Déposé le 21 octobre 2014 par : M. Tian, M. Aboud, M. Hetzel, Mme Boyer, M. Tardy, M. Barbier, M. Lurton.
À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 871‑1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014‑892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, après le mot : « charge », sont insérés les mots : « , dans la limite de 250 % du tarif de responsabilité ».
Cet amendement vise à alerter le Gouvernement sur le risque d'une médecine à deux vitesses qu'il est en train de créer dans le cadre de son projet de décret sur les « contrats responsables » pour les complémentaires santé, projet qui a été transmis aux partenaires sociaux et aux organismes d'assurances complémentaires santé.
Ce projet de décret soulève d'ores et déjà de nombreuses questions quant à son impact réel sur la santé des Français et sur les difficultés de sa mise en œuvre compte tenu de la complexité du dispositif envisagé.
En effet, s'il part d'une bonne intention, à savoir favoriser la baisse des dépassements d'honoraires des médecins et limiter certains dépassements excessifs, il se traduira au contraire par une non régulation des tarifs des médecins ( l'expérience des dentistes avec des prothèses onéreuses non remboursées est un bon exemple) et des effets pervers avec à la clé un risque sanitaire et social important.
En limitant les remboursements par les complémentaires santé des honoraires des médecins à un seuil extrêmement bas pour les contrats dits responsables (100 % du tarif de responsabilité pour le plafond des dépassements d'honoraires), ce projet aura pour conséquence principale de réduire l'accès aux soins des Français et de les rendre inégaux face à la maladie avec des patients favorisés qui peuvent se permettre de payer des restes à charge importants ou une sur-complémentaire, et les autres qui, faute de moyens, décideront de ne plus se soigner correctement.
Les dépassements d'honoraires des médecins au-dessus des plafonds envisagés par le projet de décret sont très fréquents, en particulier pour les gynécologues, pédiatres, et ophtalmologistes, trois spécialités qui représentent 40 % des actes. Ainsi, sur l'Ile-de-France, deux consultations de gynécologues sur trois dépassent le plafond de 100 % de la Base de Remboursement Sécurité Sociale (une sur deux sur le territoire français).
Cette nouvelle mesure pèsera sur le pouvoir d'achat des assurés, et en particulier celui des classes moyennes, des femmes et des familles monoparentales (environ 200 000 familles concernées dont le chef de famille est une femme non cadre en Ile-de-France pourraient avoir avec ce projet de décret plusieurs centaines d'euros de reste à charge, données INSEE). Elle dégradera le niveau actuel de protection des Français, et ce faisant, aura des effets néfastes sur la santé publique, sans pour autant apporter de bénéfice au regard de la situation financière de l'assurance maladie obligatoire.
Cela conduira également à une rupture d'égalité territoriale, puisque la plupart des dépassements d'honoraires ont lieu en Île-de-France et dans les grandes métropoles. Ainsi, dans ces zones, les salariés subiraient des restes-à-charge plus importants que dans le reste de la France.
Ce projet de décret entraînera une totale incompréhension et illisibilité du patient face à la complexité du dispositif proposé. Ignorant le statut de son médecin (adhésion ou non du médecin à la convention d'accès aux soins), il sera dans l'incapacité matérielle de connaître le niveau de remboursement de son contrat d'assurance avant toute consultation. Éventuellement surpris par son niveau de remboursement une première fois, cela risque d'entraîner un nomadisme médical.
Enfin, alors que le gouvernement a affiché une volonté de renforcer le dialogue social au sein des entreprises avec l'Accord national interprofessionnel (ANI), ce projet de décret va au contraire brider ce dialogue car les partenaires sociaux ne seront plus libres de négocier les complémentaires les plus adaptées aux besoins des salariés.
Aussi, face à ce danger d'une véritable régression sociale dans le domaine de la santé et pour éviter les effets pervers précédemment évoqués, cet amendement souhaite relever le plafond de remboursement des dépassements d'honoraires par les complémentaires à un seuil de 250 % .
Ce seuil de 250 % correspond au niveau moyen actuel de couverture des salariés des petites et grandes entreprises et permet un accès aux soins juste et raisonnable pour l'ensemble des Français.
Il n'entraîne aucune dépense supplémentaire pour les finances publiques.
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