Déposé le 13 janvier 2015 par : M. Philippe Doucet.
Supprimer cet article.
Au cours des débats sur la présente proposition de loi, il est apparu qu'il existe trois positions distinctes sur l'évolution de la définition de la prise illégale d'intérêts entre notre Assemblée, le Sénat et le Gouvernement.
L'article 432‑12 du code pénal prévoit actuellement que« le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Des peines complémentaires, parmi lesquelles l'interdiction des droits civiques ou celle d'exercer une fonction publique, sont aussi encourues.
Le Sénat a adopté, en première lecture, un amendement de M. François Pillet tendant à redéfinir ce délit en substituant à la notion d'intérêt quelconque celle d'« intérêt personnel distinct de l'intérêt général », afin de restreindre le champ d'application de ce délit. Le Sénat avait ainsi repris le dispositif de la proposition de loi déposée par M. Bernard Saugey qu'il avait adoptée à l'unanimité le 24 juin 2010 et d'une disposition également adoptée le 30 juin 2011 dans le cadre de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l'attractivité et à faciliter l'exercice du mandat local, présentée par M. Bernard Saugey et Mme Marie-Hélène des Esgaulx. En deuxième lecture, en adoptant un amendement défendu par M. Pierre-Yves Collombat, le Sénat a rétabli cette rédaction.
Lors de son examen en première lecture, votre commission des Lois avait adopté un amendement de votre rapporteur afin de remplacer la notion d'« intérêt personnel distinct de l'intérêt général » retenue par le Sénat comme constituant le délit de prise illégale d'intérêts par la notion d'« intérêt de nature à compromettre l'impartialité ou l'indépendance de la personne ». Cette rédaction est celle retenue par la proposition n° 28 du rapport de la mission d'information sur le statut de l'élu. Par ailleurs, un sous-amendement présenté par M. Paul Molac a ajouté à cette énumération les intérêts de nature à compromettre « l'objectivité » de la personne concernée. Ainsi la définition retenue par la commission des Lois reprenait-elle exactement celle proposée par la commission de réflexion pour la prévention des conflits d'intérêts dans la vie publique. Dans son rapport, la commission présidée par M. Jean-Marc Sauvé a en effet recommandé « d'harmoniser l'ensemble des textes applicables en la matière, y compris les dispositions qui sanctionnent de nullité ou d'illégalité les délibérations auxquelles ont pris part des personnes ayant un intérêt à l'affaire, et de ne prévoir de sanction qu'en présence d'un intérêt de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de la personne » (proposition n° 12), en estimant que la formulation fondée sur l'« intérêt personnel distinct de l'intérêt général » retenue par le Sénat dans la proposition de loi adoptée le 24 juin 2010 et reprise dans le cadre de la présente proposition de loi « ne permettait pas une totale harmonisation avec les interdictions « préventives » (telles que celle figurant dans le statut général des fonctionnaires), contrairement à ce qu'autorise la mention « intérêt de nature à compromettre l'impartialité, l'indépendance ou l'objectivité de la personne ». » Cette préoccupation a été reprise par la commission Jospin.
En séance publique, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, le Gouvernement a défendu sans succèsdes amendements de suppression du présent article, afin de maintenir la définition actuelle« qui remplit parfaitement les objectifs assignés par le délit de prise illégale d'intérêts ». La notion d'« intérêt quelconque » lui apparaît satisfaisant au vu de« la jurisprudence de la Cour de cassation [qui] indique que l'intérêt quelconque peut être « de nature matérielle ou morale, directe ou indirecte, et se consomme par le seul abus de la fonction indépendamment de la recherche d'un gain ou de tout autre avantage personnel » ».Le Gouvernement craint ainsi qu'une nouvelle définition« serait susceptible d'être plus restrictive que celle « d'intérêt quelconque » et de prêter le flanc à de notables divergences d'appréciation entre les juridictions du fond, au risque d'aboutir à une casuistique portant atteinte à une application homogène et cohérente de ce texte. Cela nuirait à la répression de cette atteinte à la probité, laquelle donne déjà lieu à un nombre de condamnation assez limitée »alors que le délit ne concerne pas exclusivement les élus.
À l'issue de ces débats, votre rapporteur doitprendre acte du fait qu'il n'existe pas de consensus pour faire évoluer cette définition. Par ailleurs, les statistiques montrent que le nombre de condamnations prises en application de cet article reste très limité. Aussi en l'absence de contentieux massif justifiant une évolution de la définition de cette infraction pénale, dont les effets et les interprétations par le juge pénal pourraient aller à l'encontre de l'intention des auteurs de cette modification, il vous propose d'en rester à la définition actuelle.
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