Amendement N° 207 (Rejeté)

Économie bleue

(2 amendements identiques : 35 192 )

Déposé le 1er février 2016 par : Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, Mme Duflot, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, Mme Pompili, M. Roumégas, Mme Sas.

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L'article L. 945‑4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un 23° ainsi rédigé :

«  23° De pratiquer le chalutage en eaux profondes. Un décret en Conseil d'État définit les conditions d'application du présent alinéa. »

Exposé sommaire :

Cet amendement vise à interdire la pêche en eau profonde, conformément à la proposition de loi que le groupe écologiste a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en juillet 2014.

La pêche en eaux profondes se déroule entre 400 et 1 800 mètres de profondeur. La pêche dans ce type de milieu nécessite une gestion particulière, puisqu'elle impacte des écosystèmes très fragiles. Les eaux profondes abritent en effet des espèces dont les caractéristiques biologiques les rendent particulièrement vulnérables à la surpêche : croissance lente – certains poissons peuvent vivre jusqu'à 100 ans, reproduction très fragile avec une maturité sexuelle tardive et un faible taux de fécondité. Ces eaux abritent également de très nombreuses espèces de coraux très vulnérables.

Plusieurs dizaines de publications scientifiques internationales démontrent les impacts ravageurs de la pêche en eaux profondes, notamment du chalutage, sur la biodiversité. Ces publications alertent notamment sur la faible résilience des stocks de poissons d'eau profonde. Surtout, l'absence de cartographie fine des zones sous-marines oblige les pêcheurs à travailler sans références. Ainsi les stocks pour de nombreuses espèces n'ont-ils jamais été évalués.

Le 2 juillet 2014, l'IFREMER a rendu publiques les données qu'elle possède sur l'impact de la pêche en eaux profondes sur la biodiversité. Ces données objectives et officielles, analysées par plusieurs ONG de défense de l'environnement (Bloom, Deepsea conservation coalition, Fondation Goodplanet, Greenpeace, Les amis de la Terre, Oceana, WWF), montrent que les prises accessoires sont massives et concernent des espèces menacées d'extinction. Dans la zone de pêche de l'Atlantique Nord-Est, les chalutiers européens capturent entre 20 et 50 % de prises accessoires, composées d'une centaine d'espèces non ciblées. Par exemple, en 2012, les requins évoluant en eaux profondes ont ainsi représenté 6 % des captures totales des chalutiers français pêchant en eaux profondes et plus de 30 % des rejets totaux ; 232 770 kilos de requins évoluant en eaux profondes, interdits de capture et de débarquement et pour la plupart menacés d'extinction, ont ainsi été rejeté morts dans l'océan puisque considérés comme prises accessoires.

De plus, en 2015, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a conclu dans une évaluation de l'état de santé des poissons des mers européennes que deux des trois espèces ciblées en eaux profondes par les bateaux de pêche sont menacées d'extinction : le grenadier de roche (Coryphaenoides rupestris) est considéré comme « en danger d'extinction » au niveau régional et la lingue bleue (Molva dypterygia) est évaluée comme étant « vulnérable ».

En France, 37 permis ont été attribués pour pratiquer ce type de pêche. Les captures d'espèces profondes représentent environ 1,5 % de l'ensemble des captures de pêche de l'Union européenne. Le New Economics Foundation (NEF), institut de recherche britannique, a publié en 2013 une étude sur la rentabilité de ce type de pêche. En tenant compte des émissions de gaz à effet de serre, plus importantes pour ce type de pêche, du coût des prises accessoires et des subventions, notamment européennes dont bénéficie ce type de pêche, l'étude conclut à la non-rentabilité économique du chalutage en eaux profondes. La somme des coûts environnementaux et énergétiques du chalutage profond se situe entre 389 et 494 euros par tonne de poisson pêché.

Les données rendues publiques par l'IFREMER en juillet 2014 montrent que « le nombre de navires ayant une activité de chalutage de fond en eaux profondes est faible ». En 2012, seuls 12 chalutiers français pêchaient plus de 10 % de leur temps par plus de 600 mètres de fond et seulement 10 pêchaient par plus de 800 mètres de profondeur plus de 10 % de leur temps. Aucun navire n'avait passé plus de 60 % de son temps de pêche au-delà de 800 mètres de profondeur. Ces chiffres sont ceux de l'IFREMER et ne semblent pas contestables, contrairement à ce qui a été affirmé en commission.

Même si la profondeur limite de pêche est renvoyée à un décret, la limite logique est une interdiction à partir de 600 mètres. Une étude britannique de septembre 2015 – citée par l'Organisation Non Gouvernementale Bloom – publiée dans la revue Current Biology et basée sur une analyse des captures de poissons réalisées lors de campagnes de chalutage scientifique en Atlantique Nord-Est conclut : « Limiter le chalutage de fond à 600 mètres de profondeur pourrait être une stratégie de gestion efficace, qui correspondrait aux objectifs des réglementations européennes ». Cette étude montre qu'avec une pêche au-delà de 600 mètres de profondeur, le nombre d'espèces touchées augmente de façon significative, qu'en conséquence, les captures accessoires et les rejets sont susceptibles d'augmenter de façon spectaculaire, que les captures d'espèces particulièrement vulnérables de requins et de raies augmentent également considérablement au-dessous de 600 mètres de profondeur et que la valeur des poissons capturés diminue également avec la profondeur.

Pour toutes ces raisons il convient de prendre urgemment des mesures d'interdiction de ce type de pêche.

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