et l'état-major au sujet de la mission Sentinelle. À cet égard, il me semble que Mme la présidente de la Commission devrait saisir la conférence des présidents de notre assemblée, car, depuis trois ans que je suis député, j'ai pu observer que bien des engagements pris par des ministres devant nous ne sont pas suivis d'effet. Si nous n'organisons pas nous-mêmes le contrôle, nous risquons de ne plus avoir à discuter que des aspects budgétaires et pas des conditions d'engagement. N'oublions pas qu'un épisode de l'histoire de la République, au cours duquel l'armée de terre a été déployée sur le territoire national, ne s'est pas bien terminé. L'armée anglaise a occupé l'Ulster pendant vingt ans ; il n'est pas certain que cela ait été une réussite, et en tous cas les circonstances étaient très différentes. Mieux vaut donc nous assurer de pouvoir discuter le cadre de l'intervention des forces afin, qu'en toute conscience, le Parlement puisse se prononcer.

En ce qui concerne nos ventes d'armes au Moyen-Orient, nous donnons, au regard des pays concernés, l'impression de rejoindre la coalition sunnite. Par le dialogue et une expression publique équilibrée, nous devons convaincre l'ensemble des acteurs de la région que ces ventes ne traduisent pas une volonté de choisir un camp dans une situation éminemment complexe.

L'Union européenne se trouve à un moment charnière. Elle a beaucoup progressé dans les années 80 sous l'impulsion d'hommes qui avaient une vision, mais aussi parce que la menace soviétique était présente. Avec sa disparition, la nécessité et la volonté de faire plus dans le domaine de la défense se sont amenuisées. Aujourd'hui, le réveil de la Russie redonne corps à cette nécessité. La politique des petits pas doit être poursuivie, notamment dans le cadre des coopérations renforcées telles que les textes les permettent. Pour avoir participé à diverses auditions et discussions avec des chefs militaires et des think tanks, je constate une prédilection générale pour un vocabulaire minimaliste, prudence peut-être héritée des grandes annonces faites par le passé sur l'Europe de la défense et restées lettres mortes. Nous devrions cependant pouvoir progresser de façon très concrète dans les années à venir.

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi.

La séance est levée à dix-neuf heures cinq.