Amendement N° 602 (Retiré)

Croissance activité et égalité des chances économiques

Déposé le 15 juin 2015 par : M. Solère.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Rédiger comme suit l’article 33 decies :

I. – Tout exploitant d’un moteur de recherche horizontal au moyen duquel plus de 50% des recherches sont effectuées en France au cours de trois mois consécutifs :

1° Met à la disposition de l’utilisateur, sur la page d’accueil dudit moteur, un moyen de consulter au moins trois autres moteurs de recherche sans lien juridique avec cet exploitant ;

2° Met à la disposition des utilisateurs des informations portant sur les principes généraux de classement et de référencement proposés ;

3° Veille à ce que ce moteur de recherche fonctionne de manière loyale et non discriminatoire, sans favoriser ses propres services ou ceux de toute autre entité ayant un lien juridique avec lui ;

4° Ne peut obliger un tiers proposant des solutions logicielles ou des appareils de communications électroniques, à utiliser, de façon exclusive, ledit moteur de recherche pour accéder à Internet.

L’Autorité de régulation des communications électronique et des postes fixe les modalités techniques selon lesquelles est apprécié le critère des 50% des recherches effectuées en France au cours de trois mois consécutifs visé au premier alinéa du I.

II. – On entend par moteur de recherche horizontal tout service en ligne dont l’activité consiste à afficher des informations, de nature générale ou commerciale, proposées au public sur l’ensemble ou une partie substantielle du réseau Internet, sous forme de texte, d’image ou de vidéo, et à les mettre à disposition de l’utilisateur en réponse à une requête exprimée par ce dernier, selon un ordre de préférence.

III. – L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut, soit d’office, soit à la demande du ministre chargé du numérique, d’une organisation professionnelle, d’une association agréée d’utilisateurs ou d’une personne physique ou morale concernée, sanctionner les manquements à l’une des obligations prévues au I du présent article qu’elle constate de la part de l’exploitant d’un moteur de recherche.

Ce pouvoir de sanction est exercé dans les conditions prévues par l’article L.36-11 du code des postes et des communications électroniques visant à garantir le respect d’une procédure contradictoire et la proportionnalité de la sanction que l’Autorité peut infliger.

Par dérogation aux dispositions dudit article L.36-11 du code des postes et des communications électroniques, l’Autorité ne peut infliger que des sanctions pécuniaires dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés et ne peut excéder 3% du chiffre d’affaires mondial hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5% en cas de nouvelle violation de la même obligation.

Exposé sommaire :

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui vise à établir une concurrence saine sur plusieurs marchés susceptibles de libérer l’activité économique et de créer de l’emploi, ne peut laisser de côté le secteur du numérique qui constitue un des principaux relais de la croissance économique.

Les moteurs de recherche horizontaux sont la principale porte d’entrée à l’information disponible sur Internet. Or, le comportement de certains acteurs prééminents porte atteinte au pluralisme des idées et des opinions, nuit à l’innovation et entrave la liberté d’entreprendre et le droit à une existence numérique des entreprises.

Il est temps de lutter contre la dépendance croissante de nos sociétés à l’Internet tel qu’il existe aujourd’hui et qui est devenu pour elles un facteur de vulnérabilité et de préserver les droits fondamentaux des internautes.

La question de la loyauté de ces opérateurs à l’égard des acteurs français et européens, ainsi que le droit à une existence numérique des entreprises, sont essentiels, comme l’a relevé le Conseil d’État dans son Étude annuelle 2014 «Le numérique et les droits fondamentaux ».

Dans un contexte où la stimulation de la croissance et de l’innovation de l’économie française est un enjeu national et face à l’impératif de protection des droits fondamentaux des internautes et des entreprises, il est ainsi urgent de se donner les moyens d’encadrer les pratiques de ces moteurs de recherche, compte tenu des conséquences néfastes qu’occasionnent certaines de leurs pratiques pour nos entreprises et nos internautes. Cet objectif passe par la mise en place d’une régulation ex ante.

Le référencement et le classement des résultats par un moteur de recherche conditionnent en effet très largement la visibilité effective d’une information sur Internet et, partant, l’attention que lui porte l’internaute. Or, ce dernier a tendance à accorder une « confiance abusive » dans les résultats des algorithmes, perçus comme objectifs et infaillibles, notamment car il ne dispose d’aucune information quant aux méthodes utilisées et que, du fait d’accords d’exclusivité, il n’a parfois pas d’autre choix que de se référer aux résultats d’un unique moteur.

En outre, par le truchement du paramétrage de son algorithme et, dans certains cas, de ses conditions générales d’utilisation, un moteur de recherche peut refuser de référencer ou de classer, ou bien déréférencer ou déclasser tout site Internet, et ce, de manière potentiellement discriminatoire, voire arbitraire. Un tel aléa pour les opérateurs économiques présents sur Internet et une telle dépendance vis-à-vis d’acteurs ultra-dominants sont préjudiciables au dynamisme de l’économie française.

Le présent amendement permet de préserver la liberté d’entreprendre des opérateurs économiques français, ainsi que le droit à une existence numérique qui en découle. Le Conseil d’Etat n’a pas manqué de relever que les bouleversements économiques suscités par le numérique ont une incidence sur le droit des activités économiques et que loi et la jurisprudence garantissent désormais un droit à une existence numérique des entreprises, qui découle de la liberté d’entreprendre (Conseil d’État, Étude annuelle 2014 «Le numérique et les droits fondamentaux », Cons. const. n° 2010-45 QPC du 06 octobre 2010).

En outre, le mécanisme proposé à vocation à ouvrir le choix aux internautes et non à le restreindre. La présence d’offres alternatives contribuera à la fois à donner à l’utilisateur conscience de la diversité de l’offre en ligne et à lui faire percevoir celle des résultats produits par la variété des méthodes de classement et de référencement.

Enfin, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes constitue une autorité idoine pour prendre en charge la mission de contrôler le respect des obligations mises à la charge des exploitants de moteurs de recherche. Afin d’atteindre les objectifs de protection des libertés et fondamentaux des internautes et des entreprises françaises, le pouvoir de sanction conféré à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes se doit d’être dissuasif et implique ainsi que la sanction pécuniaire se fonde sur un chiffre d’affaires mondial et non uniquement français.

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