Amendement N° 614 (Non soutenu)

Modernisation du système de santé

Déposé le 30 mars 2015 par : Mme Boyer.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Après l'article L. 5231-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5231-2-1 ainsi rédigé :

«  Art. L. 5231-2-1. – Sont interdits les dispositifs médicaux à destination des prématurés, des nourrissons et des enfants contenant un des phtalates interdits par le décret n° 2006-1361 du 9 novembre 2006 relatif à la limitation de l'emploi de certains phtalates dans les jouets et les articles de puériculture.
«  Sont interdits dans les unités de soins intensifs, de maternité et de pédiatrie, les sols contenant un des phtalates interdits par le décret n° 2006-1361 du 9 novembre 2006 précité.
«  Un décret du Conseil d'État précise les délais pour se conformer aux dispositions du présent article. »

Exposé sommaire :

Les phtalates sont une famille de molécules chimiques principalement utilisées pour assouplir le polychlorure de vinyle (PVC) ainsi que d'autres polymères. Produits à 3 millions de tonnes par an dans le monde, on les retrouve partout dans notre environnement quotidien : emballage alimentaire, nappes, fournitures de bureau, colles, lubrifiants, rideaux de douche, sols plastiques, matériel d'isolation, etc. Dans les établissements de santé, leur présence est encore plus marquée. Ils entrent en effet dans la composition de nombreux dispositifs médicaux (tubes et poches de perfusion et de nutrition, cathéters, gants médicaux, sondes) à hauteur de 30 à 50 % du produit fini. Certaines applications souples comme les tubulures pouvant même contenir jusqu'à 60 % de phtalates.

Comme le rappelle l'AFSSAPS, les phtalates sont semi-volatils et pénètrent l'environnement principalement par l'émission dans l'air ou par lessivage des produits PVC. De par leur caractère lipophile, ils ont tendance à migrer vers le sang et les mélanges nutritifs gras et ce, dans des proportions démultipliées lors de chocs thermiques. Le simple exemple des poches de sang qui, pour être conservées, sont successivement chauffées puis refroidies laisse entrevoir l'ampleur de la question dans les établissements de santé.

Or, l'exposition aux phtalates est, depuis plus de 20 ans, le sujet d'une inquiétude grandissante de la part de la communauté scientifique. Des études sur les animaux ont d'abord mis à jour le risque de malformation de l'appareil reproductif masculin (atrophie et descente incomplète des testicules) et de troubles de la fertilité. Mais la question de la transposabilité de ces études à l'homme a longtemps fait débat.

Plusieurs études récentes sur l'homme sont toutefois venues confirmer en grande partie la dangerosité d'une exposition aux phtalates. En 2008, des chercheurs français ont ainsi pu observer qu'au contact de l'un des phtalates les plus communément utilisés (le DEHP), 40 % des cellules à l'origine de la production des spermatozoïdes disparaissaient au bout de trois jours. En plus d'effets nocifs sur l'appareil reproductif masculin, des corrélations fortes ont été établies entre une exposition aux phtalates et une série de tendances inquiétantes (cancer du sein, troubles comportementaux et cognitif chez l'enfant, effets allergènes et asthmogènes, puberté féminine précoce).

Ces éléments ont conduit la Commission européenne, dans le cadre de la directive 67/548/CEE, à classifier huit des phtalates les plus couramment utilisés comme « toxiques pour la reproduction ». Par ailleurs, l'ensemble des phtalates à l'exception du DINP ont été classés CMR (Cancérigène, Mutagène, Reprotoxique) dans le cadre de la directive 92/32/CEE.

Généralisant une interdiction temporaire renouvelée de 1999 à 2005, le Parlement Européen et le Conseil des Ministres ont adopté la directive 2005/84/CE disposant de l'interdiction de l'utilisation de six phtalates dans les jouets et articles de puériculture en PVC souple susceptibles d'être portés à la bouche par des enfants de moins de trois ans. Cette directive fut transposée en France par le décret n° 2006-1361 du 9 novembre 2006 relatif à la limitation de l'emploi de certains phtalates dans les jouets et les articles de puériculture.

Dans ses recommandations de mars 2009, l'AFSSAPS a identifié trois populations cibles particulièrement vulnérables aux phtalates : les femmes enceintes, les prématurés/nourrissons et les jeunes enfants. Elle invite ces populations à « rechercher des solutions de substitutions » particulièrement dans les unités de néonatologie et de soins intensifs et recommande aux industriels « de mettre en place les recherches nécessaires à la substitution ».

Aujourd'hui les solutions de substitutions existent. Les fabricants de dispositifs médicaux proposent des alternatives (polyéthylène, polyuréthane, silicone) à des prix proches voire identiques aux produits contenants des phtalates. C'est pourquoi la présente proposition vise donc à interdire l'utilisation des 6 phtalates visés par le droit en vigueur aux dispositifs médicaux à destination des femmes enceintes, des nouveaux nés et des jeunes enfants ainsi que dans les sols des unités de soins intensifs, de maternités et de pédiatries. La présente proposition de loi pourrait ainsi répondre à un double objectif : protéger au mieux les populations les plus vulnérables aux phtalates sans mettre en difficulté les établissements de santé.

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