Déposé le 28 novembre 2014 par : le Gouvernement.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L'article 568 ter est ainsi rédigé :
« Art. 568 ter. – I. – La vente à distance de produits du tabac manufacturé, y compris lorsque l'acquéreur est situé à l'étranger, est interdite en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer. L'acquisition, l'introduction en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne ou l'importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé dans le cadre d'une vente à distance sont également interdites en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer.
« II. – Les produits du tabac manufacturé découverts dans les colis postaux ou dans les colis acheminés par les entreprises de fret express, provenant d'un autre État, sont présumés avoir fait l'objet d'une opération interdite au sens du I, sauf preuve contraire. » ;
2° Le premier alinéa du 10° de l'article 1810 est ainsi rédigé :
« 10° quelles que soient l'espèce et la provenance de ces tabacs : fabrication de tabacs ; détention frauduleuse en vue de la vente de tabacs fabriqués ; vente, y compris à distance, de tabacs fabriqués ; transport en fraude de tabacs fabriqués ; acquisition à distance, introduction en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne ou importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé acquis dans le cadre d'une vente à distance. » ;
3° L'article 1811 est ainsi rétabli :
« Art. 1811. – La peine d'emprisonnement, prévue au premier alinéa de l'article 1810, est portée à cinq ans pour les infractions mentionnées au 10° de ce même article commises en bande organisée. » ;
4° À l'article 1817, après la référence : « 1810 », est insérée la référence : « , 1811 ».
II. – Le III de la section II du chapitre premier du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales est complété par un D ainsi rédigé :
« D »
« Droit d'audition ».
« Art. L. 39. – La personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre des faits constituant une infraction en matière de contributions indirectes ou de réglementations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, ne peut être entendue sur ces faits qu'après la notification des informations prévues à l'article 61‑1 du code de procédure pénale.
« S'il apparaît, au cours de l'audition d'une personne, des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, ces informations lui sont communiquées sans délai. ».
III. – Le 4 de l'article 38 du code des douanes est complété par un 16° ainsi rédigé :
« 16° Aux produits du tabac manufacturé ayant fait l'objet d'une opération mentionnée au I de l'article 568 ter du code général des impôts ».
La mesure proposée vise à transposer les dispositions de l'article 18 de la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac.
Cette directive permet aux États membre d'interdire les ventes à distance transfrontalières pour des raisons de conformité des produits ou pour empêcher l'accès des jeunes au tabac et afin de ne pas fragiliser la lutte anti-tabac.
L'article 18 de la directive 2014/40/UE prévoit ainsi que les États membres peuvent interdire la vente à distance transfrontalière de produits du tabac destinés aux particuliers.
Par vente à distance transfrontalière il faut entendre, au sens de la directive précitée « une vente à distance à des consommateurs dans le cadre de laquelle, le consommateur au moment où il commande le produit au détaillant, se trouve dans un État membre autre que l'État membre ou le pays tiers dans lequel ce détaillant est établi ».
Par ailleurs, la mesure vise également à interdire l'acquisition de produits manufacturés de tabacs acquis dans le cadre d'une vente à distance, allant en cela au delà de la directive précitée. Une telle mesure se justifie par l'ampleur des constatations réalisées et la nécessité d'intensifier la lutte contre les achats à distance de tabacs manufacturés. Ainsi, en France, les services douaniers ont procédé en 2013 à 2746 constatations sur le fret express et postal qui représentent plus de 22 tonnes de produits du tabac. Par ailleurs, depuis le début de l'année, les ventes légales de tabac (donc le chiffre d'affaires des débitants) se traduisent par une baisse, en volume de 6,5 % pour les cigarettes, et de 5,5 % pour le tabac à rouler.
Enfin, l'étude « modalités d'approvisionnement du tabac en France-Évaluation des achats hors du réseau des buralistes » produite en août 2011 par la DGDDI a estimé la contrebande (contrefaçons, achats sur la voie publique et sur Internet) à 5 % du marché de la vente de cigarettes en France. Cette étude établissait que le chiffre de 62 800 tonnes de produits du tabac étaient vendues dans le réseau des buralistes et évaluait donc la part de la contrebande à 3925 tonnes, ce qui représente une perte fiscale estimée à plus d'un milliard d'euros.
L'estimation des volumes vendus sur internet reste difficile car elle repose sur des sondages, mais l'ampleur des volumes saisis ces dernières années montre que le phénomène de la vente sur internet connaît un accroissement sensible depuis plusieurs années.
L'article 568 ter du code général des impôts (CGI) interdit la commercialisation à distance en France métropolitaine et dans les départements d'outre mer sans autre précision. Il convient donc de modifier cet article, afin d'interdire la vente à distance mais également l'acquisition de tabac vendu à distance et d'interdire l'importation des tabacs manufacturés ayant fait l'objet d'une vente à distance transfrontalière, quelle que soit leur provenance.
La sanction de l'interdiction de vente et d'acquisition à distance du tabac manufacturé doit être dissuasive et efficace. Outre, les sanctions prévues à l'article 1791 du CGI, les sanctions prévues à l'article 1810 du même code seront désormais applicables à la vente à distance, à l'acquisition à distance ainsi qu'à l'importation et l'introduction des produits du tabac manufacturé ayant fait l'objet d'une vente à distance. La peine d'emprisonnement de l'article 1810 est, par ailleurs, portée à 5 ans pour ces faits dès lors qu'ils sont commis en bande organisée.
Par ailleurs, il importe de doter les agents des douanes d'un pouvoir d'audition leur permettant de recueillir des renseignements utiles à l'identification des réseaux de vente et d'acquisition à distance de tabacs manufacturés (ex : sites de vente en ligne, mode d'acheminement des marchandises, etc)
Ces auditions seront réalisées dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties que celles diligentées dans le cadre des enquêtes portant sur des infractions douanières (notamment les importations illégales de tabacs manufacturés) et des enquêtes judiciaires.
Ainsi, l'article L. 39 du livre des procédures fiscales, à l'instar de l'article 67 F du code des douanes, renvoie aux dispositions de l'article 61‑1 du code de procédure pénale, lequel a transposé la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales.
Enfin, le contrôle du respect de ces interdictions doit être effectué quel que soit le flux de tabac envisagé (en provenance de pays tiers ou d'autres États membres). Dès lors, il est nécessaire d'interdire l'importation de tabac manufacturé ayant été acquis à distance et de donner aux agents des douanes, la possibilité de contrôler tous ces flux. C'est pourquoi l'article 38 § 4 du code des douanes doit être modifié.
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