Déposé le 13 octobre 2014 par : Mme Coutelle, M. Muet, Mme Gueugneau, Mme Orphé, Mme Lacuey, Mme Lignières-Cassou, Mme Untermaier.
I. – Les deux derniers alinéas du 1 de l'article 6 du code général des impôts sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants à charge mentionnés au premier alinéa, exceptés les cas dans lesquels il est fait application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5 ou lorsque les personnes expriment, par écrit, le souhait d'être soumis à une imposition séparée.
« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515‑1 du code civil font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune, sauf si les personnes expriment, par écrit, le souhait d'être soumis à une imposition séparée. L'imposition commune est établie à leurs deux noms, séparés par le mot “ou”. ».
II. – La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement vise à donner la possibilité aux couples mariés ou pacsés de choisir entre l'imposition commune ou séparée de leurs revenus.
Il s'appuie sur le travail de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée Nationale qui a souhaité se saisir de cette question au début de l'année 2014, dans le cadre de la réforme fiscale lancée par Jean-Marc Ayrault en publiant un rapport d'information sur la question. Objectif : mieux appréhender l'impact du système fiscal sur les femmes.
La récente note du Conseil d'Analyse Économique (CAE) publiée en octobre 2014 dresse également un état des lieux des inégalités salariales persistantes entre les femmes et les hommes et recommande une réforme du quotient conjugal.
La question des impôts est éminemment politique. La fiscalité participe de la citoyenneté et du lien entre l'individu et l'État, elle doit donc favoriser l'émancipation de tous et toutes, en instaurant le principe du libre choix de la modalité d'imposition - conjointe, ou séparée.
Or le dispositif du quotient conjugal bénéficie en grande partie aux ménages les plus aisés, monoactifs et sans enfants : plus de la moitié de l'avantage que constitue le quotient conjugal (53 %) se concentre dans le dernier décile de niveau de vie (les 10 % des ménages les plus aisés). Et plus largement, il convient d'interroger l'efficacité des choix fiscaux opérés, d'autant que les montants en jeu sont significatifs (au moins 5,5 milliards d'euros).
Ce modèle d'imposition a été pensé en 1945, en cohérence avec une certaine norme familiale. Il est important aujourd'hui de s'interroger sur l'efficacité fiscale de ce dispositif au regard des évolutions que notre société a connu.
L'imposition séparée permettrait d'agir pour l'autonomie des femmes et pour l'emploi. Le dernier rapport annuel de l'OCDE sur la France invite d'ailleurs le Gouvernement à encourager l'activité féminine en optant pour l'imposition individuelle des revenus. L'imposition conjointe se traduit par un avantage fiscal lorsqu'il existe une différence de revenus entre les conjoints. En général le quotient conjugal réduit l'imposition du couple, mais augmente le taux marginal d'imposition du conjoint ayant les ressources les plus faibles (souvent les femmes). Il peut être désincitatif à la biactivité et pénaliser la reprise ou l'augmentation d'activité du membre du couple le moins payé.
En France, en 2011, 67 % des femmes (20 à 64 ans) étaient en emploi, contre 75 % des hommes. Plus de 80 % des temps partiels sont occupés par les femmes. Rappelons que le gouvernement s'est fixé pour objectif de résorber d'ici dix ans l'écart de taux d'emploi entre femmes et hommes.
La remise à plat de la fiscalité est un instrument qui ne peut être négligé pour atteindre cet objectif.
Cette première étape, qui consiste à ouvrir le choix de l'imposition, conjointe ou séparée, présenterait l'avantage de participer aux politiques d'égalité. Les séparations, aujourd'hui plus fréquentes, peuvent révéler des situations de vulnérabilités induites par la répartition sexuée des rôles, en particulier pour les femmes. Tout ce qui peut favoriser la bi-activité au sein des couples évite aux individus de tomber dans la précarité.
Cet amendement permet par ailleurs de supprimer les dispositions du code général des impôts prévoyant actuellement que lorsque les personnes sont mariées, l'imposition commune « est établie au nom de l'époux, précédée de la mention “ Monsieur ” ou “ Madame ”. Or, en application de l'article 1er de la loi du 6 fructidor an II (23 août 1794), toujours en vigueur, « aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance ». L'article 4 de la même loi dispose également qu' « il est expressément défendu à tous les fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par leur nom de famille ».
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