Déposé le 19 juin 2014 par : Mme Abeille, M. Baupin, M. François-Michel Lambert.
Section 5
Outils du code de l'urbanisme
Article36bis
I- « L'intitulé du titre III du livre I du code de l'urbanisme est remplacé par l'intitulé suivant : « Espaces boisés et autres espaces de continuités écologiques »
Il est créé un chapitre I intitulé « Espaces boisés » et comprenant les articles L. 130-1 à L. 130-6
Il est créé un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Espaces de continuités écologiques
« Art. L. 131-1. - I. Les plans locaux d'urbanisme ou les documents d'urbanisme en tenant lieu peuvent classer en espaces de continuités écologiques les espaces et formations végétales naturelles ou semi-naturelles mentionnés au II et III de l'article L. 371-1 du code de l'environnement nécessaires à la préservation ou la remise en bon état des continuités écologiques.
« Dans les communes non couvertes par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu, le conseil municipal, par délibération prise après une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement peut identifier des espaces de continuités écologiques sur tout ou partie des espaces et formations végétales mentionnés aux II et III de l'article L. 371-1 du code de l'environnement nécessaires à la préservation ou la remise en bon état des continuités écologiques.
« II. A l'exception des travaux d'exploitation courante en ce qui concerne les fonds ruraux et d'entretien normal en ce qui concerne les constructions, le classement ou l'identification en espaces de continuités écologiques interdit tout changement d'affectation, tout mode d'occupation ou toute utilisation du sol de nature à compromettre la préservation ou la remise en bon état de ces espaces de continuités écologiques.
« Lorsque le classement ou l'identification en espaces de continuités écologiques concerne des zones humides définies à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, il entraîne également le rejet de plein droit de la demande d'autorisation prévue au chapitre IV du titre Ier livre II du code de l'environnement ou l'opposition à la déclaration prévue par ces mêmes articles pour les installations, ouvrages, travaux ou activités à l'exception de ceux relatifs aux prélèvements et rejets en milieu aquatique.
« Il est fait exception à ces interdictions pour l'exploitation des produits minéraux importants pour l'économie nationale ou régionale, et dont les gisements ont fait l'objet d'une reconnaissance par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé avant le 10 juillet 1973 ou par le document d'urbanisme en tenant lieu approuvé avant la même date. Dans ce cas, l'autorisation ne peut être accordée que si le pétitionnaire s'engage préalablement à réaménager le site exploité et si les conséquences de l'exploitation, au vu de l'étude d'impact, ne sont pas dommageables pour l'environnement.
« La délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu peut également soumettre à déclaration préalable, sur tout ou partie du territoire concerné par ce plan jusqu'à son approbation, tout changement d'affectation, tout mode d'occupation ou toute utilisation du sol de nature à compromettre la préservation ou la remise en bon état des espaces et formations végétales mentionnés aux II et III de l'article L. 371-1 du code de l'environnement.
« Un décret en conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article. »
II- « L'article L. 160-1 du code de l'urbanisme est complété par unf) ainsi rédigé :
f) en cas de changement d'affectation, de mode d'occupation ou d'utilisation du sol en infraction avec les dispositions de l'article L. 131-1"
La loi Grenelle 2 fixe comme objectif aux documents d'urbanisme la préservation et la restauration des continuités écologiques tandis que la dernière loi décentralisation responsabilise davantage les collectivités sur la protection de la biodiversité. Malheureusement, le droit de l'urbanisme actuel ne fournit pas suffisamment d'outils adaptés pour répondre complètement à cet objectif. En effet, le droit actuel est bien adapté pour maîtriser l'urbanisation et l'artificialisation du territoire, mais il révèle très rapidement ses limites lorsqu'il s'agit de s'intéresser à la dimension fonctionnelle de la trame verte et bleue (TVB).
Par exemple, un zonage « non constructible » d'un PLU pourra donner l'impression de protéger strictement une petite zone humide d'intérêt local, alors que dans les faits il sera toujours possible d'y détruire tout intérêt écologique, soit directement en détruisant la roselière ou la prairie humide qui s'y développe, soit indirectement en procédant au drainage de cette zone (ce qui conduira de façon inéluctable à la disparition de ces formations végétales caractéristiques). Le zonage en apparence protecteur du PLU n'apporte donc en fait qu'une illusion de protection au regard de la dimension fonctionnelle de la continuité écologique. Celle-ci est en effet liée non seulement au caractère « non artificialisé » de l'espace occupé par la zone humide, mais également à l'existence et au maintien des formations végétales spécifiques qui sont indispensable au cycle de vie des espèces, animales ou végétales, qui les utilisent.
Par ailleurs, pour préserver ce type d'espaces, on ne peut pas compter sur les mesures de protection emblématiques car elles sont réservées aux milieux naturels d'intérêt national ou régional et créées à l'initiative de l'Etat, des régions ou des départements (sites Natura 2000, Espaces naturels sensibles…). De même, la réglementation générale est inopérante sur ce type d'espaces de faible étendue (dans l'exemple de la zone humide, le drainage n'est soumis à déclaration au titre de la Loi sur l'eau qu'à partir d'un seuil de 20 hectares).
Or la TBV est constituée non seulement des milieux d'intérêt national ou régional (les « cœurs de nature ») mais également des « corridors » qui les relient et qui sont eux-mêmes composés d'espaces de nature moins remarquables, souvent morcelés et de taille modeste. Malgré leur modestie apparente, ces espaces sont indispensables à la fonctionnalité globale des trames car ce sont eux qui assurent les échanges biologiques entre les « cœurs de nature ».
Ainsi, la présente proposition vise à remédier à ce manque en créant un outil mobilisable par les collectivités volontaires dans le cadre de l'élaboration d'un PLU/PLUi. Les communes et intercommunalités sont en effet les mieux placées pour traduire les enjeux locaux de biodiversité de façon adaptée et en fonction des sensibilités locales.
Pour ce faire, la proposition possède plusieurs avantages :
- une complémentarité avec l'Espace boisé classé (EBC), l'Espace de continuités écologiques (ECE) pouvant être mobilisé à la place de l'EBC sur certaines formations boisées de type haies, arbres isolés ou sur des continuités écologiques constituées d'une mosaïque de milieux comprenant des formations boisées pour lesquels l'interdiction de plein droit du défrichement et le régime de déclaration préalable des coupes-abattages ne sont pas forcément écologiquement pertinents
- un régime d'interdiction de plein droit de toute intervention compromettant la préservation/remise en bon état des continuités écologiques inspirés du régime d'interdiction de plein droit du défrichement en EBC
- une mobilisation de l'outil tant dans les documents d'urbanisme que dans les petites communes qui n'en sont pas dotées
Pour conclure, ce nouvel outil dans le code de l'urbanisme permet (i) d'empêcher la destruction d'autres formations végétales que les milieux boisés (zones humides, milieux ouverts…) et (ii) pour les collectivités, d'assurer pleinement leurs responsabilités au regard de la Loi, en précisant bien qu'il s'agit de compléter la « boîte à outils » existante mais que l'utilisation in fine de ce nouveau dispositif reste tout à fait volontaire pour les élus locaux.
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