Amendement N° 537 (Rejeté)

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015

(4 amendements identiques : 56 89 113 644 )

Déposé le 21 octobre 2014 par : Mme Greff.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Rédiger ainsi l'article 44 :

«  Avant le 1er juillet 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant l'appréciation de la performance de négociation du comité économique des produits de santé concernant la fixation des prix des produits de santé figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, et de ses voies d'amélioration possibles, ainsi que la synthèse des enseignements de la maitrise médicalisée des produits de santé figurant dans la liste précitée, avec une évaluation du contenu et des enseignements des contrats de bon usage des médicaments conclus avec les établissements de santé. ».

Exposé sommaire :

La rédaction proposée de l'article 44 du PLFSS 2015 est particulièrement complexe et potentiellement très contre-productive, concernant l'enjeu naturellement partagé par tous d'une bonne maitrise médicalisée des produits de santé figurant dans la liste en sus.

Éminemment liée au « case-mix » des établissements de santé, à la nature des services qu'ils rendent et à la proportion de leurs activités de recours, cette nouvelle procédure envisagée comporte trois risques très sérieux :

- Etre un frein à un accès équitable aux soins et à l'innovation thérapeutique pour les patients, alors que la liste en sus avait été mise en place pour éviter ce travers possible de la tarification à l'activité–sous réserve bien entendu du respect des critères de bon usage ;

- Pénaliser les établissements de santé de statut privé non lucratif et de statut commercial ayant des activités d'excellence ou de recours, parfois dans des proportions très supérieures aux autres dans certains domaines d'activité : une étude de l'ATIH en 2009 a ainsi montré que – contrairement aux idées reçues- les CHU ont une assez faible proportion d'activité de recours (5 % en moyenne, le CHU de Lille est le plus élevé à 8 %), soit une proportion (et une exposition micro-économique au projet d'article 44) bien moindre que certains établissements de santé privés (le Centre Chirurgical Marie-Lannelongue -Plessis-Robinson- est à plus de 45 % d'activité de recours par exemple), sachant les établissements privés non lucratifs ou privés de statut commercial ne peuvent perdurer dans le déséquilibre budgétaire, et sont beaucoup moins soutenus financièrement par le Ministère et les ARS que les établissements publics de santé ;

- Amplifier un processus de complexification des schémas de tarification, au point de risquer de les rendre illisibles, impossibles à anticiper dans leurs effets, soit l'engendrement d'un sentiment d'abattement ou de découragement des gestionnaires les plus responsables ou engagés dans le double challenge de la qualité de service et de l'équilibre économique.

Pour cette raison, la présente proposition d'amendement propose de supprimer cette disposition aussi absconse dans sa conception que floue dans son périmètre d'application et les modalités concrètes de sa mise en œuvre pour les gestionnaires, afin de privilégier plutôt l'analyse et le confortement des actions de maitrise médicalisée, seules véritablement légitimes pour les patients comme pour les professionnels de santé : il n'y a pas lieu de mettre indirectement à la charge des établissements de santé le paiement d'une partie des tarifs des médicaments et prestations pharmaceutiques, au motif qu'ils seraient trop fréquemment prescrits ou trop coûteux, alors que la puissance publique en détermine elle-même le tarif.

En effet, l'article L. 162‑16‑6 du code de la sécurité sociale dispose que les tarifs des spécialités pharmaceutiques tiennent compte, sous le contrôle du comité économique des produits de santé, notamment des prix des spécialités à même visée thérapeutique et de l'amélioration du service médical rendu (AMSR) par la spécialité. Le prix des spécialités pharmaceutiques est donc défini au regard du bénéficie médical attendu pour les patients.

Il ne peut donc être réclamé aux établissements de santé de payer, via les tarifs d'hospitalisation, une part du tarif des spécialités pharmaceutiques pour lesquelles le comité économique des produits de santé a considéré qu'il était justifié, sauf à considérer que ce tarif n'est, en réalité, plus justifié au regard du service médical apporté. Dans ce cas, il appartient à l'industrie pharmaceutique de réduire les prix de vente de leurs spécialités, et au CEPS de mieux jouer son rôle. À l'inverse, si le prix est justifié au regard de l'ASMR, le déremboursement des prestations d'hospitalisation prévu par l'article 44 risque de conduire les établissements de santé à ne pas prescrire certaines spécialités pharmaceutiques à des patients qui devraient pouvoir en bénéficier, ce qui est profondément anormal.

La présente proposition d'amendement vise donc à privilégier la construction méthodique et partagée d'une politique publique concernant la maitrise des dépenses de la « liste en sus », basée sur une objectivation qualitative de la « performance-achat-régulation » du CEPS et des contrats de bon usage des médicaments, et de leurs voies d'amélioration, plutôt que de s'engager dans une casuistique tarifaire et une créativité juridique toujours plus incertaines et illisibles, au détriment des établissements de santé et des patients qui leur font confiance.

Exemple de l'Herceptin :

Les médicaments les plus prescrits de la liste en sus sont des médicaments anti cancéreux, dans leurs premières années de mise sur le marché : leur prescription très encadrée correspond à un besoin criant de thérapies de plus en plus ciblées pour des populations de patients très spécifiques. Le meilleur exemple en est une molécule comme l'Herceptin. Sa prescription concerne en premier lieu les cancers du sein métastasés pour des femmes surexprimant un gène spécifique, soit 20 % des femmes qui présentent une tumeur du sein chaque année. Cette molécule est prescrite toutes les 3 semaines pendant deux années, et ses résultats sont excellents en termes d'amélioration de la survie de ces patientes. Lors de son AMM, on a pu constater une montée en charge très rapide de ce médicament pendant plusieurs années. Avec une telle mesure, les séances de chimiothérapie comportant de l'Herceptin auraient donc vu leur GHS impacté.

Cette mesure ne comporte aucune idée pédagogique et crée un lien délétère entre le praticien prescripteur et l'établissement gestionnaire. Elle est complètement antinomique avec l'objectif premier de la création de la liste en sus : permettre aux équipes médicales de disposer de nouvelles molécules, certes onéreuses, mais novatrices et permettant d'améliorer la survie de patients présentant de lourdes pathologies.

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