Déposé le 9 avril 2015 par : M. Saddier, M. Tardy.
Compléter cet article par les cinq alinéas suivants :
« IV. - L’article L. 533‑22‑1 du code monétaire et financier est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les investisseurs institutionnels, caisses de retraite du secteur public et du secteur privé, fonds de pension du secteur public et du secteur privé, instituts de prévoyance, compagnies d’assurance, mutuelles, associations, fondations, institutions spéciales réalisent dans leur rapport annuel et dans les documents destinés à l’information de leurs cotisants, bénéficiaires, souscripteurs, donateurs ou adhérents, une évaluation quantitative de leur contribution, via les actifs qu’ils détiennent, au financement de la transition énergétique et de l’économie verte dans la perspective de contribuer à la limitation du réchauffement climatique à +2°C. Cette évaluation s’appuie sur une mesure des émissions de gaz à effet de serre associées aux actifs détenus, toutes classes d’actifs confondus, dénommée « empreinte carbone », ainsi que sur une mesure de la part de leur portefeuille investie dans des actifs induisant des réductions d’émissions de gaz à effet de serre, dite « part verte ».
« Les documents résultant de cette évaluation et de cette mesure précisent la situation du portefeuille au regard de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique à +2°C, et des objectifs correspondants définis au niveau national et européen. Le cas échéant, ils expliquent les raisons pour lesquelles la part verte n’atteint pas le seuil de 5 % sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2016, et 10 % sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2020. Ils décrivent les moyens mis en œuvre pour améliorer la contribution du portefeuille, ainsi que la manière dont sont exercés à cet égard les droits de vote attachés aux instruments financiers qui en disposent.
« Ces dispositions s’appliquent dès le rapport annuel et les documents d’information portant sur l’exercice clos au plus tard au 31 décembre 2016.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application des trois alinéas précédents, notamment le périmètre d’émission pertinent, les modalités de calcul et de présentation de l’empreinte carbone et de la part verte, de façon à permettre une comparaison des données entre organisations et produits financiers, et une meilleure lecture par les pouvoirs publics. Il fixe également les modalités de vérification des calculs par des organismes tiers indépendants. »
Cet amendement vise à compléter et renforcer les dispositions adoptées au Sénat (III. de l’article 48 du projet de loi) complétant l’article L. 225‑100‑2 du code du commerce afin de rendre obligatoire, à compter de cette année, l’évaluation par les entreprises des risques de long terme liés au changement climatique. Il traite en effet des obligations de reporting qui pèsent sur les entreprises et les investisseurs s’agissant de l’impact de leurs actions sur la transition énergétique, et la publication d’information relatives à l’impact des mesures en faveur de la transition énergétique sur leur activité.
En effet, atteindre les objectifs poursuivis par la présente loi dans le domaine de l’efficacité énergétique, de l’isolation thermique des bâtiments, du développement des énergies renouvelables, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans une optique « deux degrés » suppose la mobilisation des investisseurs institutionnels publics et privés. Les acteurs privés fournissent plus de 80 % des fonds utilisés pour les financements climatiques en France (source : CDC Climat 2014).
Au niveau international, des acteurs clés comme l’Organisation des Nations Unies, la Commission Européenne, le gouvernement Chinois, ou la coalition d’investisseurs américains CERES ont lancé des appels à la mobilisation des investisseurs privés pour financer la transition vers une économie bas-carbone et se sont engagés dans des réflexions sur les incitations réglementaires à introduire.
La France accueillera la COP 21 en décembre 2015, il est donc tout naturel que le 1er exercice sur lequel s’appliqueront les dispositions proposées par l’amendement soit l’exercice 2016. Il n’y a en effet nulle raison de différer l’application d’une telle mesure, porteuse d’exemplarité.
Part verte. Le 6 juillet 2014, dans une intervention sur les dérèglements climatiques aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international lançait l’appel suivant : « J’appelle donc les investisseurs privés et institutionnels (Fonds souverains, fonds de pension, sociétés financières, etc.) à investir là où se trouve leur intérêt réel. C’est d’eux que viendra l’essentiel des moyens nécessaires. L’économie verte représente moins de 1 % des portefeuilles traditionnels. Un objectif volontariste serait de porter cette part autant que possible à 10 % d’ici 2020. Sachant que la performance des portefeuilles « verts » est au moins aussi bonne que les autres. Cela explique l’appétence des marchés pour les « obligations vertes » qui sont généralement sursouscrites. Le Fonds souverain de Norvège (d’où je reviens) a récemment décidé de doubler ses placements dans les énergies renouvelables (de 3,8 à 7,8 Mds euro). Ces initiatives doivent s’étendre […] »
Cet appel fait écho à la multiplication des initiatives volontaires des investisseurs institutionnels au niveau international en réponse à l’appel du secrétaire général des Nations-Unies, et aux réflexions en cours au niveau européen dans le cadre des objectifs de mobilisation des capitaux privés dans le financement du long-terme introduit par la commission sortante. Le présent amendement vise à apporter une première réponse en fixant dans la loi une obligation à évaluer la situation des portefeuilles d’investissement au regard de cet objectif.
Empreinte carbone. Depuis plus de sept ans, les gérants de portefeuilles d’investissement et les distributeurs évaluent et publient, sur une base volontaire, l’empreinte carbone de leurs supports d’investissement. Ces pratiques concernent aujourd’hui tous les grands marchés financiers (États-Unis, Grande Bretagne, Allemagne, Suisse, Chine, etc.) et sont en voie de standardisation au niveau international.
En France, elles ont été testées par plusieurs acteurs de référence, notamment la Caisse d’épargne (sur plus de 100 supports d’épargne en 2008), Cortal Consors-BNP Paribas (sur plus de 400 fonds actions depuis 2010), et l’Etablissement de Retraite Additionnelle de la Fonction Publique (ERAFP) qui a publié en mars 2014 l’empreinte carbone de ses investissements en actions cotées.
L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) soutient et valide les travaux méthodologiques dans ce domaine depuis 2007. Dans ce cadre, une étude publiée en 2013 (Des émissions financées à la performance climatique) montre que le coût de mise en œuvre des démarches d’évaluation est négligeable pour les institutions financières. L’ADEME a publié le 7 décembre 2014 un guide méthodologique des émissions GES du secteur financier.
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