Déposé le 1er février 2016 par : Mme Abeille, M. Alauzet, Mme Allain, Mme Attard, Mme Auroi, M. Baupin, Mme Bonneton, M. Cavard, M. Coronado, M. de Rugy, Mme Duflot, M. François-Michel Lambert, M. Mamère, Mme Massonneau, M. Molac, Mme Pompili, M. Roumégas, Mme Sas.
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement, qui les rend publiques, les données de subventionnement public du secteur de la pêche, afin d'optimiser l'allocation des fonds publics selon les objectifs des trois piliers du développement durable et d'améliorer la gouvernance ainsi que la performance socio-économique et écologique du secteur de la pêche en France.
Les subventions publiques peuvent être bénéfiques ou néfastes au développement durable du secteur de la pêche. Les subventions bénéfiques permettent le développement du secteur de la pêche selon les trois axes économique, social et environnemental du développement durable. Elles permettent ainsi au secteur de se structurer de façon à être compétitif par rapport aux autres nations et au marché. Les aides classables comme « bénéfiques » doivent également permettre aux acteurs et aux entreprises du secteur de la pêche de répondre et s'adapter à la mutation profonde du secteur caractérisée par des exigences citoyennes de plus en plus élevées en matière environnementale (méthodes de pêche sélectives, préservation du milieu marin, circuits courts) et sociale (pêches de proximité (françaises), conditions de travail dignes, ratio élevé d'emploi par kilo de poisson pêché…) Les subventions bénéfiques permettent également une meilleure connaissance scientifique de l'état des stocks, une meilleure gestion des pêches, un contrôle accru évitant les fraudes, la surpêche et les pêches illicites. Elles encouragent également une conversion des méthodes de pêche impactantes vers des méthodes douces. A l'opposé, les subventions néfastes sont celles qui contribuent à l'augmentation de l'effort de pêche dans un contexte de dégradation très avancée des ressources halieutiques, ou qui maintiennent, voire encouragent, les méthodes de pêche destructives dans un environnement marin déjà très altéré.
Une politique de subventionnement public doit viser à augmenter la compétitivité du secteur, à maintenir l'emploi et le maillage socio-économique des territoires et à assurer la santé de l'environnement marin et des stocks halieutiques dont les activités de pêche dépendent. En l'absence de connaissance des aides allouées au secteur de la pêche, les gestionnaires et autorités se trouvent dans l'incapacité de flécher celles-ci selon les objectifs décrits ci-dessus. Il est dès lors impossible de mettre en œuvre une politique de structuration à long terme afin d'enrayer l'hémorragie du secteur de la pêche (perte drastique du nombre d'emplois, diminution de la valeur des captures débarquées et du nombre de bateaux).
En septembre 2015, les Nations unies ont validé les Objectifs de développement durable, dont le 14ème est de « conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable ». En particulier, cet Objectif vise à, « d'ici à 2020, interdire les subventions à la pêche qui contribuent à la surcapacité et à la surpêche, supprimer celles qui favorisent la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et s'abstenir d'en accorder de nouvelles, sachant que l'octroi d'un traitement spécial et différencié efficace et approprié aux pays en développement et aux pays les moins avancés doit faire partie intégrante des négociations sur les subventions à la pêche menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ».
En France, la Cour des Comptes s'est penchée sur la question des fonds publics alloués au secteur de la pêche. Le rapport révèle plusieurs problèmes aigus :
les aides consenties sont incohérentes en regard des objectifs nationaux de développement durable et de la Politique commune des pêches établie au niveau européen (elles ont accru la capacité de pêche et imposé une pression excessive sur les stocks de poissons au point que le rapport conclut que « Beaucoup de temps et de subventions seront nécessaires pour rétablir un équilibre entre la puissance de la flotte et les stocks de poissons »)
les aides ne sont pas répertoriées par une instance centrale et personne n'est donc en mesure d'établir une image claire des aides financières accordées au secteur de la pêche ;
les subventions sont « supérieures au chiffre d'affaires si on inclut les aides à la protection sociale » et représentent, « si on ne les inclut pas, un montant significatif de leur chiffre d'affaires et probablement plus de trois fois leur excédent brut d'exploitation, ceci hors dépenses fiscales et aides des collectivités territoriales » ;
Les aides publiques ne poursuivent même pas l'objectif prioritaire de maintien de l'emploi, aucun des dispositifs d'aides étant conditionné à un engagement de maintien ou de développement de l'emploi. « L'emploi est régulièrement invoqué pour justifier l'objectif de maintien de l'activité et des entreprises de pêche. La maximisation de l'emploi est pourtant singulièrement absente de la gestion des dispositifs. »
Actuellement, la DPMA ne publie que très peu de données de subventionnement du secteur de la pêche. Les rares fichiers mis en ligne le sont de manière irrégulière et leur format ne permet pas à des observateurs tiers de procéder à une évaluation des aides publiques allouées au secteur de la pêche et accordées par l'Union européenne, l'État, les régions ou les collectivités territoriales.
En raison du déficit de transparence, il s'avère donc impossible de retracer les aides directes et indirectes (renonciations de prélèvement concédées par l'État) consenties au secteur de la pêche dans les comptabilités nationales. Or, toute réforme du secteur de la pêche dans une optique de développement durable nécessite de disposer d'un inventaire complet des dispositifs existants. Un tel inventaire est indispensable pour évaluer les performances socio-économique et écologique du secteur et déterminer si les subventions allouées sont en conformité avec les objectifs de développement durable fixés par les instances nationales et supranationales.
Rendre transparentes les subventions allouées au secteur de la pêche ne saurait nullement confronter la France à un quelconque « dilemme du prisonnier », consistant à pénaliser le seul acteur à appliquer les règles du jeu. En d'autres termes, si la France appliquait le principe de la transparence pour les aides qu'elle alloue à son secteur de la pêche, celui-ci ne souffrirait pas d'une perte de compétitivité relativement aux autres nations de pêche européennes, au contraire. Les aides au secteur de la pêche en France ont contribué et continuent sans doute (sans transparence, nulle façon de s'assurer du contraire) à enfoncer le secteur dans une crise durable. Sans remettre en cause le principe des aides accordées au secteur de la pêche, la publication des données est la seule façon d'assurer une gouvernance et une compétitivité améliorées du secteur à long terme et un meilleur fléchage des aides.
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