Déposé le 9 décembre 2013 par : M. Grandguillaume.
À l'alinéa 19, après le mot :
« nationaux »,
insérer les mots :
« et l'organisation et le soutien aux politiques culturelles ».
L'alinéa 6 de l'article 2 de ce projet de loi prévoit la possibilité pour l'État de consentir des délégations de compétences aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cette procédure et son champ d'intervention soulèvent de nombreuses questions.
La première d'entre elles fait craindre à tout le secteur une décentralisation sans la présence de l'État. Or l'histoire a montré que toutes les décentralisations réussies en particulier dans la culture l'ont été grâce à l'accompagnement sur chaque parcelle de notre territoire d'une politique nationale agissant comme un garant et un stimulant bénéfiques à tous.
La culture est un domaine ou les politiques ne peuvent s'exercer dans la liberté et le foisonnement que si la compétence est partagée entre toutes les collectivités y compris l'État. C'est également un domaine qui s'est construit en particulier depuis le milieu du XX° siècle petit à petit sur des financement croisés, gages de libertés, d'audaces et d'inventions. Cette richesse construite tant par les pouvoirs publics que par les acteurs culturels et les publics permettent une harmonisation territoriale de ces politiques qu'il ne faut en aucun cas perdre. L'unité de la République, principe qui a pour corollaire celui de l'égalité devant la loi pourrait être en partie remise en cause dans ce type de procédure, apparentée à celle de l'expérimentation, mais offrant moins de garanties.
Comme a pu le souligner le Conseil constitutionnel, notamment dans sa décision 137 DC du 25 février 1982, il importe de veiller au caractère indivisible de la République. Or cette procédure contreviendrait à ce principe. Cette disposition ne pourrait elle pas contrevenir par ailleurs au principe de l'interdiction faite à une collectivité d'exercer une tutelle sur une autre, principe posé à l'article 72 de la Constitution ?
Si l'État délègue l'une de ses compétences à une collectivité, comment ne pas craindre que, là où les services déconcentrés avaient une fonction de régulation, la collectivité délégataire ne tente d'imposer ses orientations à d'autres collectivités ?
Au-delà de ces raisons tenant aux principes fondateurs de l'organisation des pouvoirs publics, cette disposition pourrait soulever des difficultés pratiques évidentes et notamment au regard de la mobilisation des moyens humains nécessaires à l'exercice des compétences déléguées.
Les règles statutaires régissant la situation des fonctionnaires prévoient essentiellement deux fondements : la mise à disposition et le détachement. Or, ces deux positions supposent l'accord des agents concernés. Et dans bien des cas, cet accord ne sera pas obtenu. Il faut également souligner que ces délégations, telles que prévues dans cet article, présentent de nombreuses interrogations au regard des exigences communautaires ; Dans certains cas, les délégations de compétences pourront potentiellement être analysées comme des concessions de service au sens du droit communautaire avec un risque de soumission à un minimum de mise en concurrence. Plus particulièrement pour ce qui concerne les politiques culturelles de l'État, qui exerce en la matière une mission régalienne d'impulsion, de coordination, et un contrôle scientifique et technique, ce dispositif le priverait de ses missions pour la durée de la délégation de son intervention dans la compétence had hoc, et sur le territoire délégataire.
Cette disposition conduirait, entre autres, à la destruction du réseau cohérent des directions régionales des affaires culturelles, celui-là même qui permet de mener une politique nationale de soutien à la culture tout en participant à la mise en oeuvre des projets et financements croisés avec les collectivités. Enfin, l'actuelle rédaction de ces alinéas va inéluctablement soulever des difficultés d'interprétation, notamment lorsqu'il s'agira d'examiner les lois d'application venant définir les compétences pouvant être déléguées.
Toujours d'un point de vue méthodologique, on ne peut que s'étonner de voir cette proposition s'insérer dans le chapitre du code général des collectivités territoriales relatif à la libre administration de ces dernières. On perçoit mal en quoi ce texte participe de la mise en oeuvre de ce principe. Mais surtout, dans le domaine de l'art et de la culture, ces alinéas contreviennent au principe de l'exercice d'une compétence partagée par l'ensemble des collectivités territoriales, dans le respect de la clause générale de compétence, enfin rétablie par la présente loi. Pour toutes ces différentes raisons, il nous semble absolument nécessaire d'exclure l'organisation et le soutien aux politiques culturelles de ce dispositif.
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