Déposé le 6 novembre 2014 par : M. Lett, M. Hetzel, Mme Zimmermann, M. Chartier, M. Abad, M. Marty, Mme Genevard, Mme Grosskost, M. Decool, M. Vitel, M. Straumann, M. Audibert Troin, M. Woerth, M. Siré, M. Carrez.
Le I de l'article L. 2336‑3 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° La somme des prélèvements opérés en application du 2° du présent I et de ceux supportés par les communes en application de l'article L. 2531‑13 au titre de l'année précédente est minorée, pour chaque ensemble intercommunal ou chaque commune mentionnés au 1° du présent I, d'un montant équivalent à 5 % des investissements consacrés à la création, l'aménagement, l'extension et l'amélioration de zones d'activités à vocation industrielle au cours des dix exercices budgétaires précédents l'année de calcul du prélèvement destiné à abonder le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. Si la minoration ainsi calculée est supérieure au prélèvement, chaque ensemble intercommunal ou chaque commune mentionnés au 1° du présent I ne peut pour autant intégrer la liste des ensembles intercommunaux mentionnés au II du présent article et ne peut donc bénéficier de la répartition des prélèvements opérés en application du 2° du présent I et de ceux supportés par les communes en application de l'article L. 2531‑13 au titre de l'année précédente. Si le montant de la minoration est égal ou supérieur au montant du prélèvement, ce dernier est donc considéré comme ayant une valeur nulle. ».
Alors que la France est confrontée à une désindustrialisation forte et continue, le Gouvernement précise que l'emploi est sa priorité, notamment en mettant en œuvre une politique dite de « redressement productif ». Pour atteindre un tel objectif, il convient de créer toutes les conditions favorables pour qu'un essor industriel puisse avoir lieu en France. Si ce dessein concerne le développement d'entreprises existantes, il vise également à favoriser l'accueil de nouvelles entreprises industrielles sur le territoire national. Pour ce faire, des territoires doivent être en capacité de proposer des terrains dédiés à l'accueil d'entreprises industrielles, qui présentent des souvent des contraintes fortes. Les communes et leurs groupements doivent donc investir en ce sens, le plus souvent sans le soutien de l'État et en mobilisant une part importante de leur capacités d'investissement.
Or, depuis la suppression de la taxe professionnelle et l'instauration de Fonds national de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales (FPIC), les territoires industriels sont particulièrement pénalisés par le nouveau système fiscal et de péréquation. Un tel constat est en total contradiction avec la volonté affichée de réindustrialiser la France et d'endiguer la chute du nombre d'emplois industriels.
Ainsi, dans un contexte où ces territoires ont perdu quasiment tout dynamisme fiscal, alors qu'ils continuent à investir en faveur de dossiers économiques industriels d'intérêt local, régional et national, les modalités d'application du FPIC sont injustes pour neuf raisons essentielles :
- Le potentiel financier retenu est dit « corrigé » car il tient compte d'une assiette élargie. Or, pour qu'il soit réellement « corrigé », il conviendrait qu'il ne soit pas uniquement estimé au regard des seules recettes actuelles, mais qu'il tienne également compte des dépenses engagées par les territoires pour créer des richesses au sein de leur périmètre d'intervention. La lacune est donc l'absence de distinction entre les territoires qui ont bénéficié d'équipements importants exogènes n'ayant pas nécessité de dépenses locales et ceux qui ont investi, parfois lourdement, pour créer une dynamique économique locale.
- Les territoires qui mobilisent leurs ressources en faveur d'investissements publics « productifs » doivent souvent attendre de nombreuses années pour recueillir les fruits de leurs investissements. Au cours de cette période, ils doivent parfois supporter des frais financiers importants. Or, les efforts consentis ne sont pas reconnus dans le dispositif actuellement prévu car seul le résultat est pris en compte.
- Les territoires dits « riches » sont nombreux à être des secteurs industriels. Du fait de la suppression de la taxe professionnelle, ces territoires sont donc désormais bénéficiaires du Fonds National de Garantie Individuelle des Ressources (FNGIR) et sont de ce fait les perdants de la réforme car ils ont perdu une grande partie de leur dynamisme fiscal. En effet, les compensations de l'État sont statiques. Ces territoires qui ont perdu une large majorité de leurs leviers d'actions pour éventuellement mobiliser de nouvelles recettes sont donc pénalisés une seconde fois lorsqu'ils sont prélevés au titre du futur FPIC. En outre, dans un contexte de pression fiscale accrue, il est impossible de faire peser une fiscalité trop importante sur des populations déjà fragilisées.
- La pondération du FPIC en fonction du revenu par habitant introduit par la loi de finances pour 2013 est basé sur un a priori inopérant pour de nombreux territoires industriels ; à savoir que les salariés de l'industrie seraient moins bien payés que ceux des autres secteurs économiques. Une telle pensée est un poncif qui caricature la composition sociale des territoires industriels et les pratiques sociales des entreprises. La crise économique a en outre eu pour effet de lisser davantage les pratiques salariales. De ce fait, ce critère de pondération n'est pas à la hauteur des contraintes pesant sur les territoires industriels. Même si cette pondération est accrue dans le projet de loi de finances pour 2014, elle est contrecarrée par la mesure visant à augmenter le plafonnement de la péréquation qui passe de 11 à 13 % des recettes fiscales. Par ailleurs, les modifications de calcul pour la répartition de la CVAE des territoires industriels introduites par l'article 59 du projet de loi de finances pour 2014 n'apporteront pas de réponse immédiate dans un contexte économique où la valeur ajoutée est réduite. En outre, les sommes en jeu ne sont pas à la hauteur de celles induites par la FPIC.
- Les territoires qui ont investi massivement par le passé en faveur du développement économique, n'ont pas pu procéder au cours de la même période à des investissements non productifs mais qui améliorent cependant le cadre de vie de leurs habitants (loisirs, culture, environnement,…). Les territoires vertueux en matière de création d'emplois sont donc pénalisés et doivent désormais payer une contribution en faveur de certains territoires qui ont opéré des choix d'investissement différents.
- Les territoires industriels qui seront écrêtés sont par nature fortement impactés par les effets de la crise économique depuis 2008. Aussi, doivent-ils développer davantage de dispositifs d'accompagnement social pour leurs habitants. Or, ces dépenses indirectes induites par un potentiel économique important ne sont pas prises en considération.
- La France souhaite développer une politique industrielle de premier ordre, notamment pour rattraper son retard de compétitivité. Pour atteindre un tel objectif, il conviendra que des territoires soient en mesure d'accueillir des industries. Or, le contexte fiscal actuel n'est pas incitatif pour que des territoires acceptent encore d'orienter leurs politiques de développement en faveur de l'économie manufacturière et plus précisément de l'industrie lourde. La péréquation horizontale, telle qu'elle est appliquée, dissuade les territoires de s'engager dans une telle voie pourtant nécessaire pour l'avenir de la France. En outre, les contraintes qui pèsent sur l'accueil d'industries ne sont pas davantage prises en compte dans le cadre du calcul de la péréquation. Les contraintes et les oppositions locales ne seraient certainement pas acceptées par tous les élus locaux qui pourtant seraient enchantés de percevoir une partie des recettes des territoires industriels. Dans le même ordre, le foncier consacré au développement économique représente autant de potentiel perdu pour l'essor de l'habitat et donc pour des recettes fiscales « ménages » dynamiques.
- Les meilleures solidarités sont souvent celles qui sont organisées à l'échelle des EPCI et non pas celles organisées par l'État. Le fonds de péréquation géré à l'échelle nationale ignore donc la capacité des élus locaux à organiser de réelles solidarités interterritoriales. En outre, l'esprit girondin qui guide la décentralisation est contraire à une péréquation trop poussée organisée par l'État telle que celle qui régit le FPIC car elle est en quelque sorte opposée à une autonomie plus importante des collectivités.
- Le « Pacte de confiance et de responsabilité'' introduit une contribution des collectivités à l'effort de redressement des comptes publics, travers la diminution des dotations que leur verse l'État. Pour les EPCI, elle se traduit par un prélèvement opéré sur la dotation d'intercommunalité. Pour les structures intercommunales qui sont d'ores-et-déjà contributrices au FPIC, il s'agit d'une double peine qui minore davantage la capacité d'investissement de des EPCI d'une année sur l'autre sans qu'il n'y ai eu de possibilité d'anticipation.
Compte-tenu des arguments développés ci-dessus, il convient donc de militer dans le calcul du futur FPIC pour une meilleure reconnaissance des territoires industriels et des contraintes sociales, financières ou environnementales qu'ils doivent supportés, même s'ils sont considérés comme fiscalement privilégiés.
Pour les territoires qui engendrent leur propre richesse et contribuent au redressement productif de la France grâce à des choix stratégiques locaux et des investissements économiques lourds, il convient que le calcul du FPIC tienne compte des efforts financiers passés et présents faits en ce sens par les territoires industriels.
Ainsi, le FPIC des territoires industriels exclusivement contributeurs doit être minoré annuellement d'un montant équivalent à 5 % des investissements consacrés à la création, l'aménagement, l'extension et l'amélioration de zones d'activités à vocation industrielle au cours des dix exercices budgétaires précédents.
Si le résultat ainsi obtenu est négatif, le territoire concerné ne devient pas pour autant bénéficiaire du FPIC.
Cette longue période de recul est rendue nécessaire par le décalage parfois important entre l'investissement et la perception des retombées fiscales. Ces dépenses sont par ailleurs facilement identifiables dans le budget des collectivités (fonction dédiée ou budget annexe). Un tel dispositif serait une répétition d'un dispositif semblable qui avait été instauré à la fin des années 1970 pour le calcul des écrêtements au profit du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle et qui prenait en compte les emprunts dédiés au développement économique.
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