Déposé le 23 septembre 2014 par : M. Baupin, Mme Duflot.
Compléter cet article par les cinq alinéas suivants :
« IV. - Après l'article L. 593‑23 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 593‑23‑1 ainsi rédigé :
« Deux ans au plus tard avant l'échéance de 40 années de fonctionnement dont le mode de calcul est défini par décret en Conseil d'État, l'exploitant d'un réacteur nucléaire au sens de l'article L. 593‑2 déclare s'il prévoit d'arrêter définitivement le fonctionnement de son installation avant cette date, dans les conditions prévues à l'article L. 593‑26, ou s'il envisage de prolonger son exploitation au-delà.
« Si l'exploitant envisage de prolonger l'exploitation au-delà de la date ainsi fixée, il accompagne cette déclaration d'un dossier précisant la durée de prolongation d'exploitation qu'il envisage et les éventuelles modifications de l'installation qu'il prévoit pour prévenir ou limiter de manière suffisante les risques ou inconvénients que l'installation présente pour les intérêts mentionnés à l'article L. 593‑1 pendant cette période.
« La prolongation d'exploitation est soumise à une autorisation délivrée après examen des dispositions techniques ou d'organisation prises ou envisagées par l'exploitant, prenant en compte ses capacités techniques et financières, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire et après l'accomplissement d'une enquête publique, dans des conditions précisées par un décret en Conseil d'État par transposition des conditions de délivrance de l'autorisation de création fixée par les articles L. 593‑7 à L. 593‑13.
« Un décret en Conseil d'État précise dans quelles conditions, en fonction de la nature des modifications et de seuils d'investissement, la Commission nationale du débat public est saisie d'un projet de prolongation d'un ou plusieurs réacteurs nucléaires. »
L'échéance des 40 années de fonctionnement des réacteurs nucléaires constitue une étape cruciale, comme rappelé à de nombreuses reprises l'Autorité de sûreté nucléaire.
La prolongation éventuelle de l'exploitation après 40 ans constitue un changement majeur du point de vue de la sûreté, dans la mesure où elle conduirait à une poursuite au-delà du dimensionnement des réacteurs, c'est-à-dire du domaine de fonctionnement prévu à leur conception. De plus, l'Autorité de sûreté nucléaire a fixé un principe selon lequel la réévaluation de sûreté des réacteurs à l'échéance des 40 ans doit se rapprocher autant que possible des objectifs de sûreté applicables aux nouveaux réacteurs tels que l'EPR. Les exigences associées à ce passage, les solutions techniques pour y répondre le cas échéants et les coûts engendrés font l'objet d'intenses réflexions et restent entachés de grandes incertitudes.
Le projet de loi ne propose aucune disposition nouvelle pour traiter cette échéance, qui est pourtant aujourd'hui proche et massive, puisque 80 % environ des 58 réacteurs français en exploitation ont été mis en service entre 1977 et 1987. En l'état actuel du régime d'autorisation et de prescriptions auquel sont soumises les installations nucléaires de base, la prolongation éventuelle d'exploitation au-delà de 40 ans résulterait d'une décision prise par l'Autorité de sûreté nucléaire après un réexamen de sûreté dans les mêmes conditions qu'à l'étape des 30 ans, c'est-à-dire sans information préalable ni consultation du public. L'Autorité de sûreté nucléaire elle-même considère d'ailleurs que le « rendez-vous majeur » que constitue l'échéance des 40 ans doit faire l'objet d'une « participation renforcée du public ».
Le maintien en l'état actuel de la procédure ne répondrait pas à cette exigence, fragilisant par là même juridiquement la maîtrise, quelle qu'en soit l'orientation, de l'évolution du parc nucléaire. Par ailleurs, les dispositions existantes ne présentent pas d'alternative satisfaisante : par exemple, la solution qui consisterait à assimiler le fonctionnement au delà de 40 ans à une modification notable au sens de l'article L. 593-14 du code de l'environnement, n'est pas satisfaisante, d'une part parce qu'elle présuppose que la prolongation ne peut pas être acquise par un réacteur en l'état, d'autre part parce qu'elle impose de recourir à une nouvelle autorisation de création qui n'est pas totalement adaptée à la situation.
L'amendement proposé vise donc à combler cette lacune du cadre législatif et réglementaire actuel en introduisant une procédure spécifiquement dédiée à l'échéance des 40 ans. Celle-ci repose sur les principes suivants :
• il est tout d'abord nécessaire d'introduire une définition de l'échéance des 40 ans sur laquelle caler cette procédure. Au vu des différentes options possibles pour définir ces 40 années par rapport à une référence calendaire (première divergence, mise en service, fin du troisième réexamen décennal…) ou technique (production ou fluence cumulée…), et des implications de ce choix, la proposition de modification renvoie celui-ci à un décret en Conseil d'État ;
• la prolongation au-delà de cette échéance passe, compte tenu des enjeux de sûreté notamment et des modifications potentiellement nécessaires, par une autorisation spécifique. Pour l'obtenir, l'exploitant devra déposer un dossier de demande de prolongation ;
• il est proposé de faire coïncider le délai de dépôt de cette demande avec le délai de deux ans qui est introduit par ailleurs dans le projet de loi pour la déclaration de l'exploitant lorsqu'il prévoit l'arrêt définitif. Ainsi, en pratique, l'exploitant doit préciser son intention deux ans avant l'échéance des 40 ans, où le réacteur devra être autorisé à poursuivre son exploitation ou définitivement arrêté ;
• la rédaction précise également que la demande de prolongation déposée le cas échéant par l'exploitant devra notamment indiquer pour quelle durée il envisage cette prolongation et par quels moyens il entend assurer la protection des différents intérêts (sûreté, sécurité, santé publique etc.) pendant cette période. Cette rédaction ne fait bien sûr pas obstacle à l'application, dans le cas où le réacteur obtiendrait l'autorisation de prolongation, de la procédure de réexamens décennaux : ainsi, l'autorisation ne vaut pas garantie d'exploitation jusqu'au terme de la période visée par la demande de prolongation ;
• la procédure d'autorisation applicable à la prolongation d'exploitation doit être similaire, en termes de moyens (étude d'impact...) et de modalités de consultation (enquête publique…) à celle de l'autorisation de création, tout en étant adaptée au contenu par nature différent de la demande. Il est donc proposé de rappeler ces éléments de cadrage tout en renvoyant à une définition en Conseil d'État du détail de la procédure ;
• enfin, la question se pose également d'une application ou non à un projet de cette importance de la procédure de débat public, qui pourrait s'envisager par similitude avec une création d'installation, et compte tenu de montants d'investissement probablement supérieurs aux seuils fixés pour la saisine de la Commission nationale du débat public dans le cas de nouveaux réacteurs. Sans occulter ce point, la rédaction proposée ne le tranche pas en renvoyant la décision sur les conditions dans lesquels un tel débat public devrait être envisagé ou non à un décret en Conseil d'État.
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