Amendement N° 566 (Rejeté)

Consommation

Déposé le 21 juin 2013 par : M. Abad, M. Gosselin, M. Lazaro, M. Hetzel, M. Cinieri, Mme Grosskost, M. Courtial, Mme Louwagie, Mme Genevard, Mme Poletti.

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I. – L'article 5 de la loi n° 2010‑476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«  L'ouverture d'une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle emporte inscription de la personne protégée sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur. Lorsque la mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle est levée, la personne qui était protégée peut demander à ce qu'elle cesse d'être inscrite sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur. ».

II. – Le I est applicable aux mesures de protection ouvertes avant l'entrée en vigueur de la présente loi.

Exposé sommaire :

L'Autorité de régulation des jeux en ligne a rendu public le 26 avril 2013 un rapport relatif à la lutte contre le jeu excessif ou pathologique dans le domaine des jeux en ligne formulant 33 recommandations en matière de lutte contre l'addiction au jeu.

Parmi les diverses recommandations formulées par l'Autorité de régulation des jeux en ligne, certaines sont destinées à renforcer la procédure d'inscription sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'Intérieur. Dans ce cadre, la proposition n° 14 du rapport précité consistant à clarifier la situation des personnes bénéficiant d'une mesure de protection juridique apparaît particulièrement opportune.

A cet égard, il y a lieu de relever que la loi n°2010‑476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne dispose : « Les mineurs, même émancipés, ne peuvent prendre part aux jeux d'argent et de hasard dont l'offre publique est autorisée par la loi ». Ce texte érige une incapacité spéciale de protection au bénéfice de tous les mineurs.

La loi du 12 mai 2010 reste en revanche silencieuse sur le sort des personnes majeures qui, placées sous un régime de protection, s'avèrent elles aussi vulnérables, et enclines à jouer de manière excessive ou pathologique. Ce mutisme s'explique sans doute par un renvoi implicite aux dispositions du code civil relatives à la protection des majeurs, telles qu'elles résultent de l'importante réforme issue de la loi n° 2007‑308 du 5 mars 2007 qui organise trois régimes de protection, chacun plus restrictif de la capacité de la personne qu'il s'agit de protéger, à savoir la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.

En l'état, rien ne s'oppose à ce qu'une personne sous sauvegarde de justice joue ou parie en ligne (art. 435 du code civil). Schématiquement, si elle peut réaliser seule les actes de la vie courante et les actes d'administration, la personne sous curatelle doit être assistée de son curateur pour accomplir des actes de gestion. La personne sous un régime de tutelle est quant à elle représentée de manière continue, le tuteur pouvant accomplir seul les actes d'administration, les actes de disposition ne pouvant intervenir qu'après autorisation du juge des tutelles. Un décret n° 2008‑1484 du 22 décembre 2008 est venu préciser, d'une part, que « constituent des actes d'administration les actes d'exploitation ou de mise en valeur du patrimoine de la personne protégée dénués de risque anormal » (art. 1) et, d'autre part, que, « constituent des actes de disposition les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée, pour le présent ou l'avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire » (art. 2). Le décret comporte en outre deux annexes rangeant dans l'une ou l'autre de ces deux catégories la plupart des actes juridiques. Ces annexes ne visent toutefois pas l'acte consistant à accepter une offre de jeu d'argent et de hasard en ligne. Il s'ensuit, à ce jour, que persiste un problème de qualification, que la jurisprudence ne paraît pas avoir tranché.

Dans ces conditions, la question se pose de l'opportunité qu'il y a à permettre à une personne placée sous un régime de protection, même sous simple sauvegarde de justice, de jouer. Il faut en effet rappeler que l'ouverture d'une mesure de protection (par le juge des tutelles) suppose que l'individu en cause soit, en vertu de l'article 525, alinéa 1er, du code civil une « personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté ». La personne protégée souffre donc d'une pathologie qui semble par nature inconciliable avec la pratique des jeux d'argent.

Aussi, il apparaît utile de faire en sorte que l'ouverture d'une mesure de protection à l'encontre d'une personne majeure emporte automatiquement l'interdiction pour cette personne de prendre part aux jeux d'argent et de hasard dont l'offre publique est autorisée par la loi.

Pour ce faire, la solution la plus opportune consiste à prévoir une inscription automatique des majeurs protégés sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur. En effet, en application notamment de l'article 26 de la loi n° 2010‑476 du 10 mai 2010, les opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne sont tenus d'interroger ces fichiers périodiquement aux fins de faire obstacle à la participation aux activités de jeu ou de pari qu'ils proposent des personnes interdites de jeu en vertu de la réglementation en vigueur.

A cet égard, l'article 22 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux de casino dispose d'ores et déjà que le ministre de l'intérieur prononce l'exclusion des salles de jeux « 2°Des incapables sur la demande de leur représentant légal ou de leur conseil judiciaire ». Cependant, l'inscription des majeurs protégés sur les fichiers des interdits de jeu du ministère de l'intérieur reste tributaire d'une demande exercée par leurs représentants. L'arrêté du 14 mai 2007 n'emporte ainsi aucune automaticité. Or, l'automaticité d'une telle mesure paraît plus protectrice des intérêts de la personne protégée.

Il semble par ailleurs opportun de prévoir que la personne protégée puisse solliciter sa radiation des fichiers des interdits de jeu en cas de levée de la mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle prononcée à son égard, et ce nonobstant le délai de trois ans « non réductible » prévu par ailleurs par la réglementation en vigueur applicable aux interdictions volontaires de jeu (art. 1er de l'arrêté du 8 juin 2010 relatif aux contenu et modalités d'affichage du message d'information relatif à la procédure d'inscription sur le fichier des interdits de jeu).

L'article 34 de la Constitution française énonçant que « la loi fixe les règles concernant […] la capacité des personnes », pareille interdiction de jouer implique une intervention législative. Le présent amendement a ainsi pour objet d'insérer dans la loi n° 2010‑476 du 12 mai 2010 la règle selon laquelle l'ouverture d'une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle emporte inscription de la personne protégée sur les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur.

Considérant l'importance de l'objectif de protection ici poursuivi, il paraît naturel de prévoir que cette dernière règle s'appliquera aux personnes d'ores et déjà placées sous un régime de protection.

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