Déposé le 16 juillet 2015 par : Mme Descamps-Crosnier, M. Alexis Bachelay, M. Robiliard, Mme Chapdelaine, Mme Mazetier, M. Clément, Mme Le Dain, M. Raimbourg, Mme Carrey-Conte, M. Popelin, Mme Capdevielle, Mme Bareigts, Mme Untermaier, Mme Zanetti, Mme Laurence Dumont, M. Valax, Mme Crozon, M. Aviragnet, M. Said, Mme Pochon, Mme Sommaruga, Mme Olivier, Mme Appéré, M. Pietrasanta, Mme Corre, Mme Khirouni, Mme Dagoma, M. Mennucci, M. Destans, Mme Bouziane-Laroussi, M. Goasdoué, Mme Tolmont, les membres du groupe socialiste républicain citoyen .
Cet amendement a été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Les dispositions proposées tendent à mettre en œuvre la proposition n° 10 figurant dans le rapport parlementaire sur les immigrés âgés rendu le 2 juillet 2013.
Parmi les immigrés âgés connaissant les situations de précarité les plus préoccupantes, certains vieillissent seuls en France car ils ne peuvent être rejoints par leur famille au titre du regroupement familial. Ils se retrouvent dès lors dans un état d'isolement humainement insupportable, comme l'a souligné Monsieur Yannick Imbert, directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), à l'occasion de son audition par la mission d'information parlementaire sur les immigrés âgés.
Aujourd'hui, les deux principaux obstacles à la venue des familles d'immigrés âgés des pays tiers résident dans l'insuffisance de leurs ressources et l'inadaptation de leur logement. En effet, en application du 1° de l'article L. 411‑5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le regroupement familial peut être refusé si le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille, c'est-à-dire au moins égales au salaire minimum de croissance mensuel. Aux termes du 2° de ce même article, il peut être refusé si le « demandeur ne dispose pas ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant dans la même région géographique ».
Comme le rapporteur l'a souligné, de nombreux immigrés âgés bénéficient de pensions de retraite peu élevées et perçoivent en conséquence des revenus inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Il est certes nécessaire de s'assurer qu'une personne souhaitant faire venir sa famille en France dispose de ressources suffisantes pour lui garantir des conditions de vie décentes. Ce dispositif doit toutefois utilement faire l'objet de quelques aménagements.
Pour remédier à l'isolement total de certains immigrés âgés résidant en logement-foyer ou dans l'habitat diffus, il convient de permettre aux familles de ces immigrés âgés isolés de bénéficier du regroupement familial, en les dispensant de répondre aux conditions posées par la loi relatives au niveau des ressources et à l'adaptation du logement.
Cette mesure est d'intérêt public à plusieurs titres.
Tout d'abord, elle vise à donner consistance au droit au respect de la vie familiale et privée. Elle est strictement encadrée puisque l'étranger devra justifier de 25 ans de résidence régulière à l'âge légal de la retraite. C'est dire qu'il y aura passé a minima près des deux tiers de sa vie professionnelle et donc de la période de constitution de ses droits à pension. Il doit donc pouvoir prendre sa retraite en France et la partager avec sa famille. Il n'est pas inutile de rappeler qu'à l'âge de 60 ans, la durée moyenne d'espérance de vie est de 22,7 années.
Ensuite, elle permettra d'encourager des logiques de solidarité familiales à même de jouer un rôle important en matière de santé publique. L'isolement des étrangers âgés est en effet un facteur d'aggravation de leur santé. Les solidarités familiales peuvent représenter un facteur d'amélioration de l'état de santé de ce public. Cette amélioration ne manquerait pas de rejaillir positivement sur le système de santé et la solidarité nationale.
Le rapport de la mission d'information sur les immigrés âgés du 2 juillet 2013 est venu utilement rappeler que :
Un phénomène de rupture s'observe aujourd'hui avec les personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans d'origine étrangère qui sont plus nombreuses à se déclarer en mauvaise santé, au contraire de leurs aînés de même origine. Par ailleurs, les résidents âgés de foyers de travailleurs migrants subissent un vieillissement précoce : une étude épidémiologique de 2005 du conseil général du Rhône citée par Mme Catherine Delcroix-Howell, responsable du développement social d'Adoma Rhône-Alpes et référente du réseau de santé INTERMED, fait de l'âge de cinquante-six ans le seuil d'entrée, prématurée, dans le vieillissement.
D'après les résultats de l'Enquête santé et protection sociale (ESPS), conduite en 2000‑2002, les étrangers apparaissent en moins bonne santé que les Français. À structure démographique équivalente, l'état de santé des étrangers, considéré dans sa dimension subjective, est également plus altéré que celui des Français.
D'après une étude de l'INSEE, conduite en 1999, sur le risque d'une survenue de la dépendance à partir de soixante ans, citée dans le rapport de l'IGAS de 2002 sur les immigrés vieillissants, la perte d'autonomie se produit en moyenne à quatre-vingt-deux ans pour la population non immigrée, à soixante-dix-neuf ans pour la population étrangère en général, et à soixante-quinze ans pour la population d'origine maghrébine. Selon M. Arnaud Veïsse, directeur général du Comité médical pour les exilés (COMEDE), entendu par la mission, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a récemment mis en évidence une surmortalité élevée, à Paris, des étrangers entre soixante et soixante dix ans, en particulier des femmes d'origine subsaharienne ainsi que des hommes originaires d'Afrique du Nord.
Enfin, le régime dérogatoire proposé concernerait potentiellement 76.000 personnes âgées définies comme isolées (cf. page 76 du rapport de la mission d'information parlementaire sur les immigrés âgés du 2 juillet 2013). Cette mesure est donc limitée à un public identifié.
Les craintes exposées, lors de l'examen en commission, quant aux risques d'utilisation frauduleuse du dispositif proposé, il peut être utilement souligné que les immigrés sont moins souvent célibataires que les non-immigrés. Ainsi, 25 % des immigrés sont répertoriés comme célibataires contre 36 % pour les non-immigrés (cf. Infos migrations n° 71 de juillet 2014). Par ailleurs, et à titre d'illustration, 60 % des résidents de foyers sont mariés. Ainsi, les risques pèsent sur un public circonscrit et pouvant faire l'objet d'un contrôle spécifique.
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