Déposé le 17 mars 2015 par : le Gouvernement.
Après l'article L. 3511‑3 du code de la santé publique,il est inséré un article L. 3511‑3‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3511‑3‑1. – I. – Les fabricants, importateurs et distributeurs de produits du tabac, ainsi que les entreprises, organisations professionnelles ou associations les représentant publient et adressent chaque année au ministre chargé de la santé un rapport détaillant l'ensemble de leurs dépenses de publicité, de propagande et de promotion en faveur de leurs produits réalisées en France ou à l'égard de personnes physiques résidant en France ou à l'égard de personnes morales dont le siège social est situé en France.
« Ce rapport inclut, outre les dépenses de publicité directe ou indirecte définies aux articles L. 3511‑3 et L. 3511‑4, l'ensemble des dépenses liées à des activités d'influence ou de représentation d'intérêts.
« II. – Sont considérées comme des dépenses liées à des activités d'influence et de représentation d'intérêts :
« 1° Les rémunérations de personnels employés en totalité ou en partie pour exercer des activités d'influence ou de représentation d'intérêts ;
« 2° Les achats de prestations auprès de sociétés de conseil en activités d'influence ou de représentation d'intérêts ;
« 3° Les avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, dont la valeur dépasse dix euros, procurés à :
« 4° Les contributions ou dons bénéficiant à des partis ou groupements politiques, à des candidats à des mandats électifs ou au financement de campagnes politiques.
« III. – Le rapport mentionné au I permet de connaître, pour chaque entreprise tenue de l'établir :
1° Le montant total des rémunérations mentionnées au 1° du II et le nombre des personnes concernées ;
2° Le montant total et l'identité des bénéficiaires des dépenses mentionnées au 2° du même II ;
3° La nature et l'identité du bénéficiaire de chaque dépense mentionnée aux 3° et 4° du II précité.
« IV. – Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, notamment le modèle du rapport, ses modalités de transmission, la nature des informations qui sont rendues publiques et les modalités selon lesquelles elles le sont. ».
Le tabac est responsable de 73.000 morts par an en France. C'est la première cause de mortalité évitable et la première cause de cancer.
La Convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT) a notamment pour objectif l'interdiction globale de la publicité, de la promotion et du parrainage en faveur du tabac (article 13) et la lutte contre l'influence de l'industrie du tabac dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques liées au tabac (article 5.3).
Dans le préambule de la CCLAT, les parties ont reconnu « la nécessité d'être vigilant face aux efforts éventuels de l'industrie du tabac visant à saper ou dénaturer les efforts de lutte antitabac et la nécessité d'être informé des activités de l'industrie du tabac qui ont des répercussions négatives sur les efforts de lutte antitabac ». Les lignes directrices adoptées par les Etats parties pour l'article 5.3. indiquent par ailleurs qu'il y a un conflit fondamental et inconciliable entre les intérêts de l'industrie du tabac et ceux de la santé publique et que les parties devraient exiger de l'industrie du tabac et de ceux qui s'attachent à promouvoir ses intérêts qu'ils travaillent et agissent de manière responsable et transparente.
En France, si l'interdiction globale de publicité en faveur du tabac, bien qu'imparfaitement respectée, existe aux articles L. 3511-3 et suivants du code de la santé publique, de nombreux éléments attestent de la diversité des stratégies employées par l'industrie du tabac pour s'ingérer dans l'élaboration et la mise en œuvre des mesures de lutte contre le tabac. Ainsi, une des pratiques de l'industrie du tabac consiste à utiliser des individus et des organisations qui agissent, ouvertement ou non, pour son compte ou s'attachent à promouvoir ses intérêts.
Face à ces stratégies, le risque existe que l'intérêt personnel influence les responsabilités officielles, comme le reconnaît le Code international de conduite des hauts fonctionnaires et comme l'attestent de récents reportages télévisés, de même que certaines actions en justice pendantes sur des liens d'intérêts entre élus ou fonctionnaires et industriels du tabac initiées par le comité national de lutte contre le tabagisme (invitations à déjeuner, location de loges à Roland Garros etc.).
La CCLAT a une valeur contraignante pour la France, qui l'a ratifiée en octobre 2004, et la transparence des relations entre les industriels du tabac et les décideurs publics, les garanties de probité et d'intégrité, de prévention des conflits d'intérêt et de lutte contre ceux-ci sont légitimes pour garantir la neutralité des politiques publiques mises en place pour lutter contre le tabac.
Le présent amendement a pour objet d'insérer un article L.3511-3-1 dans le code de la santé publique pour lutter contre l'ingérence de l'industrie du tabac dans les politiques publiques et pour prévenir les conflits d'intérêt. Dans la lignée de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publiqueet du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits des fonctionnaires, il est proposé de mettre en place une obligation pour les industriels du tabac de communiquer au ministre chargé de la santé leurs dépenses de communication et de lobbying et leurs contributions ou dons éventuels à des partis, candidats ou campagnes politiques. Certaines de ces dépenses ont vocation à être ensuite rendues publiques.
Cette mesure de transparence vis-à-vis des activités de l'industrie du tabac va dans le même sens que ce qui a été fait vis-à-vis des industriels pharmaceutiques avec le site internetwww.transparence.sante.gouv.fr.
Il s'agit d'une des mesures emblématiques du programme national de réduction du tabagisme 2014-2019.
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