Déposé le 20 juillet 2015 par : Mme Carrey-Conte, M. Cherki, M. Paul, Mme Romagnan, M. Sebaoun, Mme Tallard, M. Pouzol, M. Amirshahi, M. Hanotin, Mme Laurence Dumont.
L'article 388 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'évaluation tendant à la détermination de la minorité ne peut être effectuée à partir de données radiologiques de maturité osseuse. »
Cet amendement vise à écarter tout relevé de tests osseux aux fins de détermination de l'âge des jeunes, dont la fiabilité est largement critiquée par la communauté scientifique.
Dans son avis relatif à l'évaluation de la minorité d'un jeune étranger isolé, rendu le 23 janvier 2014, le Haut Conseil de la santé publique a notamment indiqué qu'avec la méthode couramment employée, reposant sur une radiographie de la main et du poignet gauche du jeune, laquelle est comparée avec des clichés de référence se trouvant sur des tables faites à partir d'une population américaine « d'origine caucasienne » dans les années 1930‑1940 (Atlas de Greulich et Pyle) et d'une population britannique de classe moyenne dans les années 1950 (méthode de Tanner et Whitehouse), « des variations ont été mises en évidence en fonction de l'origine ethnique, laissant toujours une imprécision de 18 mois en moyenne » et cite également une étude qui avance que « la lecture indépendante des clichés par deux radiologues spécialisés en imagerie pédiatrique, (…), a montré que leurs évaluations différaient dans 33 % des cas, l'écart étant en moyenne de 18 mois (avec des extrêmes de mois de 39 mois à plus de 31 mois) ».
Cette analyse corrobore celle qui avait déjà été développée par l'Académie nationale de Médecine, au cours de sa séance du 16 janvier 2007.
De même, dans sa décision relative à la situation des mineurs isolés étrangers, rendue le 19 décembre 2012, le Défenseur des droits a par ailleurs émis un certain nombre de recommandations, deux d'entre elles portant précisément sur l'absence de fiabilité de ce procédé.
Il s'agit en outre d'un procédé intrusif, susceptible de fragiliser l'état psychologique du jeune, qui est déjà vulnérable, du fait de son isolement.
Dès le 23 juin 2005, le Comité national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé sur les méthodes de détermination de l'âge à des fins juridiques a procédé à une analyse approfondie, au cours de laquelle elle indique notamment que « la soumission à des investigations radiologiques et à un regard clinique peut apparaître comme porteuse d'une certaine violence (effectuées généralement sans consentement) et peut blesser la dignité des enfants adolescents soumis à un tel regard médical sans comprendre leur finalité, dans une structure hospitalière apparentée alors à une structure policière » et conclut de manière plus générale que « il ne faudrait pas que les difficultés d'évaluation de l'âge réel soient de nature à faire perdre le bénéfice de la protection attachée à l'état de mineur. Si la justice ne peut s'abriter derrière la médecine, elle doit, en revanche, assumer sa responsabilité de respecter avant tout la dignité des personnes (…) et en particulier à ce moment de la vie sans frontières réelles autres que celles établies par une date de naissance ».
L'objectif proposé par cet amendement répond à une recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme qui, dans son avis rendu le 14 juin 2014, préconise de « mettre fin à la pratique actuelle consistant à ordonner des expertises médico-légales de détermination de l'âge reposant sur des examens physiques du jeune isolé étranger. L'évaluation de l'âge à partir d'un examen osseux, des parties génitales, du système pileux et/ou de la dentition doit être interdite. »
D'autres moyens existent pour évaluer l'âge, tels que :
Leur utilisation est effectuée selon des procédés élaborés de manière rigoureuse, déjà répandus dans certains pays (cf. notamment le rapport de l'ESAO – European Asylum Support Office – sous l'égide de l'Union européenne, en date du 13 décembre 2013).
Ces procédés sont par enfin fortement encouragés sur le plan international, notamment par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (Déclaration de bonne pratique), le Conseil de l'Union européenne (résolution du 26 juin 1997), de même que par le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, sessions de 2004, 2005 et 2009).
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