Déposé le 16 juin 2015 par : M. Martin-Lalande, M. Solère.
Rédiger ainsi cet article :
« I. – Tout exploitant d'un moteur de recherche horizontal au moyen duquel plus de 50 % des recherches sont effectuées en France au cours de trois mois consécutifs :
« 1° Met à disposition de l'utilisateur, sur la page d'accueil dudit moteur, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec cet exploitant ;
« 2° Met à disposition des utilisateurs des informations portant sur les principes généraux de classement et de référencement proposés ;
« 3° Veille à ce que ce moteur de recherche fonctionne de manière loyale et non discriminatoire, sans favoriser ses propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec lui ;
« 4° Ne peut obliger un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques, à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet.
« L'Autorité de régulation des communications électronique et des postes détermine les critères d'appréciation du taux des recherches effectuées en France au cours de trois mois consécutifs visé au premier alinéa du I.
« II. – Un moteur de recherche horizontal constitue tout service en ligne dont l'activité consiste à afficher des informations, de nature générale ou commerciale, se rapportant à un ou plusieurs sujets de recherche, proposées au public sur l'ensemble ou une partie substantielle du réseau Internet, sous forme de texte, d'image ou de vidéo et à les mettre à disposition de l'utilisateur en réponse à une requête exprimée par ce dernier, selon un ordre de préférence.
« III. – L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d'office, soit à la demande du ministre chargé des communications électroniques, d'une organisation professionnelle, d'une association agréée d'utilisateurs ou d'une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements à l'une des obligations prévues au I qu'elle constate de la part de l'exploitant d'un moteur de recherche.
« Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions prévues par l'article L. 36‑11 du code des postes et des communications électroniques visant à garantir le respect d'une procédure contradictoire et la proportionnalité de la sanction que l'Autorité peut infliger.
« Par dérogation à l'article L. 36‑11 précité, l'Autorité ne peut infliger que des sanctions pécuniaires dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés et ne peut excéder 3 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. »
L'amendement n° SPE649 adopté en commission spéciale a supprimé l'article 33 decies tel qu'adoptée à l'unanimité par le Sénat, qui visait à encadrer les pratiques de moteurs de recherche dominants dont la puissance technique et économique engendre des entraves au pluralisme, à la liberté de choix des utilisateurs, au droit à l'existence numérique et à la liberté d'entreprendre des acteurs du numérique ; et l'a remplacé par un nouvel article 33 decies poursuivant un tout autre objectif : l'encadrement des plateformes numériques.
Cette démarche est contre-productive : le monopole de la recherche sur Internet se trouve exonéré de toute obligation alors que les autres acteurs – plateformes collaboratives et places de marché – dont l'existence est menacée par le moteur de recherche en situation de monopole, sont soumis à des contraintes nouvelles.
Ce mécanisme instaure une double peine pour les victimes du monopole et protège celui-ci de toute régulation.
Si les consommateurs doivent avoir accès à une information loyale et transparente, c'est avant tout de la part de moteur de recherche dominant et non des acteurs plus petits, qui subissent eux-mêmes l'emprise de cet acteur.
L'amendement n° SPE649 s'est dès lors trompé de cible et vise des opérateurs qui devraient, au contraire, faire l'objet de garanties, par le biais d'une régulation ex ante d'acteurs en position ultra-dominante, afin que leur existence numérique ne dépende pas d'un seul opérateur en mesure de contrôler à tout instant leur visibilité sur Internet et donc leur droit à l'accès à Internet.
Dans un contexte où la stimulation de la croissance et de l'innovation de l'économie française est un enjeu national et face à l'impératif de protection des droits fondamentaux des internautes et des entreprises, il est ainsi urgent de se donner les moyens d'encadrer les pratiques de ces moteurs de recherche, compte tenu des conséquences néfastes qu'occasionnent certaines de leurs pratiques pour nos entreprises et nos internautes. Cet objectif passe par la mise en place d'une régulation ex ante.
Le référencement et le classement des résultats par un moteur de recherche conditionnent en effet très largement la visibilité effective d'une information sur Internet et, partant, l'attention que lui porte l'internaute. Or, ce dernier a tendance à accorder une « confiance abusive » dans les résultats des algorithmes, perçus comme objectifs et infaillibles, notamment car il ne dispose d'aucune information quant aux méthodes utilisées et que, du fait d'accords d'exclusivité, il n'a parfois pas d'autre choix que de se référer aux résultats d'un unique moteur.
En outre, par le truchement du paramétrage de son algorithme et, dans certains cas, de ses conditions générales d'utilisation, un moteur de recherche peut refuser de référencer ou de classer, ou bien déréférencer ou déclasser tout site Internet, et ce, de manière potentiellement discriminatoire, voire arbitraire. Un tel aléa pour les opérateurs économiques présents sur Internet et une telle dépendance vis-à-vis d'acteurs ultra-dominants sont préjudiciables au dynamisme de l'économie française.
Par ailleurs, le mécanisme proposé à vocation à ouvrir le choix aux internautes et non à le restreindre. La présence d'offres alternatives contribuera à la fois à donner à l'utilisateur conscience de la diversité de l'offre en ligne et à lui faire percevoir celle des résultats produits par la variété des méthodes de classement et de référencement.
S'agissant d'une compétence partagée entre l'Union européenne et les États membres, la mise en œuvre d'une telle régulation sectorielle relève de la compétence de l'État français, à défaut de régulation européenne existante à ce jour. Compter sur une régulation européenne ou sur l'intervention du droit commun de la concurrence est illusoire compte-tenu des délais d'intervention requis au niveau européen.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes constitue une autorité idoine pour prendre en charge la mission de contrôler le respect des obligations mises à la charge des exploitants de moteurs de recherche. Afin d'atteindre les objectifs de protection des libertés et fondamentaux des internautes et des entreprises françaises, le pouvoir de sanction conféré à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes se doit d'être dissuasif et implique ainsi que la sanction pécuniaire se fonde sur un chiffre d'affaires mondial et non uniquement français.
En l'absence d'intervention du législateur français, les pratiques du moteur structurant du marché de la recherche sur Internet aboutissant à classer les résultats des recherches des internautes en fonction de critères et de considérations servant ses intérêts économiques propres, sans aucune obligation de transparence, ni de loyauté, continueraient de priver de manière arbitraire des acteurs français dont plusieurs émergents de toute existence numérique. Elle serait susceptible de porter gravement atteinte au pluralisme et à l'objectif de développement de l'écosystème numérique français
Il importe donc de conforter le sens de la disposition votée à l'unanimité au Sénat dans l'objectif urgent de protéger l'économie française du numérique pour le futur.
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