La réunion

Source

La séance est ouverte à 17 heures.

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La Délégation procède à l'audition d'organisations syndicales de salariés sur l'avant-projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, avec Mme Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale de la CFDT chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle, Mmes Dominique Marchal et Lucie Lourdelle, secrétaires confédérales de la CFDT, Mme Sophie Binet, membre de la direction confédérale chargée de l'égalité femmes-hommes, secrétaire générale adjointe de l'UGICT-CGT, et Mme Céline Verzeletti, membre de la direction confédérale de la CGT, Mme Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance (SNCAPA), et Mme Barbara Reginato, conseillère technique de la CFE-CGC, M. Claude Raoul, secrétaire confédéral de la CFTC et M. Saïd Darwane, conseiller national de l'UNSA.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous continuons les travaux de la Délégation sur le projet de loi visant à « instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ».

Mesdames et messieurs les représentants et représentantes des syndicats de salariés et chargés de l'égalité femmes-hommes, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous avons à désigner un ou une rapporteur d'information, puisque j'ai souhaité que la Délégation se saisisse de ce projet de loi. J'ai reçu la candidature de Marie-Noëlle Battistel qui, au regard de la charge importante, a proposé qu'elle et moi soyons corapporteures.

Pourquoi cette saisine de la Délégation aux droits des femmes sur le projet de loi présenté par Myriam El Khomri ? Je rappelle que la population active française est composée à 48 % de femmes. Or, au regard de la résistance des inégalités entre les femmes et les hommes en matière d'égalité professionnelle, et alors que 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, quarante ans de lois nous ont enseigné deux choses. D'abord, l'égalité femmes-hommes au travail n'avance que si l'on s'en occupe ; autrement dit, tous les salariés ne sont pas égaux devant le travail, et les femmes le sont moins encore que les hommes. Ensuite, si l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ne fait pas l'objet de mesures spécifiques, au mieux, elle fait du surplace, au pire, elle perd du terrain. D'ailleurs, l'Europe demande depuis 2006 aux États des mesures spécifiques, avec la directive 200654CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.

Sans préjuger des résultats de nos travaux, j'affirme donc comme préalable que nous saisir de ce projet de loi, c'est être déterminés à l'améliorer pour une prise en compte plus forte de l'égalité femmes-hommes. Certains syndicats ici représentés demandent le retrait du texte, d'autres y voient des avancées au travers de la négociation. Je souhaite que cette audition permette à chaque syndicat de formuler des propositions d'amélioration concrètes, qu'il nous appartiendra de retenir ou non en tant que recommandations et, in fine, sous forme d'amendements éventuels.

Cela étant dit, je dois reconnaître que l'exercice auquel nous vous avons demandé de vous prêter est compliqué, et je vous remercie de l'avoir accepté. En effet, vous allez nous faire part de vos observations sur un projet de loi qui n'a pas encore été présenté en Conseil des ministres – il le sera jeudi.

Je tiens cependant à souligner trois points. Premièrement, le sujet des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes n'est pas nouveau. Depuis 2012, nous avons renforcé l'égalité dans chaque texte. Vous allez nous faire part des avancées observées et des problèmes qui demeurent sur le terrain, en plus de vos remarques sur le projet de loi. Deuxièmement, le projet de loi a largement circulé, dans sa première version, mais aussi dans sa version amendée, transmise au Conseil d'État, que nous pouvons tenir comme celle sur laquelle nous travaillons ici. Troisièmement, vous avez déjà pu vous prononcer au sein du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP), certes, sur la première version, mais j'imagine que vos propositions formulées à ce stade pourront inspirer vos observations sur la deuxième version de l'avant-projet de loi.

À propos de l'avis du CSEP, je veux dire ici mon mécontentement. J'ai demandé au ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle que cet avis soit communiqué à la Délégation aux droits des femmes. À l'heure où je vous parle, j'en attends toujours la réception annoncée. J'ai heureusement pu en avoir connaissance par une transmission non officielle. Une communication en bonne et due forme permettrait au Parlement d'accomplir son travail correctement et à la Délégation de mener à bien ses missions. Je saisis l'occasion pour indiquer que nous ferons le nécessaire, dans le cadre d'une évolution de son organisation, pour que le CSEP soit pérenne et puisse émettre librement des avis aisément consultables par le législateur. Notre réflexion est identique pour le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh), qui souhaite être pérennisé – dans sa communication du 8 mars, le Président de la République a souhaité sa consécration par l'inscription dans la loi, afin de le pérenniser. J'y insiste, les avis de ces deux instances nous sont extrêmement précieux dans le cadre de nos travaux.

Ces précisions faites, avant de vous donner la parole, je vous propose que nos travaux se déroulent de la façon suivante. Dans un premier temps, chaque syndicat prendra la parole pendant dix minutes. Je souhaiterais bien sûr que vos prises de parole sur le projet de loi se concentrent sur la question de l'égalité femmes-hommes – un questionnaire vous a été envoyé en préparation de cette audition. Dans un second temps, les députées et députés membres de la Délégation vous poseront des questions visant à préciser vos propos ou à aborder d'autres aspects.

Mais avant tout, je signale la présence parmi nous aujourd'hui de M. Alain Ballay, suppléant de Mme Sophie Dessus, décédée brutalement, qui était membre de cette Délégation et dont l'engagement pour les droits des femmes n'a jamais faibli.

Permalien
Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle et de la condition féminine de la CFDT

Madame la présidente, je me réjouis de la volonté d'oeuvrer pour la pérennité des instances que vous venez de citer, au travers desquelles nous pouvons défendre l'égalité professionnelle réelle.

Le projet de loi dont nous allons discuter aujourd'hui a été profondément modifié par rapport à celui sur lequel nous nous sommes positionnés au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP). La nouvelle mouture renforce le dialogue social et la négociation collective, elle permet la reconnaissance du fait syndical dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, et elle accorde une place accrue à la négociation en entreprise. Doit-on avoir peur de la négociation en entreprise ? Peut-on douter de la capacité des équipes à négocier dans une entreprise ? Pour la CFDT, qui se bat depuis longtemps pour le renforcement de la place et du rôle du syndicat dans l'entreprise, la réponse est non. La réorganisation des relations sociales autour d'un ordre public social, un rôle de la branche réaffirmé, un renforcement de la négociation d'entreprise, le mandatement dans les plus petites entreprises, toutes ces mesures sont de nature à amplifier le dialogue social et la négociation collective au plus près des réalités des entreprises et des salariés, hommes et femmes.

Pour la CFDT, les politiques économiques, les négociations et l'action sont indissociables de la question de l'égalité professionnelle : il s'agit de concevoir l'égalité en permanence, et en amont, en impliquant tous les acteurs.

Comme nous ne cessons de le répéter, le dialogue social est un enjeu de compétitivité, de progrès social, car il est un moyen pour les entreprises de s'adapter à leur environnement, tout en tenant compte des intérêts et des aspirations des salariés. Le projet de loi en l'état ne diminue pas les droits des femmes, mais offre une opportunité de faire avancer l'égalité professionnelle à la fois par la négociation et par le mandatement – en plus de la représentation accrue des femmes dans les instances représentatives du personnel (IRP), grâce à la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi. En l'occurrence, négocier dans les entreprises le temps de travail et les contreparties à d'éventuels assouplissements – plutôt que d'en rester aux sempiternelles contreparties financières – permet de mieux prendre en compte les questions de conciliation des temps. L'égalité professionnelle ne se résume pas à la réduction des inégalités salariales, elle concerne tous les sujets liés au travail. Même si elles demeurent nombreuses, les inégalités professionnelles ont été réduites ces dernières années, grâce à plusieurs évolutions législatives.

Dois-je rappeler que c'est par le dialogue social et la négociation au niveau interprofessionnel que les conditions des femmes se sont améliorées au fil du temps ? Que depuis 2012 un certain nombre de dispositifs négociés par les partenaires sociaux – complémentaire santé, règles sur le travail à temps partiel, mise en place du compte personnel de formation (CPF) – ont amélioré les conditions de vie et de travail de milliers de salariés, notamment des femmes ? En outre, la loi Rebsamen a introduit l'obligation de la parité pour les listes aux élections professionnelles, mesure pour laquelle la CFDT s'est battue, et qui va conduire à une présence significativement accrue des femmes aux tables des négociations. Dans les entreprises à majorité féminine, les représentants du personnel seront très majoritairement des femmes. La CFDT se refuse à considérer que ces femmes ne seraient pas en capacité de négocier. Par ailleurs, le dispositif du mandatement dans les très petites entreprises (TPE), dans lesquelles les femmes sont majoritaires, permettra de promouvoir les femmes aux responsabilités syndicales et ainsi de porter des revendications sur l'égalité professionnelle, pour peu que les organisations syndicales s'engagent dans cette voie.

Néanmoins, le changement culturel que requière la pratique du dialogue social ne se décrète pas, il se construit. Ce changement concerne les employeurs, les syndicalistes et les salariés. Dans ce nouveau contexte, ces derniers adapteront progressivement leur vote aux élections professionnelles et choisiront les organisations syndicales en mesure de construire des majorités et d'obtenir des évolutions favorables pour eux et pour leur entreprise.

Vous l'avez compris, pour la CFDT, ce projet en l'état ne porte pas directement atteinte à l'égalité professionnelle. J'apporterai des précisions lors des échanges qui vont suivre.

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

Nous regrettons l'absence d'étude d'impact sur ce projet de loi. Certes, les modifications apportées à ce texte sont bienvenues, mais elles demeurent insuffisantes.

En premier lieu, la philosophie même du projet de loi pose problème. Le préambule indique que des limitations peuvent être apportées aux droits fondamentaux si elles sont justifiées par les « nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise ». D'une façon générale, ce préambule tel qu'il est rédigé prouve que leurs rédacteurs ne connaissent rien à la problématique de l'égalité professionnelle.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce qui constituait un préambule du code du travail deviendra un article de loi posant des principes qui serviront de base à la réécriture de la partie législative du code du travail. Il nous faudra donc être vigilants sur les termes assez surprenants qu'il contient : égalité professionnelle « respectée », alors que l'Europe affiche une politique visant à « assurer » l'égalité ; « conciliation » entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, au lieu d'« articulation » comme nous le souhaiterions ; dispositions concernant l'« état de la femme » à propos de la grossesse et de la maternité...

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

En second lieu, l'inversion de la hiérarchie des normes introduite par le projet de loi aura des conséquences particulièrement dangereuses pour les salariées.

D'abord, la négociation par le salarié mandaté sera dérogatoire avec ce projet de loi. Or les femmes sont plus nombreuses dans les TPE-PME, où les organisations syndicales sont moins représentées. Par conséquent, la CGT prône le développement de la négociation, non pas de façon dérogatoire en entreprise, mais au niveau de la branche pour créer une sécurité sociale professionnelle. Dans le même ordre d'idée, il faut lutter contre la discrimination syndicale – se syndiquer est un facteur de discrimination pour 30 % des salariés –, mais aussi renforcer les droits et la représentation des salariés des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), avec par exemple des commissions des TPE en charge de l'égalité professionnelle.

Ensuite, cette inversion de la hiérarchie de normes aboutit à généraliser les logiques de dumping social et de low cost, avec des logiques de concurrence qui s'accroîtront entre les entreprises.

Plus grave : cette inversion de la hiérarchie des normes fait de la négociation en entreprise le lieu de la négociation des régressions, et non plus le lieu où peuvent être négociés des accords de conquête qui permettent d'obtenir des droits supplémentaires grâce à la loi ou un accord de branche. L'égalité professionnelle a avancé grâce à la loi, avec les obligations de négociation et les sanctions. Or renvoyer la négociation au niveau de l'entreprise sera dangereux en particulier pour les femmes.

Par ailleurs, ce projet de loi induit des reculs pour les droits des salariés, mais je vais axer mon propos sur ceux qui concernent particulièrement les femmes. L'inversion de la hiérarchie des normes s'applique d'abord au chapitre du temps de travail, mais ce projet de loi n'est qu'une première étape, les autres chapitres du code du travail seront concernés par la suite. Ce projet de loi finalise le détricotage des 35 heures, initié par la loi Fillon. En effet, la modulation du temps de travail passe d'un an à trois ans ! Or ces accords de modulation s'appliquent aussi bien pour les salariés à temps plein que pour les salariés à temps partiel, lesquels sont déjà très pénalisés par huit avenants relatifs aux compléments d'heures. Par conséquent, cette période de référence reculera d'autant le déclenchement des heures supplémentaires. En outre, la période maximale de modulation du temps de travail par décision unilatérale de l'employeur passe de quatre à neuf semaines. Ces dispositions pénaliseront donc particulièrement les femmes.

Toujours au chapitre temps de travail, les dispositions concernant les salariés à temps partiel nous inquiètent au plus haut point. D'ores et déjà, la rémunération des heures complémentaires des salariés à temps partiel est discriminatoire par rapport à celle des salariés à temps plein – avec des majorations de 10 % à 25 %, contre 25 % à 50 %. Or le projet de loi prévoit désormais que le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 %, ce qui suppose une baisse de la rémunération des salariés à temps partiel. De la même manière, le texte prévoit que les changements d'horaire des salariés à temps partiel sont possibles dans un délai de prévenance de trois jours – au lieu de sept jours, sauf s'il y a un accord de branche, qui ne peut fixer une durée inférieure à trois jours.

Par ailleurs, le Gouvernement recule sur les congés familiaux, qui ne sont plus définis dans la loi mais par accord d'entreprise. Or les aidants familiaux sont essentiellement des femmes. Quant aux règles des congés payés actuellement définies dans la loi – interdiction pour l'employeur de modifier les dates des congés payés un mois avant le départ du salarié, prise en compte de la situation familiale des salariées pour définir les dates de congés payés –, elles ne sont plus garanties dans le texte.

Au chapitre du dialogue social, ce projet de loi introduit également des reculs très graves.

D'abord, il introduit une validité de cinq ans pour les accords d'entreprise. Jusqu'à présent, le maintien des avantages acquis prévalait jusqu'à ce qu'il y ait un nouvel accord ; avec ce texte, l'accord est périmé automatiquement au bout de cinq ans sans maintien des avantages acquis. Or actuellement, le patronat est tenté de nous faire renégocier sur une base plus faible les accords sur l'égalité professionnelle qui arrivent à terme.

Ensuite, avec ce projet de loi, la périodicité des négociations annuelles obligatoires (NAO) peut devenir triennale. La loi Rebsamen permet que les négociations annuelles soient seulement organisées tous les trois ans sous réserve qu'il y ait un accord majoritaire d'entreprise. Demain, il suffira d'un accord de branche pour que les négociations annuelles deviennent triennales, ce qui aura un impact très négatif pour l'égalité femmes-hommes, en reculant d'autant les mesures de suppression des inégalités salariales et les mesures en faveur de l'égalité professionnelle et de la qualité de vie au travail.

Enfin, avec ce projet de loi, l'employeur peut s'opposer, sur décision unilatérale, à la publication d'un accord.

Dernier chapitre que je veux aborder : les licenciements.

Nous trouvons choquant que le patronat et le Gouvernement aient refusé de bouger sur la question des plans sociaux d'entreprise (PSE).

Plus grave : les accords de compétitivité dits « offensifs » élargissent considérablement la possibilité pour les entreprises de licencier, puisque le texte prévoit qu'elles peuvent le faire en vue du « développement » de l'emploi même en l'absence de difficulté économique. Ces accords de compétitivité offensifs peuvent imposer aux salariés des clauses de mobilité, une augmentation du temps de travail sans augmentation de salaire, une modification du rythme de travail, autant de dispositions pénalisantes pour les femmes en raison des inégalités en matière de répartition des temps familiaux. En outre, si un salarié refuse de voir son contrat de travail modifié suite à un tel accord, il sera licencié selon les règles du licenciement pour motif personnel. Or une étude a montré que 50 % des femmes qui arrêtent de travailler pour élever leurs enfants avaient auparavant des horaires atypiques – travail de nuit, du soir ou le week-end. Ainsi, ce type de disposition est particulièrement défavorable aux femmes, en les fragilisant considérablement par rapport à leur droit au travail.

Permalien
Claude Raoul, secrétaire confédéral de la CFTC

Malgré quarante de lois sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, celle-ci n'est toujours pas acquise. Si ce projet de loi reste en l'état, il faudra encore attendre une dizaine d'années. Les évolutions du texte sont certes satisfaisantes, mais il faut aller plus loin.

La CFTC observe que l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes apparaît dans le « préambule » de l'avant-projet de loi à l'article 4, qui pose le principe d'égalité dans l'entreprise, alors qu'elle devrait figurer à l'article 5, qui interdit les discriminations dans toute relation de travail. En effet, confondre ces deux principes juridiques, dont les portées sont très différentes en matière de preuve comme de réparation, pourrait être préjudiciable pour les femmes victimes de discrimination à l'emploi. De surcroît, l'égalité entre les femmes et les hommes n'apparaît nulle part dans les autres articles du texte, alors que nombre de dispositions qu'il prévoit impacteront très différemment les femmes et les hommes.

En particulier, les mesures mettant en place une flexibilité accrue du temps de travail seront très défavorables aux salariées en termes de conciliation des temps, laquelle repose encore très largement sur les femmes.

D'abord, si la période d'appréciation de la durée maximale de travail est portée de douze à seize semaines, comme le texte le prévoit, il est évident que cette souplesse apportée à l'entreprise aura des conséquences très négatives sur les femmes qui travaillent et qui doivent en même temps assumer des responsabilités familiales importantes – solution d'accueil pour les jeunes enfants, scolarisation pour les plus âgés, solutions d'aide au maintien à domicile des personnes malades, handicapées ou en perte d'autonomie.

Ensuite, le texte prévoit de faciliter la mise en place d'horaires individualisés et l'aménagement du temps de travail, ce qui permettra plus de flexibilité dans l'organisation du travail en fonction des besoins des entreprises. Or aucune contrepartie tenant compte des besoins des salariées n'est prévue. Quant aux heures supplémentaires, le texte ouvre la possibilité de les rendre plus nombreuses et beaucoup moins bien rémunérées, ce qui s'apparente à une double peine pour les femmes.

Je vous apporterai des éléments complémentaires tout à l'heure dans le cadre de nos échanges, sur la base du questionnaire que vous nous avez envoyé.

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

Au nom de mon organisation comme à titre personnel, je suis très satisfaite de votre remarque sur les instances qui travaillent à l'égalité professionnelle, madame la présidente, étant moi-même membre du CSEP.

Alors que l'objectif du Gouvernement est de créer un nouveau modèle social capable de s'adapter au travail qui se transforme, celui-ci oublie complètement la dimension de l'égalité femmes-hommes. Dans son discours du 14 mars dernier, le Premier ministre déclarait que le projet de loi avait pour but de réformer notre marché du travail, de casser les inégalités qui le caractérisent, de donner plus de souplesse aux entreprises et plus de protections aux salariés. Or aucune des dispositions du projet de loi ne casse les inégalités entre les hommes et les femmes ; au contraire, la CFE-CGC estime que le texte installe ces inégalités dans la durée.

Les femmes sont majoritaires à occuper des emplois à temps partiel, elles sont très nombreuses dans les petites et moyennes entreprises et sont souvent moins bien rémunérées que les hommes. Or avec ce projet de loi, elles se trouveront encore une fois défavorablement impactées, en particulier à cause des dispositions relatives au temps de travail et à la rémunération des heures complémentaires et supplémentaires.

La dimension de l'égalité professionnelle, qui avait déjà été mise à mal par le fait de la lier à la négociation sur la qualité de vie au travail, n'est pas ou peu prise en compte dans le texte. Pourtant, celle-ci est encore loin d'être atteinte.

Les « nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise » ne doivent pas amener à détériorer la santé du salarié ou de la salariée, ou intervenir au détriment de l'articulation des temps de vie.

Le renforcement des décisions unilatérales de l'employeur et la remise en cause de la hiérarchie des normes constituent des régressions en matière d'égalité professionnelle.

Le recours au référendum pour entériner la validité d'un accord d'entreprise qui recueillerait un engagement de 50 % des suffrages n'incite pas non plus à un dialogue social de qualité.

Les changements proposés pour la médecine du travail ne garantissent plus le suivi médical. Pour les femmes qui occupent des emplois dont la pénibilité etou les risques sont beaucoup moins visibles que dans les filières dites « masculines », ces changements risquent, encore une fois, de façon indirecte de peser sur leur santé.

Le projet de loi fragilise la négociation sur l'égalité professionnelle, tant au niveau de la branche – qui se fera tous les cinq ans – que dans l'entreprise, qui se fera tous les trois ans. La négociation sur les salaires – aujourd'hui annuelle dans la branche comme dans l'entreprise – pourrait devenir triennale dans la branche et dans l'entreprise. Or en différant la négociation sur l'égalité hommes-femmes et celle sur les salaires, le Gouvernement freine la lutte contre les inégalités salariales. À l'heure où les femmes sont moins payées que les hommes, il est primordial de dynamiser la négociation collective en la matière. Qu'elle soit au niveau de la branche ou de l'entreprise, la négociation collective est un vecteur primordial pour faire bouger les lignes. Elle permet de définir les objectifs d'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes, ainsi que les mesures qui permettent de les atteindre avec un suivi et des indicateurs.

Ces dispositions sont à mettre en perspective avec le mouvement de restructuration des branches engagé et accéléré par le Gouvernement. Il est reproché aux branches d'avoir une activité atone, d'où le chantier de réduction du nombre de branches. Or allonger la périodicité des négociations obligatoires de branche va à l'encontre du renforcement du dialogue social dans les branches, souhaité par le Gouvernement.

Pour ce qui concerne la remise en cause de la hiérarchie des normes, le texte renforce les décisions unilatérales de l'employeur. Or actuellement, les femmes, très nombreuses dans les PME, ne bénéficient pas forcément des accords d'entreprise – alors que les accords conventionnels leur sont applicables, ce qui constitue un socle de droits pour elles.

Par ailleurs, aux termes de l'article 37 du préambule, « les salariés à temps partiel bénéficient des mêmes droits dans l'entreprise que les autres salariés ». Or l'article L. 3123-29 du code du travail indique que « le temps de travail mensuel d'un salarié à temps partiel ne peut être réduit de plus d'un tiers par l'utilisation du crédit d'heures auquel il peut prétendre pour l'exercice de mandats qu'il détient au sein d'une entreprise. »

Si la CFE-CGC ne doute pas des compétences des femmes en tant que négociatrices, elle doute de la possibilité pour elles d'exercer ces droits pour la simple raison que 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes qui, je le répète, sont majoritaires dans les petites entreprises. Comment exercer ces droits si elles ne peuvent utiliser qu'un tiers de leur temps de travail ? La formation, l'engagement et l'investissement nécessaires pour des femmes qui vont devoir prendre en main ces sujets de façon immédiate nécessitent qu'elles puissent y consacrer du temps. En revanche, pourquoi devraient-elles y sacrifier leur vie personnelle ? Une réécriture du code du travail aurait dû rétablir une égalité de traitement, ou au moins une égalité de droits.

Les articles sur l'augmentation du temps de travail, les délais de prévenance, la rémunération des heures complémentaires et supplémentaires et les congés, sont incompatibles avec le 9° du préambule qui pose le principe de la recherche, dans la relation de travail, de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, et avec celui posé par le 39° de l'article 1er du projet de loi, aux termes duquel « l'employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé des salariés dans tous les domaines liés au travail ».

La deuxième version du projet de loi prévoit, dans le cadre de la négociation d'entreprise, un minimum garanti pour la durée des congés pour événements familiaux. Ainsi, les accords d'entreprise en question ne pourront plus déterminer une durée inférieure à la durée légale. Il s'agit là d'une demi-avancée puisqu'un accord d'entreprise pourra toujours porter la durée des autres congés de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle en dessous des dispositions légales.

Le projet de loi supprime les avantages individuels acquis au profit d'un simple maintien de rémunération dont le montant annuel ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois. Les avantages individuels acquis sont donc limités aux seuls aspects de la rémunération, et la nouvelle définition écarte notamment les droits individuels à congé.

La CFE-CGC plaide pour une reprise dans la loi des critères de la jurisprudence, qui vont plus loin que la seule rémunération, avec une possibilité par accord collectif de compléter ces critères légaux de façon plus favorable.

Le renforcement des décisions unilatérales de l'employeur, particulièrement en matière de temps de travail, ne prend pas en compte les conséquences sexuées. Le partage des tâches n'est pas encore équilibré en France. Les femmes, qui constituent la majeure partie des familles monoparentales, doivent déjà gérer leurs heures de travail par rapport aux gardes d'enfant. Comment les mères pourraient-elles concilier leurs obligations avec l'augmentation du temps de travail du fait d'une modulation calculée sur trois ans ? Ces dispositions seraient particulièrement défavorables aux femmes.

La rémunération des heures complémentaires et supplémentaires et l'étalement possible de la comptabilisation du temps de travail sur trois ans feraient subir la double peine aux femmes au regard de l'articulation des temps de vie, mais aussi du fait que les heures supplémentaires ne seraient pas forcément rémunérées, alors que les femmes auraient la charge supplémentaire des gardes d'enfant.

Par ces dispositions sur le temps, la durée, l'organisation du travail, ce projet de loi induit des discriminations indirectes qui vont accentuer les inégalités entre les femmes et les hommes en termes de rémunération comme d'évolution de carrière. Ces changements risquent encore une fois de façon indirecte de peser sur la santé des femmes qui exercent des métiers dont la pénibilité etou les risques sont beaucoup moins visibles que dans les filières masculines.

Je souhaite insister sur le sixième principe posé par le préambule qui concerne la liberté de manifester ses convictions religieuses. Au-delà du clivage qui serait créé entre les salariés du public et les salariés du privé, ces derniers pourraient se voir traités différemment selon l'entreprise dans laquelle ils travaillent. Il serait également problématique de laisser à l'entreprise le soin de déterminer les nécessités de son « bon fonctionnement » – la conviction religieuse n'est pas un sujet d'entreprise, mais un sujet de société. En outre, et alors que le fait de se prévaloir de convictions religieuses est un danger lorsque cela aboutit à traiter différemment les salariés selon le genre, cet article ne ferait que renforcer ce à quoi on assiste déjà dans certaines entreprises : refus de serrer la main à une femme, refus d'obéir à une femme manager.

Enfin, la possibilité de modification unilatérale du contrat de travail en vue de la préservation de l'emploi, entraînant en cas de refus du salarié un licenciement individuel pour cause réelle et sérieuse, est particulièrement défavorable aux femmes qui seront les premières à subir ces décisions de leurs employeurs. Alors que les femmes subissent déjà de fortes contraintes, la flexibilité qui sera exigée risque ainsi de générer encore plus de précarité pour les salariées.

Permalien
Saïd Darwane, conseiller national de l'UNSA

Pour l'UNSA, les rectificatifs au projet de loi visant à instituer de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs apportent de premiers équilibrages en faveur des salariés. Néanmoins, nous continuerons à agir pour une meilleure prise en compte de nos revendications au travers de ce texte.

En effet, le projet de loi ne prend pas en compte l'égalité entre les femmes et les hommes. Les mesures qui relèvent de l'inversion de la hiérarchie des normes fragiliseront particulièrement les femmes, car la négociation en entreprise est moins solide que celle au niveau de la branche. De plus, en cas de dénonciation d'un accord par l'employeur, le maintien des avantages acquis ne sera plus garanti tant qu'il n'y aura pas un nouvel accord.

Ce texte comporte trop de dispositions qui s'apparentent à des régressions pour les droits des salariés. Aussi est-il impératif de modifier ou de retirer certaines d'entre elles, notamment l'article 30 bis sur le licenciement économique et l'article 12 sur la validation des accords avec recours au référendum des salariés. Faute d'être retirées ou modifiées, ces mesures auront des conséquences défavorables en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et accroîtront la fragilité des femmes, notamment dans les PME et les TPE.

Dans un premier temps, seuls les accords sur la durée du travail, le repos ou les congés, le développement et la préservation de l'emploi, pourront être validés par référendum, mais cette mesure serait étendue à tout type d'accord au maximum au 1er septembre 2019.

L'UNSA s'oppose à cette disposition. Pour nous, l'entreprise est d'abord un lieu de travail où l'efficacité et la cohésion entre les salariés doivent régner au travers d'une démocratie sociale apaisée. Or celle-ci pourrait être mise à mal par des référendums qui aboutiraient à cliver les salariés et, à terme, à affaiblir la démocratie représentative. Une telle situation serait particulièrement dangereuse, surtout dans des secteurs professionnels où les femmes sont minoritaires. La majorité exprimée par référendum pourrait se faire au détriment de l'égalité entre les femmes et les hommes sachant que les mesures de mobilité ou d'augmentation du temps de travail n'ont pas le même impact sur les femmes que sur les hommes du fait des inégalités persistantes en matière de répartition des tâches familiales.

Le temps de travail constitue le premier facteur discriminant entre les femmes et les hommes, car ces dernières assument toujours 80 % des tâches ménagères et leur temps reste beaucoup plus contraint que celui des hommes. Nous déplorons le calcul du temps de travail sur trois ans par accord, au lieu d'un an, car un tel lissage permettra d'éviter le paiement des heures supplémentaires. De plus, le paiement des heures supplémentaires pourra être revu à la baisse par accord d'entreprise jusqu'à 10 %, au lieu de 25 % et 50 % actuellement. Cette mesure aura une incidence sur le pouvoir d'achat des salariés dont les salaires sont les plus bas, si bien que les personnes les plus touchées seront les femmes. En raison des contraintes domestiques et familiales qui pèsent sur les femmes, ces modulations seront encore plus incompatibles avec les horaires des modes d'accueil. Par conséquent, les femmes seront dans l'impossibilité d'accepter de tels horaires et subiront des risques de licenciement accrus.

Au surplus, alors que l'égalité professionnelle vise à favoriser l'emploi pour les femmes, les entreprises pourraient renoncer à recruter des femmes de peur qu'elles ne puissent accepter cette pression temporelle, ce qui aura pour conséquence la remise en cause du droit au travail des femmes. Toutes ces mesures sont incompatibles avec la recherche de l'articulation des temps et avec les obligations de sécurité et de protection de la santé qui incombent à l'employeur.

En ce qui concerne les licenciements, la nouvelle mouture du projet de loi indique que « ne pourront constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés économiques créées artificiellement pour procéder à des suppressions d'emplois ». Pour l'UNSA, cette nouvelle rédaction n'est pas acceptable : nous en demandons le retrait. L'avant-projet de loi passe à côté de ce qui pourrait être une amélioration pour les salariés, à savoir un resserrement au seul motif économique réel. En cas de refus de modification de leur contrat de travail et de leurs horaires, le motif de licenciement sera réputé acquis pour motif individuel. Cela touchera particulièrement les femmes qui, du fait des charges qu'elles assument, auront beaucoup moins de possibilité d'adaptation. Ces mesures sont particulièrement graves car elles remettent en cause le droit au travail des femmes et risquent de renvoyer à la maison les plus précaires d'entre elles qui ne pourront pas s'adapter à la flexibilité ou à la mobilité imposée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'étude d'impact du projet de loi devrait être publiée très prochainement.

Vous avez insisté sur l'inversion de la hiérarchie des normes et sur la nécessité de renforcer la négociation au niveau de la branche. Or dans le cadre de l'accord national interprofessionnel (ANI) sur la sécurisation de l'emploi, dix-sept branches ont négocié des temps partiels inférieurs à 24 heures. Ce sont les syndicats qui négocient ces dérogations au niveau des branches. Je n'accuse personne, mais j'aimerais comprendre pourquoi les négociateurs n'ont pas priorisé les 24 heures, alors que les temps partiels sont majoritairement occupés par des femmes.

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

C'est bien la preuve que renvoyer les dérogations à la négociation de branche ou d'entreprise aboutit à aggraver la situation des femmes.

En réalité, ce sont 60 accords dérogatoires qui ont été conclus pour les temps partiels, dont certains prévoient une à deux heures hebdomadaires, sans satisfaire aux contreparties minimales exigées par la loi – horaires réguliers ou qui permettent aux salariés de cumuler plusieurs activités. Les organisations syndicales avaient fait barrage à ces accords dérogatoires, mais le délai pour conclure ces accords a été prolongé grâce au Gouvernement – le ministère de travail a décidé de rallonger le délai de négociation jusqu'au 30 juin 2014, ayant jugé qu'il n'y avait pas assez de dérogations sur la règle des 24 heures. Ensuite, la règle de validité des accords est toujours de 30 % ; nous sommes favorables aux 50 %, ce qui éviterait des accords de ce type.

En outre, ces accords sont étendus sur décision du ministère du travail, alors que la majorité des organisations syndicales s'est prononcée contre leur extension car ils ne satisfont pas aux contreparties exigées par la loi – d'ailleurs, la CGT en a signés très peu. Enfin, la CGT demande depuis longtemps la présentation au CSEP d'un bilan qualitatif de ces accords ; nous attendons toujours.

Sur le terrain, nous observons que la durée moyenne des temps partiels continue à baisser dans un certain nombre de secteurs, notamment l'aide à domicile où des contraintes supplémentaires sont sans cesse imposées aux femmes aides à domicile dont le temps de travail est divisé par deux – on leur demande de faire en quarante-cinq minutes ce qu'elles faisaient en une heure trente – avec des amplitudes horaires supplémentaires. Ainsi, la situation continue à se dégrader pour les temps partiels.

Je rappelle que les politiques d'exonération de cotisations sociales sont centrées sur les bas salaires et bénéficient directement aux emplois précaires et aux temps partiels. Cela fait des années que nous demandons le réexamen de ces exonérations, en particulier le calcul des cotisations des temps partiels sur la base d'un temps plein, notamment dans le cadre de la négociation sur l'assurance chômage. En effet, parmi les 43 % de demandeurs d'emploi indemnisés, 23 % de femmes touchent des indemnités inférieures à 400 euros par mois du fait des temps partiels. Les femmes représentent près de 80 % des salariés à temps partiel et sont les principales bénéficiaires des minima sociaux.

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

La CFE-CGC a été signataire de l'ANI du 11 janvier 2013, dans un objectif de sécurisation du parcours professionnel des salariés, particulièrement ceux à temps partiel. Depuis, de très nombreux accords de branche ont dérogé aux 24 heures – qui devraient constituer un plancher. Or non seulement ces accords dérogatoires ne prévoient pas de majoration salariale pour les heures comprises dans le cadre des avenants de compléments d'heures, mais ils prévoient un délai de prévenance inférieur à sept jours. Plus grave : ils ne prévoient pas de limitation du volume de complément d'heures, non plus qu'un nombre maximal d'avenants pouvant être conclus par an et par salarié. Sur ce sujet, le ministère est relativement mou… La CFE-CGC s'oppose fermement à l'extension de tous ces accords, y compris de ceux dont elle est signataire.

Concernant la négociation, la parité n'est pas atteinte – loin de là – ni dans les organisations patronales, ni dans les organisations syndicales. En clair, la majorité des négociateurs de branche sont des hommes, et les femmes sont tellement peu représentées qu'on les oublie ou qu'on les sacrifie – la signature est facile puisqu'elles ne sont pas là pour se défendre... Comme je le disais tout à l'heure, l'article du code du travail qui les limite dans leur mandat ne va pas les aider à se faire représenter et à défendre leurs droits.

Permalien
Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle et de la condition féminine de la CFDT

Avant l'article 12 de la loi du 14 juin 2013, issu de la négociation sur la sécurisation pour l'emploi, il n'y avait rien pour les salariés à temps partiel Nous sommes donc partis de rien. Il faut reconnaître le manque de volonté du patronat de négocier ces accords. Néanmoins, à ce jour, 34 accords de branche sont étendus, ce qui représente plus de 78 % de salariés. Le problème est maintenant de donner une réalité aux contreparties pour améliorer les conditions de travail des salariés à temps partiel et permettre aux femmes qui le souhaitent d'augmenter leurs horaires hebdomadaires ou de travailler à temps plein.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous aimerions également vous entendre sur le compte personnel d'activité (CPA).

Permalien
Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle et de la condition féminine de la CFDT

Dans le cadre de la sécurisation des parcours professionnels, la CFDT a défendu la mise en place d'un dispositif permettant de regrouper des droits attachés à la personne, quel que soit son statut. Aujourd'hui, les parcours professionnels sont hachés, soit volontairement – la personne souhaite changer de vie et donc se réorienter – soit de façon subie, à la suite d'un licenciement notamment. Selon le projet de loi, le compte personnel d'activité (CPA) sera constitué du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P).

Le CPA est donc un bon outil, mais il reste à construire. Selon nous, il devrait s'appuyer sur le principe d'un accompagnement global portant sur l'ensemble des problématiques de sécurisation : projet professionnel, accès au logement, garde d'enfants, congés, etc. En effet, les nouveaux modes de travail engendrent des besoins, d'où l'intérêt de garanties offertes par un compte personnel d'activité tout au long du parcours de vie.

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

Si le Gouvernement a repris les points principaux de la position commune du 8 février dernier sur le CPA, pour la CFE-CGC, il est nécessaire d'aller plus loin dans la constitution de droits nouveaux pour les salariés dans le cadre de ce nouveau dispositif, particulièrement en matière d'égalité hommes-femmes et de conciliation des temps de vie. Cette évolution pourrait concerner la création d'un compte temps généralisé à l'ensemble des salariés, transférable tout au long de la carrière, afin d'offrir des marges de manoeuvre aux salariés en termes d'équilibre des temps de vie privée vie professionnelle – temps de travail, temps familial, temps de formation, temps d'engagement associatif, temps syndical et, éventuellement, temps politique.

En rendant possible une meilleure répartition des temps tout au long de la vie, un tel dispositif offrirait de nombreux avantages. Il permettrait de concrétiser l'objectif fixé de donner plus d'autonomie et de liberté d'action aux personnes. En offrant des possibilités nouvelles aux personnes en matière de répartition des temps sociaux tout au long de la carrière, le CPA pourrait favoriser l'égalité professionnelle. Pour rappel, l'équilibre des temps de vie est considéré comme important ou très important par 93 % des salariés, par 96 % des professions intermédiaires, dont 75 % déclarent manquer de temps pour leur vie personnelle. Enfin, un tel dispositif constituerait un outil d'attractivité pour les PME face aux grandes entreprises, mais permettrait aussi un allègement des charges administratives, voire des charges financières.

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

Cela pourrait fonctionner comme pour le compte épargne temps (CET), avec un abondement de l'employeur et du salarié.

Permalien
Claude Raoul, secrétaire confédéral de la CFTC

La CFTC accueille favorablement la mise en oeuvre du CPA, telle que prévue dans le projet de loi. Ce point reprend comme convenu les conclusions de la position commune du 8 février 2016, dont nous sommes signataires. Ce combat n'est pas nouveau pour nous. Déjà en 2006, dans son statut du travailleur, la CFTC revendiquait la sécurisation des parcours de vie pour tous et posait le principe de droits attachés à la personne dont la continuité serait assurée tout au long de la vie. Ce sujet, auquel la CFTC est très attachée, figurait à nouveau dans la motion d'orientation adoptée lors de son congrès de 2015.

Si, dans la première version du projet de loi, le CPA a été réduit à sa plus simple expression, la CFTC a apprécié de le voir légèrement étoffé dans la saisine rectificative. Le texte adjoint au compte existant un compte d'engagement citoyen pour l'exercice d'activités bénévoles, limitativement défini. Ce compte permet d'acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation, financées par l'État, une commune ou certains établissements publics, et des jours de congé attribués par l'employeur pour l'exercice de ces activités. La reconnaissance et l'encouragement de l'engagement citoyen correspondent aux revendications de la CFTC, tout comme la revalorisation de la fonction de maître d'apprentissage.

La CFTC défend la logique d'un fonctionnement par étape et une vision de long terme pour le développement de ce compte. Pour qu'il soit à l'avenir plus conforme à sa vision d'un dispositif plus ambitieux, elle espère donc que cette première étape sera complétée par d'autres améliorations qui pourraient élargir le périmètre du CPA au compte épargne temps, à la conciliation des temps de vie, à la validation des acquis de l'expérience (VAE). La CFTC demande qu'une négociation interprofessionnelle s'engage à cet effet.

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

Cela fait plus de quinze ans que la CGT défend une sécurité sociale professionnelle. Le but est de maintenir le contrat de travail des salariés et de garantir l'exercice des droits, quels que soient le contrat de travail et l'employeur. Cette proposition a été élargie à une proposition que nous portons d'un nouveau statut du travail salarié qui trouve tout son sens avec la révolution numérique et l'émergence de nouvelles formes de travail – injustement regroupées sous la dénomination « travail indépendant » car il existe une forme de subordination économique.

Pour ce qui concerne le CPA, le salarié devrait avoir des droits à la formation tout au long de la vie et une qualification reconnue et portable quel que soit l'employeur, mais aussi des droits individuels garantis collectivement. Nous sommes en effet favorables à un dispositif collectif, qui ressemble au système par répartition des retraites. Dans le même ordre d'idées, nous n'étions pas favorables aux critères individuels pour le compte pénibilité, nous avions défendu des critères collectifs permettant une reconnaissance de la pénibilité par branche professionnelle.

Pour autant, des questions se posent à propos du CPA. Quels droits nouveaux en matière de formation ? Quels financements ? Pour l'heure, le CPA s'apparente plus à une coquille vide qu'à des droits nouveaux. Au surplus, le projet de loi introduit un recul sur la qualification, puisque le contrat de professionnalisation n'est plus forcément qualifiant.

Enfin, une approche genrée, notamment sur la question des temps partiels, est indispensable. Il faut prévoir un abondement du CPA pour ouvrir des droits sociaux aux salariés à temps partiel sur la base d'un temps plein. Nous sommes favorables au financement du dispositif par l'employeur – avec éventuellement des dispositifs de mutualisation au niveau de la branche, pour ne pas défavoriser les TPE-PME –, de façon à renchérir le coût des temps partiels et à inciter à recruter sur des temps pleins ou tout au moins sur des temps supérieurs à 24 heures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous aimerions également vous entendre sur les premiers accords collectifs sur l'égalité professionnelle conclus suite à la loi Rebsamen du 17 août 2015, dans le cadre des trois « blocs » de négociation – salaires, égalité professionnelle et qualité de vie au travail, gestion des emplois et des parcours professionnels –, ainsi que sur la base de données économiques et sociales (BDES), appelée communément base de données uniques (BDU).

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

Les dispositions relatives au regroupement des négociations obligatoires en entreprise sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016. Nous avons donc peu de recul pour dresser un premier bilan. D'autre part, par exception, les entreprises couvertes au 1er janvier 2016 par un accord relatif à la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, aux mesures de lutte contre les discriminations, et à l'emploi des travailleurs handicapés, sont dispensées de négocier sur ces différents thèmes jusqu'au terme de l'accord en cours, et ce jusqu'au 31 décembre 2018 au plus tard.

Pour autant, à la lecture des accords, je constate qu'à partir du moment où l'égalité professionnelle est liée à un autre sujet, c'est toujours au détriment de celle-ci. Or si l'on veut améliorer réellement les conditions de travail et de vie des femmes salariées, l'égalité professionnelle ne pas être soluble : c'est un sujet spécifique, qui doit rester à part.

Pour l'instant, j'observe que le document relatif à l'égalité professionnelle est intégré dans la base de données économiques et sociales (BDES), accessible à toutes les IRP. Le risque à terme est de ne plus créer ce document – qui reprenait le rapport de situation comparée (RSC) avec tous les outils et indicateurs – et d'intégrer séparément tous les éléments relatifs à l'égalité. Or le rapport de situation comparée reste un outil indispensable pour les négociateurs, aussi bien en entreprise que dans la branche, car il permet d'établir à la fois un état de lieux, des comparaisons et un diagnostic sur la base d'objectifs au plus près des besoins des salariés, et entreprise par entreprise.

Permalien
Dominique Marchal, secrétaire confédérale de la CFDT

Concernant l'intégration du RSC dans la BDES, le décret d'application n'est pas publié. De la même façon, il n'y a pas de décret sur la définition de la négociation relative à l'égalité professionnelle au sein de la négociation sur la qualité de vie au travail (QVT). Dans ces conditions, nous ne pouvons pas négocier sur l' « égalité professionnelle – QVT ».

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

S'agissant des décrets d'application sur les carrières et l'évaluation sexuée en matière de santé et sécurité au travail, nous étions satisfaits des dispositions relatives à la santé et la sécurité, mais pas de la version a minima pour les carrières. En intersyndical, nous avions rédigé une proposition d'indicateurs qui permettait d'identifier les inégalités de carrière entre les femmes et les hommes, mais aussi toutes les autres discriminations, à partir de cohortes de salariés, en fonction de leur niveau de qualification, de leur âge et de leur salaire. Cette rédaction n'a malheureusement pas été retenue en raison de l'opposition du patronat.

Dans le cadre des débats sur la loi Rebsamen, nous avions proposé un droit d'expertise dédié sur l'égalité femmes-hommes. Ce droit d'expertise dédié existe, mais il est conditionné à l'accord de l'employeur pour les entreprises de plus de 300 salariés – le veto de l'employeur rend ce droit inutilisable. Or ce droit est plus que jamais nécessaire du fait de l'absence d'évolution en matière d'égalité femmes-hommes depuis des années.

Sur la dynamique de négociation, de nombreuses entreprises ne sont toujours pas couvertes par un plan d'action ou un accord. Dans la moitié des cas, ce sont des plans d'action unilatéraux – dont le contenu est plus faible que les accords. Quant aux accords, au mieux, ils se limitent à reprendre la loi, et au pire, ils sont en dessous de la loi sur les notions de « travail de valeur égale » ou de « discrimination indirecte ». Par conséquent, il faut renforcer les moyens de l'inspection du travail pour appuyer les IRP sur ces sujets. Certes, les sanctions ont dopé les négociations. Mais il est dommage que les sanctions ne soient pas liées à une obligation de conclure – elles sont liées à une obligation d'ouvrir des négociations. Surtout, nous regrettons qu'elles ne soient plus liées à une obligation de résultat, telle qu'elle avait été prévue dans la loi de 2006, puis supprimée en 2010.

Enfin, les impacts de la loi El Khomri sont très négatifs sur la négociation relative à l'égalité femmes-hommes. D'où notre inquiétude sur ce sujet, comme je m'en suis expliquée tout à l'heure.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le législateur avait prévu l'envoi des plans d'action aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

Cette disposition importante de la loi de 2014 ne s'applique pas, car le décret sur le rescrit n'est pas publié, me semble-t-il.

Permalien
Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle et de la condition féminine de la CFDT

Je partage ce constat. Il faut donner plus de moyens aux DIRECCTE.

Le projet de loi prévoit une concertation sur le télétravail. Ce point est très important.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le télétravail peut être une fausse bonne idée d'articulation entre vie professionnelle et vie familiale, car les femmes se remettront au travail le soir, sans compter qu'elles seront isolées.

Comme l'a montré une étude, un cadre homme aura plutôt tendance à décider seul de travailler à distance , sans en référer à sa hiérarchie, contrairement à une femme cadre qui en fait la demande, car elle pense que ses supérieurs vont imaginer qu'elle fera autre chose à la maison que travailler… Les femmes s'autocensurent elles-mêmes.

Les salariés à temps partiel ont des horaires très flexibles. Or on demande aux femmes une flexibilité accrue. J'entends le besoin de mobilité, mais les choses sont très compliquées. J'ai moi-même été témoin du drame de la fermeture de l'entreprise Aubade dans une petite ville de la Vienne, où les femmes travaillaient de mères en filles, pour des salaires qui ne leur permettaient même pas d'acheter les soutiens-gorge qu'elles fabriquaient.

En dehors de ce projet de loi, avez-vous des propositions à faire pour améliorer l'égalité professionnelle ?

Permalien
Claude Raoul, secrétaire confédéral de la CFTC

La CFTC a récemment été consultée sur une proposition de loi visant à faire passer de quatre à dix semaines la période de protection contre le licenciement après un congé de maternité. Où en est ce texte ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette proposition de loi a été transmise au Sénat, après avoir été adoptée la semaine dernière à l'Assemblée nationale.

Permalien
Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle et de la condition féminine de la CFDT

Dans le même ordre d'idée, nous souhaiterions l'ajout dans la loi de l'interdiction pour l'employeur de la conclusion de ruptures conventionnelles avec les femmes en congé de maternité. Nous ne critiquons pas le dispositif des ruptures conventionnelles, mais nous jugeons indispensable de protéger les femmes en congé de maternité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La maternité est source de discrimination, à l'embauche comme dans le travail. Les employeurs préfèrent embaucher des hommes plutôt que des jeunes femmes de trente ans. Et je connais une jeune femme à temps partiel à qui son employeur, qui ne peut pas la licencier parce qu'elle est enceinte, lui a fait signer un contrat de travail abaissant sa durée hebdomadaire de vingt heures à quinze heures…

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que pensez-vous du curriculum vitae (CV) anonyme ? Au niveau d'une collectivité territoriale, on s'est aperçu qu'il permettait d'augmenter le nombre de rendez-vous et d'embauches de femmes.

Permalien
Sophie Binet, membre de la direction confédérale de la CGT, chargée de l'égalité femmes-hommes

La CGT n'est pas défavorable au CV anonyme, même si ce n'était pas une de nos propositions dans le cadre de la concertation sur les discriminations. En revanche, nous avons défendu des propositions très précises, partagées par toutes les organisations syndicales puis par toutes les associations. Ces propositions qui visent à lutter contre les discriminations à l'embauche sont au nombre de quatre.

Premièrement, mettre en place un registre d'embauche, par exemple, dans les entreprises de plus de 50 salariés, contenant un recueil sexué des candidatures, ce qui permettrait de faire des comparaisons par rapport aux recrutements. On pourrait ensuite y intégrer des données du type « résident en zone urbaine sensible (ZUS) hors ZUS», pour vérifier que les recrutements ne sont pas discriminatoires. En expérimentant ce registre à la SNCF pour les conducteurs de train, nous avons démontré que, malgré des candidatures féminines, à hauteur de 5 %, aucune femme n'était recrutée ; ce registre a donc permis de féminiser ce métier.

Deuxièmement, élargir le droit d'alerte des délégués du personnel aux embauches. En effet, notre droit d'alerte en matière de discriminations fonctionne actuellement pour les seuls salariés en poste.

Troisième proposition : la mise en place d'un référent lutte contre les discriminations dans toutes les entreprises, qui serait chargé de tenir ce registre.

Quatrième proposition : la remise d'une notification de leurs droits aux candidats à l'embauche lors de leurs entretiens, précisant l'interdiction pour le recruteur de leur demander s'ils fument, s'ils ont des enfants, etc., et comportant les numéros à contacter en cas de non-respect de ces droits. Il y a, en effet, un gap entre la loi et la façon dont se déroulent les entretiens d'embauche.

Ces propositions, reprises dans le rapport du groupe de travail sur les discriminations publié en mai 2015, ont rencontré peu de succès. Car ce qui prévaut aujourd'hui, c'est la mutualisation des bonnes pratiques, et non les mesures coercitives.

Plus globalement, sur l'égalité femmes-hommes, nous demandons que la question du sexisme et des violences relève du dialogue social dans l'entreprise. Dans le cadre de la négociation sur l'égalité dans le secteur de l'économie sociale et solidaire, certains représentants de branches patronales nous ont dit ne pas voir le rapport entre cette question et celle de l'égalité entre les femmes et les hommes ! C'est vous dire la difficulté… Mais nous avons réussi à les convaincre, puisqu'un chapitre dédié est intégré dans l'accord.

Ensuite, nous demandons le déploiement des dispositifs d'accueil de la petite enfance – les places promises en crèche ne sont toujours pas au rendez-vous. Or la garde des jeunes enfants est le premier frein qui pèse sur les femmes.

Enfin, si nous sommes demandeurs de discussions sur le télétravail, nous sommes par contre totalement défavorables au fractionnement des onze heures de repos – question renvoyée à la concertation –, en contradiction totale avec le droit européen et les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité. En effet, le fractionnement des onze heures de repos pénalisera les femmes, particulièrement les cadres qui sont les premières à se remettre au travail le soir. Par conséquent, la réduction de la charge de travail, facteur d'égalité femmes-hommes, doit être mise à l'ordre du jour.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant des dispositifs d'accueil de la petite enfance, il y a eu des améliorations, mais aussi des retards de la part de certaines collectivités locales.

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

S'agissant des CV anonymes, si les compétences n'ont pas de sexe, on constate que passé le premier rendez-vous, ces compétences deviennent sexuées. En clair, les CV anonymes permettent de franchir une étape, mais ne permettent pas un recrutement égalitaire – ce ne sont pas forcément les femmes qui sont engagées.

J'en viens aux autres améliorations possibles.

Pour notre confédération, la question salariale constitue la pièce maîtresse de la lutte contre les inégalités hommes-femmes. En effet, les inégalités salariales perdurent, le salaire des femmes cadres est en moyenne moins important que celui des hommes cadres, et plus on monte dans la hiérarchie, plus l'écart est important. En définitive, la loi de 2006 qui prévoyait l'égalité salariale réelle en 2010 n'a pas abouti – elle est même abrogée de fait.

Pourtant, la réduction des inégalités salariales est de nature à résoudre d'autres déséquilibres. À commencer par l'usage quasi exclusivement féminin du congé parental. Actuellement, le congé parental est pris par le parent dont le salaire est le plus faible, autrement dit par les femmes puisqu'elles gagnent en moyenne moins que les hommes. Tendre vers l'équilibre des salaires entre les femmes et les hommes amènerait davantage d'hommes à s'arrêter de travailler pour élever leurs enfants, si bien que les contraintes qui pèsent actuellement sur les femmes – retour au travail difficile, évolution professionnelle freinée – pèseraient sur les deux et finiraient par disparaître à terme.

Permalien
Carole Cano, vice-présidente du Syndicat national des cadres de l'assurance, de la prévoyance et de l'assistance, SNCAPA, de la CFE-CGC

Certes, mais il ne peut y avoir équité tant que l'inégalité salariale perdure. La mère prendra six mois, mais le père ne les prendra pas forcément.

Ensuite, la promotion des femmes à des postes à responsabilité est indispensable.

Alors que les écarts de responsabilité entre les hommes et les femmes sont faibles en début de carrière, ils s'accroissent progressivement à partir de trente-cinq ans. Entre quarante-cinq et quarante-neuf ans, 30 % des hommes cadres ont atteint un poste à forte responsabilité – direction générale, direction d'une entité ou direction d'un service –, contre 14 % de femmes. Au total, seules 11 % des femmes cadres occupent un poste à forte responsabilité, contre 23 % des cadres hommes. Le plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder aux postes les plus élevés dans la hiérarchie est toujours présent. Pour que les femmes puissent accéder aux fonctions supérieures, mais aussi occuper des postes à responsabilité comme des postes de décisions, il faut percer ce plafond de verre.

Cela passe – encore une fois – par la réforme du congé parental d'éducation, qui actuellement peut éloigner de l'emploi les personnes qui en bénéficient, le plus souvent les femmes, puisque seuls 3 % des hommes prennent ce congé. La CFE-CGC propose une réduction à un an de l'indemnisation du congé parental, à hauteur de 80 % du salaire – à ce jour, l'indemnisation peut aller jusqu'à 530 euros. En outre, chacun des deux parents devrait pouvoir exercer ses droits pendant quatre mois sans pouvoir les transférer. Une telle mesure, en permettant aux femmes de bénéficier d'une véritable égalité des chances dans leur déroulement de carrière, contribuerait à la réduction des inégalités.

Il faudrait également réformer le congé de paternité. Aujourd'hui, le dispositif est peu attractif car la rémunération n'est pas assurée, si bien que peu de pères prennent les onze jours. La CFE-CGC revendique depuis des années le maintien intégral du salaire pour le congé de paternité.

Par ailleurs, il faudrait aller plus loin dans l'équilibre des genres dans les organes dirigeants. Convaincus de l'apport positif de l'équilibre des genres dans les organes dirigeants, la CFE-CGC soutient les avancées de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui concernent la mixité des genres dans les organes décisionnels. La mixité des genres doit se retrouver dans tous les organes délibérants.

L'État doit être exemplaire concernant les organes décisionnels des entreprises où il est actionnaire principal : il serait ainsi plus légitime à prendre des initiatives contraignantes pour toutes les entreprises. En outre, la CFE-CGC considère que le non-respect de l'équilibre des genres par les entreprises doit entraîner une sanction. Car c'est la seule façon de faire progresser l'égalité. Cette sanction doit être civile, et non pécuniaire, pour avoir un véritable impact sur la gouvernance. Ainsi, nous prônons la nullité des délibérations des organes dirigeants lorsqu'une entreprise refuse délibérément de s'inscrire dans cette démarche méthodologique. Grâce à cette sanction, la Suède a pu atteindre le quota de 40 % de femmes en moins de trois ans !

Enfin, s'agissant des temps partiels, il faut les rendre plus attractifs, car ils concernent essentiellement les femmes – seuls 7 % d'hommes travaillent à temps partiel. Il faut également accorder aux temps partiels les mêmes droits que les temps pleins, y compris en matière d'exercice de mandats syndicaux.

Permalien
Saïd Darwane, conseiller national de l'UNSA

Le CV anonyme permet de décrocher un entretien d'embauche. Il permet aussi, en interpellant les responsables des ressources humaines, une prise de conscience sur l'inégalité de traitement des salariés. Ainsi, le CV anonyme constitue un des leviers de lutte contre les discriminations. L'UNSA a expérimenté ce dispositif en 2006 pour l'accès aux stages des jeunes en bac professionnel et dans les filières BTS et DUT, dans le bassin d'emploi Lille-Roubaix, ce qui a fait émerger un dialogue très constructif entre les entreprises et les établissements d'enseignement.

Nos propositions d'amélioration portent, d'abord, sur la médecine du travail. Actuellement, le suivi est concentré sur les seuls salariés à risque. La visite d'aptitude d'embauche est supprimée dans le projet de loi. Or la pénibilité et les risques professionnels des métiers à prédominance féminine sont sous-évalués, si bien que ces métiers risquent de ne plus bénéficier du suivi médical. Nous pensons donc nécessaire d'augmenter le nombre de médecins du travail, mais aussi de renforcer leur formation sur les violences sexistes et sexuelles et la pénibilité dans les secteurs à prédominance féminine.

Ensuite, sur les conditions de travail, nous préconisons la mise en place d'indicateurs sur les risques professionnels et la pénibilité due au caractère répétitif des tâches. On sait en effet que les tâches répétitives à prédominance féminine sont nombreuses.

Permalien
Marie-Andrée Seguin, secrétaire nationale chargée de la politique en matière d'égalité professionnelle et de la condition féminine de la CFDT

L'égalité passe par la mixité des métiers. Mais il faut aussi réfléchir à la revalorisation des métiers dits « féminins », afin de les rendre plus attractifs – lorsque les femmes ont investi un secteur professionnel, les salaires stagnent… Par conséquent, la reconnaissance et la classification des métiers à prédominance féminine sont essentielles pour réduire les écarts salariaux.

Ensuite, il faut sanctionner les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord. Car seul le « bâton » fonctionne.

Enfin, l'organisation du travail dans les entreprises doit être négociée. Cela permettrait une amélioration des conditions de travail, mais aussi une reconnaissance des femmes au sein des entreprises.

La séance est levée à 19 heures 10.