Déposé le 11 décembre 2013 par : M. Peiro.
I. Au deuxième alinéa de l'article L. 442-1 du code de commerce substituer aux mots:
« d'achat effectif »,
les mots:
« de revient, correspondant au prix d'achat effectif majoré de la moyenne de ses coûts fixes ».
II.En conséquence, à la deuxième phrase, substituer aux mots:
« d'achat effectif, »,
les mots:
« de revient, ».
Au nom de la défense de l'intérêt du consommateur, les différentes réformes des relations industries commerce sont passées du libéralisme au libéralisme sauvage et de la baisse des prix à la guerre des prix. Ce mouvement a eu un effet particulièrement dévastateur sur le secteur de l'agro-alimentaire et, au-delà, sur les filières agricoles françaises dont les industries agro-alimentaires représentent 70% des débouchés.
Le rapport de force entre la grande distribution et les entreprises de l'agro-alimentaire est nettement en défaveur de ces dernières et de leurs fournisseurs agricoles. 7 grands acteurs achètent la production de plus de 13 000 entreprises de l'agroalimentaire.
La déflation des prix asphyxie les filières ; elle est destructrice de valeur et d'emplois en France tout au long de la chaîne alimentaire allant du producteur au consommateur. Les industriels sont arrivés au bout de leur capacité d'absorption de la hausse des matières premières : des restructurations, re-capitalisations et fermetures de sites sont en cours dans tous les secteurs et peuvent avoir des répercussions sur l'emploi.
L'industrie alimentaire constitue un employeur essentiel, pourvoyeur d'emplois (495 000) sur tout le territoire français, et particulièrement dans certains territoires ruraux fragiles dont elles constituent les derniers employeurs. Au-delà des seules industries agro-alimentaires, c'est l'agriculture française dans son ensemble qui se trouve fragilisée par cette guerre des prix, avec une répercussion des tensions et de la guerre des prix tout au long de la chaîne.
La grande distribution impose des prix prédateurs (c'est-à-dire vendus à des prix très en-dessous des coûts de redistribution) sur les références les plus connues des consommateurs, et compense cette perte de marge par :
- des excès de marges sur les produits des PME qui perdent ainsi en compétitivité et sont vendus trop cher pour le consommateur;
- des versements de marges arrière illégales à des niveaux très élevés et effectuées à l'étranger pour échapper à la réglementation française.
Devant cette situation qui met en danger mortel notre filière agricole et agro-alimentaire, il est nécessaire de renforcer l'interdiction de la revente à perte, posée par l'article L. 442-2, principe ancien, puisqu'il a été institué par l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 1963 du 2 juillet 1963. Cette interdiction visait à empêcher précisément que les distributeurs fixent des prix extrêmement bas sur des produits d'appel.
Le délit de revente à perte, défini à l'article L. 442-2 du code de commerce, est constitué par la vente ou l'offre de vente à un prix inférieur au seuil de revente à perte c'est-à-dire inférieur à son prix d'achat effectif.
La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a modifié le seuil de revente à perte afin que tous les avantages financiers consentis à l'acheteur par le fournisseur puissent y être intégrés et non plus une partie comme la loi du 2 août 2005 en faveur des PME l'avait organisé. C'est ce qu'on appelle le « trois fois net ». Le « trois fois net » a le mérite de correspondre au prix réellement payé par le distributeur pour acheter le produit ultérieurement revendu.
L'esprit du droit de la concurrence et du droit commercial, en France comme dans les autres pays de l'OCDE, est que la liberté de négociation du commerçant avec ses fournisseurs et la liberté de fixation de ses prix doivent être la plus large possible. Cette liberté du commerce doit néanmoins s'arrêter aux pratiques déloyales. Le titre IV du Livre IV du code de commerce reprend la liste de ces interdits (publicité trompeuse, produits gratuits, avantages sans contrepartie, enchères inversées, délais de paiement abusifs,…). Une pratique non reprise actuellement dans le code de commerce, en dépit de son manque de loyauté, se déduit néanmoins de la loi et de la jurisprudence : un commerçant ne peut pas, en dehors des périodes de solde, revendre systématiquement certains produits à prix coûtant. Le bon sens économique s'allie ici à l'esprit des lois pour interdire cette pratique.
Il est donc proposé dans cet amendement de forcer le commerçant à couvrir au moins ses frais fixes dans son prix de revente. Le seuil de revente à perte serait dès lors fixé au niveau du prix de revient, c'est-à-dire au niveau du prix d'achat effectif (triple net) majoré de ses coûts fixes. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes disposent de toutes les compétences techniques pour identifier les distributeurs qui vendraient en dessous de leur prix de revient. Cette disposition réduirait la portée de la guerre des prix sur les références connues, qui favorisent les importations au détriment de la production française et affectent la compétitivité, l'emploi et l'investissement des PME.
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