Amendement N° 893 (Tombe)

Nouvelle organisation territoriale de la république

Déposé le 18 février 2015 par : M. Guillet, M. Straumann, M. Albarello, M. Balkany, M. Chartier, Mme Pécresse, M. Ollier, M. Myard, M. Berrios, M. Breton, M. Santini, M. Gaymard, M. Solère.

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À la fin de l'alinéa 21, supprimer les mots :

«  et de gaz ».

Exposé sommaire :

L'objet de la nouvelle rédaction du f) du II de l'article L. 5219‑1 du CGCT, telle que proposée par amendement par le gouvernement, est de transférer à la Métropole du Grand Paris la compétence en matière de « Concession de la distribution publique d'électricité et de gaz ».

Compte tenu des grandes spécificités et singularités techniques, juridiques et financières propres à la mise en œuvre de chacune de ces énergies et du rôle singulier que chacune est amenée à prendre dans la politique énergétique nationale, la situation des compétences « gaz » et « électricité » ne peuvent pas être considérées et traités indistinctement, « en une phrase ». C'est vrai en général sur le territoire national ; c'est tout particulièrement vrai en Ile-de-France où il convient d'apprécier et d'évaluer clairement les enjeux et les importantes perturbations qui affecteraient notamment la distribution et l'usage du gaz naturel en cas de remise en cause intempestive de la dévolution de la compétence « concession gaz » - d'ailleurs demandée par personne.

La « gestion » du gaz naturel en Ile-de-France répond à des problématiques tout à fait particulières, qu'il s'agisse :

- de l'organisation et du contrôle technique de sa distribution et donc de la continuité du service public et de la sécurité des réseaux ;

- du rôle tout particulier qu'est amenée à prendre cette énergie primaire dans la mise en œuvre opérationnelle de la Transition énergétique sur tout le territoire francilien ;

- enfin de l'organisation actuelle, institutionnelle et fonctionnelle de cette compétence, structurée, pour l'essentiel, autour de deux très larges périmètres concessifs ( Paris, et la couronne - aire urbaine -).

Paradoxalement, l'hypothèse de l'attribution à la MGP d'une compétence « gaz » reviendrait, en la matière, au lieu de la « rationaliser », à faire éclater et à disperser cette compétence aujourd'hui exercée, hors Paris, et à la satisfaction générale, par une Autorité Organisatrice unique d'échelle territoriale quasi-régionale (le Sigeif). Ainsi, outre les inquiétantes conséquences techniques d'une telle réorganisation-désorganisation ( voir infra), ce projet de réorganisation apparaitrait finalement comme une régression par rapport à l'objectif même de la loi NOTRe, visant à rationaliser et à élargir les cartes de coopération intercommunales.

C'est pour toutes ces raisons, à la fois techniques, juridiques, financières, organisationnelles, et enfin de bonne politique énergétique qu'il convient de ne pas dangereusement désorganiser, voir remettre en cause dans son développement, la filière « service public du gaz » en Ile-de-France en en bouleversant les acteurs professionnels et industriels, au détour d'une loi d'organisation administrative.

Enfin, le dispositif s'appuyant sur un syndicat intercommunal à une maille supra-départementale est de nature à contribuer à l'efficience économique grâce à la rationalisation des ressources qu'il permet, au service de la transition énergétique et du patrimoine industriel.

COMPLÉMENTS TECHNIQUES D'EXPLICATION ET D'APPRÉCIATION

1- En ce qui concerne la distribution du gaz : Les réseaux de distribution public de gaz gérés par GrDF sont soumis à une tarification nationale péréqué. Néanmoins, contrairement à l'électricité, la distribution du gaz n'a jamais été soumise à une obligation légale d'universalité de la desserte sur l'ensemble du territoire.

C'est pourquoi, les réseaux de distribution de gaz se sont structurés et développés en fonction de seuls critères de cohérence et de faisabilité technique et économique ( par rapport au tarif). Le périmètre des concessions de gaz a donc toujours transcendé les frontières des découpages administratifs, ne relevant que du seul dialogue « industriel », technique et financier, entre « Autorités Organisatrices concédantes » ( groupement de collectivités locales souhaitant être desservies) et Gestionnaires de réseaux. Ces contraintes « industrielles » sont d'autant plus fortes qu'elles doivent intégrer des impératifs complexes de sécurité, d'homogénéité du produit distribué et de régularité des approvisionnements.

Le gaz naturel distribué en France est en effet entièrement importé et présente, à « ses » origines, des caractéristiques techniques hétérogènes (notamment des « pouvoirs calorifiques » (PCS) différents). Le gaz circulant dans les réseaux doit donc être évalué et contrôlé en continu afin « d'homogénéiser » la facturation du produit livré au client final.

Ce sont tous ces éléments techniques, industriels financiers et de sécurité qui « dessinent » un réseau de distribution de gaz .

Ainsi, en Ile-de-France, c'est ce qui a justifié, historiquement, pour l'ensemble de la couronne parisienne, la création et le développement (depuis 1904 !) d'un réseau organisé par une autorité concédante unique ( le « syndicat de la banlieue de Paris pour le gaz », devenu le « Sigeif »).

L'Ile-de-France dispose de gaz provenant, pour l'essentiel de Norvège, d'Algérie et de Russie, de manière plus marginale des Pays-Bas et, en appoint, de stockages souterrains. Les PCS de ces différents gaz sont évalués et contrôlés en continu dans le cadre de cinq « sous réseaux » techniques, suivis chacun par des laboratoires dédiés ( dont deux sont directement gérés par le Sigeif). Chacun de ces « sous réseaux » gaziers rassemble les territoires de communes de première et de deuxième couronne de l'aire urbaine de Paris, regroupés en grands sous secteurs géographiques organisés en « pétales » (ouest, est, nord-ouest, nord-est et sud).

On le comprend donc, envisager brusquement un découpage et un morcellement de cette concession selon un critère purement administratif (1ère/2ème couronne), qui n'a rien à voir avec sa logique industrielle de construction, risquerait d'avoir de sérieuses conséquences sur la continuité du service public rendu, ses conditions techniques et financières d'exploitation ( prix, qualité, sécurité) et conduirait inévitablement à une perturbation voir au gel au moins pour un certain temps des programmes d'investissements pluriannuels liés à ces réseaux.

Enfin, une superposition de périmètres et la dilution des responsabilités qui en résulterait mettrait à mal les éventuels projets de déploiement de nouvelles dessertes gazières sur des communes actuellement non desservies, qui supposent d'être portés, pour être rentables, dans le cadre de territoires concessifs élargis.

2- Le Gaz naturel, outil de la transition énergétique en Ile-de-France

Les conséquences de cette « décomposition » de la compétence gazière en Ile-de-France doivent être également évaluée à l'aune de la contribution très concrète attendue de la part cette énergie primaire à la mise en œuvre de la transition énergétique et à la recomposition du mix énergétique dans la région capitale.

Ainsi notamment, dans le domaine des nouvelles mobilités urbaine, la disparition programmée de « l'opérateur historique » Sigeif - qu'induirait inévitablement le transfert de compétence envisagé bloquerait la mise en œuvre du programme d'investissement pour le développement d'un réseau francilien de stations de recharge publiques pour les véhicules au GNV, condition sine qua non de la substitution progressive de cette motorisation à la motorisation diésel, notamment pour les véhicules utilitaires. Ce programme, objet d'un protocole signé le 18 décembre dernier entre la Ville de Paris, La Poste, et Grdf, avec le soutien financier de la Région Ile-deFrance désignait en effet le Sigeif comme maître d'ouvrage pour le développement et la gestion de ce réseau de stations.

De la même façon, la dilution de la compétence gaz remettrait en cause les rapprochements et les partenariats à l'étude, entre les grands syndicats de l'aire urbaine de Paris, qui développent des activités complémentaires répondant à de mêmes logiques de larges réseaux territoriaux ( gaz, déchets, assainissement) dans une perspective de promotion de l'économie circulaire et tout particulièrement de création d'unités de méthanisation et de production de biogaz injectable dans les réseaux.

D'une façon générale, il est clair que la disparition d'acteurs techniques spécialisés tels le Sigeif, agissant au service et pour le compte de l'ensemble des collectivités territoriales d'Ile-de-France dans les domaines de l'efficacité énergétique, de la Maîtrise de l'énergie ou encore le l'achat groupé d'énergie, sur des marchés désormais ouverts à la concurrence, représenterait une très dommageable perte d'expertise et de savoirs faire au moment où toutes ces collectivités publiques doivent relever les défis de la Transition énergétique.

C'est pourquoi il apparaît nécessaire d'exclure la compétence « concession gaz » des compétences transférées à la Métropole du Grands Paris, pour des raisons parallèles d'ailleurs à celles qui ont conduit à exclure les compétences concernant d'autres grands services publics de l'aire urbaine parisienne, gérés par d'autres grands syndicats techniques spécialisés ( eau, assainissement, ordures ménagères), et dont le périmètre d'intervention dépasse également largement celui du territoire administratif de la future MGP.

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