Déposé le 21 juin 2013 par : M. Frédéric Lefebvre, M. Fasquelle.
Rédiger ainsi cet article :
Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« L'action en réparation des préjudices de consommation
« Section 1
« Champ d'application
« Art. L. 423‑1. – L'action en réparation des préjudices de consommation a pour objet la réparation du préjudice matériel subi par un nombre significatif de consommateurs, personnes physiques, ayant contracté avec un même professionnel pour la vente d'un produit ou la fourniture d'un service et se trouvant dans des situations de droit ou de fait identiques ou similaires.
« Art. L. 423‑2. – Les dommages, ouvrant droit à l'action en réparation, résultent de l'inexécution totale ou partielle des obligations contractuelles incombant au professionnel, de l'abus dans l'exercice de ses droits contractuels, ou encore de la méconnaissance par ce dernier de dispositions légales afférentes au contenu ou à l'exécution du contrat.
« Art. L. 423‑3. – L'action en réparation des préjudices de consommation est introduite par le ministre chargé de l'économie sur saisine d'une association de consommateurs représentative sur le plan national et agréée en application de l'article L. 421‑1, dans les conditions de recevabilité fixées à l'article L. 423‑8.
« Section 2
« Le processus de médiation préalable à l'action en réparation
« Art. L. 423‑4. – L'action en réparation est précédée d'un processus de médiation engagé par une association de consommateurs visée à l'article L. 423‑3, sur la base d'un nombre significatif de plaintes de consommateurs ayant subi un dommage dans les conditions fixées aux articles L. 423‑1 et L. 423‑2, dans le but de trouver un accord avec le professionnel concerné.
« Art. L. 423‑5. – En cas d'accord, les parties saisissent sur requête le président du tribunal de grande instance aux fins d'homologation de l'accord.
« Après avoir vérifié sa conformité aux intérêts des consommateurs concernés et les modalités de réparation effective des préjudices subis par ces derniers, le juge homologue l'accord.
« Art. L. 423‑6. – Le processus de médiation ainsi engagé ne peut faire obstacle à la faculté des consommateurs lésés par les mêmes faits d'entreprendre une action judiciaire à titre individuel ou, en cas d'échec de la médiation, de se prévaloir ultérieurement du jugement de responsabilité mentionné à l'article L. 423‑12 pour obtenir réparation du préjudice subi du fait du professionnel.
« Section 3
« L'action en réparation
« Art. L. 423‑7. – À défaut d'accord et conformément à l'article L. 423‑3, l'association de consommateurs ayant mené la médiation peut saisir le ministre chargé de l'économie des faits ayant justifié la tentative de médiation.
« Art. L. 423‑8. – L'action en réparation prévue à l'article L. 423‑3 est subordonnée à la caractérisation par le ministre d'une atteinte sensible portée à l'ordre public économique. Afin de pouvoir évaluer l'existence d'une atteinte sensible à l'ordre public économique, le ministre peut demander aux services placés sous son autorité de procéder aux investigations nécessaires tant auprès des consommateurs ayant porté plainte que du professionnel concerné.
« La décision du Ministre d'exercer ou non l'action prévue à l'article L. 423‑3 est insusceptible de recours.
« Art. L. 423‑9. – L'action en réparation des préjudices de consommation est introduite par le ministre chargé de l'économie, dans un délai de six mois à compter de la saisine de l'association prévue à l'article L. 423‑7, devant le tribunal de grande instance compétent.
« Un décret en Conseil d'État fixe le ressort et le siège des tribunaux de grande instance spécialisés.
« Art. L. 423‑10. – Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie peut demander à la juridiction la réparation des préjudices subis par les consommateurs et d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la cessation des pratiques contractuelles illicites.
« Art. L. 423‑11. – L'association mentionnée à l'article L. 423‑3 peut intervenir à l'instance aux fins d'obtenir réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs.
« Section 4
« Le jugement de responsabilité
« Art. L. 423‑12. –Le juge se prononce, au vu des éléments de la cause :
« 1° sur la responsabilité du professionnel ;
« 2° sur les dommages et intérêts à allouer à chacun des consommateurs qui en fera la demande ou sur toute autre mesure permettant la réparation des dommages. Pour fixer le montant des dommages et intérêts dus aux consommateurs qui présenteront une demande d'indemnisation, le jugement définit le préjudice ou les catégories de préjudices subis par les consommateurs concernés, évalue en argent la créance ou contient tous les éléments permettant de la déterminer.
« Le tribunal peut ordonner l'exécution de sa décision sous astreinte.
« Art. L. 423‑13. – Le jugement prévoit sa diffusion, aux frais du professionnel, selon des modalités que le juge détermine afin de permettre aux consommateurs concernés d'en être informés.
« Art. L. 423‑14. – Le jugement prévoit les conditions dans lesquelles les consommateurs se verront allouer les dommages et intérêts qui leur sont dus.
« Art. L. 423‑15. – Le jugement a autorité de la chose jugée à l'égard des seuls consommateurs qui demandent réparation de leurs préjudices dans les conditions prévues à l'article L. 423‑14.
« Section 5
« L'exécution du jugement
« Art. L. 423‑16. – Lorsqu'il acquiert la force exécutoire, le jugement qui tranche le litige constitue, pour les consommateurs qui ont fait une demande dans les conditions prévues par l'article L. 423‑15 et les parties, un titre exécutoire au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures d'exécution.
« Art. L. 423‑17. – La demande peut être contestée par le professionnel devant le juge de l'exécution dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'État. ».
Le chapitre 1er du présent projet de loi vise à introduire dans le droit français une procédure d'action de groupe.
Dès 2010, dans le livre « Le mieux est l'ami du bien » je posais clairement la question, « Ne faudrait-il pas réfléchir au moyen de renforcer les pouvoirs d'action en justice des consommateurs, d'autant que le contexte européen nous y oblige ? ».
Lors de la discussion en première lecture, en mai 2008, de la Loi de Modernisation de l'Economie, j'avais déposé un amendement n° 204 visant à créer une telle action.
Les litiges nés des conditions de formation et d'exécution des contrats de consommation peuvent concerner, dans un certain nombre de cas, un très grand nombre de consommateurs et nécessitent des moyens de résolution proportionnés et efficaces. Eu égard à la faiblesse des montants sur lesquels portent un grand nombre de litiges de consommation, les consommateurs renoncent parfois à toute action individuelle sur le terrain judiciaire.
Au titre des actions en justice que peuvent mener les associations de consommateurs figurent l'action en représentation conjointe qui suppose que l'association soit mandatée par au moins deux consommateurs pour les représenter en justice. Très peu d'actions ont été intentées sur ce fondement compte-tenu de la lourdeur de la gestion des mandats et de l'impossibilité de recourir à la publicité.
Sur le terrain extrajudiciaire, le Gouvernement est très attaché au développement de procédures de médiation de qualité. La transposition en droit interne de la directive du 21 mai 2008 relative à la médiation en matière civile et commerciale permettra de compléter le régime juridique existant applicable à la médiation judiciaire par des règles encadrant également désormais la médiation conventionnelle. Néanmoins, les systèmes de médiation mis en œuvre ne sont pas toujours suffisants pour régler les cas les plus conflictuels.
Il existe donc bien une demande insatisfaite de droit, d'où la nécessité d'envisager un schéma procédural adapté au règlement des litiges de consommation de masse, mixant phase amiable et phase judiciaire.
Le dispositif envisagé vise à la réparation des préjudices matériels et ne concernent pas les préjudices corporels et moraux. Le préjudice subi individuellement par un nombre significatif de consommateurs ayant contracté avec un même professionnel pour la vente d'un produit ou la fourniture d'un service doit avoir pour origine commune :
- soit l'inexécution ou la mauvaise exécution par ce professionnel de ses obligations contractuelles ;
- soit la méconnaissance de dispositions légales afférentes au contenu ou à l'exécution du contrat ;
Les préjudices pouvant résulter d'une pratique anticoncurrentielle ne sont pas visés à ce stade.
Sur la base d'informations ou de plaintes de consommateurs suffisamment étayées et nombreuses pour caractériser l'existence d'un dommage causé à un nombre significatif de consommateurs du fait des agissements d'un même professionnel, les associations de consommateurs agréées au plan national et bénéficiant de la reconnaissance spécifique se voient reconnaître le droit, au nom des consommateurs pris collectivement, de proposer au professionnel concerné de trouver un accord de règlement amiable dans le cadre d'une procédure de médiation conventionnelle.
La médiation intervient avant la constitution ou l'identification du groupe, elle ne nécessite pas un mandat délivré à l'association par chacun des consommateurs concerné et fait l'objet en cas d'accord d'une homologation par le juge qui vérifie s'il est conforme aux intérêts des consommateurs concernés et qu'il prévoit des modalités de réparation effective des préjudices subis par ces derniers.
La phase judiciaire ne débute qu'en cas d'échec de la médiation. L'intérêt et la qualité pour agir n'est reconnue à titre principal qu'au ministre de l'économie, qui est saisie par l'association de consommateurs ayant tenté la médiation, laquelle se voit reconnaître la qualité de partie jointe, ce qui lui permet d'obtenir des dommages et intérêts en réparation du dommage causé à l'intérêt collectif des consommateurs.
L'intérêt à agir du ministre nécessite que les pratiques en cause portent une atteinte sensible à l'ordre public économique, qu'il convient de caractériser. Il s'agit là d'une condition de recevabilité de l'action du ministre.
L'action du ministre peut être précédée d'une enquête complémentaire par les agents de la CCRF (principe d'enquête à charge et à décharge) afin de vérifier la réalité des informations transmises et la solidité d'une telle action.
Un délai prévu entre la saisine du ministre et la décision de ce dernier d'intenter ou non cette action est fixé à 6 mois. La décision du ministre n'est pas susceptible de recours, l'association des consommateurs n'étant pas privée de son droit d'agir individuellement.
L'action est calquée sur celle qui est déjà reconnue au ministre de l'économie en application de l'article L 442‑6 III (action comparable à celui d'un ministère public spécialisé) en matière de lutte contre les pratiques restrictives de concurrence. Elle est introduite devant des tribunaux de grande instance spécialement désignés à cet effet.
Le juge constate la responsabilité du professionnel et se détermine sur les dommages et intérêts individuels à allouer (déterminés ou déterminables) en réparation des préjudices subis par les consommateurs ou sur toute autre mesure permettant la réparation des dommages. Il ordonne, en outre, le cas échéant, la cessation des pratiques contractuelles illicites.
La décision du juge prévoit également, aux frais du professionnel, les modalités permettant aux consommateurs concernés d'être informés du jugement, ainsi que les conditions dans lesquelles les consommateurs se verront allouer les dommages et intérêts qui leur sont dus.
La décision rendue n'a autorité de la chose jugée qu'à l'égard des seuls consommateurs qui feront cette demande. Les demandes des consommateurs pourront être contestées par le professionnel devant le juge de l'exécution.
Tel est l'objet du présent amendement.
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