Déposé le 30 janvier 2015 par : M. Paul, Mme Filippetti, Mme Carrey-Conte.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer un article additionnel, ajouté par amendement, qui établit une protection du secret des affaires par des mesures civiles et pénales. L'article ainsi proposé comporte trois dispositions : une définition du secret des affaires, un ensemble de mesures civiles et pénales, afin de le protéger.
Sur un sujet aussi sensible et aux conséquences potentielles importantes, l'improvisation ne peut être la règle, et une véritable réflexion approfondie ainsi qu'un débat parlementaire conséquent s'impose. En effet, la définition ainsi proposée du secret des affaires n'a pas de contours suffisamment clairs, puisque, par exemple, sera protégée au titre du secret des affaires toute information « qui, notamment en ce qu'elle est dénuée de caractère public, s'analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique », ou encore, « qui fait l'objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non public ». Cette définition inclut ainsi les éléments sensibles révélés par les journalistes d'investigation et les « lanceurs d'alerte », dont l'utilité n'est plus à prouver. L'amiante faisait en effet partie du « potentiel scientifique et technique » des sociétés en produisant, tout comme les composantes du Mediator pour les laboratoires Servier. Le montage luxembourgeois donnant lieu à l'affaire « LuxLeaks » faisait bien l'objet de « mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique ».
Les conséquences juridiques sont potentiellement lourdes, puisque des procédures civiles en référé allant de la saisie des matériaux permettant la violation du secret des affaires, jusqu'à la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers, ou encore des mesures pénales lourdes (3 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende), seront applicables.
Les dispositions prévues dans le texte du projet de loi pour protéger le droit à l'information semblent insuffisantes pour protéger le « droit de savoir » du grand public. En effet, si le signalement d'informations ainsi protégées aux autorités ne sera pas passible de poursuites pénales, cette disposition ne concerne ni les journalistes ni les lanceurs d'alerte, qui s'appuient sur l'opinion publique pour révéler leurs affaires. De même, l'inclusion du secret des affaires dans la loi sur la presse de 1881 par l'article 64 septies ne concerne que les procès en diffamation, permettant aux journalistes incriminés de se défendre en révélant (possiblement à huis clos) des informations secrètes. Enfin, si la responsabilité civile des personnes exerçant légitimement leur « liberté d'expression ou d'information, ou la révélation d'un acte illégal » ne saurait être engagée, ces critères sont par définition laissés à l'appréciation du juge, et ne semblent pas suffisamment inscrits dans la loi.
Enfin, et pour les mêmes raisons, cet article risquerait de placer des entreprises d'innovation ouverte (« Open Data ») dans une situation d'insécurité juridique majeure, alors que l'esprit du projet de loi est au contraire de réduire au maximum les situations floues et incertaines pour nos entreprises.
Il est donc proposé de supprimer cet article, afin de mener une réflexion large et approfondie sur le sujet, pour protéger nos entreprises de la concurrence internationale déloyale, de l'espionnage industriel, tout en préservant le droit de savoir et l'innovation ouverte. Il convient de souligner qu'entre temps, nos entreprises ne seront pas dénuées de toute protection, puisque la législation sur les brevets ou leurs propres dispositifs de sécurité leur permettent de lutter contre l'espionnage industriel.
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